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  1. 2009/03/30
    쌩시몽, Société industrielle (av. marx, weber)
    tnffo
  2. 2008/12/24
    도시 & 산업부르조아 계급의 탄생 (Marx/Weber)
    tnffo

쌩시몽, Société industrielle (av. marx, weber)

Industrie, europe et socialisme... Saint-Simon le précurseur

 

(...) Saint-Simon, relégué au rang des «socialistes utopiques» par les marxistes et les manuels d'histoire qui les ont hâtivement suivis, apparaît comme un authentique visionnaire. De quoi nous parle-t-il en effet ? Rien de moins que de la société industrielle en train de naître. Cet aristocrate de grande famille, qui était allé épauler les Américains dans leur guerre d'Indépendance (il participa à la mémorable bataille de Yorktown), est le premier des grands déchiffreurs du monde moderne. Il en repère très vite l'armature et les vices d'organisation. A ses yeux, la Révolution française n'a fait qu'une partie du travail : l'accouchement historique doit se poursuivre. A la phase de destruction doit succéder celle de construction. Toute l'oeuvre de Saint-Simon s'y emploie.

On trouve sous sa plume la plupart des concepts que redécouvrit le XXe siècle. Sa principale ambition ? Faire que la politique passe du statut incertain de «science conjecturale» aux mains des inhabiles, ceux qu'il fustige du nom de «métaphysiciens» - à celui de science positive, appuyée sur les lois dégagées par une «science de l'homme» qu'il aspire à fonder. Chez Saint-Simon, on parle ferme et on rejette les descriptions nuageuses. La société se définit selon ses «classes» dont l'une, «la plus pauvre et la plus nombreuse», finit par occuper le centre des préoccupations du sociologue philosophe. Il en fit sa priorité dans l'un de ses textes les plus connus et les plus commentés : «le Nouveau Christianisme» (1825).

 

L'aspect qui a le plus retenu l'attention de ses disciples et de tous ceux qui se penchèrent sur son oeuvre est la place qu'il accorde aux élites productives dans «l'administration des choses», privilégiant ainsi une approche économique. Le «gouvernement des hommes», qui toujours retint davantage l'attention des philosophes, le préoccupe moins : il fut d'ailleurs assez indifférent aux régimes qui se succédèrent tout au long de sa vie, de la révolution de 1789 à la Restauration. Il conçoit la «classe industrielle», qu'il place au sommet de la société, comme celle qui rassemble tous ceux qui, de bas en haut, contribuent à la production des richesses. Il n'en exclut pas les «intellectuels», autre terme dont il semble être le premier utilisateur, bien avant l'affaire Dreyfus...

On doit aussi reconnaître en Saint-Simon l'un des pères de l'Europe politique. Il fit de cette notion l'une des clés de l'avenir. La brochure qu'il consacra à ce sujet reste encore l'un des classiques de l'histoire de l'idée européenne. Il n'est que d'y puiser quelques citations pour y voir sa force d'inspiration. Son titre à lui seul vaut tout un programme : «De la réorganisation de la société européenne ou De la nécessité et des moyens de rassembler les peuples de l'Europe en un seul corps politique, en conservant à chacun son indépendance nationale».

Sa pensée complexe, caractéristique des «assemblages» du XIXe siècle, séduisit les esprits les plus brillants. Une première génération de disciples se manifesta dans le temple du positivisme qu'était l'Ecole polytechnique. Saint-Simon y avait lui-même débauché l'un de ses «secrétaires», qui fut aussi un vrai collaborateur : Auguste Comte, le fondateur de la philosophie positive. Les pratiques sectaires de ce qui finit par constituer une «Eglise» saint-simonienne et la religiosité échevelée de certains adeptes ont contribué à masquer les origines intellectuelles du saint-simonisme, tout ancrées dans la foi en la Science et le Progrès, et ses réalisations, d'un réalisme à toute épreuve. Car il y eut aussi un saint-simonisme en actes. Si, à la différence du marxisme, l'on ne connaît pas de réalisations politiques issues de la pensée saint-simonienne, les accomplissements où se mêlent grands projets industriels et vues politiques furent nombreux. Des fondateurs de banques modernes, des hommes d'affaires, des entrepreneurs aux origines des chemins de fer, Rodrigues, d'Eichtal, les frères Pereire,Talabot ou, à Lyon, Arlès-Dufour, combinent leurs intérêts de capitalistes avec leurs idées de saint-simoniens.

 

Dans le domaine intellectuel, sa postérité est à rechercher du côté des sciences sociales. Emile Durkheim fut l'un des grands admirateurs du vieux comte oublié, qu'il s'employa à dépoussiérer. Quelques-uns de ses disciples, comme Célestin Bougie, poursuivirent le travail et conservèrent la même admiration pour un homme qui n'avait rien cherché d'autre que de définir un lien social dans une société déchirée par les ruptures de la grande Révolution. N'est-ce pas l'éternelle tâche des sociologues que celle de réfléchir sur les conditions qui rendent possible le vivre ensemble ? Saint-Simon fut ainsi sanctifié comme père de la sociologie. Rien d'étonnant, donc, à ce que l'historien François Furet prît, à l'orée des années 1 980, la tête d'une Fondation Saint-Simon où se confrontèrent analyses et opinions des nouveaux «industriels» : patrons, syndicalistes, intellectuels. La Fondation s'éteint avec le XXe siècle. Comme si s'était alors refermé un XIXe qui, après tout, n'avait pas été si «stupide».

 

Christophe Prochasson / Le Nouvel Observateur, Nº2250, SEMAINE DU JEUDI 20 Décembre 2007
http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/parution/p2250/dossier/a363044-saintsimon_le_pr%C3%A9curseur.html

 

 

cf.) http://hypo.ge.ch/www/cliotexte//html/braudel.socialisme.html
TEXTE de Fernand Braudel : Le socialisme face à la société industrielle
Extrait de F. Braudel, Grammaire des civilisations , Paris, 1963, réédition : Paris, 1987, pp. 420-428.

 

http://agora.qc.ca/reftext.nsf/Documents/Henri_Comte_de_Saint-Simon--Le_saint-simonisme_par_H_Bourgin
Le saint-simonisme, par H. Bourgin // Socialisme, industrie, travail, organisation de la société, morale sociale, Auguste Comte, Adolphe Blanqui, Enfantin, Bazard / «La société, au début du XIXe siècle, souffre du malaise qui annonce la fin d'une période critique. Cette période est caractérisée par les symptômes habituels: des efforts sont faits en tous sens, mais il n'y a pas d'action d'ensemble, pas d'organisation; l'individualisme et la concurrence accumulent tous les maux du hasard et de l'intérêt personnel.»

 

 


 

 

앞에 나온 쌩시몽(1760~1825) 대강에 대한 소갯글은 쓴 사람이 그 2년 전에 <쌩시몽 또는 반-맑스>(2005)라는 책을 냈고, 이어서 '까날아카데미'라는 곳에 출연하여 이 책과 쌩시몽의 주변사 등을 설명한 적인 있는 모양이다. 그 영상물(58분)과 간단한 텍스트가 밑에 이어진다. 저자에 대한 신뢰가 의심스러운 경우는 뤼마니떼에 실렸던 다음의 서평을 먼저 확인하는 것도 좋겠다.

서평: http://www.humanite.fr/2006-11-26_Tribune-libre_Saint-Simon-socialiste-utopique-et-scientifique

영상물 주소: Adresse de cet article : http://www.canalacademie.com/Saint-Simon-ou-l-anti-Marx.html
Date de mise en ligne : 1er janvier 2005, Emission proposée par : Christophe Dickès

 - Saint Simon ou l’anti-Marx, Ed. Perrin, 2005    Saint-Simon ou l’anti-Marx

Saint-Simon ou l’anti-Marx

Un ouvrage de Christophe Prochasson

Original, en ce début du XXIème siècle, de se tourner vers l’énigmatique comte de Saint-Simon, aristocrate excentrique, né en 1760 et mort en 1852. Christophe Prochasson explique pourquoi dans son dernier ouvrage : Saint Simon.
Saint-Simon
Saint-Simon

Inclassable, Saint-Simon n’en a pas moins marqué l’histoire des idées politiques. Né en 1760, mort en 1825, Claude-Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon, possède une postérité controversée. Auteur de la biographie politique de Saint-Simon, Christophe Prochasson revient sur sa vie, son œuvre et son influence au cours des XIXème et XXème siècles.

Pourquoi, au début du XXIe siècle, se tourner vers l’énigmatique comte de Saint-Simon, né en 1760 et mort en 1825 ? Aristocrate excentrique, cousin éloigné du célèbre mémorialiste de la cour de Louis XIV, écrivain fantasque aux idées extravagantes, Saint-Simon hante l’histoire des idées politiques françaises depuis deux siècles.

Aventurier philosophe auréolé d’une étrange légende faite d’actes héroïques et de visions surprenantes, il avait laissé sa pensée si ouverte qu’il fut en mesure de répondre à toutes sortes de besoins politiques et intellectuels : le libéralisme du XIXe siècle, le socialisme réformiste et scientifique de la fin du XIXe siècle, le néo-socialisme des années 30, la technocratie réformiste des années 60, jusqu’à une fraction de la deuxième gauche qui fonda dans les années 80 une "Fondation Saint-Simon" ayant rassemblé syndicalistes, patrons, hauts fonctionnaires et intellectuels, ces "forces vives de la nation".

Preuve, s’il en était besoin, que sa figure comme sa curieuse doctrine n’ont pas perdu de leur actualité. Cet ouvrage tente de restituer les aventures de cette pensée cachée et cependant toujours présente. Couvrant deux siècles d’une histoire politique française saisie au travers des grandes idées qui ont eu l’occasion de s’y déployer. Ennemi de la politique qu’on appellerait aujourd’hui "politicienne", celle que préformatent les idéologies et les clientèles, Saint-Simon rêvait d’une "administration des choses" déterminée selon les lois de l’intérêt général qu’éclaireraient le seul régime de la raison.

 

Christophe Prochasson est professeur à l’Ecole des Hautes Etudes en sciences sociales. Il est spécialiste de l’histoire politique et culturelle de la France à l’époque contemporaines à laquelle il a consacré plusieurs articles et ouvrages.

Ses œuvres

- Les intellectuels, le socialisme et la guerre, 1900-1938 (1993)
- Au nom de la patrie, 1996
- Paris 1900, 1999
- Intellectuels et le socialisme, 1999
- Essai d’histoire culturelle, 1999
- La France du XXe siècle : Documents d’histoire, 2004
- Vrai et faux dans la Grande Guerre, 2004
- Saint Simon ou l’anti-Marx, 2005

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도시 & 산업부르조아 계급의 탄생 (Marx/Weber)

현대사회를 표상하는 상징적 모습이 도시일 것이다. 정치적 의미라기보다는 사회적 의미의 계급 탄생을 촉발하고 중산층이라는 우유부단한, 그러나 정치적 결정에 있어서는 아주 중요한 역할을 담당하는 계층을 만든 주요 요인도 도시일 것이다. 익히 막스 베버는 이러한 지점에 착안하여 <도시>라는 단편을 쓰기도 했듯이, 현대 도시에 거주하는 산업 부르조아 계급의 탄생은 우리의 계급 시스템에 상당히 결정적인 요인으로 작동하는 것도 분명하다. 이하 두 편의 관련 글을 통해 그 대강의 흐름과 중요성의 위치를 가늠해 본다: 1) 도시를 어떻게 연구할 것인가; 2) 19세기 산업화와 연계된 사회적 변형 (맑스/막스 베버).

 

 

Comment étudier la ville ? par Denis Tersen [22-12-2008]

[서평 대상] Recensé : Vivre en ville. Observatoire mondial des modes de vie urbains, sous la dir. de Julien Damon, Paris, PUF, 2008, 250 p., 14€.

   
La ville est le point focal de tous les débats sur la mondialisation des styles de vie et le « vivre ensemble » dans les sociétés modernes. Vivre en ville y apporte une approche pluridisciplinaire bienvenue, ainsi qu’un tableau optimiste d’une « urbanisation heureuse ». L’étude des modes de vie urbains qu’il propose peut cependant être approfondie.

Vivre en Ville


Table des matières
1. L'enquête sur les modes de vie urbains dans le monde : démarche et principaux résultats
2. L'urbanisation du monde et des populations
3. Le monde comme ville ? Les territoires de l'homo urbanus
4. Les jeunes et la ville
5. Mobilité et qualité de vie en ville
6. La ville, ses habitants et le développement durable
7. La globalcity et ses critiques ; Tensions dans l'espace urbain et divisions des classes moyennes
8. Inégalités et pauvretés urbaines ; Evolutions mondiales et perspective transnationale
9. La gouvernance métropolitaine
10. Fragments d'un monde urbain en devenir


Si les gens de finance, emportés par l’hubris, n’avaient poussé le monde dans une crise systémique majeure, 2008 eût été désigné comme « l’année de la ville », celle où le nombre d’habitants vivant dans les villes au niveau mondial a dépassé celui des ruraux – ils n’étaient que 10% en 1900 – ; où le prix Nobel d’économie récompense un fondateur de la nouvelle géographie économique, Paul Krugman, chantre des effets d’agglomération ; où la banque mondiale consacre son rapport annuel sur le développement aux bienfaits de l’urbanisation. Il n’est pas jusqu’au débat français, qui, du schéma directeur régional de l’Île-de-France en projets concurrents de Grand Paris, n’aurait été absorbé par la discussion stratégique sur l’avenir métropolitain. La crise financière nous a replongés dans Keynes et les plaisirs nostalgiques de l’État développeur, en attendant l’introuvable régulation mondiale. Cela passera peut-être, se transformera inévitablement. La ville – et ses habitants de plus en plus nombreux – resteront.

C’est le mérite de Vivre en ville, ouvrage collectif réalisé sous la direction de Julien Damon, de le marquer à travers des commentaires appropriés sur le devenir urbain en partant de l’enquête Ipsos, réalisée pour le compte de Veolia Environnement et présentée dans un projet « d’observatoire mondial des modes de vie urbains ». Rappelons la nature de l’enquête qui sert de matériau – de prétexte ? – au livre : 8500 personnes interrogées dans quatorze grandes villes mondiales (environ 600 par métropole), des villes du Nord essentiellement, deux villes chinoises (Shanghai, Pékin), deux métropoles du monde en développement, bien seules (Mexico, Alexandrie). L’interrogation sur « l’être en ville » a été menée en ligne et complétée par une phase qualitative réservée aux jeunes urbains bien dotés en capital culturel ou économique.

Le biais est donc fort, comme le défi lancé aux auteurs : poser les jalons d’une réflexion sans conteste indispensable sur l’homo urbanus, en partant du « bobo urbanus  » [1] jeune et « nordiste » alors que l’urbain de demain sera certes jeune mais surtout « sudiste » ou « émergent », et très grisonnant au Nord. Cela donne une introduction où il apparaît, sans grande surprise, que l’habitant des villes est plutôt heureux – « la ville rend libre »-, satisfait des possibilités d’ouverture au monde et de l’accès aux loisirs et à la culture offerts par la vie urbaine mais inquiet des perspectives en matière de sécurité et de qualité de l’environnement.

Mais le défi est relevé… c’est la force d’un livre que de permettre au lecteur de gagner en profondeur et en richesse d’analyses et donc en plaisir au fur et à mesure de la lecture. Inégalités, polarisation sociale, menace sur le développement durable, pauvreté, catastrophes à venir… Le tour est complet même si la tentation est grande, comme le monde est désormais urbain, d’en ramener tous les malheurs à la ville. « Le bonheur des villes » dont parlait Alain Cluzet [2], qui ressort largement de l’enquête, laisse finalement de plus en plus de place à la « ville-monde/ville monstre » [3] de Saskia Sassen. Vivre en ville 2008 invite alors à approfondir trois questions.

 

La ville, levier de la mondialisation
La première est celle de l’apparition de l’homo urbanus et de la perspective, débattue en économie, de la convergence (ou de l’uniformisation). À travers l’urbain, une communauté mondiale verrait-elle le jour ? Communauté interdépendante de destin (bâtir la densité soutenable), de pratiques et de vies, de liens (les villes lieux d’ouverture au monde, de migrations temporaires ou durables, de réseaux mondiaux). Convergence réelle mais relative. De la même façon que la mondialisation n’a pas fait disparaître la diversité des capitalismes, l’urbanisation généralisée souligne l’existence de plusieurs types d’homo urbanus, au dessin encore flou dans l’enquête, parmi lesquels il faudrait certainement distinguer l’urbain classe moyenne et optimiste asiatique, l’urbain anglo-saxon stressé, dynamique et socialement polarisé [4], l’urbain continental se voulant équilibré et cultivé, l’urbain des mégalopoles du tiers-monde grand oublié de l’observatoire mondial. À chacun de ces types, correspondraient une réalité et des projets urbanistiques physiquement incarnés.

Construction théorique ? Pas seulement. Dans la recherche d’un dépassement des tensions est-asiatiques (Chine, Japon, Corée, Taïwan) héritées d’un XXe siècle qui n’est pas digéré, le METI japonais s’est efforcé dans le nouveau siècle de penser une intégration régionale, politiquement introuvable, par la culture urbaine [5]. Une classe moyenne asiatique s’épanouit dans les villes. Elle a les mêmes habitudes de consommation, des styles de vie proches, une passion technologique partagée. Elle a un intérêt fort dans les produits « culturels » régionaux (séries télévisées, films, disques, modes, produits technologiques multimédias). Elle se construit sur des échanges d’étudiants, de touristes, d’artistes, de biens culturels. Elle pourrait être facteur de meilleure compréhension et moteur d’unité régionale [6].

Le deuxième point est la question démocratique. L’urbain de l’Observatoire mondial est habitant, usager, consommateur…peu ou pas citoyen ou acteur de l’élaboration et de la mise en œuvre du projet urbain. On est loin de la « métropole planifiée et négociée » autour du « partage des expertises et de la connaissance » [7] voulue lors de la révision du schéma directeur de la Région Île-de-France. Au delà des querelles sans solution de design institutionnel qui font le délice des spécialistes et dont l’étalonnage mondial ne renvoie à aucun modèle incontestable mais bien aux idiosyncrasies nationales [8], se pose le problème de la gouvernance, comme alternative post-fordiste au gouvernement, c’est-à-dire l’élaboration et la conduite des politiques publiques à travers des interventions collectives, de préférence coordonnées, des différents niveaux de gouvernements, des institutions publiques autonomes [9], des acteurs privés « constitués » – les milieux économiques, les différents groupes d’intérêt – et de la participation citoyenne. Alors quelle route vers le gouvernement 2.0 puisque les urbains de l’enquête sont sur la toile [10] ? Tout aussi déterminante pour la question démocratique est l’intégration des nouveaux urbains migrants dans les processus de choix collectifs – immigrés des métropoles occidentales ou japonaises, mingong chinois [11] – puisque l’attraction métropolitaine dépasse les vieilles frontières de l’État-nation et se nourrit de la diversité culturelle et ethnique. Diversité, gouvernance, démocratie : le vivre en ville devra aussi y répondre, d’autant qu’il est confronté aux exigences urbaines en matière de qualité environnementale, d’équipements collectifs, notamment pour les transports, de convivialité et de préservation du niveau de vie.

Un troisième enjeu constitue un angle mort de Vivre en ville  : c’est celui de l’homo urbanus producteur. Il faut attendre plus des deux tiers du livre pour le voir apparaître comme tel. Pourtant la ville enfle parce qu’il y a bénéfice de l’agglomération pour l’économie. Et comme l’urbain se veut acteur responsable et « soutenable », la métropole post-fordiste – au moins au Nord – étant de plus en plus investie dans la production immatérielle et les industries et services de la création, il va pouvoir concilier engagement personnel et professionnel.

L’homo urbanus appelé à résoudre le défi des biens publics mondiaux ? Cela nous ramène au débat premier sur la métropole comme constitutif du global, sous forme en quelque sorte d’un « globurban » encore à concevoir. Les deux sont en effet inséparablement liés même si les économistes internationalistes rencontrent rarement les spécialistes de la ville. Est-ce un hasard si une des meilleures expertes en planification urbaine, Saskia Sassen, a précédé d’une demi décennie Joseph Stiglitz pour analyser la « mondialisation et ses mécontentements » [12] ? Un des intérêts de l’approche pluridisciplinaire de Vivre en ville est précisément d’inviter à une telle rencontre... et de la prendre au sérieux. En faisant semblant de croire les résultats subjectifs de l’observatoire mondial des modes de vie urbains – « une urbanisation heureuse » – tout en gardant à l’esprit les nombreux correctifs objectifs apportés par les co-auteurs de l’ouvrage, ne pourrions-nous dessiner une réponse métropolitaine aux défis ouverts de la « mondialisation malheureuse » ou tout du moins perçue comme telle dans notre pays ?

À plus court terme, n’y-t-il pas urgence à proposer une contribution urbaine à la résolution de la crise : par l’investissement et l’expérimentation écologique dans les villes, le développement des services du lien social, la construction d’un nouvel imaginaire habité, autour de la création, le transfert de technologies urbaines vers les métropoles du tiers monde… un appel à un new urban deal… (par Denis Tersen [22-12-2008])

 

Notes

[1] Deux illustrations : la métropole parisienne est la ville « intra-periphericos » et oublie les 9 millions de franciliens non-parisiens, Tokyo est réduite au gouvernement métropolitain de Tokyo et à ses 12 millions d’habitants, très en deçà de la population de la conurbation de Keishin (35 millions) englobant en plus de la capitale impériale Saitama/Kawasaki/Yokohama.

[2] Au bonheur des villes, Éditions de l’Aube 2003.

[3] Raisons politiques n°14, 2004.

[4] À rebours de nombreuses études, Londres sort relativement dévalorisé du sondage Ipsos.

[5] Cf. les « livres blancs » 2004 et 2005.

[6] L’harmonie économique et politique par la culture sous influence indolore de la soft power japonaise : le projet n’est pas gagné. L’agglomération peut aussi concentrer toutes les frustrations et être accueillante aux tentatives de manipulations et aux « vieux » réflexes nationalistes.

[7] Valérie Mancret-Taylor et alii, Île-de-France 2030 – ateliers de création urbaine – futurs possibles, édition Dominique Carré 2008.

[8] Londres s’est redressé à partir du milieu des années 1980 sans gouvernement londonien puis avec une gouvernance fragmentée et sur le papier inefficace – une Greater London Authority faible, deux régions voisines mais métropolitaines de fait, non coordonnées, 33 boroughs. Il n’y a pas eu plus de démarches coopératives explicites entre acteurs de type « cluster » – les pôles de compétitivité pour faire une analogie française – à l’exception de la City. Donc cela marche avec la main ou la poignée de mains invisibles – la force des liens faibles et la bière dans un pub ou les agapes partagées des grands restaurants.

[9] Pour un exemple d’alternative stratégique dans un domaine essentiel pour l’avènement d’une métropole de la connaissance cf. Ariane Azema, « les universités d’Ile de France : une exception ? », Cahiers de l’IAURIF n°143 -2005.

[10] En Australie, un site « mystreet.com » permet de signaler en temps réel les nids de poule ou les objets abandonnés dans la ville.

[11] Sur les mingong lire le très beau livre de Stéphane Fière, La promesse de Shanghai, édition « Bleu de Chine » 2007.

[12] Globalization and its discontents par Saskia Sassen (New Press 1998), par Joseph Stiglitz (WW Norton and company 2002).

[출처] Si vous souhaitez critiquer ou développer cet article, vous êtes invité à proposer un texte au comité de rédaction. Nous vous répondrons dans les meilleurs délais : redaction@laviedesidees.fr.

 

 


 

LES TRANSFORMATIONS SOCIALES LIEES A L'INDUSTRIALISATION AU XIXème SIECLE

http://www.chez.com/aehsc/transformationsociales.htm


Le changement des conditions d'organisation de la production sous l'effet de la proto industrialisation, de l'apparition des métiers mécaniques vont être des éléments importants de l'évolution des conditions sociales au XVIIIème.

L'importance croissante du marchand fabricant dans l'organisation économique et sociale va s'accompagner d'une progression lente mais inexorable vers le salariat et le travail dépendant d'une partie croissante des masses populaires qu'elles soient rurales ou urbaines. 

L'émergence de la manufacture puis de la machine à vapeur qui augmente à la fois le rendement du travail et des machines existantes (textile, forge…), va accroître le phénomène de prolétarisation et de destruction des modes de vie antérieurs. Cependant la plus grande partie du XIXème est marquée par la coexistence des formes de travail traditionnelles et proto industrielles et des formes modernes de travail concentrées. Les formes de travail traditionnelles après avoir résisté et connu même des regains à certaines périodes (ex : la modernisation de la filature relancera le tissage à domicile en retard techniquement) céderont progressivement le pas au travail moderne et aux usines. Dans le textile la concurrence des usines modernes avec les tisserands et les fileurs à domicile se fait de plus en plus rude imposant à ceux ci des baisses de revenus importantes pour faire face aux machines modernes (sweating system). Les ouvriers proto industriels sont progressivement amenés à travailler dans les ateliers et les usines qui se développent dans les villes. La "fabrique", l'usine imposent une transformation radicale des conditions de vie en même temps qu'un processus de déqualification du travail. 

Cependant si les transformations des techniques et de l'organisation de la production sont décisives dans les transformations sociales du XIX, il convient de souligner la profonde transformation des idées politiques liées au siècle des lumières et à l'idéal de la révolution française, qui met fin au privilège de naissance aux systèmes de stratification sociale hiérarchique pure des sociétés d'ordres.

Au XVIII, les philosophes des lumières vont rompre avec la vision hiérarchique de monde pour fonder un nouveau projet égalitaire. Les bouleversements sociaux et politiques européens lui donnèrent une traduction juridique : l'égalité des droits entre tous les individus quelles que soient leurs différences. La fin des privilèges de naissances créait un nouvel horizon pour les identités individuelles et une profonde ambiguïté : l'égalité signifie-t-elle l'abolition des privilèges ou la possibilité pour tous d'accéder aux privilèges anciens.

L'égalité dans les faits ne se réalisera pas au XIXème. Au contraire, le siècle de la Révolution industrielle vit se développer de nouvelles inégalités qui se sont perpétuées jusqu'à nos jours.

Mais l'égalité de tous devant la loi modifie radicalement la représentation que chacun peut se faire des hiérarchies sociales. Leur légitimité est sans cesse remise en cause. Elles sont vécues comme "injustes".

Face à cet ébranlement d'un monde figé et à des transformations sociales marquant un "désenchantement" des relations sociales se développent des démarches intellectuelles qui auront pour objet de comprendre ces transformations sociales. Une science humaine nouvelle émerge progressivement au XIX, la sociologie, qui tentera d'objectiver la réalité sociale en forgeant des outils d'analyse.

Après avoir décrit les nouvelles réalités sociales du XIX sans oublier que ces transformations sont lentes dans des sociétés encore fortement marquées par la ruralité, nous verrons la constitution de deux traditions sociologiques au XIXème siècle sur la question de la stratification sociale. 

 

1 - Les transformations sociales au XIXèmme siècles 

1.1- La condition ouvrière et la naissance de la "classe ouvrière" 

La première question que l'on peut se poser est l'origine des ouvriers.

Marx fut l'un des premiers à élaborer un schéma explicatif de l'origine de la classe ouvrière.

Les cottagers et les yéomen paupérisés quittent massivement les campagnes où ils ne peuvent subsister et viennent s'installer dans les villes, au début du processus d'industrialisation. La concurrence entre les travailleurs pour l'emploi permet aux employeurs de faire pression sur les salaires et les conditions de travail. La "loi d'airain des salaires" de Ferdinand Lasalle appliquée aux salaires industriels constitue une des bases de la théorie marxiste. "La loi d'airain économique qui, sous le régime de l'offre et de la demande, règle les salaires, se formule ainsi : le salaire moyen ne dépasse jamais ce qui est indispensable conformément aux habitudes nationales, pour entretenir l'existence des ouvriers et continuer sa race."(F. Lasalle). Cette loi a pour fondement la loi de l'offre et de la demande et la loi de population de Malthus. Marx voit dans ce processus l'image d'"une armée de réserve du capital".

Cette vision de Marx s'applique assez bien à l'Angleterre où l'exode rural est précoce et où il existe bel et bien une masse de main d'œuvre d'origine rurale disponible pour le travail industriel, d'autre part l'Angleterre est bordée de zones économiquement déprimées qui vont lui servir de bassin de main d'œuvre bon marché (Irlande, Ecosse, Galles). Dans les villes anglaises le taux de chômage était en permanence au moins égal à 15%. La faible qualification de cette main d'œuvre conduit d'emblée à la mécanisation.

Une part importante des ouvriers anglais est constituée de déracinés culturellement et économiquement, un prolétariat "sans feu, ni lieu" comme le K. Marx.

Le modèle français est assez différent dans la mesure où l'exode rural est plus tardif qu'en Grande Bretagne, il s'accélère vraiment après 1880, d'autre part la France connaît traditionnellement d'importants mouvements saisonniers de main d'œuvre vers les villes (ex : les maçons de la Creuse, les ramoneurs savoyards…). L'origine des ouvriers industriels en France (mais également en Angleterre) est urbaine ou semi-urbaine. Ce sont des ouvriers de métier (ou des corporations) dépossédés de leur savoir-faire par les machines et que la mécanisation prolétarise.

C'est sans doute dans cette catégorie d'hommes que la résistance à la machine fut la plus forte et qu'il faut trouver l'origine des premières résistances ouvrières. Par exemple le mouvement Luddiste dans les années 1811-1812 en Grande Bretagne qui fut un mouvement violent contre le machinisme dans l'industrie textile on a parlé de "jacquerie ouvrière" à propos du luddisme (John Ludd, ancien ouvrier de métier en été le leader). Le bris des machines, symbole des causes de leur misère et du chômage caractérise ce mouvement, seuls des ouvriers ayant déjà des traditions industrielles pouvaient réagir de cette façon. On trouvera des réactions identiques en France dans le Lyonnais à Vienne en 1814, et surtout la révolte des canuts en 1831.

Au-delà des différences d'origines ce qui fait l'unité et le ciment de la "working class", c'est la précarité d'existence. Jamais les conditions de vie des travailleurs n'ont été aussi sévères.

La quasi-totalité de la vie (de 6 ans à la mort), la plus grande partie de la journée (12 à 15 heures par jour) se passe à l'usine ou à la mine ou dans les ateliers urbains.

Les conditions de travail y sont détestables, chaleur et humidité liées à la vapeur favorisent les maladies pulmonaires (tuberculose), les accidents du travail, les mutilations (mains ou bras arrachés dans les mécaniques) sont fréquents. Il n'existe bien entendu aucune protection sociale contre ces risques.

La discipline y est de fer, Perrot parle de "dressage industriel", la dureté des règlements prive totalement de liberté des individus issus des campagnes ou de l'artisanat, tous les manquements sont punis d'amendes qui viennent en réduction du salaire.

La dépendance des travailleurs se poursuit souvent hors de la fabrique et de l'atelier.

Les logements sont souvent loués par l'entreprise avec un entassement précaire (slums, courées du Nord). La rémunération est parfois composée de bons échangeables dans des magasins de l'entreprise.

La faiblesse du salaire et son irrégularité résultant du chômage chronique et des crises périodiques, expliquent la mise au travail des femmes et des enfants (1homme=2femmes=4enfants). En 1844, 70% de la main d'œuvre de l'industrie lainière britannique est féminine. Les enfants sont utilisés dans les mines en raison de leur petite taille, on les emploie fréquemment pour nettoyer les machines qui ne sont pas arrêtées pour l'occasion.

Le salaire permet juste quant tout va bien à l'ouvrier qualifié (skilled worker) de satisfaire ses besoins de bases : nourriture (pain), logement, vêtements. Mais la plus part des ouvriers sont des journaliers embauchables et débauchables à souhait. Tous sont à la merci de la moindre anicroche (maladie, accidents du travail) qui les envoie irrémédiablement à la misère la plus complète. Les systèmes d'aide n'existent pas, tout au plus les pauvres sont-ils pris en charge par les paroisses (confer Malthus)

Les conséquences physiques et mentales sont facilement imaginables, les ouvriers du premier XIX siècle constitue une "race débile" selon l'historien lillois Pierre Perrard.

Maladies endémiques, rachitisme, malformations sont fréquentes, l'espérance de vie à la naissance est inférieure à 40 ans, inférieure de 15 ans par rapport aux catégories aisées. Les mœurs et la moralité sont relâchées du fait de la quasi-impossibilité d'une vie de famille "normale" et d'une promiscuité de tous les instants. Alcoolisme t "saint lundi" sont des réponses à la dureté de la vie quotidienne. La prostitution est en quelque sorte l'assurance chômage, les ouvrières y ont recours en cas de difficulté après leur journée de travail (à Lille la rue de la clé était connue pour cette activité).

Rien d'étonnant à ce que la main d'œuvre soit instable, peu fidèle à son patron, une des premières préoccupations des employeurs sera de tenter de stabiliser cette main d'œuvre nouvelle socialement non intégrée et donc les mœurs et la concentration dans les quartiers populaires effraient les bourgeois.

  

1.2 - La bourgeoisie industrielle

Propriété et absence de travail physique caractérisent pour l'ensemble du XIXèmle les générations bourgeoises.

Quelle est l'origine de cette "bourgeoisie conquérante" selon l'expression! de Charles Morazé ?

Les self-made-men sont peu nombreux, le bourgeois industriel du XIXème est surtout celui qui dispose d'un héritage culturel ou de savoir-faire plus encore qu'un héritage financier.

La bourgeoisie industrialisante est le plus souvent issue de la bourgeoisie marchande ou foncière. En 1806, François Caron estime qu'au Pays de Galles plus de la moitié des entrepreneurs sont issus des milieux marchands. Le capital marchand a bien financé une partie du capital industriel, mais il y a place pour des aventures individuelles comme celle d'Arkwright, l'inventeur du waterframe dans les premières décennies du XIXème.

Globalement il semble que les classes riches de la société aient toutes profité de la révolution industrielle y compris l'aristocratie foncière notamment par le jeu des alliances familiales. La bourgeoisie industrielle est fascinée par le mode vie aristocratique comme le montre François Gresle, acquérir des terres, un château, chercher une alliance avec une famille aristocratique pour le fils ou la fille font partie des signes de réussite et d'accession en haut de la hiérarchie sociale.

La fermeture de la bourgeoisie sur elle-même et l'imitation du mode vie aristocratique peuvent être interprétées dans le XIXème comme le signe d'un moindre dynamisme.

L'unité des classes bourgeoises se fait sur un certain nombre de valeurs sociales partagées.

Le souci des valeurs hiérarchiques et de la respectabilité que l'on retrouve dans le mode vie et que Maurice Gobelot a savoureusement décrit dans son petit ouvrage "La barrière et le niveau". On peut citer l'habillement, la redingote et le chapeau haut de forme sont l'uniforme du bourgeois. Dans la famille bourgeoise la femme est une maîtresse de maison qui gère son intérieur et sa domesticité, il n'est pas question pour elle de travailler. Veblen a montré que le goût du sport et du confort ostentatoire était la marque de la richesse. Les Anglais inventent de nombreux sports ou les codifient, ils installent les stations balnéaires à la fin du siècle la bourgeoisie se retrouve à Deauville, Nice, Cannes, Biarritz, le tourisme est né.

Le goût de l'ordre, du travail et de l'épargne au moins dans le discours sont les valeurs du bourgeois. Le bourgeois méprise profondément la classe ouvrière dont il condamne les mœurs et l'immoralité. Certains vont même à l'époque a souhaité la stérilisation des pauvres. Les "bons" ouvriers sont récompensés dans une tradition paternaliste car ils adhèrent à l'ordre bourgeois. Très fier de sa réussite, il pense que chacun peut en faire autant s'il travaille. Sur de lui et dominateur, le bourgeois du XIXème ne fait pas preuve d'ouverture.

Quelques bourgeois eurent des préoccupations sociales.

L'action de Robert Owen (1771-1858) un industriel écossais réformateur est exemplaire. Il deviendra un pionnier et un théoricien du progrès social et de la distribution coopérative, il peut être considéré comme un des pères du socialisme utopique. De sa Filature de New Lamark, il fait une usine modèle : cité jardin, durée du travail réduite, cours du soir, école et jardin d'enfant, salaire régulier. En France c'est surtout l'initiative d'un patronat chrétien dont une des figures fut Léon Harmel, qui tente d'humaniser les conditions d'existence des ouvriers en s'attachant à leur socialisation.

 

1.3 - L'émergence de nouvelles catégories moyennes

Contrairement au cliche marxiste d'une société divisée en deux classes fondamentalement opposées. Les disparités sont nombreuses à l'intérieur des catégories populaires et on assiste notamment à une montée indéniable des classes moyennes bien que difficile à cerner le phénomène est bien réel.

Aux catégories anciennes (artisans, petits commerçants : la petite bourgeoisie traditionnelle) viennent s'adjoindre les fonctionnaires, les employés mais aussi des professions libérales, les ingénieurs et les contremaîtres. Les disparités salariales sont énormes entre ces catégories mais ces classes moyennes partagent : 1) la gloire de ne pas travailler de leurs mains, 2) une certaine sécurité de l'emploi, 3) une possibilité de promotion sociale, au moins au niveau intergénérationnel ce qui les différencie profondément de la classe ouvrière. Ces classes ont les premières a limité la taille de la famille afin de maintenir un niveau de vie correct et d'investir sur les études de leur progéniture.

  

2 - La sociologie classique et les hiérarchies sociales 

La sociologie naissante se devait de privilégier l'analyse de la hiérarchie sociale dans une société européenne en pleine mutation. Durkheim écrivait "entre Dieu et la société, il faut choisir." Les sociétés traditionnelles se référaient à Dieu pour fonder leurs inégalités, les sociétés industrielles se laïcisent (confer A. Comte (1798-1857) et ses trois états théologique, métaphysiques et positif) et laissent un vide dans l'explication symbolique des hiérarchies sociales. 

Le XIXème marque de profondes transformations économiques, sociales et politiques. Dans l'industrie, un nouveau rapport de subordination, le salariat industriel met face à face deux nouvelles catégories sociales : les propriétaires des entreprises et les ouvriers. La croissance économique va jeter les bases de l'égalisation des conditions pour tous les individus (selon Tocqueville) par la croissance de la richesse produite. Le développement de la démocratie politique à travers l'avènement du suffrage universel : un homme = une voix. Légalement chacun a les mêmes droits politiques et économiques. Cette uniformisation juridique se développe en relation avec la généralisation de l'économie marchande. L'argent va constituer le principal mode d'accès aux ressources matérielles. Dans les faits, les inégalités se révèlent à travers les enquêtes qui commencent à se multiplier (en France l'enquête du Docteur Villermé par ex). Les inégalités apparaissent au grand jour avec l'urbanisation et les concentrations nouvelles d'hommes, de femmes et d'enfants.

  

2.1 - La constitution des deux traditions sociologiques au XIX

2.1.1 - Le marxisme

Marx (1818-1883) ne rompt pas avec l'analyse en terme d'ordres. Le système se transforme mais les hiérarchies qui se mettent en place conservent la même rigidité. La bourgeoisie industrielle prend la place de l'aristocratie foncière, son pouvoir s'étend dans tous les domaines de la vie de la société. Les inégalités sont aussi figées que par le passé et la démocratie politique est un masque qui cache une nouvelle domination.

La propriété privée protégée par la loi est à l'origine du caractère cumulatif des inégalités (» JJ Rousseau).

Les hiérarchies dans les sociétés capitalistes reçoivent une explication globale : le mode de production qui s'édifie au XIXème. Import!ance des investissements, généralisation de l'économie marchande, croissance du salariat font des propriétaires des moyens de production industrielle la nouvelle classe dominante.

 

2.1.2 - Alexis de Tocqueville (1805-1859)

Pour Tocqueville, l'essence des sociétés modernes n'est pas surdéterminée par le mode de production industriel. Tocqueville caractérise les sociétés modernes par "l'égalisation des conditions" principalement sociales et juridiques des individus.

L'égalisation fondement de la démocratie, fait naître des sociétés dépourvues de tout système hiérarchique stable, chacun se considère comme l'égal de tous. Les membres de la société ne sont plus placés les uns au-dessus des autres mais les uns à coté des autres. Les inégalités peuvent être extrêmes mais la frontière entre riches et pauvres est mobile. Chacun peut prétendre ou croit pouvoir prétendre monter dans l'échelle sociale ou craindre d'en descendre les échelons.

En démocratie, l'égalité pousse à l'uniformisation alors que la liberté pousse à la différenciation. Pour Tocqueville, la tendance à l'égalisation l'emporte inévitablement car elle est moins exigeante que la liberté. Le pouvoir politique oscille entre la masse des citoyens personnifiée par l'opinion publique et les représentants d'une bureaucratie politique centralisée (la tyrannie guette les démocraties pour Tocqueville). La richesse se diffuse et permet la constitution d'une classe moyenne de plus en plus nombreuse. Le prestige social se porte alors sur les signes et les objets déterminant une lutte générale pour la conquête d'un statut dont les critères peuvent être sans cesse remis en cause.

 

2.2 - L'élaboration d'outils d'analyse différents

2.2.1 Marx et les classes sociales

"Je vous parle des classes car elles seules font l'histoire" contrairement aux apparences cette citation n'est pas de Marx mais de Tocqueville. Marx n'est pas l'inventeur de la notion de classes sociales mais celles ci sont inséparables de son œuvre. Pour Marx, les classes sociales sont "inscrites" dans la réalité sociale (d'où l'appellation d'approche réaliste) et existent indépendamment de celui qui cherche à les dénombrer. C'est dans le "Manifeste du parti communiste", le tome 3 du "capital" et "la lutte des classes en France le 18 brumaire" que Marx a écrit les textes principaux sur les classes sociales. Ces textes laissent ouvertes nombres de questions. 

L'analyse marxiste des classes sociales privilégie comme critère de différenciation sociale les différences de positions dans le processus de production capitaliste. La définition de la vision marxiste orthodoxe des classes sociales peut être empruntée à Lénine : "On appelle classes de vastes groupes d'hommes qui se distinguent par la place qu'ils tiennent dans un système historiquement défini de la production sociale, par leur rapport aux moyens de production, par leur rôle dans l'organisation sociale du travail et donc par les moyens d'obtention et la grandeur de la part des richesses sociales dont ils disposent. Les classes sont des groupes d'hommes dont l'on peut s'approprier le travail de l'autre par suite de la différence de place qu'ils tiennent dans un régime déterminé de l'économie sociale."(Lénine) 

Pour Marx et Lénine, les classes sociales ne sont pas que des agrégats d'individus mais sont définies par des rapports sociaux liés à la propriété des moyens de production. La situation de classe préexiste aux membres des classes sociales. Une classe ne peut être définie seule. Les classes n'existent que les unes par rapport aux autres et leurs relations sont fondamentalement antagonistes. La classe des prolétaires suppose l'existence d'une classe de capitalistes qui l'exploite. Il y a bipolarisation sociale et la lutte des classes est le moteur de l'histoire. 

Cependant à l'intérieur même de cette bipolarisation, Marx lui-même accepte l'existence de nombreuses classes. Par exemple dans le "18 Brumaire" relatant le coup d'état de Louis Bonaparte (1848), il décrit différentes classes, leur situation et leurs intérêts ainsi que leur action politique. Ainsi Marx distingue six classes : la bourgeoisie financière, la bourgeoisie industrielle, la bourgeoisie foncière, le prolétariat, la petite bourgeoisie et les paysans. Par des jeux d'alliances, on se ramène nécessairement à la bipolarisation quand l'enjeu devient le changement social, l'histoire est en marche. Ainsi la petite bourgeoisie fortement endettée auprès de banques, se rapproche du prolétariat, menacée par la croissance du grand capital, elle renverse son alliance avec la bourgeoisie et s'allie au prolétariat. Ainsi l'existence des classes moyennes est en partie niée par les marxistes à cause du caractère illusoire des intérêts de classes qu'elles s'attribuent et qui les conduit toujours à se rallier à l'un des deux grands camps opposés (en se trompant d'ailleurs le plus souvent disent les marxistes, car l'intérêt de la petite bourgeoisie se confond avec celui de la classe ouvrière contrairement à ce qu'estime généralement la petite bourgeoisie). Le nombre de classe est donc un faux débat, ce qui est essentiel c'est la tendance à la bipolarisation et l'antagonisme irréductible qui est défini comme le moteur du changement social. 

Cependant si la position de classe répond à un paradigme holiste déterminé par le mode de production capitaliste. La position préexistante ne suffit pas pour que la classe des prolétaires existe et agisse. Il n'y a pas d'appartenance de classe sans conscience de cette appartenance. Cette prise de conscience est nécessaire pour écarter les comportements individuels et collectifs d'objectifs utilitaristes immédiats (pourquoi les ouvriers se battraient-ils au risque de perdre leur emploi ?). Pour Marx, la conscience de classe passe par trois stades : l'état de masse, la classe vis à vis du capital (la classe est consciente des ses intérêts communs) et enfin la classe pour elle-même (la classe est désormais consciente de son rôle historique). Le problème de la conscience de classe n'est pas résolu par Marx, il s'en tient à un acte de foi. Il croit que dans et par la lutte, les masses ouvrières vont devenir conscientes de leur intérêt et de leur rôle historique. Le parti communiste constitué de l'élite ouvrière doit avoir le rôle de guide éclairé de la classe ouvrière et conduire le changement social par la révolution qui instaura la dictature du prolétariat étape intermédiaire vers la société communiste sans classe, où l'administration des choses remplacera le gouvernement des hommes. 

On notera enfin au passage que la philosophie matérialiste de Marx qui fonde la position de classe et l'antagonisme a besoin d'un concept de philosophie idéaliste, la conscience de classe pour que le changement social se produise.

  

2.2.2 - La notion de statut social ou de groupes de statut chez Max Weber (1864-1920)

Adepte de la sociologie compréhensive, Weber veut rendre compte des hiérarchies sociales dans toutes les sociétés humaines. Il cherche à décrire une hiérarchie à l'aide d'instruments méthodologiques applicables à toutes les sociétés. Cette approche est qualifiée de nominaliste, dans la mesure où elle vise à identifier les groupes.

 

L'approche de Weber retient trois critères qui expliquent les hiérarchies :

Economique qui fonde les classes sociales
Prestige qui fonde les groupes de statut
Pourvoir qui fonde les partis politiques.


La notion de classe n'occupe donc pas une place aussi centrale que chez Marx.

Les classes sociales sont définies par la chance d'accès aux biens et services. "Nous entendons par classe tout groupe d'individus qui se trouve dans une même situation de classe…Nous appelons situation de classe la chance typique qui dans un régime économique donné, résulte du degré et des modalités d'utilisation selon lesquelles un individu peut disposer ou ne pas disposer de bien ou de services." (Max Weber)

Weber distingue des classes de possession et des classes d'acquisition et des classes sociales. Il ne voit pas nécessairement un conflit entre les classes mais des actions de classe sont possibles si les contrastes entre les différentes classes sont suffisants pour motiver l'action.

A coté des classes, les groupes de statuts se définissent par une place dans la hiérarchie des prestiges qui se caractérise par un mode de vie, une manière de consommer, de se loger, de se vêtir, de se marier et aussi une certaine forme d'éducation. Il y a liaison avec l'économique mais aussi distinction.

De même les partis politiques, groupes organisés pour la conquête du pouvoir, sont historiquement liés aux groupes de statut ou à l'économique mais le pouvoir n'a pas pour unique source le prestige ou l'économique, de même le prestige n'a pour unique base le pourvoir et l'économique.

Il est donc difficile de réduire ces trois stratifications à une seule. C'est le projet du sociologue américain Lloyd Warner qui dans la filiation de Max Weber tente une présentation de la société américaine. Warner parle de strates : division de la société en couches hiérarchiques formées de personnes de statu comparable partageant les mêmes conditions et perspectives d'existence.

Warner met évidence une structure sociale à six classes à partir des critères suivants : revenu, logement, ancienneté de résidence, style de vie, niveau d'instruction et partage de normes et de valeurs communes. Ainsi dans Yankee city, le sociologue américain de l'école de Chicago distingue t il : higher upper, lower upper, middle upper, middle lower, lower upper et enfin lower lower. Les termes qui désignent les classes montrent bien qu'il y a continuité entre les strates et que les frontières sont en partie artificielles.

Approche réaliste et approche nominaliste deux représentations différentes de la société :

Les auteurs qui parlent de strates ou de classes nominales mettent l'accent sur la fluidité ou la mobilité le long de l'échelle sociale, les conflits ont tendance à être minimisés.

Les auteurs qui ont une conception réaliste des classes insistent sur l'existence de barrières sociales qui empêchent la mobilité. La société est rigide, cette rigidité est un facteur de conflit social entre les classes.

 

Marx et Weber sont-ils incompatibles ?

La France et l'Angleterre du temps de Marx sont peut être une période historique où la confusion des trois stratifications de Weber etait possible du fait de l'industrialisation naissante et de l'état libéral. A la fin du XIXème, la constitution de partis ouvriers, le droit social traduit une ré intervention de l'ordre politique dans l'ordre économique. En analysant les différentes sources de stratification, Max Weber a décrit le mouvement des sociétés à la fin du XIXème, début XXème au moment où la société observée par Marx se transformait.

Mais en outre la vision de Marx était essentiellement macroscopique et dynamique, tandis que Weber se plaçait plus volontiers de point de vue de l'individu et chercher à analyser d'un point de vue micro sociologique, les relations entre individus et groupes et entre groupes.

La notion marxiste de classe sociale était une sorte de type idéal qui réduisait le fonctionnement du capitalisme victorien au conflit de deux macro groupes et ce schéma n'exclut pas une autre analyse en terme de hiérarchies, de groupes et de statuts.

 
Tableau récapitulatif des deux approches fondatrices l'analyse des stratifications sociales

1. Situation de Classe. 2. Définition des classes. 3. Lutte des classes

MARX

1. La situation de classe est la situation dans le mode de production capitaliste : propriétaire ou non des moyens de production.
2. Bipolarisation : deux classes : Propriétaires des moyens de production : exploitants. Prolétaires : exploités.
3. Les classes sociales n'existent et ne se définissent que dans une situation de conflit : la lutte des classes. La lutte des classes est le moteur de l'histoire.
 
WEBER
1. La situation de classe n'est que l'un des éléments de la stratification sociale. La situation de classe dépend de l'accès aux biens.
2. Plusieurs classes. Une classe est l'ensemble des individus ayant accès aux mêmes biens, c'est à dire se trouvant dans la même position par rapport à ces biens.
3. Les rapports de classes ne conduisent pas nécessairement à la lutte des classes. La lutte des classes n'a pas toujours pour objectif la transformation radicale de l'économie capitaliste.

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