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레닌의 폭력혁명론 (<국가와 혁명>(1917) 에서)

"폭력 혁명이 없이는, 부르주아 국가를 프롤레타리아 국가로 대체하는 것이 불가능하다."  -레닌-

"Sans révolution violente, il est impossible de substituer l'Etat prolétarien à l'Etat bourgeois." 

 

Discours de Lénine

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레닌의 <국가와 혁명>(*), 제1장(계급사회와 국가)의 마지막 부분에 나오는 말이다. 물론 폭력예찬론이 아니라, 민주주의라고 불리는 자본주의 시민사회의 부르주아 국가라는 것이 엄밀한 계급적 틀 위에 만들어졌고, 그 계급을 조장하고 활용하며 유지-발전될 수밖에 없는, 즉 보이지 않는 폭력적 구조 위에서 작동하는 것이므로, 그 구조를 타파할 수단은 폭력혁명 외에는 없다는, 폭력불가피론을 말하는 것이겠다. '적이 폭력(보이든 말든)을 사용하니 나도 폭력이다'라는 오기적 발상이 아니라, 그들이 지배의 틀을 계급 위에 구축하고 지속 시키는 데에는 그만한 지적(계략의) 견고함이 있을테고, 그런 견고함에 맞서 말과 논리로 백날 민주주의를 주창하고 요구해봤자, 그들을 떠받들고 있는 반동적 지식인과 그 동조자들의 세력이 더 우월할 수밖에 없다는 게 역사라는 사실에 대한 인식에서 나온 폭력 불가피론이 아닐까 싶다 (별로 신빙성 없는 내 생각에..). 심지어, 민주주의에 대하여, 레닌은 '민주주의 일반'(democratie en general) 같은 것은 아예 없고 '프롤레타리아 민주주의' 혹은 '부르주아 민주주의'가 있을 뿐이며, 이 후자의 전형적인 양태가 바로 서구 의회민주주의로, 여기서는 대표자라는 놈들이 대표하는 것은 전혀 인민이 아니라 부르주아-부자-귀족 계급이라는 사실을 적시한다. 물론, 진짜민주주의=공산주의! 

갑자기, 지난 토요일 서울 촛불 집회에서 약간의 투석전이 있었고, 작년에는 그렇게도 비폭력을 고집하던 사람들이 MB 치하 1년만에 뭔가 깨달은 바가 있었는지 더는 그런 부르주아(쁘띠) 논쟁을 않았다는 기사를 보고 기억난 글이다 (아마도 평화가 어떤 진보정당의 심벌들 중의 하나였던가, 근데 누구를 위한 평화일까?). 이하 <국가와 혁명>, 제1장, 제4절, "국가의 절멸(소멸)과 폭력혁명" [소멸은 자동적/절멸은 타동적 -내 느낌 상-]의 불어 번역본을 옮겨다 읽어본다. (아마도 한글본도 별로 어렵지 않게 찾을 수 있을텐데, 나는 잘 모름.

(*) 레닌의 <국가와 혁명>은 1917년 8월, 그러니까 10월혁명 직전에 쓰여진 글이다.

출처: http://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/08/er00t.htm

  

Bolshevik (1920), par Boris Kustodiev

 

레닌, <국가와 혁명>(1917), L'ETAT ET LA REVOLUTION

CHAPITRE I. LA SOCIETE DE CLASSES ET L'ETAT (제1장. 계급사회와 국가)
1. L'Etat, produit de contradictions de classes inconciliables (국가, 화해할 수 없는 두 계급 간 대결-모순의 산물)
2. Détachements spéciaux d'hommes armés, prisons, etc. (무장한 민중의 특수한 이탈, 감옥, 등)
3. L'Etat, instrument pour l'exploitation de la classe opprimée (국가, 피지배계급의 착취를 위한 도구)

 

 

4. "EXTINCTION" DE L'ETAT ET REVOLUTION VIOLENTE (국가의 절멸과 폭력혁명)

 

Les formules d'Engels sur l'"extinction de l'Etat" jouissent d'une si large notoriété, elles sont si fréquemment citées, elle mettent si bien en relief ce qui fait le fond même de la falsification habituelle du marxisme accommodé à la sauce opportuniste qu'il est nécessaire de s'y arrêter plus longuement. Citons en entier le passage d'où elles sont tirées :

"Le prolétariat s'empare du pouvoir d'Etat et transforme les moyens de production d'abord en propriété d'Etat. Mais par là, il se supprime lui-même en tant que prolétariat, il supprime toues les différences de classes et oppositions de classes et également en tant qu'Etat. La société antérieure, évoluant dans des oppositions de classes, avait besoin de l'Etat, c'est-à-dire, dans chaque cas, d'une organisation de la classe exploiteuse pour maintenir ses conditions de production extérieures, donc surtout pour maintenir par la force la classe exploitée dans les conditions d'oppression données par le mode de production existant (esclavage, servage, salariat). L'Etat était le représentant officiel de toute la société, sa synthèse en un corps visible, mais cela, il ne l'était que dans la mesure où il était l'Etat de la classe qui, pour son temps, représentait elle-même toute la société : dans l'antiquité, Etat des citoyens propriétaires d'esclaves; au moyen âge, de la noblesse féodale; à notre époque, de la bourgeoisie. Quand il finit par devenir effectivement le représentant de toute la société, il se rend lui-même superflu. Dès qu'il n'y a plus de classe sociale à tenir dans l'oppression; dès que, avec la domination de classe et la lutte pour l'existence individuelle motivée par l'anarchie antérieure de la production, sont éliminés également les collisions et les excès qui en résultent, il n'y a plus rien à réprimer qui rende nécessaire un pouvoir de répression, un Etat. Le premier acte dans lequel l'Etat apparaît réellement comme représentant de toute la société, - la prise de possession des moyens de production au nom de la société, - est en même temps son dernier acte propre en tant qu'Etat. L'intervention d'un pouvoir d'Etat dans des rapports sociaux devient superflue dans un domaine après l'autre, et entre alors naturellement en sommeil. Le gouvernement des personnes fait place à l'administration des choses et à la direction des opérations de production. L'Etat n'est pas "aboli", il s'éteint. Voilà qui permet de juger la phrase creuse sur l'"Etat populaire libre", tant du point de vue de sa justification temporaire comme moyen d'agitation que du point de vue de son insuffisance définitive comme idée scientifique; de juger également la revendication de ceux qu'on appelle les anarchistes, d'après laquelle l'Etat doit être aboli du jour au lendemain" (Anti-Dühring, Monsieur E. Dühring bouleverse la science, pp. 301-303 de la 3e édit. allemande).

On peut dire, sans crainte de se tromper, que ce raisonnement d'Engels, si remarquable par sa richesse de pensée, n'a laissé, dans les partis socialistes d'aujourd'hui, d'autre trace de pensée socialiste que la notion d'après laquelle l'Etat "s'éteint", selon Marx, contrairement à la doctrine anarchiste de l'"abolition" de l'Etat. Tronquer ainsi le marxisme, c'est le réduire à l'opportunisme; car, après une telle "interprétation", il ne reste que la vague idée d'un changement lent, égal, graduel, sans bonds ni tempêtes, sans révolution. L'"extinction" de l'Etat, dans la conception courante, généralement répandue dans les masses, c'est sans aucun doute la mise en veilleuse, sinon la négation, de la révolution.

Or, pareille "interprétation" n'est qu'une déformation des plus grossières du marxisme, avantageuse pour la seule bourgeoisie et théoriquement fondée sur l'oubli des circonstances et des considérations essentielles indiquées, par exemple, dans les "conclusions" d'Engels que nous avons reproduites in extenso.

 

1/ Premièrement. Au début de son raisonnement, Engels dit qu'en prenant possession du pouvoir d'Etat, le prolétariat "supprime par là l'Etat en tant qu'Etat". On "n'a pas coutume" de réfléchir à ce que cela signifie. D'ordinaire, ou bien l'on en méconnaît complètement le sens, ou bien l'on y voit, de la part d'Engels, quelque chose comme une "faiblesse Hégélienne". En réalité, ces mots expriment en raccourci l'expérience d'une des plus grandes révolutions prolétariennes, l'expérience de la Commune de Paris de 1871, dont nous parlerons plus longuement en son lieu.

Engels parle ici de la "suppression", par la révolution prolétarienne, de l'Etat de la bourgeoisie , tandis que ce qu'il dit de l'"extinction" se rapporte à ce qui subsiste de l'Etat prolétarien , après la révolution socialiste. L'Etat bourgeois, selon Engels, ne "s'éteint" pas; il est "supprimé" par le prolétariat au cours de la révolution. Ce qui s'éteint après cette révolution, c'est l'Etat prolétarien, autrement dit un demi-Etat.

 

2/ Deuxièmement. L'Etat est un "pouvoir spécial de répression". Cette définition admirable et extrêmement profonde d'Engels est énoncée ici avec la plus parfaite clarté. Et il en résulte qu'à ce "pouvoir spécial de répression" exercé contre le prolétariat par la bourgeoisie, contre des millions de travailleurs par une poignée de riches, doit se substituer un "pouvoir spécial de répression" exercé contre la bourgeoisie par le prolétariat (la dictature du prolétariat). C'est en cela que consiste la "suppression de l'Etat en tant qu'Etat". Et c'est en cela que consiste l'"acte" de prise de possession des moyens de production au nom de la société. Il va de soi que pareil remplacement d'un "pouvoir spécial" (celui de la bourgeoisie) par un autre "pouvoir spécial" (celui du prolétariat) ne peut nullement se faire sous forme d'"extinction".

 

3/ Troisièmement. Cette "extinction" ou même, pour employer une expression plus imagée et plus saillante, cette "mise en sommeil", Engels la rapporte sans aucune ambiguïté possible à l'époque consécutive à la "prise de possession des moyens de production par l'Etat au nom de toute la société", c'est-à-dire consécutive à la révolution socialiste. Nous savons tous qu'à ce moment-là la forme politique de l'"Etat" est la démocratie la plus complète. Mais il ne vient à l'esprit d'aucun des opportunistes qui dénaturent sans vergogne le marxisme qu'il s'agit en ce cas, chez Engels, de la "mise en sommeil" et de l'"extinction" de la démocratie. Cela paraît fort étrange à première vue. Pourtant, ce n'est "inintelligible" que pour quiconque n'a pas réfléchi à ce fait que la démocratie, c'est aussi un Etat et que, par conséquent, lorsque l'Etat aura disparu, la démocratie disparaîtra également. Seule la révolution peut "supprimer" l'Etat bourgeois. L'Etat en général, c'est-à-dire la démocratie la plus complète, ne peut que "s'éteindre".

 

4/ Quatrièmement. En formulant sa thèse fameuse : "l'Etat s'éteint", Engels explique concrètement qu'elle est dirigée et contre les opportunistes et contre les anarchistes. Et ce qui vient en premier lieu chez Engels, c'est la conclusion, tirée de sa thèse sur l'"extinction" de l'Etat, qui vise les opportunistes.

On peut parier que sur 10 000 personnes qui ont lu quelque chose à propos de l'"extinction" de l'Etat ou en ont entendu parler, 9 990 ignorent absolument ou ne se rappellent plus que les conclusions de cette thèse, Engels ne les dirigeait pas uniquement contre les anarchistes. Et, sur les dix autres personnes, neuf à coup sûr ne savent pas ce que c'est que l'"Etat populaire libre" et pourquoi, en s'attaquant à ce mot d'ordre, on s'attaque aussi aux opportunistes. Ainsi écrit-on l'histoire ! Ainsi accommode-t-on insensiblement la grande doctrine révolutionnaire au philistinisme régnant. La conclusion contre les anarchistes a été mille fois reprise, banalisée, enfoncée dans la tête de la façon la plus simpliste; elle a acquis la force d'un préjugé. Quant à la conclusion contre les opportunistes, on l'a estompée et "oubliée" !

L'"Etat populaire libre" était une revendication inscrite au programme des social-démocrates allemands des années 70 et qui était devenue chez eux une formule courante. Ce mot d'ordre, dépourvu de tout contenu politique, ne renferme qu'une traduction petite-bourgeoise et emphatique du concept de démocratie. Dans la mesure où l'on y faisait légalement allusion à la république démocratique, Engels était disposé à "justifier", "pour un temps", ce mot d'ordre à des fins d'agitation. Mais c'était un mot d'ordre opportuniste, car il ne tendait pas seulement à farder la démocratie bourgeoise; il marquait encore l'incompréhension de la critique socialiste de tout Etat en général. Nous sommes pour la république démocratique en tant que meilleure forme d'Etat pour le prolétariat en régime capitaliste; mais nous n'avons pas le droit d'oublier que l'esclavage salarié est le lot du peuple, même dans la république bourgeoise la plus démocratique. Ensuite, tout Etat est un "pouvoir spécial de répression" dirigé contre la classe opprimée. Par conséquent, aucun Etat n'est ni libre, ni populaire. Cela, Marx et Engels l'ont maintes fois expliqué à leurs camarades de parti dans les années 70.

 

5/ Cinquièmement. Ce même ouvrage d'Engels, dont tout le monde se rappelle qu'il contient un raisonnement au sujet de l'extinction de l'Etat, en renferme un autre sur l'importance de la révolution violente. L'appréciation historique de son rôle se transforme chez Engels en un véritable panégyrique de la révolution violente. De cela, "nul ne se souvient"; il n'est pas d'usage, dans les partis socialistes de nos jours, de parler de l'importance de cette idée, ni même d'y penser; dans la propagande et l'agitation quotidiennes parmi les masses, ces idées ne jouent aucun rôle. Et pourtant, elles sont indissolublement liées à l'idée de l'"extinction" de l'Etat avec laquelle elles forment un tout harmonieux.

Voici ce raisonnement d'Engels :

"... que la violence joue encore dans l'histoire un autre rôle [que celui d'être source du mal], un rôle révolutionnaire; que, selon les paroles de Marx, elle soit l'accoucheuse de toute vieille société qui en porte une nouvelle dans ses flancs; qu'elle soit l'instrument grâce auquel le mouvement social l'emporte et met en pièces des formes politiques figées et mortes - de cela, pas un mot chez M. Dühring. C'est dans les soupirs et les gémissements qu'il admet que la violence soit peut-être nécessaire pour renverser le régime économique d'exploitation, - par malheur ! Car tout emploi de la violence démoralise celui qui l'emploie. Et dire qu'on affirme cela en présence du haut essor moral et intellectuel qui a été la conséquence de toute révolution victorieuse ! Dire qu'on affirme cela en Allemagne où un heurt violent, qui peut même être imposé au peuple, aurait tout au moins l'avantage d'extirper la servilité qui, à la suite de l'humiliation de la Guerre de Trente ans, a pénétré la conscience nationale ! Dire que cette mentalité de prédicateur sans élan, sans saveur et sans force a la prétention de s'imposer au parti le plus révolutionnaire que connaisse l'histoire !" (Anti-Dühring , p. 193 de la 3e édit. allemande, fin du chapitre IV, 2e partie.)

Comment peut-on concilier dans une même doctrine ce panégyrique de la révolution violente qu'Engels n'a cessé de faire entendre aux social-démocrates allemands de 1878 à 1894, c'est-à-dire jusqu'à sa mort même, et la théorie de l'"extinction" de l'Etat ?

D'ordinaire, on les concilie d'une manière éclectique, par un procédé empirique ou sophistique, en prenant arbitrairement (ou pour complaire aux détenteurs du pouvoir) tantôt l'un, tantôt l'autre de ces raisonnements; et c'est l'"extinction" qui, 99 fois sur 100 sinon plus, est mise au premier plan. L'éclectisme se substitue à la dialectique : c'est, à l'égard du marxisme, la chose la plus accoutumée, la plus répandue dans la littérature social-démocrate officielle de nos jours. pareil substitution n'est certes pas une nouveauté : on a pu l'observer même dans l'histoire de la philosophie grecque classique. Dans la falsification opportuniste du marxisme, la falsification éclectique de la dialectique est celle qui trompe les masses avec le plus de facilité; elle leur donne un semblant de satisfaction, affecte de tenir compte de tous les aspects du processus, de toutes les tendances de l'évolution, de toutes les influences contradictoires, etc., mais, en réalité, elle ne donne aucune idée cohérente et révolutionnaire du développement de la société.

Nous avons déjà dit plus haut, et nous le montrerons plus en détail dans la suite de notre exposé, que la doctrine de Marx et d'Engels selon laquelle une révolution violente est inéluctable concerne l'Etat bourgeois. Celui-ci ne peut céder la place à l'Etat prolétarien (à la dictature du prolétariat) par voie d'"extinction", mais seulement, en règle générale, par une révolution violente. Le panégyrique que lui consacre Engels s'accorde pleinement avec de nombreuses déclarations de Marx (rappelons-nous la conclusion de la Misère de la philosophie et du Manifeste communiste proclamant fièrement, ouvertement, que la révolution violente est inéluctable; rappelons-nous la critique du programme de Gotha en 1875, près de trente ans plus tard, où Marx flagelle implacablement l'opportunisme de ce programme). Ce panégyrique n'est pas le moins du monde l'effet d'un "engouement", ni une déclamation, ni une boutade polémique. La nécessité d'inculquer systématiquement aux masses cette idée - et précisément celle-là - de la révolution violente est à la base de toute la doctrine de Marx et Engels. La trahison de leur doctrine par les tendances social-chauvines et kautskistes, aujourd'hui prédominantes, s'exprime avec un relief singulier dans l'oubli par les partisans des unes comme des autres, de cette propagande, de cette agitation.

Sans révolution violente, il est impossible de substituer l'Etat prolétarien à l'Etat bourgeois. La suppression de l'Etat prolétarien, c'est-à-dire la suppression de tout Etat, n'est possible que par voie d'"extinction".

Marx et Engels ont développé ces vues d'une façon détaillée et concrète, en étudiant chaque situation révolutionnaire prise à part, en analysant les enseignements tirés de l'expérience de chaque révolution. Nous en arrivons à cette partie, incontestablement la plus importante, de leur doctrine.

 

* 모든 이텔릭체 강조는 원문 그대로 이고, 기타 잡다한 강조와 번호는 펌자의 것임.

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N.Poulantzas,74) Classes sociales dans le capitalisme, etc.

Nicos Poulantzas (ou Nikos) (en grec Νίκος Πουλαντζάς) (1936-1979), (...)  ses travaux s'inspirent notamment de conception du marxisme de Louis Althusser et d'Antonio Gramsci. Il s'est intéressé notamment au fascisme et aux dictatures (Fascisme et dictature) mais ainsi à la question du pouvoir politique et de l'État (Pouvoir politique et classes sociales). Vers la fin des années 70, après la chute des dernières dictatures méditerranéennes Nicos Poulantzas a tenté d'esquisser les contours théoriques d'une voie originale vers un socialisme démocratique proche des conceptions de l'eurocommunisme. Ses contributions sur ce thème ont été recueillies de manière posthume dans Repères et sont précisées de manière plus systématique dans L'État, le pouvoir, le socialisme. (...) -wiki.-

 

 

1/4. Pouvoir et stratégies chez Poulantzas et Foucault
Bob Jessop (Traduit de l’anglais par Luc Benoît), Marx et Foucault, Actuel Marx n° 36 2004/2
http://www.cairn.info/revue-actuel-marx-2004-2-page-89.htm

 

I. Huit critiques de Foucault et quelques réponses possibles [*]
II. Quelques ressemblances cachées
1) L’ubiquité du pouvoir et/ou de l’Etat
2) Diagrammes et modes de production
3) Esprits plébéiens et instincts de classe // Une autre ressemblance entre les deux théories porte sur la question du pouvoir et de la résistance. En essayant d’expliquer la résistance, Foucault a dû se rabattre sur « quelque chose dans le corps social, dans les classes, dans les groupes, dans les individus eux-mêmes qui échappe d’une certaine façon aux relations de pouvoir […] l’énergie inverse, l’échappée, […] cette part de plèbe » (1977e : DE2 : 421). Cette remarque témoigne clairement d’une dette envers le nouveau philosophe André Glucksmann (1975-1977), qui avait déjà substitué au rôle du prolétariat et des intellectuels marxistes le potentiel révolutionnaire de la plèbe. Plus tard, dans La Volonté de savoir, Foucault a situé le fondement de la résistance dans la simple célébration des corps et des plaisirs au pluriel, dans leur spécificité ; et, plus généralement, dans les généalogies et le savoir historique qui permettent de relier pouvoir et savoir dominé (cf. Lemert et Gillan 1982 : 89,91). Poulantzas n’avait que dédain pour le recours à un esprit du refus qui s’apparentait à une essence absolument extérieure à tout rapport de pouvoir spécifique (EPS : 166). Il préférait fonder la résistance de classe dans les contradictions entre les classes exploiteuses et exploitées, dominantes et dominées (EPS : 30,40,42,49-50,162-3,192-3). Mais quand Poulantzas essayait d’expliquer l’origine de ces résistances de classe, sa réponse n’était pas plus convaincante que celle de Foucault.
Selon Poulantzas, les classes dominées pouvaient être contaminées par l’idéologie dominante et adopter des positions contredisant leurs propres intérêts de classe. Par conséquent, même la classe ouvrière risquait en permanence de se laisser prendre dans les rets de la domination bourgeoise. Pourtant, Poulantzas affirmait que « sous les effets mêmes de l’idéologie bourgeoise dans la classe ouvrière pointe toujours ce que Lénine désignait comme “instinct de classe” » (CSCA : 308 ; cf. 19-20, 36,294). Pour Lénine, le concept d’« instinct de classe » n’avait qu’une valeur descriptive. Poulantzas a tenté d’apporter un fondement plus solide aux instincts de classe en les décrivant comme la résurgence constante au sein des pratiques de la classe ouvrière d’une opposition structurelle à l’exploitation dans le cadre de l’usine et à la production matérielle (CSCA : 19,308). Mais ceci donnait l’impression de ressusciter la thèse discréditée, économiste et téléologique, qu’une « classe en soi » finira par émerger et/ou d’adopter des présupposés anthropologiques qui naturalisent la réaction de l’homme contre l’exploitation et l’oppression. De tels arguments n’étaient pas très différents des thèses de Foucault sur l’esprit de la plèbe.
Ailleurs, Poulantzas a mis l’accent sur le rôle de l’idéologie, qui déterminerait jusqu’aux révoltes « spontanées » des classes dominées. Ce qui semble indiquer qu’il est faux de présupposer l’essence absolutisée d’un « instinct de classe » de résistance extérieure à tout rapport de classe spécifique. Car la résistance ne peut être séparée de l’idéologie et s’avère donc toujours contingente et relative. Poulantzas semble l’admettre lorsqu’il écrit que « dans le contexte de la montée du fascisme, cet “instinct de classe”, coupé de l’idéologie marxiste-léniniste et confronté à ces formes particulières d’idéologie petite-bourgeoise (l’anarcho-syndicalisme, le spontanéisme et le culte de la violence), s’est fourvoyé sous l’influence de cette dernière » (FD : 155). En bref, dans la mesure où Poulantzas tente de dépasser la notion d’« instinct de classe », il est contraint d’admettre la contingence, la relativité et la variabilité de la lutte des classes. Ceci le conduirait à historiciser les luttes de classe spécifiques, ce qui lui ferait adopter une approche généalogique plus foucaldienne. Qui plus est, en ce qui concerne les nouveaux mouvements sociaux et les luttes hétérogènes aux luttes des classes, Poulantzas n’a même pas proposé d’explication en termes d’« instinct » de la résistance à ces nouvelles formes d’oppression.
4) Micro-diversité et macro-nécessité
Conclusions

 

BIBLIOGRAPHIE 
·  ALTHUSSER L. [1995], Sur la reproduction, Paris, PUF.
·  BALIBAR E. [1989], « Foucault et Marx : La question du nominalisme », in Michel Foucault philosophe, rencontre internationale, Paris 9,10,11 janvier 1988, Seuil, pp. 54-76.
·  BARRET-KRIEGEL E. [1989], « Michel Foucault et l’Etat de police », in Michel Foucault philosophe, rencontre internationale, Paris 9, 10,11 janvier 1988, Seuil, pp. 222-227.
·  DELEUZE G. [1975], « Écrivain non : un nouveau cartographe », Cri-tique, 31, pp. 342-65.
·  POULANTZAS N. [1971], Pouvoir politique et classes sociales, 2 vol., Paris, Maspero. ·  POULANTZAS N. [1970], Fascisme et dictature, Paris, Maspero. ·  POULANTZAS N. [1974], Les classes sociales dans le capitalisme aujourd’hui, Paris, Éditions Seuil. ·  POULANTZAS N. [1975], La Crise des Dictatures, Paris, Maspero. ·  POULANTZAS N. (ed.) [1976], La Crise de L’État, Paris, PUF. ·  POULANTZAS N. [1978a], L’État, le pouvoir, le socialisme, Paris, PUF. ·  POULANTZAS N. [1978b], « Les théoriciens doivent retourner sur terre », Les nouvelles littéraires, 26 Juin, p. 8. ·  POULANTZAS N. [1979a], « L’Etat, les mouvements sociaux, les par- tis », Dialectiques, 28. ·  POULANTZAS N. [1979b], « La crise des partis », Le Monde Diplo- matique, 26 septembre. ·  POULANTZAS N. [1979c], « Interview with Stuart Hall and Alan Hunt », Marxism Today, May, pp. 198-205. ·  POULANTZAS N. [1979d], « Is there a crisis in Marxism ? », Journal of the Hellenic Diaspora, 6 (3), pp. 7-16. ·  POULANTZAS N. [1980], Repères. Hier et aujourd’hui, Paris, Maspero.

NOTES  [*]Dans le corps du texte, on utilisera des sigles pour se référer à certaines œuvres. Foucault M. (1975), Surveiller et Punir, Paris, Gallimard (SP). Foucault M. (1976a), Histoire de la sexualité 1. La Volonté de savoir, Paris, Gallimard (HS1). Foucault M. (1979), Power, Truth, Strategy, Brisbane, Feral Books (PTS). Foucault M. (2001), Dits et Écrits, tomes I-II, Paris, Gallimard (Quarto) (DE). Poulantzas N. (1970), Fascisme et dictature, Paris, Maspéro (FD). Poulantzas N. (1971), Pouvoir politique et classes sociales, Paris, Maspero (PPCS). Poulantzas N. (1974), Les classes sociales dans le capitalisme aujourd’hui, Paris, Éditions Seuil (CSCA). Poulantzas N. (1975), La Crise des Dictatures, Paris, Maspero (CD). Poulantzas N. (1978a), L’État, le pouvoir, le socialisme, Paris, PUF (EPS).

 

 

2/4. NICOS POULANTZAS / par Jean-Marie VINCENT
http://www.universalis.fr/encyclopedie/UN80028/POULANTZAS_N.htm
Né à Athènes, Nicos Poulantzas a été membre du Parti communiste grec. Résidant en France à partir de 1960, il va être maître de conférences à l'université de Paris-VIII (Vincennes). Quand il publie en 1968 son livre Pouvoir politique et classes sociales, il n'est pas exagéré de dire qu'il n'y a pas en France de véritable théorie marxiste de l'État. Les esprits exigeants doivent se contenter de quelques textes de Gramsci et de quelques commentaires intelligents sur les classiques de la théorie de l'État.Pouvoir politique et classes sociales se situe à un tout autre niveau. C'est apparemment un livre bardé de références dogmatiques, formulé dans une langue rébarbative, mais en même temps plein de vigueur juvénile et qui bouscule les règles établies. Nicos Poulantzas est, à l'époque, très profondément influencé par Louis Althusser, mais il ne développe pas pour autant la pensée d'un maître ; il part, en réalité, à l'aventure, un peu comme s'il s'enivrait de découvertes qu'il est très difficile de maîtriser et qu'il faut, à cause de cela, emprisonner dans une terminologie familière et bien connue. On peut, bien entendu, critiquer sévèrement l'importance qu'il attribue alors aux définitions et aux classifications, à la taxinomie.(...)

 

 

3/4. Nicos Poulantzas, On Social Classes
New Left Review I/78, March-April 1973 http://www.newleftreview.org/?view=1240
What are social classes in Marxist theory? They are groups of social agents, of men defined principally but not exclusively by their place in the production process, i.e. by their place in the economic sphere. The economic place of the social agents has a principal role in determining social classes. But from that we cannot conclude that this economic place is sufficient to determine social classes. Marxism states that the economic does indeed have the determinant role in a mode of production or a social formation; but the political and the ideological (the superstructure) also have an important role. For whenever Marx, Engels, Lenin and Mao analyse social classes, far from limiting themselves to the economic criteria alone, they make explicit reference to political and ideological criteria. We can thus say that a social class is defined by its place in the ensemble of social practices, i.e. by its place in the ensemble of the division of labour which includes political and ideological relations. This place corresponds to the structural determination of classes, i.e. the manner in which determination by the structure (relations of production, politico-ideological domination/subordination) operates on class practices—for classes have existence only in the class struggle. [1] This takes the form of the effect of the structure on the social division of labour. But it should be pointed out here that this determination of classes, which has existence only in the class struggle, must be clearly distinguished from class position in the conjuncture. In stressing the importance of political and ideological relations in the determination of classes and the fact that social classes have existence only in the class struggle, we should not be led into the ‘voluntarist’ error of reducing class determination to class position. From that error flow extremely important political consequences, which will be mentioned in the sections dealing with technicians, engineers and the labour aristocracy. Yet the economic criterion remains determinant. But how are we to understand the terms ‘economic’ and ‘economic criterion’ in the Marxist conception?

 

 

4/4. Nicos Poulantzas / Etienne Balibar, 1999, 2006*.

* Communisme et citoyenneté. Réflexions sur la politique d'émancipation à la fin du XXe siècle - Communication au Colloque International en mémoire de Nicos Poulantzas : « Le politique aujourd'hui » Athènes, 29 septembre - 2 octobre 1999 (publié dans Actuel Marx, n. 40 , 2e trimestre 2006) 

Je commencerai par rappeler en quoi consista ce que j'appellerai, sans pathos inutile, « notre différend », au fond coextensif à la plus grande partie de nos discussions, des années 60 aux années 70.  

On pourrait le situer comme une variante de l'opposition entre un « eurocommunisme » critique et un « néo-léninisme » plus ou moins orthodoxe. Mais ces étiquettes traduiraient plutôt la façon dont nous avions tendance à nous percevoir l'un l'autre que la réalité de nos positions, et elles ont l'inconvénient d'occulter deux faits qui, avec le recul, me paraissent fondamentaux. L'un, c'est notre commune participation à cette entreprise de reconstruction du marxisme en termes « structuraux » qui, qu'on le veuille ou non, demeure l'un des témoignages significatifs de sa vitalité théorique à la veille de l'effondrement des modèles d'Etats et de partis issus du marxisme traditionnel. L'autre, c'est le fait que, dans la conjoncture tendue de la crise politique française en 1978, après la rupture de « l'union de la gauche », nous nous retrouvâmes au fond sur les mêmes positions pratiques. Retrouvailles également personnelles, demeurées hélas sans lendemain : l'artisan en fut Henri Lefebvre dont je veux ici saluer la mémoire. [1] Je préfère donc énoncer ce différend dans les termes d'un débat sur la question centrale de l'Etat, ce qui m'amènera directement aux questions de la politique et du politique aujourd'hui.
[1] Né à Athènes en 1936, Nicos Poulantzas s'est suicidé à Paris le 3 octobre 1979

 

De ce différend, on trouvera la trace dans le dernier livre de Nicos, L'Etat, le pouvoir, le socialisme (1978, rééd. 1981), sous la forme de deux propositions critiques. L'une dit que la question du manque de théorie politique dans le marxisme est mal posée lorsqu'on la comprend comme simple exigence d'une « théorie générale de l'Etat », alors que ce qui fait défaut est une théorie spécifique de l'Etat capitaliste. L'autre s'en prend au « dogmatisme eschatologique et prophétique » dont l'une des dernières manifestations voyantes (et, avec le recul, dérisoire) fut la tentative de certains d'entre nous pour « défendre » ou « repenser » la dictature du prolétariat dans le moment de son abandon officiel par les partis communistes. Bien entendu - bien que je sois nommément cité (EPS, 21, 137) - il ne s'agit nullement ici d'un règlement de compte ad hominem. Mais c'est bien autour de telles questions que, entre nous, de profonds clivages s'opérèrent dans cette période. Ils concernaient à la fois la critique du concept marxiste et léniniste de l'Etat et l'analyse des institutions ou formes politiques dans le cadre desquelles se dessinait un nouveau rapport des forces, au moment où l'Etat hégémonique, celui de la bourgeoisie capitaliste, était ébranlé par l'internationalisation du capital (ce qu'on n'appelait pas encore la « mondialisation »), et réagissait au déclin de son efficacité économique par un tournant autoritaire plus ou moins accentué et maquillé de discours « libéral ».  

La proposition de Poulantzas, qui définissait l'Etat capitaliste comme « condensation matérielle de rapports de forces » entre les classes (traduisant l'hégémonie stratégique de l'une d'elles, mais aussi les oppositions et résistances d'autres forces), cristallisait ces divergences, dans la mesure où elle semblait à certains d'entre nous, non seulement minimiser l'indice de matérialité historique des appareils d'Etat (ce dont Poulantzas se défendait), mais conférer à son « autonomie » la signification d'une indépendance relative par rapport aux intérêts de la classe dominante et, derrière elle, du capital. D'où deux façons très différentes, non pas de valoriser l'élément de démocratie radicale impliqué dans les mouvements de masses populaires (sur ce point nous étions d'accord), mais de penser leur incidence sur la forme de l'Etat dans une éventuelle transition socialiste : soit comme « brisure » des appareils, émergence du « non-Etat » en face de l'Etat survivant, soit comme « transformation démocratique radicale » de son fonctionnement, corrélative de l'émergence d'un nouveau rapport de pouvoir et d'une nouvelle hégémonie sur les fractions de classes intermédiaires. ( 이하 나머지 긴 내용은 --> http://ciepfc.rhapsodyk.net/article.php3?id_article=176)

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M.Halbwachs,1964) Psycho. des classes sociales

원래는 모리스 알브박스*(Maurice Halbwachs (1877-1945))의 <계급심리학>(1964)이라는 책을 찾아보고 싶었으나 품절이라서 그림도 안 뜬다. 대신에 그의 소르본느 강의록을 엮어 작년에 나온 <사회계급>(2008) 이라는 책의 그림과 소갯글을 간단히 살펴보고, 이어서 <계급심리학>에 대한 서평 한 편으로 맛뵈기 공부를 한다. 이 책의 저자는 많이는 안 알려졌지만 프랑스 사회학에서 중요한 인물이고(특히 계급문제를 이렇게 많이 다룬 대가는 드물다), -아래 소갯글에 의하면- 에밀 뒤르까임(Émile Durkheim (1858~1917))의 가까운 동료 연구자였다고 한다. 사족으로 한마디: 뒤르까임이든 알브박스든 둘 다 사회학자로 알려졌고 취급되고 있지만, 이들을 포함한 거의 대부분의 중요한 사회학자들(예컨데, 부르디외, 독일의 베버, 등)은 철학자를 겸하고 그들의 최초학위는 거의가 철학이다 (우리와의 차이라면 차이겠다).

 

* 이름이 특이해서 처음에는 '알바흐'라고 적었는데, 아무래도 꺼림칙하여 이곳저곳 뒤져보니 '모리스 알브박스(Maurice Halbwachs (pronounced [ˌmɔˈʁis ˈalbˌvaks])라고 발음한다고 영어판 '위키'에만 나온다. 영어판이니 다시 꺼림칙, 그래서 직접 발음을 들을 수 있는 곳을 찾아봤다. 마침 2007년에 에꼴노르말에서, "다시찾은 사회학자, 모리스 알브박스"라는 책의 출판 기념으로 같은 타이틀 아래 작은 학술모임이 있었고, 그것을 녹음-녹화하여 제공하고 있다. 다음과 같다.

http://www.diffusion.ens.fr/data/audio/2007_06_18_halbwachs.mp3

Rencontres autour du livre à l’ENS, organisé par Laure Léveillé (ENS) et Lucie Marignac (ENS)

Débat avec Christian Baudelot et Marie Jaisson, auteurs de "Maurice Halbwachs, sociologue retrouvé"
Christian Baudelot (ENS), Marie Jaisson (univ. Tours) et Matthieu Solignac (ENS), [18 juin 2007 à 18h00] 

Inaugurant une série de rencontres autour du livre à l’ENS, Laure Léveillé et Lucie Marignac proposent un débat avec Christian Baudelot et Marie Jaisson, auteurs de l’ouvrage Maurice Halbwachs, sociologue retrouvé, animé par Matthieu Solignac, élève à l’ENS et un de ses camarades. Consacré à Maurice Halbwachs (1877-1945), l’un des représentants majeurs de l’école durkheimienne de sociologie, Maurice Halbwachs, sociologue retrouvé [2007 - ISBN 978-2-7288-0387-3] interroge son œuvre à partir de questions posées à la sociologie par la société d’aujourd’hui : suicide, précarité et pauvreté, logement, intégration urbaine, théorie de la connaissance sociologique, appréhension et mesure des « faits de population », ou encore variations de la proportion des sexes à la naissance.
En confrontant les analyses d’hier avec les problèmes actuels, les auteurs soulignent l’extraordinaire fécondité de ses travaux : loin de relever d’une théorie générale des faits sociaux, les outils qu’il nous lègue sont des manières de connaître et d’analyser, sur la base des faits, la réalité sociale de notre temps. La collection Figures normaliennes accueille des textes inédits de normaliens célèbres ou des études sur certaines grandes figures de l’École normale, toujours à partir d’un angle d’attaque bien précis : ainsi pour le voyage en URSS d’Élie Halévy, l’actualité de Charles Péguy, le rapport de Raymond Aron à la philosophie de l’histoire ou la pensée scientifique de Georges Canguilhem. Le volume sur Halbwachs est issu d’une rencontre organisée par Christian Baudelot et Marie Jaisson autour de la question de l’actualité du travail de Maurice Halbwachs.

 

[책소개 : <사회계급>(2008)]

Maurice Halbwachs,  Les classes sociales , PUF, 2008-v, 300 p., 28 euro.

Les classes sociales

 

Présentation de l'éditeur // Intégrant les grandes approches du XIXe siècle et celles de son temps (Saint-Simon, Marx, Weber, Schmoller...), Maurice Halbwachs (1877-1945) présente ici une théorie synthétique et originale des classes sociales, où il explique que chacune d'entre elles est le produit d'une histoire qui détermine sa place dans la société actuelle et les rapports qu'elle entretient avec les autres classes. Critiquant Marx sans le rejeter, il montre que la position de chaque classe dépend essentiellement de représentations liées à l'inégale participation des individus à la vie collective, à la proximité ou à l'éloignement des occupations considérées comme les plus prestigieuses, et à l'intériorisation par ceux-ci de ce qui les différencie des personnes appartenant à d'autres milieux. Au moment où le débat sur la " disparition " ou le " retour " des classes sociales bat son plein, il est temps de redécouvrir ce grand texte méconnu de la sociologie française que constitue le cours donné par l'un des proches collaborateurs d'Émile Durkheim à Strasbourg puis à la Sorbonne entre le début des années 1930 et 1942. Aboutissement d'une trentaine d'années d'investigations sur les classifications et la morphologie sociale, il se situe au confluent des recherches de l'auteur consacrées au travail, aux niveaux de vie et aux consommations, à la mémoire et à la conscience collectives, à la ville et à l'urbanisation.

 

 

[서평-소개 : <계급심리학>(1964)]

HALBWACHS (Maurice), ESQUISSE D'UNE PSYCHOLOGIE DES CLASSES SOCIALES, Petite bibliothèque sociologique internationale, Paris, Librairie Marcel Rivière et Cie, 1964, 240p. [L'auteur Cet article provient du Dictionnaire des sciences humaines, sous la dir. de Sylvie Mesure et Patrick Savidan, Paris, PUF, coll. “Quadrige/Dicos poche”, 2006.]

 

HALBWACHS Maurice, 1877-1945 / Maurice Halbwachs est né en 1877, soit dix-neuf ans après Durkheim. Il joua un rôle déterminant pour poursuivre l’œuvre de Durkheim et maintenir l’École sociologique française pendant l’entre-deux-guerres. D’origine alsacienne, Halbwachs fit ses études au lycée Henri IV et devint normalien, agrégé de philosophie en 1901, docteur en droit (1909) et en lettres (1912). Une carrière presque tracée d’avance : après des études brillantes, il est nommé professeur dans le secondaire comme son père, puis dans le supérieur. Dans sa jeunesse, il reçut tout d’abord l’influence de Bergson qui était son professeur de philosophie au Lycée Henri IV et se passionna pour la psychologie à travers son enseignement. Il rencontra également au début du siècle François Simiand, tête pensante des universitaires socialistes, dont il partageait les convictions politiques et admirait la rigueur de ses analyses sociologiques. Celui-ci l’influença dans sa décision de prendre des distances avec la métaphysique. C’est sans doute en Allemagne, lors de son séjour à l’Université de Göttingen, où il obtint en 1903 un poste de lecteur, que s’opéra réellement sa conversion intellectuelle. Il en profita pour écrire un petit livre sur Leibniz ([1907] 1933), mais aussi, pour s’initier à l’économie politique allemande. À son retour, Simiand lui proposa de collaborer à l’Année sociologique, ce qu’il fit à partir de 1905. Il devint à partir de cette date un fidèle représentant de l’ “ École sociologique française ”.

 

Halbwachs s’engagea dans un combat difficile pour faire reconnaître la sociologie à l’Université de Paris. Il prépara sa première thèse de droit qu’il soutint en 1909 sous le titre Les Expropriations et le prix des terrains à Paris (1860-1900). Cette thèse qui dénonçait le caractère tautologique de la loi de l’offre et de la demande ne fut guère appréciée par les économistes, ce qui obligea Halbwachs à renoncer à son projet d’implantation dans les facultés de droit. Il se tourna donc vers la Faculté de Lettres et rédigea deux nouvelles thèses soutenues en 1912, la principale intitulé : La Classe ouvrière et les niveaux de vie. Recherches sur la hiérarchie des besoins dans les sociétés industrielles contemporaines, et la complémentaire : La Théorie de l’homme moyen. Essai sur Quételet et la statistique morale.

 

On peut voir dans la Classe ouvrière, le prolongement et l’affirmation de la pensée d’Halbwachs. Si le thème des besoins ouvriers était déjà abordé dans les Expropriations, il fait l’objet désormais d’une analyse beaucoup plus approfondie où apparaît notamment le concept de “ niveau de vie ” que l’on retrouvera d’ailleurs mobilisé dans Les Causes du suicide sous le terme plus maîtrisé de “genre de vie”. Pour expliquer les tendances de consommation des ouvriers, Halbwachs ne se contente pas de la variable revenu, “ce qui est déterminant, pour lui, c’est le “niveau de vie” propre à chaque classe sociale, c’est-à-dire sa représentation collective du niveau social où elle se trouve” par rapport “aux biens regardés comme les plus importants” dans la société et “son estimation du degré où il est permis aux membres de la classe de satisfaire les besoins qui s’y rapportent”. La participation réduite des ouvriers à la vie sociale est, d’après lui, prévue par la société et résulte de représentations collectives de ce qui est commun à la classe ouvrière, à savoir son rapport à la matière dans le travail d’usine. La faible sociabilité des travailleurs manuels qui ressort de l’analyse détaillée de leurs dépenses doit être interprétée à partir de leur rapport au travail. En faisant corps avec sa machine, l’ouvrier d’usine se transforme en force de travail, se déshumanise et s’éloigne progressivement de la société, laquelle n’est pas étrangère à ce processus.

 

Par ces analyses, Halbwachs introduit dans la sociologie française le thème de la stratification sociale et de variabilité des genres de vie. En 1919, Halbwachs fut nommé, dès sa création, à l’Université de Strasbourg, qui connut un rayonnement exceptionnel. Sa carrière et son itinéraire intellectuel prirent alors un tournant décisif. C’est au cours de cette période, qui dura jusqu’en 1935, qu’Halbwachs écrivit quelques-uns de ses ouvrages les plus importants, notamment Les Causes du suicide ([1930] 2002), mais aussi Les Cadres sociaux de la mémoire ([1925] 1994) et L’Évolution des besoins dans les classes ouvrières (1933).

 

C’est également au cours de cette période qu’il participa à la demande de l’historien Lucien Febvre à la rédaction de la troisième partie du tome VII de l’Encyclopédie française, intitulée Le Point de vue du nombre en collaboration avec Alfred Sauvy, Henri Ulmer et Georges Bournier. Les historiens des sciences reconnaissent dans cette entreprise la volonté d’Halbwachs de constituer une nouvelle morphologie sociale en prenant au sérieux les concepts de hasard et de probabilité. Dans l’un de ses derniers écrits intitulé justement Morphologie sociale ([1938] 2003), il avance l’idée selon laquelle la société, tel un corps organique, se perpétue en se fixant dans des formes matérielles qu’elle impose aux membres dont elle est faite. Si ces derniers passent et meurent, la société reste et conserve une autonomie, une existence propre qui s’impose aux esprits de génération en génération.

 

La contribution d’Halbwachs à l’ “ École sociologique française ” est aussi importante qu’originale puisqu’elle témoigne à la fois d’une grande fidélité au projet primitif de Durkheim et d’une ouverture tant à des objets inédits comme les classes sociales et les genres de vie, à des approches nouvelles ou peu développées en sociologie comme la morphologie sociale et la psychologie collective, qu’aux représentants des disciplines voisines de la sociologie avec lesquelles il ne cessa de débattre. Élu professeur au Collège de France en 1939 dans la chaire de psychologie collective, il ne put malheureusement y enseigner puisqu’il fut arraché à son travail et connut une mort tragique en déportation, en laissant une œuvre inachevée, mais pourtant extraordinairement riche.

 

Bibliographie [저작-대부분 유작]
— Leibniz (1907), Paris, Mellottée, 1933.

— La Classe ouvrière et les niveaux de vie. Recherches sur la hiérarchie des besoins dans les sociétés industrielles contemporaines (1912), Londres, Gordon and Breach, 1970.

— La Théorie de l’homme moyen, Paris, Félix Alcan, 1912.

— Les Cadres sociaux de la mémoire (1925), Paris, Albin Michel, 1994.

— Les Causes du suicide (1930), Paris, puf, 2002.

— L’Évolution des besoins dans les classes ouvrières, Paris, Félix Alcan, 1933.

Morphologie sociale (1938), Paris, A. Colin, 2003.

— La Topographie légendaire des évangiles en Terre Sainte (1941), Paris, puf, 1972.

Jean-Jacques Rousseau : le contrat social, Paris, puf, 1943.

— La Mémoire collective (1950), Paris, Albin Michel, 1997.

Esquisse dune psychologie des classes sociales (1955), Paris, Marcel Rivière, 1964.

— Classes sociales et morphologie, Paris, Minuit, 1972.

 

[참고문헌]
“Maurice Halbwachs et les sciences humaines de son temps”, in Revue d’histoire des sciences humaines, 1999, no 1. Serge Paugam

Les classes sociales, PUF, "Lien social (le)", 2008
La topographie légendaire des évangiles en Terre Sainte, PUF, "Quadrige", 2008
Les causes du suicide, PUF, "Lien social (le)", 2002

Les ouvrages PUF épuisés ne sont pas répertoriés dans cette bibliographie.

Récupérée de « http://www.puf.com/wiki/Auteur:Maurice_Halbwachs »

 

 

[보충자료]

1. <계급 심리학> 원전: Esquisse d'une psychologie des classes sociales (1938)
http://classiques.uqac.ca/classiques/Halbwachs_maurice/esquisse_psycho/esquisse_psycho.html

2. 모리스 알브박스 연구소: http://www.cmh.ens.fr/index.php [CMH : Centre Maurice Halbwachs - Unité mixte de recherche CNRS-EHESS-ENS-U.Caen n°8097 consacrée à la sociologie et à la diffusion des grandes enquêtes.]

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R.Pfefferkorn,2007) Inégalités...Rapports de classes...

 

Inégalités et rapports sociaux : Rapports de classes, rapports de sexes

 

[서평] Article publié le vendredi 7 décembre 2007 dans http://www.liens-socio.org / par Igor Martinache

Roland Pfefferkorn, Inégalités et rapports sociaux. Rapports de classes, rapports de sexes, La Dispute, coll. "Le genre du monde", 2007, 412 p., 25€

 

Il est un dilemme que les chercheurs en sciences sociales connaissent bien : prendre en compte les divers facteurs de clivage social, longtemps invisibilisés (tels que le genre, l’âge, la génération ou ce que l’on désigne improprement comme « l’appartenance ethnique »), implique-t-il de s’éloigner d’une analyse de la structure sociale en termes de classes ? L’ouvrage de Roland Pfefferkorn permet opportunément de montrer le caractère illusoire de cette contradiction, démontrant même la nécessité qu’il y a au contraire d’affronter le caractère multidimensionnel des clivages qui traversent le monde social.

 

Professeur à l’Université Marc-Bloch de Strasbourg, membre du laboratoire « Cultures et sociétés en Europe » et spécialiste des inégalités [1], Roland Pfefferkorn a structuré son analyse en deux moments. Dans le premier, il retrace la paradoxale disparition des classes sociales...dans le discours sociologique dominant, avant, dans le second, de présenter l’émergence du genre comme catégorie d’analyse sociologique majeure. On pourrait penser a priori que celle-ci serait la cause logique de celle-là, comme s’il n’y avait pas de place pour deux principes explicatifs des inégalités sociales. Mais ce serait aller un peu vite en besogne (ce dont certains analystes ne se privent toutefois pas...) comme Roland Pfefferkorn va s’employer à le montrer.
[1] Un thème sur lequel il a, en collaboration avec Alain Bihr, déjà publié plusieurs études, telles que Déchiffrer les inégalités, Syros-La Découverte, 1999 [2e éd.], et qu’il contribue également à visibiliser en participant à l’animation du Réseau d’Alerte sur les Inégalités (voir son site www.bip40.org)

 

Comme pour s’excuser de remettre au goût du jour des « gros mots » sortis tout droit du répertoire marxiste, l’auteur commence son étude par un rigoureux travail de définition des différents outils conceptuels qui ont successivement servi aux sociologues pour analyser la stratification sociale. Il part ainsi de l’opposition classique entre les paradigmes holistes et individualistes, incarnés respectivement, sans vouloir sombrer dans un schématisme trop caricatural, par les figures tutélaires que constituent Emile Durkheim et Max Weber. Roland Pfefferkorn s’applique cependant à montrer les limites des concepts employés par l’une comme l’autre des analyses, et préfère à ces derniers celui de rapport social hérité de Karl Marx, qui permet notamment d’insister à la fois sur les dimensions réciproque, collective et dynamique de la stratification sociale.

 

Il présente ensuite les analyses fonctionalistes qui ont fleuri dans les Etats-Unis d’après-guerre, représentant la société comme un système intégré pacifié, sans oublier cependant l’existence d’analyses classistes comme celles de Charles Wright Mills [2], ainsi que le rejet peut-être moins connu des analyses de classes intervenu au même moment dans la sociologie ouest-allemande. Ce sera ensuite au tour des sociologies britannique et française d’escamoter les classes sociales de leurs discours dans les années 1970-80. Le paradoxe est ici cependant plus patent encore dans la mesure où cette période est marquée par le « tournant néolibéral », autrement dit une polarisation des politiques en faveur des dominants et au détriment des plus défavorisés, et plus généralement par un creusement des inégalités sur plusieurs fronts (revenus, logement, école,...), après la période de nivellement qu’avait pu, partiellement, incarner les « Trente Glorieuses ». C’est à cette époque que l’on voit par exemple émerger les analyses en termes de « sociétés postindustrielles », chères notamment à Alain Touraine et à son « école ». Des sociétés au centre de l’évolution desquelles se situeraient désormais de « nouveaux mouvements sociaux » dont la base ne serait plus matérielle mais culturelle.

[2] Qui mêle cependant les approches marxiste et wéberienne ( voir notamment Les cols blancs, Maspero, 1966 (1ère éd. : 1951))

 

Là encore, certaines analyses en termes de classes vont cependant subsister, à commencer par celle de Pierre Bourdieu, qui n’est plus à présenter, mais dont Roland Pfefferkorn reproche cependant un certain déterminisme, un « profond pessimisme » [3], et surtout la quasi-absence de la dimension matérielle, et notamment du travail dans les analyses de Bourdieu et de ses suiveurs. Roland Pfefferkorn présente également les travaux moins connus que Michel Verret a consacré à la classe ouvrière, avec notamment sa triologie consacrée entre 1979 et 1988 à l’espace, au travail et à la culture, dans laquelle il met bien en évidence la construction socio-historique de ce groupe, à l’instar des travaux d’Edward P.Thomson au Royaume-Uni [4].

[3] Même si la parution de La misère du monde (1995) et l’engagement politique de l’auteur de La Distinction (1979) amènent à nuancer cette lecture, comme le reconnaît lui-même Roland Pfefferkorn.

[4] La formation de la classe ouvrière anglaise, Seuil, 1988 (1ère éd. : 1963)

 

Après avoir dressé un panorama détaillé des inégalités grandissantes, et présenté les nouveaux outils permettant de les mesurer (mais qui manquent encore d’être pris en compte par les dirigeants politiques), Roland Pfefferkorn revient plus en détail sur l’occultation paradoxale des classes sociales dans le discours sociologique. Il présente en particulier les discours qui s’y sont substitué, mettant en avance l’individualisation et la moyennisation du corps social, ainsi que le remplacement du lexique du rapport social par celui du lien social et de l’exclusion qui en évacue la dimension conflictuelle et réciproque. L’auteur démonte ainsi les analyses d’Anthony Giddens, Ulrich Beck ou Pierre Rosanvallon, qui représentent selon lui les principaux porteurs de ce discours d’évacuation des classes sociales.

 

Enfin, il clôt cette première partie en décrivant le retour des classes sociales intervenu dans le discours sociologique au tournant du siècle. Une production abondante d’ouvrages et de numéros spéciaux de revues sont ainsi venus ces dernières années « déterrer » les classes qui se cachent derrière les inégalités, réhabilitant ce concept dans sa triple dimension processuelle de segmentation, de hiérarchisation et d’opposition conflictuelle. Quatre éléments communs se dégagent ainsi de ces analyses : le fait qu’aucun domaine de l’activit sociale ne soit exempt d’inégalités profondes entre catégories sociales ; que ces inégalités forment système ; qu’elles soient cumulatives et qu’elles présentent le caractère d’une certaine hérédité (entendue comme transmission d’une génération à la suivante des avantages ou handicaps sociaux). Aujourd’hui comme hier, c’est donc bien moins sur la disparition des classes sociales qu’il s’agit de s’interroger, qu’à l’écart entre leur existence objective et leur existence subjective, la non-concordance entre « classes en soi » et « classes pour soi », autrement dit sur la difficulté pour certains dominés d’identifier la dimension collective de leurs difficultés.

 

Dans la seconde partie de l’ouvrage, Roland Pfefferkorn s’intéresse ensuite à l’émergence de la catégorie de genre comme analyseur majeur des inégalités sociales. Il se livre là encore à un patient travail de généalogie, évoquant les contributions pionnières d’Olympes de Gouges, Flora Tristan ou Mary Wollstonecraft -pour n’en citer que quelques-unes-, avant de détailler davantage l’apport de Friedrich Engels qui, dans L’origine de la famille, de la propriété et de l’Etat [5], articulait déjà d’une manière rapports de classe et de genre, en montrant notamment la double-exploitation à l’oeuvre à travers la spécialisation des hommes dans la production, et des femmes dans la reproduction. Une analyse bien en avance sur son temps, alors que les discours naturalisant la différence des sexes rencontrent une large audience jusqu’à aujourd’hui, qu’ils émanent de la plume de Jean-Jacques Rousseau ou de celle de Joseph Ratzinger, alias Benoît XVI, le pape actuel.

[5] Paru en 1884 et réédité par les Editions sociales en 1974

 

Malgré le large écho dont bénéficiera Le deuxième sexe de Simone de Beauvoir après-guerre, la déconstruction de ce naturalisme n’interviendra en fait réellement que dans les années 1970 aux Etats-Unis à travers la distinction alors établie entre sex et gender. Mais le mouvement féministe connaît alors lui-même un clivage entre les différencialistes, qui insistent sur l’autonomie nécessaire des femmes dans la lutte pour leur émancipation, les universalistes, qui associent au contraire égalité et identité, et enfin les courants queer qui avancent que la frontière entre sexes -et genres !- serait en fait « trouble », suivant la formule de Judith Butler. En prenant l’exemple du récent débat sur la parité en politique dans notre pays, Roland Pfefferkorn montre du reste que ce clivage reste encore largement actif aujourd’hui. Il présente ensuite les analyses critiques sur le patriarcat, et notamment sur l’exploitation de la femme dans le mode de production domestique, et pour lesquelles les écrits de Christine Delphy ont joué un rôle moteur [6], bien qu’il ne faille pas oublier qu’elle s’inscrit dans le sillage de Madeleine Guibert ou Andrée Michel.

[6] Voir les essais réunis en deux tomes de cette dernière dans L’Ennemi principal 1, Économie politique du patriarcat, Syllepse "Nouvelles Questions féministes", 1998 et L’Ennemi principal 2, Penser le genre, Syllepse "Nouvelles Questions féministes", 2001.

 

Dans l’avant-dernier chapitre, Roland Pfefferkorn s’interroge sur l’opportunité de substituer au concept de genre celui de rapports sociaux de sexes, qui s’est développé en France dans les années 1980. Apparu outre-Atlantique sous la plume d’Ann Oakley en 1972, le premier a en effet non seulement connu des difficultés à s’ancrer dans le lexique sociologique français, mais présente surtout un certain nombre de limites, dont le risque d’évacuer toute idée de conflit et de classe n’est pas des moindres. Celui de rapports sociaux de sexes présente au contraire l’avantage de rappeler la place centrale du travail, comme lieu d’exploitation, mais aussi d’émancipation, ainsi que le caractère dynamique, en constante transformation, de ces rapports - comme du reste tous rapports sociaux. C’est justement à ces évolutions dans le cadre de la société française que l’auteur consacre son dernier chapitre, validant l’idée de réelles avancées sur des fronts comme le travail ou l’éducation, tout en constatant malgré tout la persistance d’inégalités entre les sexes qui se seraient finalement peut-être surtout déplacées. Cela lui permet en conclusion d’insister sur la nécessité d’articuler les différents rapports sociaux dans l’analyse de la structure sociale (ce qui lui permet de réintroduire in extremis la question des rapports « interethniques » [7] et intergénérationnels qui préoccupent de manière croissante les spécialistes de sciences sociales), ainsi que sur celles d’articuler également dimensions objective et subjective et d’inscrire ces rapports dans une temporalité et une spatialité qui les rend éminemment variables.

[7] Etant entendu, comme Roland Pfefferkorn s’applique à le rappeler à plusieurs reprises, que les « races » ou « ethnies » dans cette acception, n’existent que comme catégories du discours raciste et dès lors par les effets que ces dernières peuvent avoir dans la réalité sociale, à commencer par les différentes formes de discrimination.

 

Autant de pages pour promouvoir l’emploi du concepts de rapports sociaux ? Bien évidemment, l’ouvrage de Roland Pfefferkorn ne peut pas être réduit à cela, et se présente comme une somme aussi accessible qu’approfondie des conceptualisations foisonnantes de la structure sociale. Mais c’est surtout une invitation à déplacer le regard sociologique, à prendre des distances à l’égard des discours « postmodernes » (mais aussi avec un matérialisme historique trop étroit...), en réintégrant la place centrale de la conflictualité, mais aussi de la contingence historique. Ainsi écrit-il en conclusion que « mettre l’accent sur les rapports sociaux plutôt que sur le mode de production permet bien de mieux prendre en compte la dialectique entre déterminisme et possibilité de changements ou entre reproduction (du même) et production (du neuf), et de comprendre que l’avenir est toujours ouvert ».

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Classe sociale (링크+wiki)

[계급 관련자료]

La Société sans qualités ? http://www.univ-metz.fr/recherche/labos/2l2s/travaux/21.4_societesansqualites.pdf [14p.]

 

Une représentation humoristique de la hierarchie sociale dans la société capitaliste

 

Classe sociale (article de Wikipédia)

 

Une classe sociale est une catégorie de la population qui selon l'opinion générale, se trouvent dans leurs rapports, placées en situation inférieure ou supérieure[1]. Une classe sociale est un groupement particulier de très vaste envergure représentant un macrocosme de faits ouverts, à distance, de division permanente, restant inorganisées, ne possédant que la contrainte conditionnelle[2].

1↑ William Lloyd Warner, Social Class in America, 1949.
2↑ Georges Gurvitch, Groupement social et classe sociale, Cahiers internationaux de sociologie, vol. 7, 1949.


I. Enjeux de la classe sociale

La classe sociale permet de comprendre le comportement d'un segment de la population. A chaque segment dont les limites sont choisies de manière arbitraire correspond un comportement lié à l'identité et aux intérêts de la classe. En raison des implications politiques, l'anthropologie moderne tend à préférer la notion de segment de population à partir d'enquêtes et analyses multicritères.


II. Les classes sociales relevant d'un rapport antagoniste
Karl Marx[3] dans ses analyses de la société industrialisée a mis en évidence l'existence de classes sociales, groupements d'individus partageant des intérêts communs. Le nombre de ces classes sociales ne fut pas strictement définie. Cela dépend de ses ouvrages et de l'époque de leur rédaction. Le nombre considéré variait de trois à sept. Dans son ouvrage La lutte des classes en France, il définit sept classes sociales[4] : l'aristocratie financière / la bourgeoisie industrielle / la bourgeoisie commerçante
la petite bourgeoisie / la paysannerie / le prolétariat / le lumpen prolétariat

3↑ Karl Marx, Le manifeste du parti communiste, 1848
4↑ Introduction à la sociologie, Michel De Coster, 1992 - L'explication de Marx, p.188


Mais Marx a toujours considéré que les deux classes les plus importantes étaient le prolétariat (salarié), et la bourgeoisie capitaliste (propriétaire des moyens de production), qui sont les deux pôles antagonistes acteurs de la lutte des classes dans la société industrialisée. Il distingue la classe en soi (liée à une organisation objective) et la classe pour soi (liée à la conscience collective). Karl Marx en déduit la notion de lutte des classes, qui sera reprise par la suite en politique. Il en découle une analyse des conflits sociaux comme luttes, conflits d'intérêts, entre classes dominantes et classes dominées. Cette conception de la société a été inspirée par l'étude de l'histoire selon une méthodologie, le matérialisme historique. Ces oppositions, ces conflits d'intérêts, découlent d'une conception dialectique: toute chose a son contraire, voire n'existe que par rapport à son contraire: Dominant/dominé, maître/esclave, seigneur/serf, capitaliste/prolétaire, ... Ces rapports de domination/soumission traversent les âges grâce à la transmission de la position sociale par héritage. Certains marxistes du XXe siècle, définissent aujourd'hui une classe sociale comme une classe d'équivalence pour une relation sociale. Par exemple, la relation "faire partie de la Catégorie socio-professionnelle des ouvriers" définit la classe sociale des ouvriers comme le segment de population (l'ensemble des individus) qui vérifient cette relation (qui font partie de cette Catégorie socio-professionnelle). 

Pour Vilfredo Pareto, Les classes sociales naissent de l'opposition de masse d'individus et des élites gouvernementales au pouvoir. Ainsi, tout pouvoir implique cette séparation antagoniste[5]. Il estime néanmoins que les groupes sont hétérogènes ainsi que les valeurs des individus. Il pense néanmoins que les élites changent ainsi donc que cette séparation antagoniste. Pour Nicos Poulantzas, l'Etat fait perdurer ces structures sociales par le fait que la classe dirigeante favorise les intérêts de la classe dominante. L'Etat est alors la condensation matérielle de rapports de forces entre classes[6]. 

5↑ Vilfredo Pareto, trattato di sociologia generale, 1916
6↑ Nicos Poulantzas, Pouvoir politique et classes sociales, 1968


III. Les classes sociales ne relevant pas automatiquement d'un rapport antagoniste

Pour Ralf Gustav Dahrendorf[7], les classes sociales ne relèvent pas automatiquement de rapports antagonistes ouverts. Les conflits d'intérêt génèrent une grande diversité de classes sociales. Le niveau de mobilité sociale qui entraîne une liberté de manoeuvre rend les classes sociales traditionnelles plus diffuses et diverses. Les conflits raciaux et de religion peuvent aussi générer des changements sociaux. Il part des principes de changements exogènes de l'histoire et de possible renégociations au sein de la société.

Selon Henri Mendras[8], il existe des constellations de classes qui fonctionnent selon le modèle de la toupie. Les groupes sociaux sont strictement fluctuants et les constellations tendent vers la moyennisation et la structuration par classe d'âge. La diminution des capacités d'action autonome pousse en effet à la moyennisation des classes sociales. La classe moyenne devient une réalité sociologique (conscience de groupe) lorsqu'elle est animée par un sentiment d'appartenance à ladite classe et la volonté de faire survivre cette classe. 

7↑ Ralf Gustav Dahrendorf, Classes et conflits de classes dans la société industrielle, 1973
8↑ Henri Mendras, La seconde révolution française 1965-1984, 1994

 

# Sentiment d’appartenir à une classe sociale et situation par rapport à l’emploi[9]

A quelle classe avez vous le sentiment d'appartenir ?   

en % / Actifs ayant un emploi / Retraités / Ensemble / des adultes
La classe moyenne 42 36 40
La classe ouvrière 24 24 23
La bourgeoisie 3 7 4
Classe défavorisée 7 7 8
Classe privilégiée 8 5 8
Un groupe professionnel 11 11 9
Un groupe social 2 3 2
Autre 3 7 6

9↑ Source, INSEE première n°979 [archive], juillet 2004, p. 4

 

Pour Max Weber, les classes ne sont pas d'ordre social (fonction du prestige), ni d'ordre politique (fonction du mode de contrôle de l'Etat) mais d'ordre strictement économique, c'est à dire fonction du mode de distribution, des revenus et du patrimoine[10]. Cette idée est contredite par Joseph Schumpeter qui estime que la classe sociale naît de la fonction exercée[11]. 

Pour Maurice Halbwachs, les classes sociales ne sont pas automatiquement antagonistes mais forme des cercles concentriques selon sa théorie du feu de camp par la domination d'un modèle culturel orthodoxe[12]. L'instruction, la richesse et le niveau d'intégration forment des cercles concentriques générant des classes qui n'impliquent pas automatiquement des intérêts divergents[13].

L'existence même de classes sociales est aussi parfois contestée, au motif qu'une classe sociale nécessiterait une conscience de classe pour être définie[14]. 

10↑ Max Weber, L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme, 1905
11↑ Joseph Schumpeter, Impérialisme et classes sociales, 1951
12↑ Maurice Halbwachs, L’évolution des besoins de la classe ouvrière, 1933
13↑ Maurice Halbwachs, La classe ouvrière et les niveaux de vie, 1913
14↑ Voir, plus généralement, « Middle-class : confusion de terme, confusion de concept », Futur Antérieur, n°22, 1994 [archive] par Christian Marazzi.
  

 

Bibliographie
Alain Bihr et Roland Pfefferkorn, Le Système des inégalités, Paris, La Découverte, 2008, 120 pages.

Paul Bouffartigue (dir.), Le retour des classes sociales, Paris, La Dispute, 2004

Roland Pfefferkorn, Inégalités et rapports sociaux. Rapports de classe, rapports de sexe, Paris, Editions La Dispute, Collection « Le genre du monde », 2007, 416 pages

 

# Stratification et notions relatives aux classes sociales
1. Perspective marxiste : Sous-prolétariat, Prolétariat, Petite bourgeoisie, Bourgeoisie
2. Perspective non marxiste : Servitude, Couches populaires, Classe moyenne, Classe moyenne supérieure, Élite
3. Notions de classes : Sous-classe, Classe ouvrière, Créatifs culturels, Classe dirigeante
4. Autres notions :  Société sans classe, Nouveaux riches, « Gentry » anglaise, Noblesse
5. Chez les Romains : Plébéiens / Patriciens
6. Selon les « cols » : Cols bleus, Cols blancs 

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