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레비스트로스 1 (탄생 100돌-2008/11/28)

1/3. 레비스트로스 탄생 100돌 ‘구조주의 학술 파티’

‘구조·탈구조와 우리’ 주제, 김형효·최용호 교수 등 인류·철학자들 논문 발표, “구조주의 영향 되짚을것”

 
대표작 <슬픈 열대>와 <야생의 사고>로 친숙한 프랑스 구조주의 인류학자 클로드 레비스트로스(1908~·사진)가 28일 100번째 생일을 맞는다. 신화·결혼규칙·요리체계 같은 사회문화적 현상의 심층에는 ‘형제와 자매’ ‘구운 것과 끓인 것’ ‘손님과 친족’ 같은 이원적 대립의 구조가 자리잡고 있음을 밝혀낸 레비스트로스는 언어학의 로만 야콥슨, 정신분석학의 자크 라캉과 함께 구조주의 시대를 열어 젖힌 20세기 지성계의 거목으로 꼽힌다. 인간의 의식이나 사회 제도가 생물학이나 개인 심리 차원으로 환원될 수 없는 ‘차이의 관계망’ 속에서 구성된다는 구조주의의 발견에 대해 20세기 지성사는 “데카르트 이래 인류가 자부해 온 주체의 존엄성을 영원히 사라지게 만든”(푸코) 혁명적 사건으로 기록하고 있다. 

그러나 1993년 <보기 듣기 읽기>라는 비평집을 낸 뒤 모든 대외 활동을 접었던 까닭에 레비스트로스의 존재는 15년 가까이 사람들 기억에서 잊혀져 있었다. 그사이 프랑스에서는 지난 5월 그의 저술 7편이 갈리마르출판사의 ‘플레이아드 총서’로 묶여 나온 것을 계기로 <누벨 옵세르바퇴르> 등의 매체가 ‘레비스트로스 특집’을 대대적으로 다루기도 했다. 하지만 100번째 생일을 일주일 남짓 앞둔 19일 현재까지도 프랑스를 제외한 서방 언론의 반응은 조용하기만 하다.  

이런 상황에서 ‘구조주의의 변방’ 한국에서 그의 탄생 100년을 기념하는 대규모 학술대회가 열린다는 것은 하나의 ‘사건’에 가깝다. 한국의 인문사회과학계에서 레비스트로스는 헤겔·하이데거로 상징되는 독일 철학과, 미드·래드클리프브라운 등의 영미 인류학에 밀려 변변한 학맥조차 형성하지 못했기 때문이다. 한국기호학회가 22일 서울 덕성여대에서 ‘레비스트로스 탄생 100주년-구조·탈구조와 우리’라는 주제로 개최하는 학술대회에선 원로 학자인 김형효·임봉길 교수의 기조강연을 시작으로 10편의 논문이 발표된다. 최용호(한국외대)·박여성(제주대)·김기국(경희대)·윤성노(숭실대) 교수 등 인류학·철학·불문학·국문학계에서 구조주의 방법론을 통해 레비스트로스와 관계를 맺은 학자들이 총출동한다.

 

 

 » 1981년 10월 한국정신문화연구원(현 한국학중앙연구원)의 초청으로 방한한 레비스트로스(오른쪽에서 두번째) 부부가 경북 안동 하회마을을 방문해 전통 한옥구조를 둘러보고 있다. 한길사 제공 
  
사실 레비스트로스와 한국의 인연이라면, 그가 1981년 10월 정신문화연구원(현 한국학중앙연구원)의 초청으로 방한해 20일 가까이 머물며 경주와 통도사 등을 방문한 뒤 돌아갔다는 것 정도다. 그의 존재가 알려진 것도 1968년 방한한 프랑스 문학비평가 질베르 뒤랑이 강연을 통해 그의 이름을 언급한 뒤, 같은해 잡지 <사상계>에 3회에 걸쳐 ‘레비스트로스 기획’이 연재되면서부터다. 개인적 친분을 유지하는 학자도 그의 대표작 <신화학> 1·2권을 번역한 임봉길 강원대 교수가 유일하다. 임 교수는 프랑스 인류학의 대가 마르셀 모스 밑에서 레비스트로스와 함께 수학한 조르주 콩도미나스 교수에게서 인류학을 배웠다. 임 교수는 “3년 전 번역한 <신화학> 1권을 레비스트로스 교수에게 보냈더니 ‘표지 디자인이 좋다. 한글도 아름답다’는 내용의 친필 답장을 보내왔다”며 “지난해부터 기력이 쇠해져 파리의 집에서 칩거 중인 것으로 안다”고 말했다.  

1989년 <구조주의의 사유체계와 사상>이라는 책을 통해 레비스트로스의 구조주의 사상을 국내에 본격 소개한 김형효 한국학중앙연구원 명예교수는 한국에서 구조주의의 ‘학문적 시민권’ 획득이 지연된 이유를 이렇게 설명했다. “프랑스어를 모르고, 또 구조주의 이론 자체가 워낙 난해하니까 철학이나 인류학 쪽에서는 제대로 소화를 못했다. 게다가 감정으로 모든 것을 결단내는 한국 같은 나라에서, 눈에 보이지 않는 ‘초월·선험적 구조’를 중시하는 구조주의가 설 자리가 있었겠는가.” 송효섭 기호학회장은 “포스트모던과 탈구조가 논의되는 21세기의 시점에서 그의 이론과 방법론은 아직도 달성해야 할 목표이자 극복해야 할 대상”이라며 “구조주의의 영향에서 자유롭지 못한 국내의 석학과 중진, 신진기예를 망라해 그의 탄생 100년이 던지는 의미와 공과를 짚어 보려고 한다”고 말했다. (이세영 기자 monad@hani.co.kr 기사등록 : 2008-11-19 오후 07:36:24 ⓒ 한겨레)

 

 

2/3. 위의 기사에서 <누벨 옵세르바퇴르>를 언급해준 덕분에 찾아보니 이런 게 있다.

Le centenaire de Lévi-Strauss : Un Indien dans le siècle

Nº2269 / SEMAINE DU JEUDI 01 Mai 2008 < Le Nouvel Observateur < Un Indien dans le siècle
Père tutélaire du structuralisme, à la fois philosophe et ethnologue, l'auteur de «Tristes Tropiques» va avoir 100 ans et entre en Pléiade. Il est l'auteur d'une oeuvre considérable dont la portée est universelle

 

Cent ans de solitude à travers un âge contemporain qu'il n'aura guère aimé. Cent ans d'une vie sereine et discrète, indifférente à tous les projets de récupération, à contre-courant de toutes les modes. Si Claude Lévi-Strauss a profondément marqué la pensée de son temps, jamais ce dernier n'a recueilli le moindre éloge de la part du grand ethnologue, qui lui a toujours préféré la compagnie des mythes bororo, des opéras de Wagner ou de la prose dix-huitiémiste de Rousseau, le seul maître-penseur qu'il se reconnut vraiment, à l'exception peut-être de l'auteur des «Mémoires d'outre-tombe».


«Il n'y a plus rien à faire : la civilisation n'est plus cette fleur fragile qu'on préservait, écrivait-il dans «Tristes Tropiques» en 1955, le livre unanimement salué par Bataille, Aron ou Blanchot, et qui le révélera au public. L'humanité s'installe dans la monoculture; elle s'apprête à produire la civilisation en masse, comme la betterave.» Emprise totale de l'homme sur une nature massacrée, destruction accélérée de toute diversité culturelle à travers le globe, ainsi le chercheur désenchanté, qui n'avait jamais envisagé sérieusement de transformer politiquement le monde, a-t-il aussi fini par renoncer à le sauvegarder. «Ce n'est pas pour perpétuer cette diversité que je lutte, déclarait-il ainsi dès 1967, à la parution du deuxième volume des «Mythologiques», mais pour en préserver le souvenir.»(*) Conserver la mémoire sensible d'une danse nambikwara ou le geste d'une main qui allume le feu, contre une barbarie technicienne et marchande en passe d'imposer partout sa paix blanche et de stériliser tout germe de création spirituelle à venir, c'est ainsi que Lévi-Strauss a modestement conçu son travail. Curieuse situation à cet égard que celle des ethnologues, qui ne doivent l'existence de leur discipline qu'à un colonialisme destructeur de «tout ce à quoi nous attachons du prix», soulignait-il lors de son premier cours au Collège de France en 1959. C'est sur le conseil de Paul Nizan que le jeune agrégé de philosophie affirmera avoir choisi cette voie, comme porte de sortie à l'enseignement. En 1935, à 27 ans, il se retrouve ainsi au Brésil, découvrant la vie d'«épuisement physique et mental constant» de l'ethnologue de terrain. Un certain absolutisme l'y poussera également. Avec la philosophie occidentale, il aurait eu l'impression de «s'arrêter à mi-chemin», dira-t-il, de se borner aux enceintes mentales bâties par la Grèce et par Rome, à cette civilisation à la fois très tardive et très circonscrite dans l'espace qui, depuis des milliers d'années, s'était servie de la pensée dite «primitive» comme d'un paillasson. Avec l'ethnologie, au contraire, il ambitionne d'embrasser la totalité des expériences humaines connues ou possibles, et ainsi d'«aller jusqu'à l'extrême limite de ce qui était le but même de la philosophie».

[대충 요약하면] 레비스트로스는 문화 다양성을 파괴하는 행위들의 가속화에 반감을 갖지만, 그렇다고 (거창하게 맑스처럼) '세계를 변혁하기'에 심각한 정치적 고려를 한 것은 전혀 아니다: 그는 말하길, "내가 투쟁하는 것은 문화 다양성을 보존하기 위함이 아니라, 그 (문화 다양성의) 기억을 간직하기 위함이다."(*) 기술과 상품이 갖는 야만의 (문화에) 대항하는 그런 기억 말이다. 아마도 이런 야만은 우리 모두를 가격에 옭아매게하는 파괴적 식민주의의 결과일 것이다. -하여튼 아주 겸손한 투쟁목표다, 이게 누군가에게는 더 거창한 것으로 보여질 수도 있겠지만.

 

A ce donquichottisme revendiqué, Lévi-Strauss, issu d'une lignée juive d'origine alsacienne, consentira parfois du bout des lèvres une autre explication. Comme tant d'autres, ce petit-fils de rabbin versaillais expérimente l'antisémitisme des années 1930. «On m'a traité de sale juif dès l'école communale...» Et encore au lycée, où il répond par le coup de poing. «Se découvrir subitement contesté par une communauté dont on croyait être partie intégrante peut conduire un jeune esprit à prendre quelque distance à l'égard de la réalité sociale, contraint qu'il est de la considérer simultanément du dedans où il se sent et du dehors où on le met.» Une situation qui, si elle le mènera d'une certaine façon au «regard éloigné» de l'ethnologue, ne le poussera jamais au rejet d'une identité française que Lévi-Strauss revendiqua toujours «intégralement et exclusivement». «Je me sens concerné par le sort d'Israël, affirmera-t-il des années plus tard, de la même façon qu'un Parisien conscient de ses origines bretonnes pourrait se sentir concerné par ce qui se passe en Irlande : ce sont des cousins éloignés...»

레비스트로스는 어릴 적부터 '나쁜 유대인'이라고 놀림과 배척을 당했고, 이런 경험이 그가  "동화-통섭-합류 / 배제-배타-거부" 등의 어휘를 인류학 연구에 꾸준히 적용하게 했는지도 (모르겠다).


Revenu du Brésil, le jeune chercheur ne prend pas tout de suite la mesure du danger hitlérien. En septembre 1940, il a même la ferme intention d'occuper le poste au lycée Henri-IV où il vient d'être nommé. «Avec le nom que vous portez, aller à Paris ? Vous n'y pensez pas ?», l'avertit le fonctionnaire de Vichy chargé d'examiner son dossier. Ce sera donc l'embarquement sur un vieux rafiot pour New York, Lévi-Strauss bénéficiant du plan de sauvetage des savants européens menacés par les nazis initié par la Fondation Rockefeller. Arrivé sur place, son nom pose encore problème... mais cette fois c'est à cause des fameux blue-jeans. On lui conseille de le changer sans quoi les étudiants «would find it funny» -, et on lui confie sans tarder un cours de sociologie contemporaine de l'Amérique du Sud, dont il ignore alors presque tout.

 

Ces années new-yorkaises seront d'une fécondité exceptionnelle. C'est là qu'il s'attelle à la rédaction des «Structures élémentaires de la parenté», dépouillant des monographies ethnologiques du monde entier. C'est là aussi qu'il côtoie les surréalistes, Breton, Ernst ou encore Duchamp, qui lui communiqueront le goût des rapprochements abrupts et imprévus, procédé esthétique qu'il transformera en méthode d'analyse. «Nos soirées me faisaient penser, toutes proportions gardées, aux précieuses ou à l'Hôtel de Rambouillet», dira-t-il en 1985, au moment de la parution de «la Potière jalouse». C'est aussi à New York, pendant ces années de guerre, qu'il fera la rencontre intellectuelle décisive, celle du linguiste Roman Jakobson. «Je faisais du structuralisme sans le savoir. Jakobson m'a révélé l'existence d'un corps de doctrine déjà constitué.» C'est une illumination. Une dizaine d'années après son retour en France en 1945, Lévi-Strauss sera devenu la figure emblématique de ce mouvement aujourd'hui encore mal compris.


Le «structuralisme», pour dire les choses simplement, est avant tout une façon de ne pas se laisser duper par le sentiment de l'identité personnelle. A rebours de l'existentialisme sartrien, Lévi-Strauss entre en guerre contre le «sujet», «cet insupportable enfant gâté qui a trop longtemps occupé la scène philosophique, et empêché tout travail sérieux en réclamant une attention exclusive». Ainsi se place-t-il résolument du côté de la «rationalité sans sujet» contre les tenants du «sujet sans rationalité». Du marxisme, sa pensée hérite l'idée que toute conscience sociale est trompeuse et que l'existence pratique des hommes conditionne leurs productions psychiques. Du freudisme, celle que même les expression!s en apparence les plus arbitraires voire absurdes de l'esprit peuvent être déchiffrées. Ainsi Lévi-Strauss se lance-t-il dans un inlassable décryptage des invariants et tracés obligatoires qui se dissimulent derrière l'apparente infinité des mythes et autres faits culturels.

레비스트로스는 사르트르의 실존주의에 반대하여 주체에 대항(한겨레 기사의 푸코 발언 참조)하는 전쟁에 돌입하며 이렇게 말한다 : "이 참을수 없는 응석받이 아이(사르트르)가 너무 오랫동안 철학 무대를 장악했고, (실존주의에) 일종의 배타적 주목을 주창하며 모든 진지한 연구를 가로막았다."

 

Claude Lévi-Strauss / né en 1908, Claude Lévi-Strauss est le fondateur de la théorie structuraliste française. Philosophe de formation, il devient ethnologue au Brésil dans les années 1930. Elu en 1959 à la chaire d'anthropologie sociale du Collège de France, il y enseignera jusqu'en 1982. Académicien depuis 1973, il est notamment l'auteur de «Tristes Tropiques» (1955), de «l'Homme nu» (1971) et de «Regarder, écouter, lire» (1993), tous publiés chez Plon.

Aude Lancelin / Le Nouvel Observateur

  

 

3/3. 탄생 100 주년 기념 신문 기고문 3편


Lévi-Strauss depuis le temps / par DENIS KAMBOUCHNER

Le philosophe en rupture de philosophie et anthropologue aura 100 ans le 28 novembre

On dira «le siècle de Lévi-Strauss». Lui n’en croit rien. «Le siècle de…», quelle présomption ! Cela ressemble à tout ce qu’il faut fuir, formules, slogans et hyperboles. La moindre décence l’indiquera : un siècle n’est à personne. Et d’abord, quel siècle ? Quand on a commencé sa vie dans le Paris de Proust, avec ses restes de campagne et ses voitures à chevaux, et qu’on l’achève à l’âge d’Internet, cela fait bien trois siècles en un.

Et puis, songez à l’héritage : un monde si dévasté. Laideur industrielle, océans de déchets, espèces et cultures éteintes en nombre, et l’agressivité démultipliée par le numérique… Non, pas son siècle. Le siècle qui aura été le sien, de cœur, s’il y en eut un, c’était il y a longtemps, disons : pas après les années 60. La «civilisation mondiale» qu’annonçait la fin de Race et histoire, nous y sommes, et elle n’est, comme prévu, «civilisation» que par antiphrase.

Pas le sien, donc - et pourtant le siècle est là, qu’on ne franchit pas par hasard. Sans une rare endurance doublée d’un régime de chaque jour, impossible d’y compter. Était-ce un but ? A soi seul, non bien sûr. Regarder, écouter, persévérer dans sa propre veille, la parfaire encore, oui, si l’on veut, c’est là le but. Mais dans le cas de Lévi-Strauss, longueur de vue aura rimé avec longévité.

Lettres. Depuis longtemps, sans pose aucune, cet homme s’est installé dans une forme d’intemporalité. N’imaginez pas une absence. Retiré, oui, il l’est depuis longtemps, sortant fort peu, ne se mêlant à rien qu’il n’ait choisi. Mais le fait provient d’avant la retraite, et va de pair avec une merveille d’attention : à preuve ses lettres toujours si exactes, dans leur belle encre terre de Sienne. Tout est là, dans ce sens de la correspondance, ce juste emploi du temps et cette très ancienne courtoisie.

 

De même pour l’œuvre. Quand donc Lévi-Strauss s’est-il, à sa manière, installé dans l’intemporel ? Lui le sait peut-être, nous non. Mais on peut répondre : quand son style a été formé. Ce style se reconnaît, comme celui des plus grands, à quelques mots. Voyez le début des Structures élémentaires de la parenté (1947) : «De tous les principes avancés par les précurseurs de la sociologie, aucun n’a, sans doute, été répudié avec autant d’assurance…». Ou sur un autre registre celui, si fameux, de Tristes tropiques (1955) : «Je hais les voyages et les explorateurs. Et voici que je m’apprête à raconter mes expéditions. Mais que de temps pour m’y résoudre !» Rien ne fut jamais mieux frappé. C’était l’autorité d’un Descartes ou d’un Bergson (pour lui deux figures adverses), ou encore celle d’un Bach, d’un Poussin, d’un Montaigne, avec une extrême ouverture du champ, et le soin apporté à chaque nuance.

Masques. Grand style classique ? Bien sûr. Poli dans le solide lycée des années  20, mais surtout nourri de toutes sortes d’expériences : société, conversations, paysages, peinture, musique, littérature, philosophie, histoire et politique - action comprise, comme de rigueur à l’époque. Le fruit, en somme, d’une culture intensive et très tôt plurielle dans un esprit d’avance indépendant. De quoi nous renvoyer tous à notre éducation bancale, et à nos ignorances, qui sont légion. Pourquoi le nier ? L’œuvre de Lévi-Strauss a eu d’emblée quelque chose à voir avec le musée. Ainsi au départ de la Voie des masques (1979). Le musée : non simple collection publique ou privée, mais conservatoire d’une multiplicité rendue sensible et lisible. Pourtant, le musée n’est pas son espace : ce que cette œuvre donne à voir est tout en extérieur. Ouvrez au hasard le même livre : «Il n’est donc pas dépourvu de sens, ni de portée, qu’une version kwakiutl du mythe de l’amant-chien s’achève sur un repas de Scorpénidé rouge» (p. 212). Cette poésie du symbolique est partout, et avec elle toute une nature et toute une vie de peuples presque disparus. L’intemporel ne tient pas simplement ici au style ni à l’espace : tout autant à la substance, immémoriale, et au regard qui distingue tout.

Philosophe en rupture de philosophie («la pensée» s’enivre si souvent de son verbe…), Lévi-Strauss avait fait une exception pour Spinoza. De la connaissance la plus haute, Spinoza dit qu’elle est «éternelle». Et donc, quiconque a cultivé ce genre de connaissance, «la plus grande partie de son esprit est éternelle». L’idée a sa tradition, qui remonte aux Grecs. Ses objets étaient tout autres. N’empêche : aux prises avec une complexité chatoyante et condamnée, les grands livres de Lévi-Strauss, dont ses Mythologiques, réalisent quelque chose de cette éternité.

Lévi-Strauss, dernier stoïcien ? néoplatonicien dissident ? Non, s’il vous plaît, pas de formules. Et quant au «siècle», oui, il s’y est mesuré. Mais pour la profondeur du temps, c’est encore peu. (Liberation Culture 13 nov. 6h51)

 

 

Il nous a anticipés / par Patrice Maniglier 

Quand je suis entré à Normale-Sup, au début des années 1990, Lévi-Strauss était complètement absent du paysage philosophique. Il y avait un repli de la philosophie sur elle-même, et ceux qui, dans ma génération, s'intéressaient au monde contemporain, étaient nourris par des auteurs comme Deleuze, Foucault, Derrida, voire Wittgenstein. Le structuralisme passait pour une théorie des systèmes immobiles, que ces philosophes-là avaient dépassée en faveur d'une pensée du changement.

Or quand j'ai lu Lévi-Strauss, j'ai eu la surprise de découvrir un penseur fasciné par la variabilité des cultures humaines, et qui considére que rien n'a de sens sinon ce qui est en train de se transformer. Au moment des débats sur le pacs, et alors que certains utilisaient Lévi-Strauss pour justifier le refus d'accorder des droits aux couples de même sexe, j'ai eu l'impression que ses textes étaient au contraire un instrument propre à éclairer ce qui avait changé pour que le mariage ou l'adoption par des couples de même sexe deviennent soudain au moins pensables, alors qu'ils ne l'étaient pas vingt ans auparavant.

Dans un autre domaine, il permet de comprendre comment la philosophie peut se nourrir d'un film pour teenagers comme Matrix : non pas en proposant une interprétation profonde, mais en acceptant qu'un film hollywoodien, comme le mythe selon Lévi-Strauss, n'a pas un sens figé, et qu'il en produit en combinant des aspects de la culture très éloignés les uns des autres, la religion et la bande dessinée, le cinéma et la métaphysique. Bref, qu'on se veuille "post-moderne", "queer" ou "pop", Lévi-Strauss nous a anticipés, il nous a situés ; et il nous a justifiés mieux que nous ne l'avions fait. (Article paru dans l'édition du 26.11.08. LE MONDE | 25.11.08 | 10h28  •  Mis à jour le 27.11.08 | 10h03 / Patrice Maniglier est philosophe, professeur à l'université d'Essex (Grande-Bretagne). Propos recueillis par Jean Birnbaum)
  

 

L'absolue fragilité des sociétés / par Stéphane Breton   

Que découvre-t-on lorsqu'on lit Lévi-Strauss pour la première fois ? L'existence d'une chose que l'on a pourtant sous les yeux, "la société", que tout dans nos habitudes modernes conspire à dissimuler ou à juger scandaleuse, aliénante, contraire à notre frénésie d'émancipation. Et cette société, qu'on trouve aussi bien chez les Indiens du Mato Grosso que chez les habitants des pays industrialisés, en elle tout se tient, c'est cela qu'on lit dans Lévi-Strauss. Bouger une pièce change l'équilibre général.

C'est pourquoi elle est si fragile : pas tant sous le coup des crises que dans l'érosion désinvolte des habitudes et des valeurs qui vont de soi et sur lesquelles repose notre vie la plus simple. C'est cette éblouissante fragilité des sociétés lointaines ou proches qu'après être devenu ethnologue j'ai voulu peindre dans mes films documentaires : en recréant une totalité, en saisissant une atmosphère plus vaste que les personnages.

L'homme à la caméra et l'ethnologue ont au moins une chose en commun. Ils savent que ce qu'ils observent, ce ne sont pas seulement des "agents", mais une société. Ce n'est pas de manière neutre qu'ils voient ce qui leur est étranger, mais selon leurs propres habitudes de pensée. Ils savent aussi que lorsqu'ils regardent quelqu'un, celui-ci les regarde en retour, équipé de "sa" culture. C'est toujours une société qui en regarde une autre. (Article paru dans l'édition du 26.11.08. LE MONDE | 25.11.08 | 10h28 / Stéphane Breton est ethnologue et cinéaste au Musée du quai Branly, où il dirige la collection de films documentaires "L'usage du monde". Propos recueillis par Patrick Kéchichian)

 

 

[기타] 

Lévi-Strauss a 100 ans / A l'occasion du centenaire de l'anthropologue, aujourd’hui, le musée parisien du Quai Branly organise une série de manifestations en son honneur. DOMINIQUE POIRET, http://www.liberation.fr/culture/1101216-levi-strauss-a-100-ans:i-2 [사진모음] 

Lévi-Strauss, l'éternel retour / L’anthropologue et philosophe a cent ans aujourd’hui. L’Humanité de vendredi rend hommage avec quatre pages spéciales à l’inventeur du structuralisme, qui a parcouru les sociétés humaines pour en faire surgir les rationalités ancestrales. Avec entre autres un entretien avec Vincent Debaene, qui a coordonné et préfacé le volume des Œuvres de Claude Lévi-Strauss dans la Pléiade. Ainsi que des points de vue de Emmanuel Terray, Christian Bromberger, Marc Augé, http://www.humanite.fr/Levi-Strauss-l-eternel-retour [뤼마니떼에는 특집으로 신문 네 면을 할애했다는 말만 있고 내용은 아직 안 나옴]

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