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  1. 2009/06/05
    낭시(J-L.Nancy) 인터뷰 & 'Q-R'기사 (09/6/2-Libé)
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낭시(J-L.Nancy) 인터뷰 & 'Q-R'기사 (09/6/2-Libé)

Liberation 02/06/2009 à 16h40

Jean-Luc Nancy: «Nous avons accès à la parole, il n'y a qu'à parler!»

Jean-Luc Nancy a écrit sur l'art, la politique, sur le coeur qui lui a été greffé il y a dix-huit ans, et sur Mai 68, proche de Derrida et de Philippe Lacoue-Labarthe, il est l'une des figures majeures de la philosophie contemporaine. Il a répondu à vos questions.

7 réactions

(Photo Patrick Swirc)

 

Frédéric. Que signifie pour vous le mot de communisme? Vous aviez donné votre accord pour participer à une conférence organisée par Alain Badiou et Slavoj Zizek, intitulée L'idée du communisme (Londres, 13-15 mars 2009). Vous avez malheureusement été empêché de venir. La condition mise à votre participation, que vous aviez donc acceptée, était que le mot de communisme peut et doit retrouver aujourd'hui une valeur positiive (cf. A. B., L'Hypothèse communiste, pp. 31-32). Quelle est cette valeur positive?

Jean-Luc Nancy. Je n'ai pas pu participer à la conférence de Londres parce que j'étais malade. J'ai écris un texte, une longue note, qui sera publié dans les actes du colloque de Londres. Je n'ai jamais mis de condition à ma participation, puisque venant de Badiou et Zizek, ils savaient très bien qu'il s'agissait de parler du communisme de façon positive. D'ailleurs, un jour, Badiou m'a qualifié de «dernier des communistes».

Pour moi, le communisme ça ne signifie pas un choix politique, encore moins un régime politique, ça signifie l'exigence, non seulement de nous permettre de vivre en commun, de mettre «le commun» en première ligne, avant l'individu, mais pas au sens d'un collectivisme: on peut opposer complètement communisme et collectivisme. Nous sommes dans une société tellement individualiste où la question du rapport à l'autre, du lien social en général, est devenu tellement problématique que nous avons beaucoup de mal à retrouver la dimension du commun, qui est quand même la dimension dans laquelle nous sommes, je pourrais dire de naissance, ou de manière plus philosophique, ontologiquement. Nous ne sommes jamais seul: Il y en a d'abord plusieurs. Le communisme c'est le mot qui, à travers l'Histoire, celle du monde moderne, est venu porter cette demande, ce désir: Comment sommes-nous en commun? parce que notre existence commune a été fragmentée, divisée, par la civilisation. Le communisme porte ce que la religion (et aussi bien la religion civile, qui était celle de Rome ou d'Athènes) ne peut plus porter. Ce n'est presque pas un concept, c'est plus un appel, une demande, un désir.

Désert. Dans l'interview du Libé de ce matin[*], vous parlez de la disparition de la gauche, c'est un constat amer. D'où pourrait venir, selon vous, le nouvel esprit de gauche?
 Premièrement, il est là en tant qu'esprit, exigence, de la justice. Ça, ce n'est pas perdu. Non seulement, ce n'est pas perdu, mais c'est énormément aiguisé par l'injustice croissante du dernier développement du capitalisme. Là, il y a quelque chose qui est très profondément de gauche, si on veut dire que la gauche c'est au moins le sens que la justice n'est pas donnée (par la nature, ou par Dieu).
Deuxièmement, je crois que pour retrouver plus qu'une exigence de justice, qui ne débouche pas à elle toute seule sur une politique, une action de terrain, je crois qu'il faut faire une sorte de pas en arrière de la politique au sens strict. Il faut une réflexion sur notre société, et même notre civilisation. Au lieu que la gauche, depuis 1789, s'appuie sur l'idée d'un homme donné naturellement libre, égal, fraternel, il nous faut apprendre que cet homme n'est pas donné, il nous faut inventer de penser autrement l'homme.

Cécilia. Vous dites que nous sortons de l'âge de l'Histoire pour entrer quand l'âge de l'Espace, pourriez-vous m'expliquez ce que vous entendez par là?
 Nous sortons de l'âge de l'Histoire entendu comme succession d'étapes dans un certain progrès, vers un certain aboutissement. L'espace, ici, voudrait dire que nous apprenons que pour le moment, peut être nous ne savons pas vers où nous allons, mais que nous sommes tous ensemble dans un même et unique espace, qui est le monde dans lequel il nous faut inventer des rapports, qui ne peuvent plus avoir la garantie d'un avenir, comme celui d'une humanité réconciliée avec elle-même et avec la nature. Espace veut dire simultanéité et distance entre nous tous. Nous sommes tous ensemble et, en même temps, il y a de la distance, de la différence, et comment fait-on avec cela, sans aucune promesse d'unité terminale?

Saxifrage. Vous avez écrit quelque part: «Le poème fait le difficile», pouvez-vous développer? L'expression me plaît beaucoup.
 Cela veut dire «le poème est rebelle» à l'accomplissement de sens. Par exemple, ça veut dire que je ne fais pas le difficile, si j'accepte qu'on me dise «tous les hommes seront frères»: c'est de la prose et de l'idéologie. Tandis que le poème ne va jamais dire une chose pareille! Le poème résiste à la livraison de significations toutes ficelées. Il ouvre des significations mal ficelées, pas ficelées, il défait, délie les nouages de significations, et ouvre la possibilité de questionner, de chercher.

Willocq. Dans l'interview que vous donnez à Libération aujourd'hui, vous parlez de «justice sociale minimale pour aujourd'hui», est-ce que vous pensez cette justice sociale minimale «pour attendre mieux» ou comme seule solution ?
 Il y a une base minimale qui n'est pas si facile à définir, je vous l'accorde, ça ne veut pas dire que c'est forcément le «revenu minimal garanti». Nous savons quand même, en  gros, ce qui est exigible comme justice: que les gens mangent, se logent, se soignent, et là, ça devient délicat, qu'ils puissent avoir du travail. Déjà, même la question du travail est délicate et, peut être, que dans les conditions  techniques actuelles, il n'est pas évident que tout le monde doive travailler. Il y a beaucoup de questionnements. Mais je reconnais que l'ordre des questions, des incertitudes: manger, se loger, c'est relativement simple, se soigner est déjà un peu plus complexe. Ne faut-il pas aussi se méfier du désir de santé qui est exhorbitant?
C'est justement en réfléchissant aux possibilités de déterminer le minimum (manger, se loger, être soigné) pour qu'au-delà les gens puissent accéder à autre chose (s'instruire) que l'on pourra réfléchir sur notre société: qu'est-ce que nous voulons? Aujourd'hui, la prépondérance des normes des matières scientifiques témoigne d'un choix, en partie peut-être inconscient, qui est plutôt un choix de la société (la grosse mécanique sociale), plutôt que d'un choix réfléchi sur ce que nous voulons comme monde, comme culture.

Schlomo767. Vous dites qu'il faut une réflexion sur notre société, mais les intérêts de ceux qui possèdent les moyens de diffusion de l'information n'en ont aucun besoin, les politiques encore moins ! Quel serait cet Espace où nous pourrions réfléchir?
 Cet espace il existe quand même. La preuve, là, maintenant, où je vous réponds. Il est vrai que les moyens d'information et de communication sont entre les mains de puissances économiques et politiques, mais il est vrai aussi que le développement des mêmes moyens, par exemple par internet, mais pas seulement, même dans la presse papier, les livres, la radio permet quand même une circulation, une agitation, des idées. Il ne faut pas être dans la victimisation. Je n'ai jamais trop cru qu'on était dans la télécratie. Ce n'est pas seulement la domination des «grands méchants» qui font avaler tout ce qu'ils veulent. Nous avons, pas seulement le droit, mais nous avons accès à la parole: il n'y a qu'à parler! Vous posez votre question, je vous réponds.
A travers tout le XVIIIème siècle, où il n'y avait pas internet... il y avait une quantité énorme de discussions, de diffusions d'idées, qui a fait qu'en 1789, la Révolution n'a pas été seulement le fait d'une poignée de notables. Elle répondait à quelque chose qui commençait à être articulé par beaucoup dans le pays, pas par tous, mais par beaucoup, même chez les paysans. D'une autre manière, pendant le stalinisme, tout le poids énorme de ce régime n'a pas empêché une intense activité de réflexions, et d'échanges d'idées.

 

[* 낭시 인터뷰기사] «Le sens de l’histoire a été suspendu»
http://www.liberation.fr/livres/0101571243-le-sens-de-l-histoire-a-ete-suspendu

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