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레닌의 폭력혁명론 (<국가와 혁명>(1917) 에서)

"폭력 혁명이 없이는, 부르주아 국가를 프롤레타리아 국가로 대체하는 것이 불가능하다."  -레닌-

"Sans révolution violente, il est impossible de substituer l'Etat prolétarien à l'Etat bourgeois." 

 

Discours de Lénine

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레닌의 <국가와 혁명>(*), 제1장(계급사회와 국가)의 마지막 부분에 나오는 말이다. 물론 폭력예찬론이 아니라, 민주주의라고 불리는 자본주의 시민사회의 부르주아 국가라는 것이 엄밀한 계급적 틀 위에 만들어졌고, 그 계급을 조장하고 활용하며 유지-발전될 수밖에 없는, 즉 보이지 않는 폭력적 구조 위에서 작동하는 것이므로, 그 구조를 타파할 수단은 폭력혁명 외에는 없다는, 폭력불가피론을 말하는 것이겠다. '적이 폭력(보이든 말든)을 사용하니 나도 폭력이다'라는 오기적 발상이 아니라, 그들이 지배의 틀을 계급 위에 구축하고 지속 시키는 데에는 그만한 지적(계략의) 견고함이 있을테고, 그런 견고함에 맞서 말과 논리로 백날 민주주의를 주창하고 요구해봤자, 그들을 떠받들고 있는 반동적 지식인과 그 동조자들의 세력이 더 우월할 수밖에 없다는 게 역사라는 사실에 대한 인식에서 나온 폭력 불가피론이 아닐까 싶다 (별로 신빙성 없는 내 생각에..). 심지어, 민주주의에 대하여, 레닌은 '민주주의 일반'(democratie en general) 같은 것은 아예 없고 '프롤레타리아 민주주의' 혹은 '부르주아 민주주의'가 있을 뿐이며, 이 후자의 전형적인 양태가 바로 서구 의회민주주의로, 여기서는 대표자라는 놈들이 대표하는 것은 전혀 인민이 아니라 부르주아-부자-귀족 계급이라는 사실을 적시한다. 물론, 진짜민주주의=공산주의! 

갑자기, 지난 토요일 서울 촛불 집회에서 약간의 투석전이 있었고, 작년에는 그렇게도 비폭력을 고집하던 사람들이 MB 치하 1년만에 뭔가 깨달은 바가 있었는지 더는 그런 부르주아(쁘띠) 논쟁을 않았다는 기사를 보고 기억난 글이다 (아마도 평화가 어떤 진보정당의 심벌들 중의 하나였던가, 근데 누구를 위한 평화일까?). 이하 <국가와 혁명>, 제1장, 제4절, "국가의 절멸(소멸)과 폭력혁명" [소멸은 자동적/절멸은 타동적 -내 느낌 상-]의 불어 번역본을 옮겨다 읽어본다. (아마도 한글본도 별로 어렵지 않게 찾을 수 있을텐데, 나는 잘 모름.

(*) 레닌의 <국가와 혁명>은 1917년 8월, 그러니까 10월혁명 직전에 쓰여진 글이다.

출처: http://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/08/er00t.htm

  

Bolshevik (1920), par Boris Kustodiev

 

레닌, <국가와 혁명>(1917), L'ETAT ET LA REVOLUTION

CHAPITRE I. LA SOCIETE DE CLASSES ET L'ETAT (제1장. 계급사회와 국가)
1. L'Etat, produit de contradictions de classes inconciliables (국가, 화해할 수 없는 두 계급 간 대결-모순의 산물)
2. Détachements spéciaux d'hommes armés, prisons, etc. (무장한 민중의 특수한 이탈, 감옥, 등)
3. L'Etat, instrument pour l'exploitation de la classe opprimée (국가, 피지배계급의 착취를 위한 도구)

 

 

4. "EXTINCTION" DE L'ETAT ET REVOLUTION VIOLENTE (국가의 절멸과 폭력혁명)

 

Les formules d'Engels sur l'"extinction de l'Etat" jouissent d'une si large notoriété, elles sont si fréquemment citées, elle mettent si bien en relief ce qui fait le fond même de la falsification habituelle du marxisme accommodé à la sauce opportuniste qu'il est nécessaire de s'y arrêter plus longuement. Citons en entier le passage d'où elles sont tirées :

"Le prolétariat s'empare du pouvoir d'Etat et transforme les moyens de production d'abord en propriété d'Etat. Mais par là, il se supprime lui-même en tant que prolétariat, il supprime toues les différences de classes et oppositions de classes et également en tant qu'Etat. La société antérieure, évoluant dans des oppositions de classes, avait besoin de l'Etat, c'est-à-dire, dans chaque cas, d'une organisation de la classe exploiteuse pour maintenir ses conditions de production extérieures, donc surtout pour maintenir par la force la classe exploitée dans les conditions d'oppression données par le mode de production existant (esclavage, servage, salariat). L'Etat était le représentant officiel de toute la société, sa synthèse en un corps visible, mais cela, il ne l'était que dans la mesure où il était l'Etat de la classe qui, pour son temps, représentait elle-même toute la société : dans l'antiquité, Etat des citoyens propriétaires d'esclaves; au moyen âge, de la noblesse féodale; à notre époque, de la bourgeoisie. Quand il finit par devenir effectivement le représentant de toute la société, il se rend lui-même superflu. Dès qu'il n'y a plus de classe sociale à tenir dans l'oppression; dès que, avec la domination de classe et la lutte pour l'existence individuelle motivée par l'anarchie antérieure de la production, sont éliminés également les collisions et les excès qui en résultent, il n'y a plus rien à réprimer qui rende nécessaire un pouvoir de répression, un Etat. Le premier acte dans lequel l'Etat apparaît réellement comme représentant de toute la société, - la prise de possession des moyens de production au nom de la société, - est en même temps son dernier acte propre en tant qu'Etat. L'intervention d'un pouvoir d'Etat dans des rapports sociaux devient superflue dans un domaine après l'autre, et entre alors naturellement en sommeil. Le gouvernement des personnes fait place à l'administration des choses et à la direction des opérations de production. L'Etat n'est pas "aboli", il s'éteint. Voilà qui permet de juger la phrase creuse sur l'"Etat populaire libre", tant du point de vue de sa justification temporaire comme moyen d'agitation que du point de vue de son insuffisance définitive comme idée scientifique; de juger également la revendication de ceux qu'on appelle les anarchistes, d'après laquelle l'Etat doit être aboli du jour au lendemain" (Anti-Dühring, Monsieur E. Dühring bouleverse la science, pp. 301-303 de la 3e édit. allemande).

On peut dire, sans crainte de se tromper, que ce raisonnement d'Engels, si remarquable par sa richesse de pensée, n'a laissé, dans les partis socialistes d'aujourd'hui, d'autre trace de pensée socialiste que la notion d'après laquelle l'Etat "s'éteint", selon Marx, contrairement à la doctrine anarchiste de l'"abolition" de l'Etat. Tronquer ainsi le marxisme, c'est le réduire à l'opportunisme; car, après une telle "interprétation", il ne reste que la vague idée d'un changement lent, égal, graduel, sans bonds ni tempêtes, sans révolution. L'"extinction" de l'Etat, dans la conception courante, généralement répandue dans les masses, c'est sans aucun doute la mise en veilleuse, sinon la négation, de la révolution.

Or, pareille "interprétation" n'est qu'une déformation des plus grossières du marxisme, avantageuse pour la seule bourgeoisie et théoriquement fondée sur l'oubli des circonstances et des considérations essentielles indiquées, par exemple, dans les "conclusions" d'Engels que nous avons reproduites in extenso.

 

1/ Premièrement. Au début de son raisonnement, Engels dit qu'en prenant possession du pouvoir d'Etat, le prolétariat "supprime par là l'Etat en tant qu'Etat". On "n'a pas coutume" de réfléchir à ce que cela signifie. D'ordinaire, ou bien l'on en méconnaît complètement le sens, ou bien l'on y voit, de la part d'Engels, quelque chose comme une "faiblesse Hégélienne". En réalité, ces mots expriment en raccourci l'expérience d'une des plus grandes révolutions prolétariennes, l'expérience de la Commune de Paris de 1871, dont nous parlerons plus longuement en son lieu.

Engels parle ici de la "suppression", par la révolution prolétarienne, de l'Etat de la bourgeoisie , tandis que ce qu'il dit de l'"extinction" se rapporte à ce qui subsiste de l'Etat prolétarien , après la révolution socialiste. L'Etat bourgeois, selon Engels, ne "s'éteint" pas; il est "supprimé" par le prolétariat au cours de la révolution. Ce qui s'éteint après cette révolution, c'est l'Etat prolétarien, autrement dit un demi-Etat.

 

2/ Deuxièmement. L'Etat est un "pouvoir spécial de répression". Cette définition admirable et extrêmement profonde d'Engels est énoncée ici avec la plus parfaite clarté. Et il en résulte qu'à ce "pouvoir spécial de répression" exercé contre le prolétariat par la bourgeoisie, contre des millions de travailleurs par une poignée de riches, doit se substituer un "pouvoir spécial de répression" exercé contre la bourgeoisie par le prolétariat (la dictature du prolétariat). C'est en cela que consiste la "suppression de l'Etat en tant qu'Etat". Et c'est en cela que consiste l'"acte" de prise de possession des moyens de production au nom de la société. Il va de soi que pareil remplacement d'un "pouvoir spécial" (celui de la bourgeoisie) par un autre "pouvoir spécial" (celui du prolétariat) ne peut nullement se faire sous forme d'"extinction".

 

3/ Troisièmement. Cette "extinction" ou même, pour employer une expression plus imagée et plus saillante, cette "mise en sommeil", Engels la rapporte sans aucune ambiguïté possible à l'époque consécutive à la "prise de possession des moyens de production par l'Etat au nom de toute la société", c'est-à-dire consécutive à la révolution socialiste. Nous savons tous qu'à ce moment-là la forme politique de l'"Etat" est la démocratie la plus complète. Mais il ne vient à l'esprit d'aucun des opportunistes qui dénaturent sans vergogne le marxisme qu'il s'agit en ce cas, chez Engels, de la "mise en sommeil" et de l'"extinction" de la démocratie. Cela paraît fort étrange à première vue. Pourtant, ce n'est "inintelligible" que pour quiconque n'a pas réfléchi à ce fait que la démocratie, c'est aussi un Etat et que, par conséquent, lorsque l'Etat aura disparu, la démocratie disparaîtra également. Seule la révolution peut "supprimer" l'Etat bourgeois. L'Etat en général, c'est-à-dire la démocratie la plus complète, ne peut que "s'éteindre".

 

4/ Quatrièmement. En formulant sa thèse fameuse : "l'Etat s'éteint", Engels explique concrètement qu'elle est dirigée et contre les opportunistes et contre les anarchistes. Et ce qui vient en premier lieu chez Engels, c'est la conclusion, tirée de sa thèse sur l'"extinction" de l'Etat, qui vise les opportunistes.

On peut parier que sur 10 000 personnes qui ont lu quelque chose à propos de l'"extinction" de l'Etat ou en ont entendu parler, 9 990 ignorent absolument ou ne se rappellent plus que les conclusions de cette thèse, Engels ne les dirigeait pas uniquement contre les anarchistes. Et, sur les dix autres personnes, neuf à coup sûr ne savent pas ce que c'est que l'"Etat populaire libre" et pourquoi, en s'attaquant à ce mot d'ordre, on s'attaque aussi aux opportunistes. Ainsi écrit-on l'histoire ! Ainsi accommode-t-on insensiblement la grande doctrine révolutionnaire au philistinisme régnant. La conclusion contre les anarchistes a été mille fois reprise, banalisée, enfoncée dans la tête de la façon la plus simpliste; elle a acquis la force d'un préjugé. Quant à la conclusion contre les opportunistes, on l'a estompée et "oubliée" !

L'"Etat populaire libre" était une revendication inscrite au programme des social-démocrates allemands des années 70 et qui était devenue chez eux une formule courante. Ce mot d'ordre, dépourvu de tout contenu politique, ne renferme qu'une traduction petite-bourgeoise et emphatique du concept de démocratie. Dans la mesure où l'on y faisait légalement allusion à la république démocratique, Engels était disposé à "justifier", "pour un temps", ce mot d'ordre à des fins d'agitation. Mais c'était un mot d'ordre opportuniste, car il ne tendait pas seulement à farder la démocratie bourgeoise; il marquait encore l'incompréhension de la critique socialiste de tout Etat en général. Nous sommes pour la république démocratique en tant que meilleure forme d'Etat pour le prolétariat en régime capitaliste; mais nous n'avons pas le droit d'oublier que l'esclavage salarié est le lot du peuple, même dans la république bourgeoise la plus démocratique. Ensuite, tout Etat est un "pouvoir spécial de répression" dirigé contre la classe opprimée. Par conséquent, aucun Etat n'est ni libre, ni populaire. Cela, Marx et Engels l'ont maintes fois expliqué à leurs camarades de parti dans les années 70.

 

5/ Cinquièmement. Ce même ouvrage d'Engels, dont tout le monde se rappelle qu'il contient un raisonnement au sujet de l'extinction de l'Etat, en renferme un autre sur l'importance de la révolution violente. L'appréciation historique de son rôle se transforme chez Engels en un véritable panégyrique de la révolution violente. De cela, "nul ne se souvient"; il n'est pas d'usage, dans les partis socialistes de nos jours, de parler de l'importance de cette idée, ni même d'y penser; dans la propagande et l'agitation quotidiennes parmi les masses, ces idées ne jouent aucun rôle. Et pourtant, elles sont indissolublement liées à l'idée de l'"extinction" de l'Etat avec laquelle elles forment un tout harmonieux.

Voici ce raisonnement d'Engels :

"... que la violence joue encore dans l'histoire un autre rôle [que celui d'être source du mal], un rôle révolutionnaire; que, selon les paroles de Marx, elle soit l'accoucheuse de toute vieille société qui en porte une nouvelle dans ses flancs; qu'elle soit l'instrument grâce auquel le mouvement social l'emporte et met en pièces des formes politiques figées et mortes - de cela, pas un mot chez M. Dühring. C'est dans les soupirs et les gémissements qu'il admet que la violence soit peut-être nécessaire pour renverser le régime économique d'exploitation, - par malheur ! Car tout emploi de la violence démoralise celui qui l'emploie. Et dire qu'on affirme cela en présence du haut essor moral et intellectuel qui a été la conséquence de toute révolution victorieuse ! Dire qu'on affirme cela en Allemagne où un heurt violent, qui peut même être imposé au peuple, aurait tout au moins l'avantage d'extirper la servilité qui, à la suite de l'humiliation de la Guerre de Trente ans, a pénétré la conscience nationale ! Dire que cette mentalité de prédicateur sans élan, sans saveur et sans force a la prétention de s'imposer au parti le plus révolutionnaire que connaisse l'histoire !" (Anti-Dühring , p. 193 de la 3e édit. allemande, fin du chapitre IV, 2e partie.)

Comment peut-on concilier dans une même doctrine ce panégyrique de la révolution violente qu'Engels n'a cessé de faire entendre aux social-démocrates allemands de 1878 à 1894, c'est-à-dire jusqu'à sa mort même, et la théorie de l'"extinction" de l'Etat ?

D'ordinaire, on les concilie d'une manière éclectique, par un procédé empirique ou sophistique, en prenant arbitrairement (ou pour complaire aux détenteurs du pouvoir) tantôt l'un, tantôt l'autre de ces raisonnements; et c'est l'"extinction" qui, 99 fois sur 100 sinon plus, est mise au premier plan. L'éclectisme se substitue à la dialectique : c'est, à l'égard du marxisme, la chose la plus accoutumée, la plus répandue dans la littérature social-démocrate officielle de nos jours. pareil substitution n'est certes pas une nouveauté : on a pu l'observer même dans l'histoire de la philosophie grecque classique. Dans la falsification opportuniste du marxisme, la falsification éclectique de la dialectique est celle qui trompe les masses avec le plus de facilité; elle leur donne un semblant de satisfaction, affecte de tenir compte de tous les aspects du processus, de toutes les tendances de l'évolution, de toutes les influences contradictoires, etc., mais, en réalité, elle ne donne aucune idée cohérente et révolutionnaire du développement de la société.

Nous avons déjà dit plus haut, et nous le montrerons plus en détail dans la suite de notre exposé, que la doctrine de Marx et d'Engels selon laquelle une révolution violente est inéluctable concerne l'Etat bourgeois. Celui-ci ne peut céder la place à l'Etat prolétarien (à la dictature du prolétariat) par voie d'"extinction", mais seulement, en règle générale, par une révolution violente. Le panégyrique que lui consacre Engels s'accorde pleinement avec de nombreuses déclarations de Marx (rappelons-nous la conclusion de la Misère de la philosophie et du Manifeste communiste proclamant fièrement, ouvertement, que la révolution violente est inéluctable; rappelons-nous la critique du programme de Gotha en 1875, près de trente ans plus tard, où Marx flagelle implacablement l'opportunisme de ce programme). Ce panégyrique n'est pas le moins du monde l'effet d'un "engouement", ni une déclamation, ni une boutade polémique. La nécessité d'inculquer systématiquement aux masses cette idée - et précisément celle-là - de la révolution violente est à la base de toute la doctrine de Marx et Engels. La trahison de leur doctrine par les tendances social-chauvines et kautskistes, aujourd'hui prédominantes, s'exprime avec un relief singulier dans l'oubli par les partisans des unes comme des autres, de cette propagande, de cette agitation.

Sans révolution violente, il est impossible de substituer l'Etat prolétarien à l'Etat bourgeois. La suppression de l'Etat prolétarien, c'est-à-dire la suppression de tout Etat, n'est possible que par voie d'"extinction".

Marx et Engels ont développé ces vues d'une façon détaillée et concrète, en étudiant chaque situation révolutionnaire prise à part, en analysant les enseignements tirés de l'expérience de chaque révolution. Nous en arrivons à cette partie, incontestablement la plus importante, de leur doctrine.

 

* 모든 이텔릭체 강조는 원문 그대로 이고, 기타 잡다한 강조와 번호는 펌자의 것임.

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토젤(A.Tosel) 2: 민주주의와 자유주의

앞 포스트의 '토젤1'에서는 토젤이 다른 사람의 글에 단 서평을 살펴봤는데, 여기서는 토젤의 <민주주의와 자유주의>(1995)가 서평 대상이다. 이 책은 1981에서 1995 사이에 토젤이 관련 주제로 쓴 글들을 모은 논문집이다. '공산주의 몰락'과 '현대성의 정치형태가 되어버린 자유민주주의의 고착화', 이 둘 사이의 역사적 순간 주위에서 이뤄진 '정치적 사고의 가능 조건'에 대한 저자의 고민을 이 책이 담고 있다고 서평은 말한다. 결국은 '자유민주주의'라는 일종의 '민주주의의 혁명'이 공산주의의 종말을 불러왔고, 그 '민주주의 혁명'은 자유주의의 징후 위에 21세기를 열었고, 전혀 민주주의와는 상관도 없는 것들이 '자유민주주의'라는 이름으로 민주주의를 대체해 버렸다는 말이다. 바야흐로 막가파 자유주의 시대가 열린 것이다.

여기서 토젤은 '경제적 자유주의'와 '윤리-정치적 자유주의'를 구별하고, 민주주의와 짝을 이룰 수 있는 것은 전자가 아니라 후자임을 분명히 한다. 마찬가지로, '스탈린적 공산주의'와 '다른 가능한 혹은 잊어버린 공산주의'도 마땅히 구별돼야 한다는 것이다: 전자가 전혀 민주주의가 아니라면, 후자는 바로 민주주의 그 자체의 다른 말일 뿐이라는 것. 더불어, 토젤은 국가에 대한 맑스적 비판이 부정적 중요성으로만 부각된 측면이 있으며 여기서 그람시를 다시 읽을 것을 권유한다. 즉, 오늘날에 있어서 '국가의 종말'이라는 말을 신중하지 못하게 다시 쓸 경우, 정치-사회적으로 유해하기 그지없는 신자유주의에로의 굴복으로 경도될 위험이 있다고 경고한다.

[밑에는 토젤이 뤼마니떼 신문에 작년 5월에 기고한 글을 붙여둔다. 기고문의 제목은 "그람시의 징후"이고, 내용은 그람시의 헤게모니론의 프랑스적 발견이다. 사르코지의 '친자본 신자유주의 정책'이 어떻게 지배이데올리기로서 프랑스 사회-문화-정치의 모든 국면을 잠식하고 질식시키고 있는지를 분석-비판하는 짧지않은 글이다. 더 자세한 것은 나중에 밑에서...]

 

Démocratie et libéralismes

[서평대상] TOSEL André : Démocratie et libéralismes (1995), Paris, Kimé, 1995, 288 p.

[서평] Louis Ucciani  (Cahiers Charles Fourier, n° 6, décembre 1995)

Pour citer cet article : UCCIANI Louis (1995), “TOSEL André : Démocratie et libéralismes (1995) ”, Cahiers Charles Fourier, n° 6, décembre 1995, pp. 106-107 [disponible en ligne : http://www.charlesfourier.fr/article.php3?id_article=74].


Ce livre, qui reprend des textes publiés par l’auteur entre 1981 et 1995, dessine une réflexion actuelle sur le monde actuel. Il dégage les conditions de possibilité de la pensée du politique autour des deux moments historiques que sont d’une part la fin du communisme et de l’autre l’affirmation de la démocratie libérale comme forme politique parfaite de la modernité. L’ouvrage s’ouvre sur une réflexion autour de la prétendue révolution démocratique qui aurait mis fin au régime communiste, or, note l’auteur, “un simple regard sur les évolutions de l’Est et de l’Ouest montre que cette révolution s’est vite transformée en une tentative de démantèlement de l’État social de droit qui avait été auparavant opposé au soviétisme, en une restauration des rapports capitalistes de production à un niveau planétaire.” Le XXIe siècle s’ouvre sous le signe du libérisme, dont “rien n’assure qu’il ne soit réellement ami de la démocratie qu’il vient de réduire à sa merci.” Autrement dit, après avoir aidé à la chute de l’État soviétique, “le libérisme s’est avancé à visage découvert et a attaqué de front son ennemi juré, l’État social de droit qui est encore de trop pour les mécanismes de la dérégulation assurant l’enrichissement incessant des plus riches et l’appauvrissement plus massif des plus pauvres.”

 

André Tosel dessine “ l’histoire Sainte du libér(al)isme ”, qui “est celle de l’avènement difficile du couple inégal unissant l’élément mâle du Marché et l’élément femelle de l’État de droit, considéré comme la vérité en soi et pour soi de l’histoire humaine.” Elle a ses théoriciens de “Tocqueville jusqu’à Hayek, en passant par R. Aron ou F. Furet.” Et elle institue comme “le seul homme véritable et le citoyen réellement actif (...) le propriétaire de capitaux et de moyens de production qui est en même temps un blanc et un nordiste.” Écrire cette histoire requiert une méthode et surtout des distinguos, afin que l’historiographie libérale ne prenne pas tout simplement, dans une même imposture la place de l’historiographie stalinienne. D’autre part, poursuit l’auteur, de même “qu’il faut distinguer entre libéralisme éthico-politique et libérisme économiste, il faudra distinguer sous la dictature idéologique du stalinisme les autres possibles communistes qui ont été éliminés, rechercher les invariants qui lient philosophiquement Marx, Kautsky, Lénine, Staline, Trotzky et Gramsci, par exemple, et les différences, voire les différends qui les opposent.” Nous pourrions quant à nous surenchérir et mettre au programme les autres “oubliés” que sont par exemple, Fourier, Proudhon, Owen ou encore Enfantin... Subsiste que le problème du politique est ici posé, et qu’André Tosel ouvre en philosophe analyste de son temps quelques pistes de réflexion à relayer. Notamment autour de l’État : si, note-t-il, “la critique marxienne de l’État garde son importance négative”, il ne faut bien sûr pas oublier la révision de Gramsci et bien repérer le danger. “Reprendre aujourd’hui sans précaution le mot d’ordre de fin de l’État, c’est en fait risquer de demeurer subalterne au libertarisme libéral dont on a mesuré la nocivité sociale et politique.”

 

Louis Ucciani enseigne la philosophie à l’Université de Franche-Comté. Il collabore depuis leur création aux Cahiers Charles Fourier. Ses axes de recherche récents interrogent la genèse et la structure de l’art contemporain. Il a notamment publié Charles Fourier ou la peur de la raison (Paris, Kimé, 2000). Dernier ouvrage paru : Le geste du peintre (2003).

 

 


 

"Le singe de Gramsci" par A.Tosel
http://www.humanite.fr/Le-singe-de-Gramsci-par-A-Tosel (l'Humanite 2008-v)

Comment renverser l’hégémonie idéologique du sarkozysme ? La question posée par le philosophe André Tosel.


Le président Sarkozy nourrit un grand projet politique qui se veut hégémonique. Il s’agit de conduire la société française en la conformant aux exigences néolibérales propres au capitalisme mondialisé, tout en produisant la conception du monde base d’un nouveau conformisme de masse. On le sait, pour Gramsci, l’hégémonie est construction d’un bloc soudant ensemble le moment économique, le moment éthico-politique, le moment culturel et logico-langagier, de manière à ce que les impératifs du système productif et les transformations des classes et groupes sociaux se traduisent ou se « purifient » en un système de normes, de valeurs et de pratiques partagées dans un sens commun suffisamment homogène. Cela implique que les classes dominantes acceptent des concessions minimales pour faire passer leur politique et rendent impossible une alternative de la part des classes dominées. De ce point de vue, le président de la République semble avoir réussi ce tour de force que n’a réussi aucun front des forces d’opposition qui payent ainsi leur échec historique.

Concernant le moment des rapports de forces économiques, c’est l’organisme patronal, le MEDEF, qui impose les réformes déjà esquissées par les gouvernements socialistes : dénationalisations massives, allégement des impôts des classes les plus riches et des entreprises, démantèlement progressif du système social, création tendancielle d’un système médical à deux vitesses, remise en cause du droit du travail avec officialisation du précariat, généralisation du modèle entrepreneurial comme institution totale qui doit pénétrer l’éducation, l’université et la recherche, comme elle a pénétré les industries informationnelles et culturelles. Cette politique parfaitement conforme au programme standard du néolibéralisme rencontre pour l’instant peu de résistances. Des mouvements, parfois désespérés, de grèves, d’occupations d’usines existent, mais ils sont isolés dans une société de service où le salariat-précariat n’a pas (encore ?) de traditions de lutte. La peur du chômage, le précariat limitent des résistances qui n’ont nul relais politique efficace, d’autant que certains aspects de cette politique sont communs aux néolibéraux et aux sociolibéraux, comme l’a montré la campagne - insipide et démissionnaire de - Ségolène Royal et le montre le ralliement aussi bruyant qu’intéressé de dignitaires et intellectuels qui ont encore l’impudence de se dire « socialistes ».

 

Le moment politique, celui des rapports de forces éthiques, politiques et militaires, traduit l’hégémonie de ce libéralisme violemment procapitaliste qui exalte l’argent, la réussite, les hiérarchies de la fortune. Sarkozy a en quelque sorte donné une inflexion bonapartiste soft (pour utiliser une catégorie du philosophe Domenico Losurdo) au principat démocratique qui est la forme politique fonctionnelle de la mondialisation dans les métropoles. Mieux qu’un autre, il a su contrôler la majorité des grands médias qui sont littéralement à son service et organisent le plébiscite permanent dans une opinion publique transformée en spectacle de l’one-man-show. La course au centre des partis parachève le marketing politique qui sanctionne la dégénérescence d’un système devenu autoréférentiel. Le sarkozysme fédère les partis libéraux en les unifiant, mais aussi en marginalisant l’extrême droite française qui n’a pas su trouver son Fini, le leader du parti d’extrême droite italien, désormais recyclé. Tous les thèmes de Le Pen ont été repris et ont joué un rôle dans le ralliement des votants du Front national, telles la montée en puissance du droit pénal contre la petite délinquance et la tolérance totale à l’égard des pratiques mafieuses du capitalisme, la criminalisation génétique des enfants.

Nous en arrivons ainsi au moment culturel qui fut et demeure décisif, celui du consensus. Comment expliquer qu’une fraction importante du petit peuple de la société des employés et des ouvriers ait pu accepter cette révolution conservatrice à la française ? Deux ordres de raisons peuvent être invoqués. Les unes tiennent à la stratégie libérale-populiste menée par le bloc sarkozyen. Il se nourrit de l’échec de la « gauche » à affronter les problèmes majeurs de la société, du mécontentement populaire qui a suivi et de la force inédite d’un nouvel imaginaire social. Par ailleurs, Sarkozy a su combiner des demandes contradictoires en donnant à tous un peu de ce qu’ils attendaient et en leur promettant beaucoup, alors qu’en fait il donnait surtout à ceux qui ont et veulent tout, rien à ceux qui n’ont rien ou peu. Ces contradictions devraient éclater lorsque apparaîtra la réalité d’une pratique politique.

 

On compare souvent Sarkozy et le sarkozysme à Napoléon III et au bonapartisme. S’il y a du vrai en cette comparaison, le contexte est différent : les partis divers du bloc capitaliste sont unis, ils ne sont pas inquiétés outre mesure par la question sociale comme l’était Napoléon III qui se piquait d’éteindre le paupérisme. Le succès de la gauche aux élections municipales ne suffit pas à éviter le piège d’une nouvelle duperie. En effet, l’opposition politique ou bien se cherche ou bien s’est dissoute dans un social-libéralisme minimal que Sarkozy ou d’autres peuvent accepter. Aucun mouvement ne peut succéder pour l’instant à feu le mouvement ouvrier.

Là est la seconde raison de la réussite du sarkozysme. Elle renvoie à une opposition impuissante ou secrètement ralliée. Aucun parti n’a été capable de se rénover en conduisant une autocritique - sérieuse. Il est heureux que des mouvements sociaux de base - existent, mais ils sont condamnés à être des intermittents de la politique et ils sont loin de faire masse. Jusqu’ici ils ont heureusement contribué au débat plus qu’ils n’ont produit une alternative.

S’il nous reste à parier sur un mouvement multiforme d’en bas, il nous faut - repenser l’hégémonie de telle manière que le sarkozysme - miné par ses contradictions et son amour de la violence capitaliste que dissimule sa feinte compassion - révèle ce qu’il est : le singe de Gramsci. Le bloc sarkozyen tient par sa versatilité, son aptitude à promettre des merveilles qu’il ne peut réaliser. Tôt ou tard, l’heure de vérité sonnera, quand le somnambulisme social sera pour beaucoup un cauchemar dont il faudra s’éveiller.

 

Un signe de la faiblesse interne du sarkozysme vient d’apparaître clairement. Cest celui que constitue l’appel à une religion, pure - compensation imaginaire de la perte de sens. Le recours aux cléricatures les plus diverses pour donner un sens à la vie insensée de notre société, pour la cimenter dans les aventures douteuses de la guerre des civilisations ne peut équivaloir à une invention religieuse. Il faut prendre au sérieux la visite au pape de croisade qu’est Benoît XVI. Il faut prendre au sérieux la thèse scandaleuse et discutable que l’homme n’est humain que s’il chérit le Dieu des religions. C’est toute la lignée de la liberté critique et de libre individualité qui est menacée. Sarkozy nous apprend que nous avons besoin de nouvelles Lumières capables de nous éclairer sur notre monde sans le laisser à la disposition d’une nouvelle Sainte Alliance. Il nous montre en creux l’urgence d’une réforme intellectuelle et morale de masse évoquée précisément par Gramsci.

Il s’agit de réinventer un bloc social hégémonique pour notre temps. Cela passe par un travail d’élaboration intellectuelle et culturelle à la fois spécialisé et populaire qui doit s’accomplir en synergie avec un mouvement social qu’il faut entendre, interpréter, sans le fétichiser ni le mépriser. Les nécessaires transformations politiques qui sont décisives ne peuvent pas engendrer ce travail, elles en sont un élément et elles le présupposent. Gramsci liait ensemble réforme intellectuelle et morale de la haute culture, du sens commun de masse, transformations de la structure économique et invention politique. C’est cette liaison qu’il faut produire. À ces conditions, les couches opprimées, sortant du somnambulisme qui les fait consentir à un monde où elles ne sont que masses de manoeuvres et cibles de consommation, peuvent retrouver le chemin perdu de l’action en première personne. Alors il sera possible de quitter la planète des singes de l’hégémonie en démasquant sa cruauté objective, et son indicible misère intellectuelle et morale.

 

André Tosel (*) Dernier ouvrage publié : Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte de Karl Marx, Éditions BelinSup, 2007.

토젤이 작년에는 맑스의 <18 브뤼메르 루이 보나파르트>를 출간하기도 한 모양이다. 그게 뭐 대수냐 하겠지만, 저쪽 사람들은 우리와는 다르게 고전을 재 간행할 때에는 편찬자의 서문과 주석이 보통 1/3(적으면 1/4, 많으면 절반(플라톤의 경우))을 차지하니, 어쩌면 얇은 책 한 권을 새로 쓰기보다 더 공을 들이는지도 모르겠다. 그러고 보니 내가 알기로만 2007년에 <18 브뤼메르 ...>가 세 종류나 나왔다(이것도 사르코지 덕인가, 아니겠지!) : 토젤판, GF판, LGF판. 돈만 된다면야, 편찬자가 다 다르고 다 나름의 권위를 가지니, 다 사고 싶지만... (정말 공부하는 자라면 사실은 다 사야 되는게 맞겠다.) [이런 잡설 풀기는 편한데 긴 글의 내용을 요약하기는 덜 편하니 오늘은 그냥 이러고 만다. 누가 시키는건 아니지만 요약을 않고 한 번 대충 읽고 말면 나중에 하나도 기억에 남는 게 없으니, 기억력 덜 좋은 자의 이중고라고나 할까.]  

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Sieyès, 국가에 대한 형이상학자

Sieyès, métaphysicien de l’Etat / par Déborah Cohen
Pour Pierre-Yves Quiviger, on ne comprend bien l’œuvre politique et juridique de Sieyès qu’en la ramenant au matérialisme qui lui sert de fondement. Si Sieyès attribue ainsi un rôle majeur au Conseil d’État au sein de l’exécutif, c’est parce qu’il considère qu’il existe un ordre nécessaire à la société humaine et qu’il faut une instance délibérative au sommet de l’État pour le mettre en place.

 

couverture du livre Le principe d’immanence. Métaphysique et droit administratif chez Sieyès,

par Pierre-Yves Quiviger, Paris, Honoré Champion, 2008, 469 pages, 82 euros


Les matérialismes de Sieyès
Dans cet ouvrage, Pierre-Yves Quiviger déploie un triple matérialisme sieyèsien, métaphysique, politique et juridique. C’est la tenue conjointe de ces trois pans théoriques qui fait à nos yeux la principale richesse de son travail ; c’est donc sur eux que nous nous arrêterons, laissant inévitablement de côté une myriade d’éléments connexes qui rendent passionnante la lecture de l’ouvrage. L’auteur montre que le matérialisme métaphysique de Sieyès trouve ses racines dans le sensualisme de Condillac qui, à distance de toute recherche de l’essence, permet une redéfinition de la métaphysique comme « métaphysique du fait ». Radicalisée chez Sieyès, l’hypothèse ramène toute ontologie à une épistémologie : rien ne peut être connu que dans une relation du sujet parlant à l’objet qu’il observe. Dans ce cadre, contre Condillac, Sieyès donne raison à Leibniz sur la nécessité de la réflexion, en complément de la sensation : celle-ci reste primordiale, condition de possibilité a priori de toute connaissance, mais Sieyès met en place un principe conjoint d’activité du Moi qui permet la mise en ordre du désordre. 

Le cadre matérialiste se prolonge sur le plan politique. Contre la critique habituellement faite au Sieyès tardif d’avoir sacrifié la représentation politique, Pierre-Yves Quiviger montre que ce sacrifice cache en fait une recherche positive, dans un cadre matérialiste. Il s’agit pour Sieyès de représenter la Nation non pas comme volonté, à partir de principes moraux, mais comme réalité économique et sociale, à partir d’une analyse des besoins matériels. Ainsi trouve-t-on chez Sieyès « la détermination et la légitimation de la superstructure institutionnelle par l’infrastructure économique » (p. 197). L’auteur voit les racines de ce système dans la méditation par Sieyès de la métaphysique de Spinoza – et ce en dépit de la franche incompatibilité théorique entre les deux œuvres politiques, autour des questions de propriété personnelle ou publique (incompatibilité que P-Y Quiviger explique en termes de rapport différent à un libéralisme – dont on aurait pu attendre une conceptualisation plus ferme, distinguant plus nettement à chaque occurrence entre libéralisme politique et libérisme ou libéralisme économique). Le rationalisme de Spinoza se trouverait transposé par Sieyès d’une analyse des lois de la nature vers l’idée d’un ordre nécessaire à la société humaine. Si le raisonnement convainc, semble néanmoins manquer (ou pourrait être ajouté) le maillon du rationalisme physiocratique, celui par lequel Quesnay par exemple pense les lois naturelles constitutives du meilleur gouvernement possible. Cet ordre nécessaire à la société humaine est, pour Sieyès, obtenu par l’intermédiaire d’un art social maximisant les bonheurs individuel et collectif. Selon P.-Y. Quiviger, cet art ne contredit cependant pas un libéralisme économique tel que le monde puisse, selon le modèle d’une théodicée leibnizienne (et physiocratique ?), s’optimiser tout seul et les forces de chacun se développer grâce à l’association. 

스피노자 / "행위 형이상학"을 주창하는 시이예스는, 이 책의 저자에 따르면, 스피노자의 이성주의에서 나타나는 "자연법 사상"을 인간 사회의 "필연적 질서"의 생각으로 전용한다. 이 필연적 질서는 개인과 공적 복리를 최대화하는 사회적 장치의 매개자에 의하여 획득될수 있다고 시이예스는 본다. 이러한 생각은 국가란 의지나 도덕원칙이 아니라 물질적 필요에서 출발하는 경제-사회적 실재를 반영하는 것이라는 시이예스의 "행위 형이상학"에 기초한다. 즉 "제도적 상위구조의 결정과 정당성은 경제적 하위구조에 의존한다" (p.197)는 말이다.

 

Puisqu’il montre que Sieyès met en place une véritable « sociologie » (et en invente le mot) comme fondement de la superstructure institutionnelle, c’est très logiquement que P.-Y. Quiviger nous emmène vers une analyse du matérialisme juridique de celui qui fut à l’origine de la création du Conseil d’État de l’an VIII. Contre la figure du législateur rousseauiste in abstracto, primauté est donnée, dans ce système, à la figure du juge in concreto, tenant compte des effets pratiques des décisions. Le schéma d’une liberté absolue du peuple ou de ses représentants est tenu à distance (liberté restreinte au moment constituant), pour des raisons en partie historiques après 1793, mais, plus profondément, nous avertit P.-Y Quiviger, en raison de la préférence philosophique de Sieyès pour une logique de la volonté-activité, opposée à une logique de la volonté-liberté. Dans une filiation spinoziste, Sieyès conçoit l’activité comme capacité à satisfaire des besoins, force productrice d’ordre.

La volonté politique est analysée selon un double mouvement : une volonté passive d’une part, naturelle, ancrée dans la réalité sociale, indiscutable et partagée par tous, constitutive de droits fondamentaux que la société doit conserver ; d’autre part, une volonté politique (ou, pour mieux dire, une décision) exercée par un petit nombre, active, délibérative et représentative de la Nation, visant à préserver les droits fondamentaux (qui sont des besoins). Pour parvenir à cette décision, il faut une fonction gouvernante unique (ce qui ne signifie pas un pouvoir unique). Cette fonction gouvernante est pensée par Sieyès sous deux modes : celui d’un gouvernement d’action (l’administration qui gouverne au sens propre, puisqu’elle donne des ordres impératifs, sous la houlette de la loi), celui d’un gouvernement de pensée (la direction de l’exécutif et le Conseil d’État). Tout cela reconfigure les « aires de la théorie et de la pratique dans l’ordre politico-juridique » (p. 326) : le cœur de l’activité gouvernementale est de l’ordre de la pensée qui délibère, de l’expertise, du conseil.

루소 / 스피노자 이론의 계보를 따르는 시이예스에게, (정치적) 작용-활성이란 필요를 충족시키는 능력이고 질서를 만드는 생산적 힘이다 [스피노자의 '능력이 수반되지 않은 권리란 무용하다'를 상기하라]. 그러므로 시이예스는 루소의 추상적 '입법자' (CS,I,7)의 모습이 갖는 자리에 구체적 '심판관'의 모습을 앉히고, 결정의 실질적 결과를 참작하는 것을 정치행위의 우선으로 삼는다. 마찬가지로, 그는 루소의 '일반의지' 대신에 "정치의지"를 말하며, 그것을 다시 소극적 정치의지(모두가 공유하는 자연적이고 기초적 권리의 구성적 의지)와 적극적 정치의지로 나눈다. 결국 이 적극적 정치의지란 (정치적) 결정(une décision)을 일컫는데, 이는 능동적으로 숙고하는 소수가 국가의 대표성을 갖고 실행하는 의지로써 필요에 따른 기초적 권리의 보장(구성을 넘어)을 겨냥한다. 이러한 결정에 도달하기 위해서는 단 하나의 통치작용(유일권력이 아니라) 만이 필요하다.

 

Le Conseil d’État est à la fois conseil de gouvernement (ce qui le place au sommet de l’administration) et juge des illégalismes éventuels de l’administration, ainsi que de la cohérence et de l’unité de l’ordre normatif juridique. P. Y. Quiviger s’attache à montrer que la séparation des pouvoirs théorisée par Montesquieu et reprise par la tradition du libéralisme modéré (notamment Tocqueville) ne se trouve pas chez Sieyès, qui partage pourtant avec eux cet horizon politique. Sieyès pense non pas une séparation, mais une dispersion du pouvoir, une répartition des fonctions entre différents organes. Le pouvoir judiciaire se trouve ainsi réparti entre les juges ordinaires de l’ordre judiciaire, les représentants (pour le tribunal politique) et le Conseil d’État (pour les questions administratives). Plutôt qu’une séparation des pouvoirs, Sieyès choisit donc une hiérarchie des normes (la norme judiciaire se trouvant supérieure à la norme administrative). Mais P.-Y. Quiviger, contrairement à Pasquale Pasquino [1], n’accorde cependant pas un rôle décisif à la Constitution (comme possible garant de toutes les normes) dans la pensée de Sieyès : à travers le rôle du Conseil d’État il met en avant une garantie plus procédurale et, pour tout dire, plus immanente. Des réalités diverses se trouvent à la fois divisées et organisées au sein d’un même plan d’immanence. [1] Cf. Sieyès et la naissance du constitutionnalisme en France (Odile Jacob, 1998).

몽테스퀴외 / 그러므로 시이예스는 몽페스퀴외의 권력분리론(후에 토크빌의 자유주의적 전통에서 재용되는)을 따르지 않는다, 비록 정치적 입장에서는 많은 부분을 그들과 공유하지만. 시이예스는 권력분리(séparation) 대신에 권력분산(dispersion)을 말하는데, 말하자면 다른 조직들 간에 역할을 할당하자는 것이다 [권력분리에 의한 견제와 균형이 아니라, 실용적 역할분담]. 그런데 이런 분산 시스템 속에서는 필연적으로 권력간의 서열을 인정할 수밖에 없게 된다 (예컨데 사법적 규범이 행정적 규범에 우월한다는 것). 
 

Frontières disciplinaires
On ne peut douter que les métaphysiciens, attirés par la première moitié de l’ouvrage (« Métaphysique de l’immanence. La philosophie sieyèsienne »), pousseront de plaisir jusqu’à la seconde ; et que les juristes et les politistes, intrigués par la seconde (« Immanence de l’administration. Le Conseil d’État sieyèsien »), reviendront vers la première. Ils y seront d’autant plus incités que le livre est écrit d’une plume particulièrement claire et alert!e. Mais, pourtant convoqués, les historiens – voire les historiens des idées – ne liront peut-être pas ce livre, crainte d’y trouver ce qu’à la suite de John Pocock et Quentin Skinner ils ont appris à détester. Ils auraient pourtant tort de se priver de cette lecture. Il est vrai que plusieurs points fondamentaux risquent de heurter leur sensibilité : l’hypothèse première tout d’abord, la méthode ensuite. L’hypothèse de départ est celle, classiquement philosophique, d’une totale cohérence de l’œuvre métaphysique et politique de Sieyès – du moins pour un « Sieyès tardif ». Toute dimension diachronique s’en trouve gommée (y compris jusque dans les plus petits détails matériels : si l’on ne peut que saluer la présence de textes inédits soigneusement édités en annexe, on regrette qu’il n’y soit jamais renvoyé précisément et que les textes cités dans le cours du développement ne soient, eux, presque jamais datés). Il est vrai que l’on pourra se reporter pour cela au beau travail de Jacques Guilhaumou, que Pierre-Yves Quiviger affiche comme un des points de départ de sa réflexion [2]. La méthode consiste en une analyse strictement textuelle de l’œuvre de Sieyès et de son inscription dans un canon de textes classiques – dont l’auteur s’efforce le plus possible de déterminer s’ils ont pu avoir le statut de sources pour Sieyès ou si l’on ne peut rien prouver au-delà du constat d’une proximité intellectuelle. Se trouve ainsi effacé presque tout contexte normatif extérieur au texte, qu’il soit langagier, social ou politique. D’autre part, les textes dans la filiation desquels Sieyès se trouve réinscrit sont strictement ceux du panthéon philosophique classique, de sorte que disparaît toute la part physiocratique de la culture de Sieyès (qui n’était sans doute pas sans importance dans le cadre d’une réflexion sur le fonctionnement légitime de l’administration, même si cette lecture a déjà été explorée par ailleurs, notamment par Roberto Zapperi).

[2] Jacques Guilhaumou, Sieyès et l’ordre de la langue. L’invention de la politique moderne, éditions Kimé, Paris, 2002, 235 pages.

 

 En ce sens, si Pierre-Yves Quiviger refuse explicitement « la coupure entre la théorie et la pratique » (p. 372) il reste qu’il faut l’entendre comme il le fait lui, comme la tentative moniste, interne à la philosophie, de penser avec Sieyès « une pratique théorétique et une théorie praxéologique » (p. 201). La coupure « entre l’histoire politique et l’histoire économique et sociale, entre l’histoire des mentalités et l’histoire des situations » (p. 372), ne se trouve en revanche pas rédimée dans l’ouvrage. L’auteur est néanmoins bien conscient des cadres particuliers de son travail – qui en font les limites et la force : il trace çà et là l’esquisse d’un programme possible pour une compréhension différente et prolongée de ses objets. Ainsi suggère-t-il (p. 288) une étude de la réalité matérielle du fonctionnement du Conseil d’État. Mais pour toute approche ultérieure, son travail restera important, dans la mesure où il permet, en s’attaquant au cœur de la démarche sieyèsienne, de déconstruire un certain nombre de mythes dont l’œuvre théorique et pratique a été recouverte : « le travail de la philosophie – en tant que démarche critique – est de s’interroger sur le sens d’une telle reconstruction et de se demander : quelle est sa puissance de légitimation (…) ? » (p. 237). C’est donc bien parce que c’est un livre de philosophie qu’il sera utile aux historiens, et non parce qu’il innoverait dans le champ de l’histoire intellectuelle – ce qui ne peut être considéré comme son objectif.

 

Précis sur le plan philosophique, Pierre-Yves Quiviger a manifestement souhaité écrire un texte qui, traitant d’un auteur passionné par l’union du théorique et du pratique, soit aussi utile pour aujourd’hui. On peut ne pas partager son enthousiasme pour le « libéralisme étatique » de Sieyès, mais la configuration du savoir et du pouvoir qui se dessine à travers lui est loin d’être sans intérêt historique et politique. Sous la plume et l’action de Sieyès telles que représentées par l’auteur du Principe d’immanence, semblent naître conjointement la sociologie comme analyse du social et la gestion politique comme réflexion sur les modes d’application possible de la loi au monde social. Face à un pouvoir aujourd’hui redéfini à partir de la seule action au sens le plus trivial, ce retour à la pensée est à méditer : avec Sieyès et contre Condillac, il faut sans doute redonner raison à Leibniz pour qu’à la sensation soit jointe la réflexion.

par Déborah Cohen, 25-08-2008. Si vous souhaitez critiquer ou développer cet article, vous êtes invité à proposer un texte au comité de rédaction. Nous vous répondrons dans les meilleurs délais : redaction@laviedesidees.fr.

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칼 슈미트, 국가에 대한 사상가 (Kervegan 서평)

L’État selon Carl Schmitt / par Jean-François Kervégan (28-08-2008)
Sandrine Baume, Carl Schmitt penseur de l’État. Genèse d’une doctrine, Paris, Presses de la Fondation Nationale des Sciences politiques, 2008, 316 p., 24 euros.

서평: 슈미트가 말하는 국가 / 쟝-프랑수와 케르베강(*). 서평 대상: 산드린 봄므, <슈미트, 국가에 대한 사상가. 독트린의 연원>, 빠리, 2008. [*서평자는 헤겔 <법철학>의 불어판 최신 준거본을 1998년에 번역한 빠리 1대학 철학교수. 참고로 아래 서평에서는 년대가 좀 중요하니(나찌때문에!) 슈미트의 긴 생존기간(97세)을 기억해둘 필요가 있다: 1888-1985.]

Carl Schmitt, penseur de l'Etat : Genèse d'une doctrine

 

Issu d’une thèse en sciences politiques soutenue à l’Université de Lausanne, ce livre, d’une lecture aisée et agréable, examine en son entier développement la théorie de l’État de Carl Schmitt, en accordant comme il se doit, puisque c’est durant cette période qu’elle s’est développée, toute leur importance aux écrits des années 1914-1945. C’est dire que les écrits postérieurs à la fin de la 2e guerre mondiale, où la question de l’État est moins centrale – puisque la conviction de Schmitt est que désormais « l’ère de l’État est à son déclin » (La notion de politique, Préface de 1963) – ne sont pas au centre de l’examen, qui se concentre plutôt sur les textes datant de la période de Weimar, que l’on s’accorde au demeurant à considérer comme la plus féconde de la très longue carrière intellectuelle de celui qui se définissait dans son Glossarium comme un « théologien de la science juridique ». De même, les écrits de la période nazie, à l’exception de l’ouvrage Le Léviathan dans la doctrine de l’État de Thomas Hobbes (1938, trad. Le Seuil, 2002) ne sont guère sollicités ; non pas que Sandrine Beaume veuille masquer les aspects les plus déplaisants de la production schmittienne – elle s’explique tranquillement, dans son Introduction, sur « les ruptures révélatrices » qui la traversent, celle de 1933 étant certainement la plus profonde – mais parce qu’elle estime, selon moi à juste titre, que les écrits de la période nazie sont tout simplement moins intéressants, du point de vue de la théorie politique, que ceux des années 1920. 

 

[대충번역] 이 책은 산드린 봄므(Sandrine Baume)의 정치학 박사학위 논문으로 씌어진 것으로, 슈미트의 국가이론 발전 전반을 쉽고 친근한 언어로 점검해 낸다. 물론 당연히 그래야겠지만, 저자는 슈미트의 1914-1945년 사이의 글들에 방점을 두고 연구를 진행 했는데, 그것은 슈미트의 국가이론이 바로 그 시기에 체계적 발전을 했기 때문이다. 다시 말하면, 2차세계대전 이후에 이뤄진 슈미트의 저작에서는 국가문제가 덜 중심적이라는 말이다. 왜냐하면 그 때 이래로 "국가의 세기는 침체국면으로 접어든다"는 슈미트의 믿음 때문이다(<'정치적인 것'의 개념>(Der Begriff des Politischen, 1932(1927-art.) 서문 참조). 마찬가지로 나찌 기간(1933~45)에 씌어진 슈미트의 저술도 고려의 대상에서 제외되는데, 이는 그것들이 1920년대의 저술보다 정치이론적 견지에서 덜 흥미롭다는 지극히 단순한 이유 때문일 것이다. 단, 슈미트의 1938년 저작인 <홉스의 국가이론 속에서의 레비아탄>(註1) 만은 예외적인 경우가 되겠다. (결국 이 논문의 저자가 슈미트의 국가이론을 연구대상으로 삼은 것은 나찌 기간 이전인 주로 1920년대 라는 말씀.)
  

Il y a à cela, indépendamment de la répulsion que l’on éprouve face au caractère antisémite et platement flagorneur à l’endroit des nouveaux maîtres de Berlin de textes comme Staat, Bewegung, Volk (1933 ; trad. État, Mouvement, peuple, Kimé, 1997), une excellente raison que Sandrine Beaume expose fort clairement : pour comprendre la doctrine schmittienne de l’État, il convient de « ne pas considérer d’emblée la République de Weimar dans sa fin tragique, mais davantage dans ce qui la précède » (p. 15) : l’effondrement de l’Empire wilhelminien à l’issue de la première guerre mondiale et, ajouterai-je volontiers, l’expérience traumatique de la Révolution allemande, et en particulier de l’éphémère Räterrepublik de Munich. Traductrice de la thèse d’habilitation de Schmitt (Der Wert des Staates, 1914 ; trad. La valeur de l’État et la signification de l’individu, Droz, 2003), Sandrine Beaume sait d’ailleurs mieux que quiconque que la pensée de Schmitt s’enracine dans la culture intellectuelle de l’Empire, qu’elle s’est construite en réaction contre la doctrine dominante de cette période, le positivisme de Gerber, Laband et G. Jellinek. Un tel argument, fort bien étayé, est sans doute la meilleure réponse que l’on puisse apporter aux tenants de la reductio ad Hitlerum, selon le mot de Leo Strauss. Il n’est même pas besoin de minimiser la durée et l’intensité de l’engagement de Schmitt (tentation à laquelle S. Beaume succombe lorsqu’elle affirme, p. 17, que Schmitt a été à partir de 1938 « chassé des cercles d’obédience nazie », ou lorsqu’elle écrit à tort, p. 23, que Schmitt « est contraint de quitter ses fonctions de Conseiller d’État au début de 1937 », alors qu’il les conservera, comme son poste d’Ordinarius à l’Université de Berlin, jusqu’à la chute du régime) pour montrer que le centre de gravité de sa pensée est extérieur et antérieur à cet engagement.

 

그러므로 슈미트의 국가이론을 제대로 이해하기 위해서는, 그가 언제-얼마나 나찌정권에 협조를 했고-거리를 뒀고 하는 역사적 사실이 중요한 것이 아니라, 그의 사상의 무게 중심은 현실참여 밖에 그리고 전에 있다는 사실을 알아야  한다고 이 책의 저자는 역설한다. 저자의 이런한 지적은, 그녀(Sandrine Baume)가 벌써 2003년에 슈미트의 교수자격논문인 "국가의 가치와 개인의 의미'(1914)를 번역해 낸 역자라는 사실 때문만은 아니더라도, 경청할 충분한 가치가 있다.

 

La thèse de l’ouvrage, dont il ne faut pas oublier que l’auteur n’est ni juriste, ni philosophe, mais politiste de formation, est que « la théorie schmittienne de l’État doit être comprise dans un vaste projet de réaménagement des équilibres entre les organes de l’État » (p. 267). Il faut comprendre : un réaménagement au profit de l’exécutif, seul à même de lutter de manière efficace contre le « désordre public » qui menace l’État constitutionnel-démocratique. Cette thèse est exposée et justifiée au chapitre 3 du livre. Elle n’est évidemment pas fausse : il est certain que tous les efforts de Schmitt, durant l’histoire convulsive du régime de Weimar, vont dans le sens d’une redéfinition plébiscitaire de la démocratie, ainsi que le montrent clairement sa controverse de 1931 avec Kelsen sur l’identité du « gardien de la Constitution » et les considérations développées en 1932 dans Legalität und Legitimität. Mais elle paraît restreindre trop étroitement le propos de l’auteur de la Théorie de la Constitution à un programme de reconstruction autoritaire du « grand et puissant Léviathan ». Non que cet aspect soit absent des écrits schmittiens, et notamment de ceux qui accompagnent la crise finale de la République de Weimar. Mais parce qu’il n’est lui-même intelligible qu’à partir de positions théoriques et philosophiques indépendamment desquelles, comme Sandrine Beaume en fait l’épreuve au chapitre 6 de son livre (« L’État au miroir de l’Église : l’institution en ‘réflexion’ »), les options politiques de Schmitt risquent d’apparaître inintelligibles ou gratuites. Schmitt n’est peut-être pas un « théologien du politique », comme le soutient Heinrich Meier (voir Die Lehre Carl Schmitts, 2e éd., Metzler, 2004). Mais sa pensée de l’État, objet du livre de S. Beaume, ne peut être reconstruite et évaluée en mettant entre parenthèses les engagements philosophiques (et religieux) de l’auteur de la Théologie politique.

 

[그건 그렇고] 이 책의 핵심 주장은 이렇다: 슈미트의 국가이론은 헌정-민주 국가를 위협하는 '공적 혼돈'(désordre public)에 대항하는 효과적인 투쟁으로써의 국가 장치들을 재 조정하려는 광범한 계획에 있다. 슈미트가 민주주의에 대한 인민투표적 재 개념화 작업과 합법성과 정당성을 고려한 헌정 질서의 수호자를 자처한 점을 고려할 때, 저자의 주장이 틀린 말은 아니다. 그러나 그녀는 슈미트가 리바이어든의 크고 강력한 권위를 재구성해 내려는 기획에서 꾸려낸 <헌정 이론>을 너무 지엽적으로 해석한 측면이 있다. 슈미트는 아마도 누구의 말마따나 "정치적인 것의 신학자"가 아닐지는 몰라도, 국가에 대한 그의 생각에서 철학적(그리고 종교적) 개입을 괄호친 상태에서는, 우리의 <정치 신학>(1922)의 작가, 슈미트 사상의 어떤 재구성도 재평가도 불가능하다.

 

par Jean-François Kervégan, 28-08-2008; Si vous souhaitez critiquer ou développer cet article, vous êtes invité à proposer un texte au comité de rédaction. Nous vous répondrons dans les meilleurs délais : redaction@laviedesidees.fr.

 

 Livre - Le Leviathan Dans La Doctrine De L'Etat De Thomas Hobbes ; Sens Et Echec D'Un Symbole PolitiqueLivre - Theorie De La Constitution

 

(註1) 칼 슈미트의 1938년 저작인 <홉스의 국가론 속에서의 리바이어던>(*)이 2002년 11월에 불어판으로 처음 번역이 되어 바디우(A.Badiou)와 마담 까쌩(B.Cassin)이 주관(collection)하는 문지방(Seuil) 출판사의 "철학적 질서"라는 시리즈를 통해 출판됐었다. 더구나 이 번역본에는 발리바르(E.Balibar)가 59쪽이나 되는 장문의 서문을 쓰고, 독일인 W.Palaver라는 사람의 52쪽의 후문을 달고 나온 귀한 책이다. 그런데 프랑스에서 홉스철학을 주도하는 쟈르카(Y.-Ch. Zarka) 라는 자가 '어떻게 철학전문출판 시리즈 물에 이런 나찌철학자(정확히는 '철학적 나찌')의 저작을 출판할 수 있느냐'는 류의 비판기사를 르몽드 지의 한 면 전체를 할애받아 발표했다. 그러자 바디우는 침묵했고(이유는 모름), 마담 까생이 즉각적인 반박문을 아마 일주일 후에 같은 신문에 올렸고, 그 다음 주에는 발리바르가 '참으로 가소롭고 웃기는 도전'이라는 류의 같은 신문 기고문을 통해 쟈르카를 걷어찬 적이 있다. 그러고도 아마 다른 많은 사람들 사이에 논쟁이 계속됐고(벤사이드도 아마 참전), 그 이전에도 벌써 우파 지식인들 사이에서 있어왔던 '반 나찌-친 유대'적 분위기가 쟈르카 같은 사람에게 용감하게 나서도록 추동했는지도 모르겠다. 어쨌든, 대체로 쥐프(juif-유태인)계열과 중도-우파 성향의 교수-학자들이 광기어린 막말로 칼 슈미트와 기타 나찌에 연관이 있는 학자들을 비하-조롱하며 이어지는 조금은 덜 학술적인 논쟁이었음이 분명하다. 이러한 일련의 사건들을 알랭 드 버누와스트(A.de Benoist)가 총정리로 빠짐없이 요약한 것이 바로 주석을 102개나 달고 2003년에 나온 "슈미트 그리고 찌질이들" (Carl Schmitt et les sagouins, Alain de Benoist, Eléments, n° 110, septembre 2003, http://www.grece-fr.net/textes/_txtWeb.php?idArt=180#note102) 이라는 긴 논문인데, 아주 훌륭하고 흥미롭다. 참고로, Benoist가 칼 슈미트의 아주 중요한 논문들만 모아서 1990년에 (그의 제자들을 시켜) 불어로 번역-출판한 <정치적인 것에 대하여>(Du politique)에 쓴 25쪽짜리 훌륭한 서문도 기억할 만하다. 즉, 그는 슈미트 전문가 이고 이런 심판의 글을 쓸 자격이 충분한 대가라는 얘기 정도.

 

(*) 놀랍게도 이 책의 한국어 번역본은 벌써 1992년에 <로마 가톨릭주의와 정치형태 홉스 국가론에서의 리바이어던>라는 이름으로 출판이 됐었던 것으로 알라딘 검색에 나온다. 물론 다른 대분분의 슈미트 번역본들과 마찬가지로 이 책도 품절이다. 슈미트 책 중에서 품절이 아닌 책은 그나마 가장 가볍게 읽을 수 있는 <파르티잔>이란 이름 하에 번역된 슈미트의 1963년 책 '당원 이론'(Theorie des partisanen)이 유일하다. 심지어는 <대지의 노모스>(Der Nomos der Erde im Völkerrecht des Jus Publicum Europaeum, 1950 ; 불어본: Le Nomos de la Terre, PUF, Paris, 2001) 라는 책도 -물론 품절이지만- 95년에 번역이 됐다는 것이 놀랍다. 중요한 책인데 번역이 안 된 듯한 것으로는, -서평에서도 언급된- <정치 신학>(Politische Theologie (1922) et Politische Theologie, II (1970)), 그리고 <헌정 이론>(Verfassungslehre (1928); 불어본: Théorie de la constitution, PUF, 1993) 정도로 보인다.

Le Nomos de la terreLe nomos de la terre dans le droit des gens du Jus publicum europaeum

 

[뱀발] 지나가는 길에 주제넘는 참견 한 마디만 스스로 허용한다: 돈 때문이지 번역의 질 때문인지는 알 수 없지만, 뭔가가 한 번 유행이다 싶으면(요즘의 들뢰즈나 랑시에르 경우처럼) 우 달려들어 잽싸게 번역을 하고는 10년도 안 돼 품절당해 버리는 이런 출판 풍토는 도대체 어디서 온 것일까? 품절이 돼도 물론 도서관에서 빌려 보거나 복사 뜨서 볼 수도 있겠지만, 고전을 홀대해서 아무나 번역하는 것은 물론이고 아무렇게나 품절시켜버리는 행위도 참 무책임해 보인다. 다른 동네에서는 번역본 초판은 가격을 세게 때렸다가(번역자의 권위에 따라) 도서관이나 전문가들에게 다 풀리고 나면, 품절이 아니라 일반인 대상의 문고판으로 다시 나온다는데... 예컨데, <대지의 노모스> 같은 경우는 불어 번역본 2001년 초판이 60유로였다가(그래서 나는 살 생각도 못 했었다), 이제 보니 어느새 문고판으로 15유로에 작년 10월에 나와있다(이제 사야겠지만 그놈의 환율때문에 이제는 15유로도 비싸다).

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L'individu contre l'Etat (Spencer,1885)[+Nozick,Bergson]

<국가에 대항하는 개인>*이라는 제목아래 스펜서의 1884년 아티클 네 개를 묶었다는데, 묶은 게 영어책이고 그것을 불어로 번역한 건지, 불어로 번역하면서 네 개를 묶어냈는지는 모르겠지만, 작년 말에 이런 책이 나왔다고 한다. 제목에서 보듯이 스펜서는 국가나 제국주의 등에 반대하는 자유주의의 개척자로서 역사 속에 자리잡고, 나중에 하이예크와 노직을 거치며 작금의 신자유주의를 탄생시키는 데 일조를 했겠고, 그 신자유주의가 작금의 위기에 처한 환경이 다시 이런 책을 환기시킨 모양이다.

책방의 소갯글을 보자니 흥미로운 게, -어쩌면 다 아는 사실이라 안 흥미로울지도- 스펜서는 다윈의 <종의 기원>이 나오기 10여년 전(1850년)에 벌써 '적자 생존 이론' 을 최초로 발전시켰다 함. 그리고 1903년에 죽은 스펜서의 무덤을 런던 하이게이트 묘지의 맑스 무덤 바로 맞은 편에 후세인들이 앉힌 모양인데, 아마도 공산주의와 자유주의가 갖는 대결의 지난한 지속을 상징하기 위함이려나...  이런 책 밖의 요소들을 고려한다면, 이 포스트의 제목과 내용을 '스펜서-다윈-맑스'로 묶을 수도 있겠으나, 여기서는 그러지 않고 '스펜서-하이예크-노직' 노선이 낳은 신자유주의의 맹아 관찰 정도로 키를 조정한다. 더불어 스펜서의 이론이 나중에는 베르크손의 이론과도 무슨 연관이 있는 모양인데, 이건 잘 모르는 만큼이나 궁금하고 흥미롭지만, 간단히 관련 논문이나 하나 훑어보는 정도로 만족해야겠다 (시간이 많지 않은니).

* '국가에 대항하는 개인'이라는 제목을 보니 당연히 <국가에 대항하는 사회>라는 클라스트르(Pierre Clastres)의 아주 훌륭한 1974년 책이 연상된다. 물론 제목만 비슷하지 '근본적' 지향과 성향은 다르겠지만...

 

L'INDIVIDU CONTRE L'ETAT, Herbert Spencer                                                  La société contre l'État

L'individu contre l'Etat (1885) / Herbert Spencer (Auteur)

Editeur : MANUCIUS (26 novembre 2008), 126p., 16 euro (Collection : Le Philosophe)


[책소개1] Herbert Spencer (1820-1903), philosophe, économiste et sociologue anglais fut l'un des premiers théoriciens du libéralisme. Il est aujourd hui presque oublié bien qu'il connût de son vivant une renommée internationale. Après la révolution russe et la Première Guerre mondiale, sa doctrine qualifiée à tort de «darwinisme social», très critiquée par les partisans de l état-providence, tombe peu à peu dans l'indifférence générale. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, ses théories sont redécouvertes par le prix Nobel d'économie, le néolibéral Friedrich Hayek. Aujourd hui Spencer est principalement connu pour ses essais politiques. Il est fréquemment cité par les penseurs libéraux comme Robert Nozick ou Milton Friedmann, et beaucoup de dirigeants politiques et économiques font référence à ses écrits pour légitimer les politiques de déréglementation ou de «réforme de l État».

Récupérée un peu rapidement par les tenants d un libéralisme débridé, la pensée d Herbert Spencer a été souvent caricaturée et mérite une lecture plus attentive. Le texte ici présenté rassemble quatre articles publiés initialement dans la «Contemporary Review» en 1884, aussitôt réunis par Spencer dans un recueil The Man versus the State [L individu contre l État] et complétés par une préface et un post-scriptum. Spencer y développe ses théories antiétatiques ébauchées dès 1842 dans ses lettres rassemblées dans The Proper Sphere of Government, et plaide pour un «État régalien» réduit aux fonctions de police, de justice, de diplomatie et à l armée. Dès sa publication, l'ouvrage fit scandale et provoqua une énorme polémique. À l heure où sont questionnés à nouveau et de manière aiguë, le rôle de l État et son intervention dans l'économie et la société, la pensée de Spencer trouve plus que jamais sa place dans le débat public.

Biographie de l'auteur / par Pierre Musso, professeur à l'université de Rennes 2, est l'auteur de nombreux ouvrages sur la communication, la politique et la philosophie saint-simonienne. Il dirige la collection Europe/Fondations aux éditions Manucius. (http://www.amazon.fr/Lindividu-contre-lEtat-Herbert-Spencer/dp/284578094X)

 

[책소개2] Herbert Spencer (1820-1903), philosophe, sociologue et économiste minarchiste anglais, extrêmement connu en son temps comme théoricien de l'évolutionnisme qu'il appliqua avant l'heure aux sociétés humaines. Il naît dans une famille de radicaux, dissidents de l'anglicanisme, et dont il hérita le refus de l'autorité sous toutes ses formes. Très jeune, il se passionne pour les questions politiques et fait campagne contre les lois protectionnistes sur les importations de céréales. A dix-sept ans, il s'oriente vers la profession d'ingénieur des chemins de fer, qu'il exerce entre 1837 et 1841. Il abandonne rapidement cette voie pour se tourner vers le journalisme alors qu'il a tout juste une vingtaine d'années. Collaborant à The Economist, il y rédige de nombreux articles entre 1848 et 1853 et commence à rédiger de nombreux ouvrages originaux, dont les Social Statics (1851), fortement inspirés par l'utilitarisme benthamien ou A Theory of Population (1852), où il conteste le catastrophisme de Thomas Malthus. Il rédige en 1855 ses Principles of Psychology dans lesquels il attaque les vues de John Stuart Mill. Son grand oeuvre consistera en l'élaboration des Principles of Sociology (dont la publication s'étalera de 1876 à 1897).

Toute sa vie, Spencer fut un ennemi de la guerre et de l'impérialisme, qui sont tous deux les expressions accomplies de l'étatisme. Il meurt en 1903. Son opposition au « monopole » de l'Église anglicane sur le « marché » de la religion lui vaut de ne pas être enterré dans la Cathédrale de Canterbury en raison de l'opposition de l'archevêque du lieu. Il est enterré dans le cimetière de Highgate, juste en face de la tombe de Karl Marx. Connu comme l'un des principaux défenseurs de la théorie de l'évolution au XIXe siècle, sa réputation à l'époque rivalisait avec celle de Charles Darwin (il est l'auteur de l'expression « sélection des plus aptes »). Il a été le premier à développer des positions évolutionnistes, dès 1850, soit une dizaine d'année avant la parution de L'Origine des espèces de Darwin. Spencer appliqua initialement ses théories évolutionnistes à des domaines comme la philosophie, la psychologie et la sociologie, dont il est reconnu comme l'un des fondateurs de la discipline. Sa théorie fut appelée postérieurement, et erronément, « darwinisme social ». Elle a été amplement commentée à l'époque par des auteurs comme John Stuart Mill, Nietzsche, Durkheim ou Bergson.

Herbert Spencer a été extrêmement populaire en son temps, aussi bien dans son pays que dans nombre d'autres pays du monde. Il conseilla l'empereur du Japon et ses livres étaient distribués dans les écoles françaises en récompense lors des cérémonies des prix. Georges Clémenceau se déplaça pour le voir en Grande Bretagne. Aujourd'hui il est surtout connu pour ses essais politiques, ceux-ci sont notamment cités par des penseurs libéraux comme Robert Nozick. L'individu contre l'état correspond à la publication de quatre articles, publiés d'abord dans la Contemporary Review des mois d'avril, mai, juin, juillet 1884, ajouté d'un post-scriptum pour, comme le précise son auteur : « répondre à certaines critiques et pour écarter certaines objections que, l'on ne manquera pas de faire ». Ces quatre articles ont pour titres respectifs : Le nouveau torysme, L'esclavage du futur, Les péchés des législateurs, La grande superstition politique. Spencer y développe ses théories antiétatiques. Selon lui : « l'accroissement de la liberté apparente sera suivi d'une diminution de la liberté réelle. (...). Des mesures dictatoriales, se multipliant rapidement, ont continuellement tendu à restreindre les libertés individuelles, et cela de deux manières : des réglementations ont été établies, chaque année en plus grand nombre, qui imposent une contrainte au citoyen là où ses actes étaient auparavant complètement libres, et le forcent à accomplir des actes qu'il pouvait auparavant accomplir ou ne pas accomplir, à volonté. En même temps des charges publiques, de plus en plus lourdes, surtout locales, ont restreint davantage sa liberté en diminuant cette portion de ses profits qu'il peut dépenser à sa guise, et en augmentant la portion qui lui est enlevée pour être dépensée selon le bon plaisir des agents publics. » Spencer est donc un défenseur de l'État minimal (réduit donc strictement au maintien de la sécurité intérieure et extérieure). Comme John Locke, il défend la contractualisation des relations entre individus et État. Pour lui, le gouvernement est un simple employé que chacun est libre de révoquer, sans que cela attente aux droits d'autrui. Spencer défend par ailleurs une philosophie de l'Histoire selon laquelle les sociétés industrielles (ouvertes, dynamiques, productives, reposant sur le contrat et la liberté individuelle) supplanteront progressivement les sociétés militaires (guerrières, hiérarchiques, figées, fermées sur elles-mêmes). Au final, l'État deviendra lui-même un élément archaïque et obsolète. On peut dire que Spencer est un minarchiste convaincu de la probabilité d'un avenir anarcho-capitaliste. L'individu contre l'état a été publié en France dès 1885 chez Félix Alcan, Éditeur. Les éditions Manucius se proposent de le rééditer aujourd'hui dans le cadre du programme au concours de l'agrégation de philosophie 2008 dont le thème général est celui de l'individu. (http://www.alapage.com/-/Fiche/Livres/9782845780941/l-individu-contre-l-etat-herbert-spencer.htm?donnee_appel=GOOGL)

 

 

[스펜서 개관 -wiki-] La philosophie, la psychologie et la sociologie
Herbert Spencer (Derby 27 avril 1820 - 8 décembre 1903) est un philosophe et sociologue anglais.

 

1/ Biographie
Issu d'une famille de radicaux, il fut très tôt intéressé par les questions politiques. C'est pourquoi il s'affilia à de nombreuses associations. Il devint ainsi membre de l'Anti-Corn Law League, fondée par Richard Cobden. S'il se fit connaître comme sociologue, il exerça cependant la profession d'ingénieur des chemins de fer. Collaborant à The Economist, il rédigea de nombreux ouvrages originaux, dont les Social Statics (1850), fort inspirés par l'utilitarisme benthamien, A Theory of Population (1852), où il contestait le catastrophisme de Thomas Malthus, ou encore ses Principles of Psychology (qu'il commença en 1855). Son grand œuvre consista en l'élaboration des Principles of Sociology (dont la publication s'étala de 1876 à 1897). Toute sa vie, Spencer fut un ennemi de la guerre et de l'impérialisme : c'est pourquoi il s'opposa à la guerre hispano-américaine de 1898 et qu'il tenta de fonder une Ligue contre l'agression.


2/ Darwinisme social
Connu comme l'un des principaux défenseurs de la théorie de l'évolution au XIXe siècle, sa réputation à l'époque rivalisait avec celle de Charles Darwin (il est l'auteur de l'expression "sélection des plus aptes"). Il a notamment étudié son extension à des domaines comme la philosophie, la psychologie et la sociologie, dont il est reconnu comme l'un des fondateurs de la discipline. Sa théorie fut appelée postérieurement, et erronément, "darwinisme social". Or Spencer est resté toute sa vie un disciple de Lamarck : il croyait en l'hérédité des caractères acquis. Appelée également "théorie organiciste" car Spencer considérait la société comme un organisme vivant ou une supra organisation, ses recherches visaient à découvrir les lois d'évolution de la société en se basant sur celles des espèces. Pour lui, la société passe en plusieurs étapes d'un stade primitif où tout est homogène et simple à un stade élaboré, caractérisé par la spécificité, la différenciation, l'hétérogénéité.


3/ Idées politiques
Aujourd'hui il est surtout connu pour ses essais politiques, ceux-ci sont notamment cités par des penseurs libéraux comme Robert Nozick. Son ouvrage le plus connu, Le Droit d'ignorer l'État, publié en 1850, formulation classique du droit de se passer des services de l'État et, donc, du droit de sécession individuelle qu'il légitime lorsque la puissance gouvernante abuse de son pouvoir. Spencer était alors un défenseur de l'État minimal (réduit donc strictement au maintien de la sécurité intérieure et extérieure, ainsi qu'il l'explique dès The Proper Sphere of Government en 1842). Comme John Locke, il défendait la contractualisation des relations entre individus et État. Pour lui, le gouvernement est un simple employé que chacun est libre de révoquer, sans que cela attente aux droits d'autrui. Il se tourna néanmoins petit à petit vers un libéralisme utilitariste de facture plus classique[1].

Spencer défend par ailleurs une philosophie de l'Histoire selon laquelle les sociétés industrielles (ouvertes, dynamiques, productives, reposant sur le contrat et la liberté individuelle) supplanteraient progressivement les sociétés de militaires (guerrières, hiérarchiques, holistes, figées, fermées sur elles-mêmes). Au final, l'État deviendrait lui-même un élément archaïque et obsolète. Selon l'opinion que développe Yvan Blot dans sa thèse de doctorat[2], Spencer est considéré comme un minarchiste convaincu de la probabilité d'un avenir anarcho-capitaliste. Gueorgui Plekhanov, dans son ouvrage Anarchisme et Socialisme, le considéra pour sa part comme un philosophe bourgeois et « anarchiste conservateur[3] »
[2↑ Herbert Spencer, un évolutionniste contre l'étatisme, Les Belles Lettres, 2007. 3↑ Anarchisme et Socialisme, Conclusion [archive*]

 

 

[스펜서 비판 / Plekhanov, 1895, <아나키즘과 사회주의>의 결론]

Anarchism and Socialism / G.V. Plekhanov

[Gueorgui Valentinovitch Plekhanov (en russe : Георгий Валентинович Плеханов) (11 décembre 1856 - 30 mai 1918, ou 29 novembre 1856 - 17 mai 1918 selon le calendrier julien)]

 

CHAPTER VII, Conclusion : The Bourgeoisie, Anarchism, and Socialism.
The “father of Anarchy”, the “immortal” Proudhon, bitterly mocked at those people for whom the revolution consisted of acts of violence, the exchange of blows, the shedding of blood. The descendants of the “father”, the modern Anarchists, understand by revolution only this brutally childish method. Everything that is not violence is a betrayal of the cause, a foul compromise with “authority”. The sacred bourgeoisie does not know what to do against them. In the domain of theory they are absolutely impotent with regard to the Anarchists, who are their own “enfants terribles”. The bourgeoisie was the first to propagate the theory of “laissez faire”, of dishevelled individualism. Their most eminent philosopher of today, Herbert Spencer, is nothing but a conservative Anarchist. The “companions” are active and zealous persons, who carry the bourgeois reasoning to its logical conclusion.

The magistrates of the French bourgeois Republic have condemned Grave to prison, and his book, Société Mourante et l’Anarchie, to destruction. The bourgeois men of letters declare this puerile book a profound work, and its author a man of rare intellect.

And not only has the bourgeoisie no theoretical weapons with which to combat the Anarchists; they see their young folk enamoured of the Anarchist doctrine. In this society, satiated and rotten to the marrow of its bones, where all faiths are long since dead, where all sincere opinions appear ridiculous, in this “monde ou l’on s’ennui”, where after having exhausted all forms of enjoyment they no longer know in what new fancy, in what fresh excess to seek novel sensations, there are people who lend a willing ear to the song of the Anarchist siren. Amongst the Paris “companions” there are already not a few men quite “comme il faut”, men about town who, as the French writer, Raoul Allier, says, wear nothing less than patent leather shoes, and put a green carnation in their button-holes before they go to meetings. Decadent writers and artists are converted to Anarchism and propagate its theories in reviews like the Mercure de France, La Plume, etc. And this is comprehensible enough. One might wonder indeed if Anarchism, an essentially bourgeois doctrine, had not found adepts among the French bourgeoisie, the most “blasée” of all bourgeoisies.

By taking possession of the Anarchist doctrine, the decadent, “fin-de-siecle” writers restore to it its true character of bourgeois individualism. If Kropotkine and Reclus speak in the name of the worker, oppressed by the capitalist, La Plume and the Mercure de France speak in the name of the individual who is seeking to shake off all the trammels of society in order that he may at last do freely what he “wants” to. Thus Anarchism comes back to its starting-point. Stirner said: “Nothing for me goes beyond myself.” Laurent Tailhade says: “What matters the death of vague human beings, if thereby the individual affirms himself.”

The bourgeoisie no longer knows where to turn. “I who have fought so much for Positivism,” moans Emile Zola, “well, yes! after thirty years of this struggle, I feel my convictions are shaken. Religious faith would have prevented such theories from being propagated;but has it not almost disappeared today? Who will give us a new ideal?”

Alas, gentlemen, there is no ideal for walking corpses such as you! You will try everything. You will become Buddhists, Druids, Sars Chaldeans, Occultists, Magi, Theosophists, or Anarchists, which- ever you prefer – and yet you will remain what you are now – beings without faith or principle, bags, emptied by history. The ideal of the bourgeois has lived.

For ourselves, Social-Democrats, we have nothing to fear from the Anarchist propaganda. The child of the bourgeoisie, Anarchism, will never have any serious influence upon the proletariat. If among the Anarchists there are workmen who sincerely desire the good of their class, and who sacrifice themselves to what they believe to be the good cause, it is only thanks to a misunderstanding that they find themselves in this camp. They only know the struggle for the emancipation of the proletariat under the form which the Anarchists are trying to give it. When more enlightened they will come to us.

Here is an example to prove this. During the trial of the Anarchists at Lyons in 1883, the working man Desgranges related how he had become an Anarchist, he who had formerly taken part in the political movement, and had even been elected a municipal councillor at Villefranche in November, 1879. “In 1881, in the month of September, when the dyers’ strike broke out at Villefranche, I was elected secretary of the strike committee, and it was during this memorable event ... that I became convinced of the necessity of suppressing authority, for authority spells despotism. During this strike, when the employers refused to discuss the matter with the workers, what did the prefectural and communal administrations do to settle the dispute? Fifty gendarmes, with sword in hand, were told off to settle the question. That is what is called the pacific means employed by Governments. It was then, at the end of this strike, that some working men, myself among the number, understood the necessity of seriously studying economic questions, and, in order to do so, we agreed to meet in the evening to study together. It is hardly necessary to add that this group became Anarchist.

That is how the trick is done. A working man, active and intelligent, supports the programme of one or the other bourgeois party. The bourgeois talk about the well-being of the people, the workers, but betray them on the first opportunity. The working man who has believed in the sincerity of these persons is indignant, wants to separate from them, and decides to study seriously “economic questions”. An Anarchist comes along, and reminding him of the treachery of the bourgeois, and the sabres of the gendarmes, assures him that the political struggle is nothing but bourgeois nonsense, and that in order to emancipate the workers political action must be given up, making the destruction of the State the final aim. The working man who was only beginning to study the situation thinks the “companion” is right, and so he becomes a convinced and devoted Anarchist! What would happen, if pursuing his studies of the social question further, he had understood that the “companion” was a pretentious Ignoramus, that he talked twaddle, that his “Ideal” is a delusion and a snare, that outside bourgeois politics there is, opposed to these, the political action of the proletariat, which will put an end to the very existence of capitalist society? He would have become a Social-Democrat.

Thus the more widely our ideas become known among the working classes, and they are thus becoming more and more widely known, the less will proletarians be inclined to follow the Anarchists. Anarchism, with the exception of its “learned” housebreakers, will more and more transform itself into a kind of bourgeois sport, for the purpose of providing sensations for “individuals” who have indulged too freely in the pleasures of the world, the flesh and the devil.

And when the proletariat are masters of the situation, they will only need to look at the “companions”, and even the “finest” of them will be silenced; they will only have to breathe to disperse all the Anarchist dust to the winds of heaven.

Last updated on 19.7.2004 (http://www.marxists.org/archive/plekhanov/1895/anarch/ch09.htm)

 


[베르크손과 스펜서의 관계] Sur la relation de Bergson à Spencer / Intervention de Patricia Verdeau
Bergson, La Pensée et le mouvant, chapitres I et II

 

Spencer: Derby, 1820- Brighton, 1903. Philosophe britannique, il caractérise l'évolution par le passage de l'homogène à l'hétérogène, appliquant à la psychologie et à la sociologie les mêmes principes d'évolution. A connu une gloire aussi éclatante qu'éphémère (environ une vingtaine d'années, entre 1860 et 1880), dans son pays l'Angleterre, et jusqu'à la fin du siècle en Europe, aux Etats-Unis et en Asie.

Premiers Principes, 1862, première oeuvre d'un cycle consacré à l'exposé des théories évolutionnistes, et qui comprend, outre ce livre, Principes de biologie (1864-67), Principes de psychologie (1870-72), Principes de sociologie (1877-96), Principes d'éthique (1884-93). 
 

 Ce qui a plus manqué à la philosophie, explique Bergson au début de La Pensée et le mouvant, c'est la précision, et c'est par ce truchement que s'établit une critique de l'idée de système ; en effet, le système, pour Bergson, n'est pas taillé à la mesure de la réalité, en d'autre termes, il ne pourrait appréhender la durée réelle, par les abstractions qu'il pose, au titre desquelles on peut compter par exemple la simultanéité ou le possible. L'explication satisfaisante est celle qui adhère à son objet ; c'est bien le cas de l'explication scientifique, qui " comporte la précision absolue et une évidence complète ou croissante " (PM, p. 1252). En dirait-on autant des théories philosophiques, s'interroge Bergson ? On reconnaît là un philosophe attaché depuis longtemps à la science, et très tôt au positivisme anglais. Il s'agirait en quelque sorte pour la philosophie d'atteindre la rigueur de la science, tout en respectant les faits et détails du réel. Placer sa philosophie au même plan que les sciences positives a toujours été une ambition pour Bergson.  Dans sa jeunesse, deux perspectives philosophiques s'offraient à Bergson: celle des kantiens spiritualistes et celle des positivistes (non des disciples d'Auguste Comte, mais de ceux d'Herbert Spencer et de son disciple français Taine). Trouvant chez les premiers un spiritualisme trop vague, il suit les seconds par respect des faits. Comme l'explique Bergson à la fin de L'Evolution créatrice, il faut renoncer à la méthode de construction, qui fut celle des successeurs de Kant, et faire appel à l'expérience, à une " expérience épurée, je veux dire dégagée (...) des cadres que notre intelligence a constitués au fur et à mesure des progrès de notre action sur les choses " (EC, p. 801). La véritable expérience cherche une durée concrète où " s'opère sans cesse une refonte radicale du tout " ; elle cherche aussi à éclaircir le détail du réel. Le contexte scientifique du XIXe siècle (le progrès de la psychologie, l'évolution de l'embryologie) avait suggéré l'idée d'une réalité qui dure. On comprend alors le succès et la réputation de Spencer, et précisément d'un penseur qui annonce une doctrine d'évolution: " Aussi, quand un penseur surgit qui annonça une doctrine d'évolution, où le progrès de la matière vers la perceptibilité serait retracé en même temps que la marche de l'esprit vers la rationalité, où serait suivie de degré en degré la complication des correspondances entre l'externe et l'interne, où le changement deviendrait enfin la substance même des choses, vers lui se tournèrent tous les regards. " (EC, p. 802). Il faut dire qu'à l'époque, le concept d'évolution était assez récent. L'importance consacrée en cette fin de siècle aux théories de l'évolution en fait un élément prépondérant du cadre idéologique. Dans les Premiers Principes, il écrit: " L'évolution est une intégration de  matière et une dissipation concomitante de mouvement, durant laquelle la matière passe d'une homogénéité indéfinie et incohérente à une hétérogénéité définie et cohérente durant laquelle le mouvement retenu subit une transformation" (trad. Guymiot, 6e édition, p. 469).

 La philosophie de H. Spencer trouvait grâce aux yeux de Bergson. Dans de nombreux passages de son oeuvre ou de ses cours,  les allusions se multiplient au même titre que les signes de reconnaissance: "Il y a quelque cinquante ans, écrivait-il en 1930, j'étais fort attaché à la philosophie de Spencer." (PM, p. 1333) Dans tous les cas où Bergson a eu l'occasion de montrer ses premières recherches, il montre combien la philosophie des Premiers Principes, et notamment l'évolutionnisme, se situe au point de départ de sa pensée. On comprend l'intérêt que Bergson a pu porter à la philosophie de Spencer: " Une doctrine nous avait paru jadis faire exception ": voilà donc une doctrine qui devait donc comporter une " précision absolue et une évidence complète ou croissante " (PM, p. 1253). C'est bien le rapport étroit à la réalité qui est visé là, et qui pourrait s'apparenter à la préfiguration de ce qui sera plus tard l'intuition bergsonienne, comme appréhension de la durée réelle: " La philosophie de Spencer visait à prendre l'empreinte des choses et à se modeler sur le détail des faits " (Ibidem). Nous voyons là l'attention portée à la réalité, au détail, à ce qui échappe ordinairement à la généralité, à ce qui appréhende la réalité au plus près, comme l'indiquent les expressions " prendre l'empreinte " et " se modeler ".  L'effort semblait louable pour l'esprit rigoureux d'un Bergson probablement en admiration devant ce passage des Premiers Principes: " Une philosophie idéalement complète doit formuler la série entière des changements subis par les êtres, isolément et dans leur ensemble, depuis leur passage de l'imperceptible au perceptible jusqu'à leur retour du perceptible à l'imperceptible. Si elle commence ses explications avec des êtres qui ont déjà des formes concrètes, il est manifeste que ces êtres avaient une histoire antérieure ou qu'ils auront une histoire postérieure dont la philosophie ne rend pas compte. D'où nous avons vu que la formule cherchée, également applicable aux êtres pris isolément et dans leur totalité, doit être applicable à l'histoire de chacun d'eux et à l'histoire entière de leur ensemble. Telle doit être la forme idéale de la philosophie, quelle que soit la distance à laquelle on en reste dans la réalité." (trad. Guymiot, 6e édition, p. 1468).

 Or, le problème d'une adhésion à Spencer surgit rapidement dans le texte, et l'on comprend l'inconvénient inhérent aux " généralités vagues ". Le point d'appui, et en d'autres termes, le fondement de cette philosophie restait problématique: " Nous sentions bien la faiblesse des Premiers Principes " (PM, p. 1254). Or, cette faiblesse venait, dit Bergson de ce que l'auteur n'ait pas approfondi les " idées dernières " de la mécanique. On peut conjecturer que pour Bergson, l'auteur des Premiers Principes avait bien tenté d'appréhender la réalité à travers une démarche novatrice et précise, mais qu'il n'était pas allé au bout de ses ambitions premières, tout comme si le système, chez Spencer avait résisté à la particularité et à la durée. Il faut reconnaître la reconnaissance de Bergson, qui aurait voulu reprendre une partie de cette oeuvre, la compléter, la consolider, comme si Spencer avait eu l'ambition de Bergson, mais s'était arrêté en chemin. La déception suit cependant la reconnaissance: " C'est ainsi que nous fûmes conduits devant l'idée de temps. Là, une surprise nous attendait. " (PM, p.1254). En effet, le temps réel échappe aux mathématiques, à la superposition de partie à partie. La ligne immobile qui représente le temps est une manière de représenter la mobilité par l'immobilité, ce qui pour Bergson est absurde, sauf si nous voulons évoquer le temps de la mathématique: " Que la science positive se fût désintéressée de cette durée, rien de plus naturel, pensions-nous: sa fonction est précisément peut-être de nous composer un monde où nous puissions, pour la commodité de l'action, escamoter les effets du temps. Mais, comment la philosophie de Spencer, doctrine d'évolution, faite pour suivre le réel dans sa mobilité, son progrès, sa maturation intérieure, avait-elle pu fermer les yeux à ce qui est le changement même ? " (PM, p.1256). En d'autres termes, Bergson se trouve confronté à un évolutionnisme qui n'évolue pas, qui n'est donc pas fidèle à son ambition première ou qui n'est pas allé au bout de cette ambition-là.

 Cette question engage plus tard chez Bergson l'interrogation sur l'évolution de la vie " en tenant compte du temps réel ", et une reprise radicale de l'évolutionnisme spencérien: " l'"évolutionnisme " spencérien était à peu près complètement à refaire " (PM, p.1256). A l'image des autres philosophies, la philosophie spencérienne ne s'est guère occupée de la vision de la durée, peut-être pour des raisons langagières, explique Bergson. Bergson ne cesse de revenir sur ce problème, qui apparaît comme le point de départ de la philosophie de l'Essai. La critique de Spencer est sévère:  " il ne s'était pas plutôt engagé, explique Bergson dans l'Evolution créatrice qu'il tournait court. Il avait promis de retracer une genèse, et voici qu'il faisait tout autre chose. Sa doctrine portait bien le nom d'évolutionnisme ; elle prétendait remonter et redescendre le cours de l'universel devenir. En réalité, il n'y était question ni de devenir ni d'évolution ". Le projet de Spencer n'a pas atteint le but qu'il visait: il ne peut y avoir, bien sûr, de critique pire de l'évolution que celle qui l'accuse de non-évolution ! La " surprise " devient " artifice ": " L'artifice ordinaire de la méthode de Spencer consiste à reconstituer l'évolution avec les fragments de l'évolué." (EC, p. 802) Tout se passe alors comme si l'illusion suprême consistait à montrer le geste et le devenir là où il n'y a que juxtaposition de positions. Autrement, ce que Bergson perd dans le temps, c'est le mouvement du devenir: l'acte de dessiner n'a aucun rapport avec celui d'assembler les fragments d'une image déjà dessinée. Dans un certain sens, Spencer a repris le chemin de Kant. A la fin de L'Evolution créatrice, Bergson montre l'ampleur de l'illusion spencérienne: il fragmente la réalité, puis intègre ces fragments. Les concepts d'intégration de la matière et de dissipation du mouvement sont relus par Bergson. A partir de la réalité, Spencer construit une mosaïque, et s'imagine " en avoir retracé le dessin et fait la genèse " (EC, p. 803). L'illusion spencérienne touche plusieurs domaines au rang desquels on peut trouver la matière, l'esprit, la correspondance entre l'esprit et la matière.

 En ce qui concerne la matière, voilà ce que dit Bergson: : " Ce n'est pas en divisant l'évolué qu'on atteindra le principe de ce qui évolue. Ce n'est pas en recomposant l'évolué avec lui-même qu'on reproduira l'évolution dont il est le terme " (EC, p. 803): " S'agit il de la matière ? Les éléments diffus qu'il intègre en corps visibles et tangibles ont tout l'air d'être les particules mêmes des corps simples, qu'il suppose d'abord disséminées à travers l'espace. Ce sont, en tout cas des " points matériels " et par conséquent des points invariables, de véritables petits solides: comme si la solidité, étant ce qu'il y a de plus près de nous et de plus manipulable par nous, pouvait être à l'origine même de la matérialité ! " (EC, p. 803). En réalité, Spencer est victime de la représentation, s'apparentant chez Bergson à un découpage au service de mon action. D'une part, Spencer évoque des étapes de l'évolution (ce qui déjà fait problème pour Bergson) (comment passe-t-on en effet de l'évolution à la dissolution ? ), et d'autre part, il transforme la réalité, en l'appréhendant sous formes de morceaux et d'agglomération progressive. Il y aurait donc une double schématisation inhérente à cette représentation faussée. Cela dit, pour Spencer, l'intelligence et l'expérience nous confrontent à l'inconnaissable. Est-ce qu'alors Spencer est aussi éloigné qu'on le penserait de Bergson ? En réalité, il manquait à Spencer l'appréhension de la durée et de l'intuition En ce qui concerne les illusions spencériennes liées à l'esprit, Bergson montre l'erreur de Spencer qui pense la composition du réflexe avec le réflexe permet d'engendrer tour à tour l'instinct et la volonté raisonnable: " S'agit-il de l'esprit ? Par la composition du réflexe avec le réflexe, Spencer croit engendrer tour à tour l'instinct et la volonté raisonnable. Il ne voit pas que le réflexe spécialisé, étant un point terminus de l'évolution au même titre que la volonté consolidée, ne saurait être supposé au départ. Que le premier des deux termes ait atteint plus vite que l'autre sa forme définitive, c'est fort probable ; mais l'un et l'autre sont des dépôts du mouvement évolutif, et le mouvement évolutif lui-même ne peut pas plus s'exprimer en fonction du premier tout seul que du second uniquement. (...) Mais sur tout cela Spencer ferme les yeux, parce qu'il est de l'essence de sa méthode de recomposer le consolidé avec du consolidé, au lieu de retrouver le travail graduel de consolidation, qui est l'évolution même. " (EC, p. 804). La critique de Bergson vise la méthode spencérienne elle-même: au lieu d'envisager une progression graduelle de l'évolution, où interviendraient donc des moments que nous ne connaissons pas forcément dans la réalité actuelle, mais qui l'annoncent, Spencer envisage la réalité actuelle, accomplie et effective, la déconstruit pour la reconstruire: ainsi ni la genèse ni l'évolution dans leur dynamique ne sont véritablement pensées.

 En ce qui concerne la correspondance entre l'esprit et la matière, même si Bergson reconnaît que Spencer a raison quand il définit l'intelligence comme le terme de l'évolution, celui-ci ne peut appréhender cette évolution, puisqu'il se place a posteriori: " (...) quand il vient à retracer cette évolution, il intègre encore de l'évolué avec de l'évolué sans s'apercevoir qu'il prend ainsi une peine inutile: en se donnant le moindre fragment de l'actuellement évolué, il pose le tout de l'évolué actuel, et c'est en vain qu'il prétendrait alors en faire la genèse " (EC, p. 804). Qu'en est-il des rapports entre l'esprit et la réalité extérieure ? Pour Spencer, les phénomènes qui se succèdent dans la nature projettent dans l'esprit humain des images qui les représentent. Les relations entre les phénomènes engagent, de manière symétrique des relations entre les représentations. En d'autres termes, l'évolution des phénomènes engage l'évolution de nos représentations:  " Et les lois les plus générales de la nature, en lesquelles se condensent les relations entre les phénomènes, se trouvent ainsi avoir engendré les principes directeurs de la pensée, en lesquels se sont intégrées les relations entre les représentations. La nature se reflète donc dans l'esprit. La structure intime de notre pensée correspond, pièce à pièce, à l'ossature même des choses. " (EC, p. 804). Que répond alors Bergson à Spencer ?  "  Je le veux bien; mais, pour que l'esprit humain puisse se représenter des relations entre les phénomènes, encore faut-il qu'il y ait des phénomènes, c'est-à-dire des faits distincts, découpés dans la continuité du devenir. Et dès qu'on se donne ce mode spécial de décomposition, tel que nous l'apercevons aujourd'hui, on se donne aussi l'intelligence, telle qu'elle est aujourd'hui, car c'est par rapport à elle, et à elle seulement, que le réel se décompose de cette manière. " (EC, p. 805). Spencer est victime, pour Bergson, d'une illusion inhérente au mouvement rétrograde du vrai. Pour que l'esprit distingue des phénomènes, il faut que que l'intelligence soit déjà présent. C'est parce que je découpe la réalité pour les besoins de mon action que les phénomènes apparaissent.

 C'est vraiment avec ce grand livre de 1907 que Bergson prend congé de Spencer. La question des rapports entre esprit et réalité est d'autant plus importante qu'elle engage la question fondamentale, tant pour Spencer que pour Bergson, de l'évolution: " Dès lors, au lieu de dire que les relations entre les faits ont engendré les lois de la pensée, je puis aussi bien prétendre que c'est la forme de la pensée qui a déterminé la configuration des faits perçus, et par suite leurs relations entre eux. Les deux manières de s'exprimer se valent. Elles disent, au fond, la même chose. Avec la seconde, il est vrai, on renonce à parler d'évolution. Mais, avec la première, on se borne à en parler, on n'y pense pas davantage. " (EC, p. 806). Le problème de l'évolution se pose dans un cas comme dans l'autre, puisque d'un point de vue comme de l'autre on pose respectivement la fragmentation de la réalité comme effective, et l'intelligence comme effective. La position de Bergson se profile à l'horizon de ces considérations. Le véritable évolutionnisme est celui qui va prendre en considération une progressive élaboration de l'intelligence, de la fragmentation, et de leurs rapports mutuels: " Car un évolutionnisme vrai se proposerait de rechercher par quel modus vivendi graduellement obtenu l'intelligence a adopté son plan de structure, et la matière son mode de subdivision. Cette structure et cette subdivision s'engrènent l'une dans l'autre. Elles sont complémentaires l'une de l'autre. Elles ont dû progresser l'une avec l'autre. (EC, p. 806). Par ailleurs, Bergson avance des arguments émanant  du domaine de la physique: " Déjà, dans le domaine de la physique elle-même, les savants qui poussent le plus loin l'approfondissement de leur science inclinent à croire qu'on ne peut pas raisonner sur les parties comme on raisonne sur le tout, que les mêmes principes ne sont pas applicables à l'origine et au terme d'un progrès, que ni la création ni l'annihilation, par exemple, ne sont inadmissibles quand il s'agit des corpuscules constitutifs de l'atome. (EC, p. 806). Nous voyons là une philosophie attachée à la démarche scientifique, et à sa tendance à considérer une évolution de durée. Le rapport à Spencer pose le problème des fins de la philosophie: " Le philosophe doit aller plus loin que le savant. Faisant table rase de ce qui n'est qu'un symbole imaginatif, il verra le monde matériel se résoudre en un simple flux, une continuité d'écoulement, un devenir. Et il se préparera ainsi à retrouver la durée réelle là où il est plus utile encore de la retrouver dans le domaine de la vie et de la conscience. Car, tant qu'il s'agit de la matière brute, on peut négliger l'écoulement sans commettre d'erreur grave: la matière, avons-nous dit, est lestée de géométrie, et elle ne dure, elle réalité qui descend, que par sa solidarité avec ce qui monte. Mais la vie et la conscience sont cette montée même. Quand une fois on les a saisies dans leur essence en adoptant leur mouvement, on comprend comment le reste de la réalité dérive d'elles. (EC, p. 807)

 Bergson substitue à un évolutionnisme qui n'évolue pas une évolution créatrice. Comprendre le mouvement de l'évolution créatrice, c'est s'y insérer. C'est à cette condition que la philosophie peut penser le mouvant. La durée devient alors un principe d'explicitation de la réalité, ainsi que des différents degrés de réalité. L'absolu bergsonien répond alors à l'inconnaissable spencérien: " Ainsi comprise, la philosophie n'est pas seulement le retour de l'esprit à lui-même, la coïncidence de la conscience humaine avec le principe vivant d'où elle émane, une prise de contact avec l'effort créateur. Elle est l'approfondissement du devenir en général, l'évolutionnisme vrai, et par conséquent le vrai prolongement de la science, - pourvu qu'on entende par ce dernier mot un ensemble de vérités constatées ou démontrées " (EC, p. 807). (http://pedagogie.ac-toulouse.fr/philosophie/forma/verdeaubergsonspencer.htm)

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'가족'을 지양하는 국가(공동체-정치)로의 몸부림 [김상봉 편지8]

"(...) 가족공동체를 지양하지 못하는 사회에 참된 의미의 국가란 있을 수 없습니다. 가족은 자유로운 만남의 공동체가 아닙니다. 내가 내 부모를 선택할 수는 없기 때문입니다. 그러므로 가족은 자유의 현실태일 수 없습니다. 참된 자유와 보다 더 큰 만남을 위해 우리는 가족을 벗어나 더 큰 전체를 형성하고 그 속에서 자기를 실현해야 합니다. 국가는 그처럼 보다 더 확장된 만남 속에서 개인의 자유를 실현하기 위해 인간이 창안한 공동체인 것입니다. 그런데 혈연관계가 자동적으로 사람들을 묶어주는 가족과 달리 국가는 사람들이 공유된 뜻과 이상을 통해 결속할 때만 형성될 수 있습니다. 그러나 우리에겐 그런 국가가 없습니다. 2000년 전의 성씨가 아직도 이어지는 이 나라에서 국가는 여전히 씨족연립체에 지나지 않습니다. 비단 국가기구뿐만 아니라, 이 땅의 모든 사회적 공동체들도 정도의 차이가 있을 뿐 재벌이나 학벌에서 보듯 가족주의 또는 족벌주의를 벗어나지 못한 곳이 한국사회입니다. 차이라면 과거의 벌열가문이 지금은 ‘고소영’ ‘강부자’ 등으로 옷을 갈아입은 것뿐, 이 나라가 우리 모두의 나라가 아니라 소수 족벌의 나라인 것은 마찬가지인 것입니다. 그 결과 국가기구는 평소에는 소수의 집단에 의해 사적으로 장악되고, 위기에 처하면 모래성처럼 해체되어 버립니다. 모두를 위해 존재하지 않는 국가가 민중의 비판과 저항에 직면하는 것은 정해진 순서인데, 국가기구가 비판하고 저항하는 민중을 서슴없이 적으로 간주해 공격할 때 전쟁상태를 종식시켜야 할 국가가 도리어 민중을 적으로 삼아 전쟁상태에 빠져들게 되는 것입니다. [註1]

 

(...) 아리스토텔레스는 <정치학>에서 지배의 종류를 나누면서 정치가가 시민을 지배하는 것은 동등한 사람들 사이의 지배라는 점에서 주인의 노예지배나 가부장의 가족지배와 다르다고 설명합니다. 간단히 말해 정치적 지배란 동등한 친구들 사이의 지배와 같은 것입니다. 그런데 이 땅에서 국가권력을 장악한 자들은 동료 시민을 친구로 보지 않는 것은 물론, 아예 사람으로도 보지 않습니다. 용산 철거민들이 사람으로 보였다면 시너통이 가득한 농성장을 무차별 공격할 수 있었겠습니까? 철거민뿐입니까? 이 나라의 권력자들은 자기들에게 반대하는 모두를 무조건 적으로 만듭니다. 수천년 전이나 지금이나 교육은 크게 다를 수 없으므로 어디서나 교육자들은 보수적일 수밖에 없는데, 한국의 권력자들은 그런 교사들을 싸잡아 적으로 만듭니다. 평교사도 모자라 이제는 일제고사를 통해 교장들까지 줄을 세우겠다고 나섰으니 대다수 교장들이 반정부집단이 되는 것도 시간문제 아니겠습니까. 그러나 저들의 탐욕과 미련함이 우리의 희망입니다. 일제고사다 언론법이다, 그렇게 부지런히 모두를 적으로 만들면서 그들은 한 줌의 지배세력으로 고립되어갈 것입니다. 그리고 때가 무르익으면 폭풍이 몰려오고 저들은 썩은 과일이 나뭇가지에서 떨어지듯 몰락할 것입니다. 겨울이 가고 봄입니다. 그렇듯 우리 역사에도 머지않아 봄이 올 것입니다. 우리의 일은 흔들리지 않는 믿음으로 조용히 그 때를 기다리며 새 시대를 준비하는 것이겠지요. (...)"

 

출처: 김상봉 전남대 교수·철학, [새로운 공화국을 꿈꾸며](4) 정부 수립 60년, 대한민국은 어떤 나라였나<下> [편지-8]
http://news.khan.co.kr/kh_news/khan_art_view.html?artid=200903011730275&code=210000&s_code=af078

 

[註1]-본문에서 발췌-
1811년 홍경래의 반란 이래 이 나라의 역사는 이미 왕조시대부터 민중봉기와 항쟁의 연속이었습니다.
1862년 이른바 진주민란을 효시로 삼남지방을 뒤흔든 농민항쟁이 일어났고,
1894년 동학농민전쟁이 터졌습니다.
1919년 3·1운동이 있었고, 10년 뒤 광주학생운동은 이름과 달리 함석헌이 가르치던 평안북도 오산학교까지 번진 전국적 봉기.

1948년 제주 4·3사건과 여순반란사건에 이어 1950년 비극적인 전쟁이 있었고,
1960년 4·19혁명으로,
1979년 부산과 마산에서 예고 없는 지진처럼 부마항쟁이 일어났고, 그 직접적인 결과로 박정희의 독재가 종말.
1980년 5월 부마항쟁에 응답하듯이 광주항쟁이 터졌고,

1987년 길고 고통스러운 투쟁 끝에 마침내 우리는 민주주의를...

그리고 20여년 동안 이제 과거와 같은 대규모 민중봉기나 항쟁은 더는 일어나지 않을 것 같더니, 지난해 아무도 예상 못한 촛불항쟁이 백일 이상 계속되었습니다. 역사에 눈 밝은 사람이라면 이것이 오랜 고요 뒤에 찾아올 새로운 봉기의 전조라는 것을 모를 수 없을 것입니다.

 

 

* 윗 글은 박명림이 묻거나 문제를 제안하고, 김상봉이 답하거나 철학적으로 풀어내는 서간대화의 여덟번째 편지이다. 둘의 역할 분담의 성격때문이기도 하겠지만 김상봉의 글이 더 많은 유익한 생각거리를 던져주는 게 사실이다. 참고로 그의 편지 2와 4는 여기(http://blog.jinbo.net/radix/?pid=59)에 옮겨다 뒀고 6은 생략.

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Republique1: 공화국이란 무엇인가? (김상봉)

[편지3] 공화국이란 무엇인가 / 김상봉

 

(...) 공화국이란 무엇입니까? 원래 이 낱말은 로마인들이 나라를 가리켜 부른 이름입니다. 라틴어로는 레스 푸블리카(res publica)라고 하는데, 말 그대로는 ‘공공적인 것’(public thing)을 뜻합니다. 그런데 여기서 푸블리카라는 형용사는 포풀루스(populus), 즉 인민(people)이라는 명사에서 만들어진 낱말입니다. 그래서 로마의 정치가이자 철학자였던 키케로는 레스 푸블리카를 레스 포풀리(res populi)라고 풀이했는데, 이 말은 ‘인민의 것’(people’s thing)이라는 뜻입니다. 여기서 인민이란 계급적인 의미로 쓰인 것이 아니고 나라 구성원 전체로서 겨레를 가리키는 말이었으니, 나라가 특정한 집단이 아니라 ‘모두의 것’일 때 그것은 참된 공화국인 것입니다. 키케로는 공화국을 처음 고전적으로 정의한 사람인데 그에 따르면 인민이란 “합의된 법과 공공 이익에 의해 결속된 다중의 공동체”인 바, 나라가 그런 인민 모두의 것이요, 모두를 위한 것일 때 그것은 공화국이라 할 수 있습니다. 요컨대 법치와 공공성이야말로 공화국의 기준이라는 뜻이지요. 그런데 여기서 우리가 한국의 민주주의의 위기를 정확하게 진단하기 위해 반드시 기억해야 할 것은 민주국가가 자동적으로 공화국이 되는 것은 아니라는 사실입니다. 프랑스 혁명 이후 많은 나라에서 공화국은 군주국의 반대말로 이해되고, 민주국가와 거의 같은 말로 받아들여집니다. 하지만 민주국가냐 군주국가냐 하는 것은 국가의 통치형태에 관한 문제로서, 국가의 실질적 온전함을 판단하기 위해 그것이 공화국인지 아닌지를 구분하는 것과는 전혀 다른 문제입니다. 

 

고전적 이론에 따르면 원칙적으로 법치와 공공성의 원리가 지켜진다면 군주국가도, 과두제 국가도 민주국가도 모두 공화국입니다. 반대로 그 원리가 실종되면 아무리 형식적으로 민주주의적으로 운영되는 국가라 하더라도 그것은 더 이상 공화국이 아닙니다. 그래서 공화국과 민주국가의 관계에 대해 때때로 철학자들은 역설적으로 들리는 주장을 펼치기도 했는데, 독일의 철학자였던 칸트는 공화국과 가장 거리가 먼 정치체제가 민주국가요, 거꾸로 군주국가야말로 진정한 공화국을 실현하기 위해 가장 좋은 정치체제라고 주장하기까지 했습니다. 이런 것을 생각하면 우리는 사회주의 국가들이 이른바 자유선거에 의한 민주주의를 거부하면서도 자기 나라를 (인민) 공화국이라 부르는 것을 단지 위선적인 말장난이라 치부할 수 없으며, 거꾸로 우리가 형식적으로 민주화를 이루었다 해서 마치 모든 일이 끝났다고 생각하는 것이 얼마나 안이한 생각인지도 알 수 있습니다.

 

그런데 한국의 민주주의의 위기상황을 정확하게 이해하기 위해 우리가 반드시 기억해야 할 또 다른 하나는, 현재 우리가 알고 있는 민주국가는 본래적인 의미에서 보자면 전혀 민주주의적으로 운영되는 국가가 아니라는 사실입니다. 민주정이냐 과두정이냐 아니면 군주정이냐 하는 것은 나라의 통치형태를 구분하는 이름입니다. 오늘날 우리는 선거를 통해 통치자를 선출하면 그것이 민주적 통치형식이라 생각합니다. 하지만 서양 민주주의의 요람이라 할 고대 그리스인들의 구분기준으로 보자면 선거를 통해 국가권력을 위임하는 국가형태는 민중이 권력에 참여하는 민주정과는 정반대되는 것으로서, 과두정 곧 소수에 의한 지배체제입니다. 왜냐하면 이 경우 필연적으로 극소수의 재력가들만이 생업을 밀쳐두고 선거에 뛰어들 수 있으므로, 절대 다수 민중은 정치권력으로부터 소외될 수밖에 없기 때문입니다. 하지만 선거가 아니라면 무엇을 통해 권력을 위임하는 것이 민주주의적인 제도이겠습니까? 역사상 가장 민주적인 정치형태를 추구했던 아테네인들에 따르면 그것은 추첨이었습니다. 어떤 사람도 권력에서 소외되지 않도록 하기 위해 그들은 우리 식으로 말하면 국회의원도 판사도 행정관도 모두 추첨으로 뽑았습니다. 예외적으로 그들이 선거를 통해 뽑았던 공직이 꼭 하나 있었는데, 그것이 장군입니다. 그런데 아테네인은 자기들이 선출한 장군들의 명령에 복종했으나, 그들의 과오에 대해서는 민회에서 가차 없이 탄핵함으로써 장군들의 권력이 민중의 주권 아래 있음을 보였던 것입니다. 이것이 아테네인들이 가르쳐준 민주주의입니다. 

 

지금 우리처럼 선거로 국가권력을 위임하는 체제는 민주적 지배가 아니라, 소수지배(oligarchy) 곧 소수의 잘난 사람들을 뽑아 나랏일을 맡기는 정치체제인데, 이 체제의 가장 큰 위험은 부자들만이 선거에 나갈 수 있고, 국가권력을 장악할 수 있다는 데 있습니다. 이렇게 되면 나라가 돈이 사람을 지배하는 국가로 전락하게 되며, 인간의 참된 자유와 자기실현 그리고 온전한 만남은 불가능한 일이 되어버립니다. 또 다른 무엇보다 자본의 지배는 결코 나라의 공공성과 양립할 수 없습니다. 원래 공화국의 반대말은 레스 프리바타(res privata)입니다. 말 그대로 ‘사사로운 것’(private thing)이라는 뜻이지요. 여기서 사적인 것이 무엇이냐면 집안일입니다. 그런데 로마인들이 말하는 집안일은 바로 돈 버는 일, 곧 경제였습니다. 영어에서 경제를 뜻하는 이코노미(economy)란 말은 원래 그리스말로 가정관리를 뜻하는 오이코노미아(oikonomia)를 그냥 영어로 쓴 말인데, 그리스인들에게서도 역시 집안일은 돈 버는 일이었습니다. 그러니까 그리스인들이나 로마인들은 오이코노미아라고 하든 레스 프리바타라고 하든 돈 버는 일을 사사로운 집안일로 보고, 나랏일과 엄격하게 구별했는데, 이는 돈이 절대로 공공적인 가치일 수가 없기 때문입니다.

 

(...) 그런데 키케로가 공화국의 조건으로서 공공적인 가치를 말한 까닭은 우리의 삶에는 개인이나 가정으로는 실현할 수 없고 오직 국가를 통해서만 실현할 수 있는 어떤 공공적이고 일반적인 가치가 있다고 생각했기 때문입니다. 하지만 그는 그것이 무엇인지 더 자세히 말하지는 않았습니다. 아마도 그것은 모든 시대, 모든 겨레에 열려 있는 과제일 것입니다. 그러나 그리스인들이나 로마인들은 무엇이 국가가 추구해야 할 공공적 가치일 수 없는가 하는 부정적 기준은 명확히 알고 있었는데, 그것은 앞서 말했듯이 돈을 벌고 부자가 되는 일은 어떤 경우에도 국가가 추구할 공공적 가치일 수 없다는 것입니다. 박정희 시대 이래 대다수 한국인들에게는 “잘 살아보세”가 국가가 추구해야 할 공공적 가치인 것처럼 오해되어 왔습니다. 오죽하면 진보정당에서조차 ‘민생정치’가 구호로 쓰이기도 하는데, 이는 잘 살아 보자는 말을 약간 우아하게 표현한 것이겠지요. 제가 이렇게 말하면 아마도 누군가는 ‘모두가 잘 사는 것’이라 한다면 그것은 공공적인 가치가 아니겠느냐고 되물을 수도 있을 것입니다. 그러나 ‘잘 산다’는 술어는 그 자체로서는 결코 ‘모두가’라는 보편적 주어를 요구하지 않습니다. 아니 도리어 잘 살고 싶다는 욕망은 그 자체로서는 철저히 사사로운 욕망으로서, 그냥 내버려두면 나의 경제적 이익은 필연적으로 다른 사람의 경제적 이익과 충돌할 수밖에 없습니다. 그 까닭은 우리가 잘 살기 위해 필요한 돈이 사적으로 점유할 수 있는 대상이기 때문입니다. 아무도 플라톤의 철학을 독점할 수 없으며, 베토벤의 음악을 자기 지갑에 넣을 수 없습니다. 그것은 모두에게 개방된 존재로서 그 자체로서 공공적인 것이요, 모두에게 좋은 것입니다. 그러나 돈은 사적 소유의 대상이어서 나의 지갑에 든 돈은 그 자체로서는 나를 위해 좋은 것이지 남을 위해 좋은 것이 결코 아닙니다. 그러므로 한 겨레가 오로지 돈을 벌고 부자되는 것 외에 다른 가치를 알지 못한다면 그런 사람들의 나라는 야수적인 무한경쟁 속에서 해체되어 만인 대 만인의 투쟁상태로 전락할 수밖에 없습니다.

 

누구도 먹지 않고 살 수는 없습니다. 그리고 기왕이면 잘 먹고 잘 살고 싶은 것도 인지상정입니다. 그러나 한 겨레가 참된 공화국을 이루기 위해서는 단순히 잘 먹고 잘 사는 것 이상의 공공적인 가치와 보편적인 이상을 공유하고, 이를 통해 우리를 끊임없이 파편화시키고 분열시키는 사사로운 욕망, 곧 경제적 욕망을 규제하고 승화시키지 않으면 안 됩니다. 예를 들어 프랑스인들은 자유, 평등, 박애를 말하고, 독일인들은 하나됨과 정의와 자유를 나라의 근본으로 삼습니다. 함석헌이 그리도 자주 말했듯이 국민적 이상이야말로 나라의 참된 기초이니, 우리 또한 이제 형식적 민주주의에서 한걸음 더 나아가 과연 우리가 더불어 추구해야 할 가치가 무엇인지를 찾아야 할 것입니다. 그러나 우리는 돈 벌고 부자되는 것 말고는 아무것도 바라는 것이 없으니 도대체 어떤 고귀한 가치를 실현하기 위해 나라를 하겠다는 것입니까? 안타까운 물음을 선생님께 떠밀면서 오늘은 이만 줄입니다. 안녕히 계십시오. (김상봉 전남대 교수·철학/khan 입력 : 2009-01-18, 17:28수정 : 2009-01-18 17:28)

 

  

[편지1-김상봉: 공화국 논의가 필요한 이유](각항의 번호와 제목은 옮겨온 자의 것임. 기타 주변설명은 'Rep.2' 참조)

 

1. 대항체로서의 국가를 넘어 : (...) 우리는 아직도 나라를 생각하는 일에 익숙하지 않습니다. 국가의 폭력에 저항하는 데는 영웅적인 용기를 보였으나, 과연 무엇이 바람직한 나라인지 생각하는 일에는 게을렀던 사람들이 우리입니다. (...) 하지만 그 전에 우리가 바람직한 국가에 대해 생각하는 일에 서툰 까닭이 무엇인지를 생각해 볼 필요가 있다고 생각합니다. 저는 무엇보다 고전적 사회주의 이론이 국가를 소멸되어야 할 대상으로 보는 것이 알게 모르게 국가에 대한 적합한 인식은 물론 바람직한 국가에 대한 상상을 억압해온 중요한 원인이라고 생각합니다. 마르크시즘에 따르면 바람직한 국가를 상상하는 것 자체가 퇴행적인 일로 치부되는 까닭에 엄연히 국가의 울타리 속에서 살고 있고 내심으로도 국가의 소멸 따위는 믿지 않는 사람조차도 짐짓 국가의 파괴와 소멸을 입에 올릴 뿐 바람직한 국가를 어떻게 형성하고 건설할 것인지를 물을 수 없었던 시대가 분명히 있었고, 아직도 그 관성이 다 청산되지 않은것이 국가에 대해 적극적으로 생각하는 것을 방해하는 첫 번째 이유가 아니겠는가 하는 것입니다. (...) 지난날 많은 사람들이 단지 국가폭력만이 아니라 그 국가에 대항하여 싸웠던 사람들의 공동체 속에서 치유하기 어려운 심리적 상처를 입었습니다. 그 결과 우리는 주위에서 국가뿐만 아니라 모든 종류의 공동체에 대해 조건반사적인 반감을 가지고 있는 사람들을 드물지 않게 만나볼 수 있습니다. 모든 종류의 공동체를 불신하는 사람에게 바람직한 공동체가 무엇인가 하는 물음이 의미를 가질 리 없으니, 이들의 관심은 온전한 국가를 형성하는 것이 아니라 어떻게 하면 국가기구 또는 일체의 공동체에 포획되지 않을 수 있는가 하는 것뿐입니다.


2. 공동체적 만남의 장으로서의 국가: 하지만 탈주의 자유란 망상일 뿐입니다. 아리스토텔레스가 말했듯이 인간은 폴리스 속에서 살 수밖에 없기 때문입니다. 우리는 나라를 스스로 형성함으로써 그 주인으로 자유를 누리거나 아니면 국가의 노예로 살거나 둘 중 하나를 선택할 수밖에 없습니다. 그런즉 이제 우리가 할 일은 서로의 상처를 감싸고 치유하면서 우리 자신의 역사로부터 우리가 꿈꿀 수 있는 바람직한 나라의 이상을 이끌어내는 일입니다. 여기서 제가 이웃의 트라우마를 치유할 수는 없습니다. 다만 저는 이상적인 나라를 꿈꾸는 것이 무슨 단체나 조직이 아니라 온전한 만남의 문제라는 것만은 분명히 말하고 싶습니다. 우리가 참된 나라를 꿈꾸는 것은 국가기구에 종노릇하기 위해서도 아니고 무슨 추상적인 이념을 실현하기 위해서도 아니며 오직 너와 내가 온전히 만나기 위해서입니다. 개인의 자유는 참된 만남 없이는 가능하지도 않고 의미도 없습니다. 그리고 사랑과 우정 없이 행복이 있을 수 없다면 참된 만남이란 가장 중요한 개인적 욕망의 대상이기도 합니다. 그렇게 우리의 욕망이 충족되고 자유가 실현되는 만남의 지평이 바로 나라입니다.


3. 공화국과 민주주의: 그렇다면 무엇이 문제입니까? 공화국입니다. 그것은 실현된 적이 없습니다. 그러므로 굳이 구별하자면 민주국가에서 더 나아가 온전한 공화국을 세워야 한다는 것, 그것이 지난번 촛불항쟁을 통해 명확히 표출된 시대정신이라 저는 생각합니다. 공화국이란 나라가 공공적 기관이라는 것을 뜻합니다. 그러나 지난 10년간의 불완전한 예외를 제외하면 왕조시대에서부터 지금까지 이 나라의 국가기구는 한 번도 온전히 공공적 기관이었던 적이 없습니다. 소수의 권력집단이 사사로운 이익을 도모하기 위해 사적으로 점유한 수탈과 억압의 도구가 국가기구였던 것입니다. 하지만 공공성이란 나라의 본질에 속하는 것이어서 그것을 상실하면 나라는 더 이상 나라일 수 없으며 우리가 그런 나라의 지배를 받고 살아야 할 까닭도 없습니다. 나아가 민주주의 역시 공공성의 원리가 없다면 내용 없는 형식으로 껍데기만 남는다는 것을 우리는 지극히 민주적이고 합법적인 이명박 정부의 폭정에서 똑똑히 확인하게 됩니다. 그런즉 지금까지 쌓아올린 민주주의의 완성을 위해서도 이제는 공화국에 대해 말해야 할 때인 것입니다. (김상봉 전남대 교수·철학, [새로운 공화국을 꿈꾸며](1)왜 공화국 논의가 필요한가 (上), 경향 입력 2009-01-04)

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