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맑스철학 개관 (R.Clapp)

"맑스철학, 좀 다른 관점(전망)"[주어진 세상을 보는 쫌 다른 관점, 새로운 세상을 향한 쫌 다른 전망]이라는 제목 하에, 1) 뭘 위한 철학인가; 2) 관념론에 대항하는 유물론; 3) 변증법적 사고란 뭔가; 4) 변증법: 양과 질의 법칙, 상반의 해석, 부정의 부정; 5) 혁명적 이론으로서의 변증법적 유물론; 6)사회주의(공산주의) 세상을 향하여..., 등을 설명하는 글이다. 글쓴이가 누군지, 믿을 수 있는 사람인지는 전혀 모른다. 무슨 고난도의 연구가적 설명글도, 그렇다고 아주 저널리즘적 글도 아니다. 서론과 결론 부분에서는 글쓴이의 운동가적 신념이 좀 많이 풍기지만 본문에서는 나름대로의 이론적 질서와 체계도 있다(술술 읽히는 장점도). 고로, 연구를 위한 참고논문으로는 부족하지만, 맑스철학의 개관을 원하는 -좀 다른 세상에 대한 염원의 신념이 살아있는- 대학생이나 일반인에게는 무난한 글로 여겨진다. 살려둔다는 말씀. 더 고난도의 글에 적성이 맞는 분들은 이어지는 포스트의 "맑스철학의 독창성"을 참조하라. [친절히도 잘게 나누어진 문단은 내가 재조정 한다, 내 입맛대로.]


Une perspective différente : La philosophie marxiste
par Robin Clapp [http://www.socialisme.be/marxismeorg/2007/philo.html]

 

[table]
I.Une philosophie, pour quoi faire ?
II. Matérialisme contre Idéalisme
III. Qu’est-ce que la pensée dialectique ?
IV. Les lois de la dialectique
   1. La loi de la quantité et de la qualité
   2. L’interpénétration des contraires
   3. La négation de la négation
V. Le matérialisme dialectique comme théorie révolutionnaire
VI. Vers un monde socialiste 

 

Le marxisme est la science des perspectives - regarder de l’avant pour anticiper comment la société se développera - en utilisant la méthode du matérialisme dialectique pour démêler le processus complexe du développement historique. Ce texte veut montrer que disposer d’une philosophie qui permette d’interpréter correctement le monde et qui fournisse une boussole pour le changer est indispensable.

 

I. Une philosophie, pour quoi faire ?

« Les philosophes n'ont fait qu'interpréter le monde de différentes manières, ce qui importe, c'est de le transformer. »

(Karl Marx, Thèses sur Feuerbach)

 

Le 21e siècle à peine entamé, un cinquième de la population mondiale vit dans une pauvreté absolue avec un dollar US ou moins par jour, tandis que les biens des 200 personnes les plus riches dépassent le revenu cumulé des 2,4 milliards d’habitants les plus pauvres de la planète. Pourtant la prospérité matérielle s’est plus accrue au cours des 100 dernières années que pendant tout le reste de l’histoire humaine. Ainsi la base existe déjà potentiellement pour un progrès de l’humanité qui n’était jusqu’ici qu’un rêve, pour autant que les contradictions crées par le capitalisme lui-même puissent être résolues par les travailleurs du monde. Les capitalistes, au travers de leur contrôle sur la justice, l’armée, l’enseignement et les médias, essaient en permanence d’empêcher les travailleurs de tirer la conclusion que le capitalisme peut être changé. Dans la presse populaire, les commentateurs dénoncent de temps à autre tel ou tel symptôme de la maladie du système tout en martelant que l’économie de marché représente la seule possibilité. En même temps, des justifications plus sérieuses à la supériorité du capitalisme ont été fournies. L’effondrement de l’Union Soviétique en 1989-1992 a donné une énorme impulsion à cette branche particulière de la littérature qu’est la production de mensonges, permettant aux philosophes bourgeois de proclamer que le capitalisme a émergé triomphant de sa lutte historique contre le socialisme.

Chaque classe dominante tout au long de l’histoire a cherché à donner à son régime le cachet de la permanence. Sans se soucier qu’il y ait eu par le passé beaucoup d’autres formes de domination de classe, y compris l’esclavage et le féodalisme, les défenseurs béats du capitalisme croient que leur manière de diriger la société est la meilleure et représente l’Everest de l’évolution. De nombreux dirigeants de la social-démocratie ont, à la suite de Tony Blair, dénoncé le marxisme comme un « dogme sectaire et dépassé » et se sont rallié à une théorie de la Troisième Voie, basée sur la vieille idée qu’il peut y avoir une voie médiane entre le marché et l’économie planifiée. La plupart des dirigeants capitalistes croient qu’ils n’ont pas besoin d’une philosophie. Faire de l’argent est tout ce qui importe et ils se contentent de l’idée que « si ça marche, c’est bon ». Ils sont largement empiriques dans leur approche, répondant pragmatiquement aux nouveaux défis et essayant rarement de comprendre les relations et les connexions entre la politique et les événements, les causes et les effets. Dans les domaines de la politique et de l’économie, ils font leur la philosophie facile et complaisante qui pense que ce qui s’est produit avant continuera à se produire de manière largement inchangée à l’avenir. Dans les années ‘90, ils étaient persuadés que le boom de la nouvelle économie continuerait à enfler indéfiniment. Quand la bulle spéculative a explosé ils en ont été étonnés mais, n’apprenant rien, ils se sont gratté la tête et ont affirmé qu’ils avaient prédit que tout cela allait arriver. Puis ils en sont retournés sur leur confortable petit nuage, persuadés que le capitalisme s’en remettrait rapidement.

Cette brochure a pour but de montrer que disposer d’une philosophie qui permette d’interpréter correctement le monde et qui fournisse une boussole pour le changer est indispensable. Comme Léon Trotsky l’a observé dans Le Marxisme de notre époque, « si la théorie permet d'apprécier correctement le cours du développement économique, et de prévoir l'avenir mieux que les autres théories, alors elle reste la théorie la plus avancée de notre temps, même si elle date d'un bon nombre d'années ». Le marxisme est la science des perspectives - regarder de l’avant pour anticiper comment la société se développera, en utilisant la méthode du matérialisme dialectique pour démêler le processus complexe du développement historique. Il s’efforce d’apprendre à la classe des travailleurs à se connaître et à être consciente d’elle-même en tant que classe. Le matérialisme dialectique - la science des lois générales du mouvement et du développement de la nature, de la société humaine et de la pensée - était et demeure une philosophie révolutionnaire qui défie le capitalisme dans chaque domaine et substitue la science aux rêves et aux préjugés.

 

 

II. Matérialisme contre Idéalisme

« Ce n’est pas la conscience qui détermine l’existence mais l’existence sociale qui détermine la conscience »

(Marx et Engels, L’idéologie allemande)

 

Les hommes ont toujours essayé de comprendre le monde dans lequel ils vivaient en observant la nature et en généralisant leurs expériences quotidiennes. L’histoire de la philosophie montre une division en deux camps : l’idéalisme et le matérialisme. Les idéalistes disent que la pensée (la conscience) est souveraine et que les actions humaines découlent de pensées abstraites, indépendamment des conditions historiques et matérielles. Marx et Engels furent les premiers à remettre complètement en cause cette conception, en expliquant qu’une compréhension du monde doit partir non pas des idées qui existent dans la tête des gens mais des conditions matérielles réelles dans lesquelles ces idées se développent. La nature est historique à tous les niveaux. Aucun aspect de la nature n’existe « tout simplement » : chacun a une histoire, vient au monde, change et se développe, et finalement cesse d’exister. Des aspects de la nature peuvent apparaître fixes, stables, dans un état d’équilibre pour une période de temps plus ou moins longue, mais aucun n’est dans cet état de manière permanente ou éternelle. Comme l’a dit Trotsky, « La conscience grandit de l’inconscient, la psychologie de la physiologie, le monde organique de l’inorganique, le système solaire de la nébuleuse ».

Marx et Engels basèrent leur matérialisme sur les idées et la pratique des grands philosophes matérialistes du 18e siècle. La Renaissance du 16e siècle, avec son expansion de la curiosité culturelle et scientifique, fut à la fois une cause et un effet de la croissance initiale du capitalisme. Ainsi que l’écrivit Engels, « La science s’est rebellée contre l’Eglise; la bourgeoisie ne pouvait rien faire sans la science et dût donc se joindre à la rébellion ». Les scientifiques développèrent fiévreusement l’astronomie, la mécanique, la physique, l’anatomie et la physiologie en disciplines séparées, bouleversant en conséquence les antiques croyances en un dieu inviolable. Ainsi Galilée commença par découvrir quelques-unes des propriétés physiques de l’univers et révéla que les planètes tournaient autour du soleil. Plus tard, la théorie de la gravité et les lois du mouvement physiques établies par Newton dévoilèrent les mystères du mouvement et de la mécanique. Le philosophe Hobbes déclara qu’il était impossible de séparer la pensée de la matière pensante. Marx observa que le siècle des « Lumières » avait « éclairci les esprits » pour la grande Révolution française et l’âge de la raison. Mais Engels ajouta que « La limitation spécifique de ce matérialisme tenait à son incapacité à saisir l’univers comme un processus, comme une matière subissant un développement ininterrompu ». Ce furent Marx et lui qui fusionnèrent les brillantes avancées scientifiques du matérialisme avec la pensée dialectique, créant ainsi la théorie la plus clairvoyante et la plus révolutionnaire pour expliquer et changer le monde.

Le philosophe allemand Hegel qui, au début du 19e siècle, ressuscita la dialectique issue de la pensée de la Grèce antique, défendait une approche idéaliste. Selon lui, les pensées dans le cerveau n’étaient pas les images, plus ou moins abstraites, des choses et des processus réels mais, au con-traire, les choses et leurs développements n’étaient que les images réalisées de l’Idée/Dieu existant quelque part depuis l’éternité avant même que le monde existe. Marx clarifia cette confusion en remettant le raisonnement sur ses pieds : « Pour moi, l’idée n’est rien d’autre que le monde matériel reflété dans l’esprit humain ». Le marxisme se base donc sur une vue matérialiste de l’histoire. Le monde matériel est réel et se développe à travers ses propres lois naturelles. La pensée est un produit de la matière sans laquelle il ne peut y avoir d’idées séparées. Il en découle clairement que le marxisme rejette les vérités universelles[*], les religions et les esprits. Toutes les théories sont relatives, parce qu’elles ne saisissent qu’un aspect de la réalité. Au départ, elles sont censées posséder une validité et une application universelles. Mais, arrivé à un certain point, des déficiences apparaissent dans la théorie. Celles-ci doivent être expliquées et de nouvelles théories sont développées afin de rendre compte de ces exceptions. Mais les nouvelles théories ne se contentent pas de remplacer les anciennes : elles les incorporent sous une forme nouvelle.

Ainsi, dans le domaine de l’évolution biologique, les marxistes ne sont ni des déterministes biologiques ni des déterministes culturels. Il y a une interaction dialectique entre nos gènes et notre environnement. Récemment, le « projet du génome humain » a permis de dresser la carte complète de la structure des gènes qui passent d’une génération humaine à l’autre. Des biologistes ont affirmé que ces découvertes allaient révéler à quel point les gènes individuels façonnent les modèles de comportement, de la préférence sexuelle à la criminalité et même aux préférences politiques ! Une conséquence de cette théorie serait évidemment que la position d’une personne dans la société serait largement prédéterminée et inaltérable. Cependant toutes les tentatives pour « marquer » les gènes responsables de « l’intelligence » ont échoué et la tentative de définir la position sociale comme génétiquement déterminée a été dénoncée comme une pure conséquence de l ‘idéologie des biologistes concernés. Et dans une percée qui a révolutionné notre compréhension du comportement humain, des scientifiques ont récemment découvert que nous possédions beaucoup moins de gènes qu’on le pensait auparavant, révélant ainsi que les influences environnementales sont beaucoup plus puissantes pour façonner la manière dont agissent les humains.

[*] '맑시즘이 헤겔의 보편주의를 무조건 배척한 것이 아니라, 유물론적-변적법적 새로운 보편주의를 만든다'는 류의 좀 다르고 더 심도깊은  설명은 자끄 동뜨(J.d'Hondt)의 "맑스철학의 독창성"을 참조하라.

 

 

III. Qu’est-ce que la pensée dialectique ?

« Les hommes ont pensé dialectiquement longtemps avant de savoir ce qu’était la dialectique,

exactement comme ils ont parlé en prose longtemps avant qu’existe le terme de prose. » (Engels, L’Anti-Duhring)

 

La dialectique est la philosophie du mouvement. La méthode dialectique d’analyse nous permet d’étudier les phénomènes naturels, l’évolution de la société et de la pensée comme des processus de développement reposant sur le mouvement et la contradiction. Tout est dans un état permanent de mouvement et de changement. Toute réalité est de la matière en mouvement. Les racines de la pensée dialectique peuvent être retracées jusqu’aux penseurs de la Grèce antique qui, parce que leur civilisation n’était pas encore assez avancée pour disséquer la nature et l’analyser dans ses composantes séparées, voyaient cette même nature comme une totalité, avec ses connections, dialectiquement. Rien dans la vie n’est statique. Pour reprendre les mots du philosophe de la Grèce antique Héraclite, « Tout s’écoule, tout change ».

On trouve des illustrations du développement de notre Terre et de l’espace partout autour de nous dans la Nature. Les astronomes restent fascinés devant les super-téléscopes qui nous permettent d’assister à la naissance et à la mort d’étoiles extrêmement lointaines tandis qu’aucun géologue ou vulcanologue ne pourrait raisonner sans avoir une compréhension des lois de base de la dialectique - le changement de la quantité en qualité, l’interpénétration des contraires et la négation de la négation. Dans les mathématiques, une approche dialectique est aussi indispensable. Dans la vie de tous les jours, nous avons souvent besoin de faire la distinction entre une ligne droite et une ligne courbe. Mais mathématiquement une droite est simplement un type particulier de courbe. Toutes deux peuvent être traitées en utilisant une simple équation mathématique générale. Nous apprenons aussi comment, à une température spécifique, la glace solide se change en eau liquide et comment, à une température plus haute, celle-ci se change en vapeur, un gaz. Nous apprenons aussi que ces trois substances apparemment différentes sont en réalité des manifestations différentes du mouvement des mêmes molécules d’eau. Mais bien que la société capitaliste utilise la méthode dialectique dans sa quête de progrès scientifique, dans les domaines de l ’économie et de la philosophie par contre, elle cherche obstinément à réfuter la dialectique, en s’habillant dans la camisole de force de la métaphysique (logique formelle). Celle-ci, traduite en politique, devient une justification du statu quo, l’idée que l’évolution procède à pas de souris et sans bouleversements.

Il n’est pas difficile de voir pourquoi. Expliqué de manière marxiste, le développement de toutes les formes anciennes et actuelles de société montrerait que, dans certaines périodes de l’Histoire, quand le mode de production est entré en conflit aigu avec le mode d’échange, des guerres et des mouvements révolutionnaires ont suivi. Les formes de lutte de classes ont changé à travers différentes époques mais la lutte fondamentale portant sur la répartition du surproduit entre exploiteurs et exploités forme une ligne continue depuis les premières sociétés esclavagistes jusqu’à aujourd’hui. La classe capitaliste – la bourgeoisie, telle que Marx l’a décrite – doit donc nous cacher la conception matérialiste de l’histoire, préférant exalter les actions des grands hommes (et occasionnellement des grandes femmes !) qui sont censés avoir changé l’Histoire. Les grandes révolutions sociales sont attribuées non à la lutte entre les classes mais aux erreurs de rois et de tsars tyranniques et aux ambitions sanglantes d’hommes sans foi ni loi comme Cromwell, Robespierre et Lénine, pour ne citer que leurs trois bêtes noires préférées.

La pensée métaphysique est souvent décrite comme la science des choses et non du mouvement. Se basant sur des techniques de classification rigides et voyant les choses comme des entités statiques, elle est un outil utile dans nos vies quotidiennes mais ne nous laisse pas voir les choses dans leurs connexions. La logique formelle voit la cause et l’effet comme deux contraires mais, pour les marxistes, les deux catégories fusionnent, se mélangent et se fondent l’une en l’autre tout le temps. Trotsky a comparé la logique formelle à la dialectique en utilisant l’analogie entre une photographie et un film. La première a son utilité mais, dès que nous entrons dans des questions complexes, la logique formelle s’avère inadéquate. Par exemple, nous pouvons dire que la société dans laquelle nous vivons est capitaliste. Mais en la voyant dialectiquement comme une société bourgeoise ayant atteint un stade avancé de développement, nous devons ajouter qu’elle possède encore quelques vestiges de la féodalité mais surtout qu’elle contient dans son potentiel technologique les bases d’une économie planifiée socialiste. Cet exemple n’a rien d’abstrait. Les marxistes utilisent la méthode dialectique dans le but de clarifier les perspectives. Toutes les réalités comportent en elles plus d’une facette. Quel stade de développement a atteint le capitalisme chez nous, quel caractère aura la prochaine récession, quelle est la puissance de la classe des travailleurs, quel est le rôle du Parti Socialiste et des directions syndicales, où et quand pouvons-nous nous attendre à une nouvelle vague de grandes luttes dans les entreprises,... toutes ces questions et bien d’autres encore ne peuvent trouver de réponse qu’en analysant la société dialectiquement.

 

 

IV. Les lois de la dialectique

« La dialectique n’est rien de plus que la science des lois générales du mouvement et du développement

de la nature, de la société humaine et de la pensée. » (Engels, L’Anti-Duhring)

 

Reposant sur les lois du mouvement, la dialectique nous permet de saisir les choses dans leurs connexions. Nos corps et nos pensées changent continuellement. De la conception jusqu’à la mort, il n’y a jamais un instant où notre développement physique est suspendu, pas plus que ne le sont nos pensées et notre évolution mentale. Nos idées évoluent sans cesse. Mais comment la dialectique s’applique-t-elle spécifiquement à l’étude de la société ? Quelles sont les lois générales du matérialisme dialectique au-delà de l’idée primordiale que tout change ? Si la dialectique est la boîte à outils théorique des marxistes, à quoi ressemblent les outils et comment nous aident-ils à défier le capitalisme et à changer la société ? Marx et Engels ont élaboré trois grandes lois interconnectées qui sont continuellement à l’œuvre et qui nous donnent un aperçu de la manière dont la société se développe et des tâches pratiques et théoriques auxquelles nous sommes confrontés quand nous cherchons à construire les instruments pour renverser le capitalisme.

 

1. La loi de la quantité et de la qualité

De la même manière qu’un scientifique est familier du concept selon lequel les choses altèrent leur qualité à certains points quantitatifs (l’eau en vapeur au point d’ébullition), un observateur de l’évolution des sociétés de classes rencontre la même loi. La société ne se développe pas d’une manière lente et évolutive. Les frictions entre les classes peuvent créer – et créent effectivement - des périodes épisodiques de lutte aiguisée conduisant à des crises sociales et politiques, à des guerres et des révolutions. Pendant une longue période, la lutte de classes peut sembler être au minimum, avec un bas niveau de lutte dans les entreprises, un désintérêt apparent pour la lutte politique,… Cependant les marxistes voient les événements sous leurs multiples aspects. En surface, il peut y avoir une stabilité apparente mais une accumulation de frustration et d’opposition au capitalisme peut exploser tout d’un coup, créant des conditions entièrement nouvelles pour la lutte et prenant les patrons et leurs partis politiques complètement par surprise. Cette loi est reconnue sous une forme vulgaire par quelques philosophes bourgeois qui, généralement après l’événement, font tristement référence à « la goutte d’eau qui a fait déborder le vase ». Elle a d’énormes conséquences pour les marxistes.

Nous analysons avec soin l’évolution des conflits de classe et nous saisissons chaque occasion pour intervenir dans le mouvement des travailleurs afin de populariser les idées socialistes et de tirer avantage de ces changements soudains et de ces tournants brusques. Cette loi n’implique pas toujours un progrès. Pendant longtemps, nous avons caractérisé la bureaucratie stalinienne dans l’ancienne Union Soviétique comme un frein relatif à l’économie planifiée. Nous entendons par là que, malgré la gabegie et la corruption des bureaucrates, il y avait encore un potentiel pour une croissance de l’économie planifiée, bien que moins efficace que si la classe des travailleurs avait été aux commandes. Dans les années ‘60, le style de commandement autoritaire et par en haut du Kremlin a du affronter les nouveaux défis posés par une forme techniquement plus avancée d’économie. La maxime de Trotsky selon laquelle une économie planifiée a besoin du contrôle des travailleurs comme un corps a besoin d’oxygène est devenue plus pertinente que jamais. Nous avons analysé ce changement et nous avons conclu que la bureaucratie s’était transformée d’un frein relatif en un frein absolu.

La quantité s‘est transformée en qualité. Partant d’une étude de toutes les statistiques économiques illustrant le déclin de l’URSS, nous avons commencé à tirer des conclusions théoriques élaborées. Une société entrée dans une crise économique, sociale et politique où la caste bureaucratique est devenue absolument incapable de jouer encore un quelconque rôle progressiste ne peut rester indéfiniment en apesanteur. Le point a rapidement été atteint où soit la classe des travailleurs devrait renverser le démon de la bureaucratie et mener une révolution politique, soit il y aurait une contre-révolution sociale conduisant à la restauration du capitalisme. Cette possibilité a été prédite par Trotsky il y a plus de 50 ans. La triomphe de la deuxième option - avec Eltsine détruisant tous les gains subsistant de la révolution de 1917 - a marqué une défaite qualitative pour la classe des travailleurs en Russie et partout ailleurs.

 

2. L’interpénétration des contraires

La dialectique quand elle est appliquée à la lutte des classes n’a pas le même degré de précision que dans les laboratoires scientifiques. Le rôle des individus, des partis politiques et des mouvements sociaux n’est pas scientifiquement prédéterminé. Un dirigeant syndical respecté pour ses prises de position de gauche peut capituler le jour où il est confronté à une attaque déterminée du patronat. Inversement un dirigeant syndical modéré peut surprendre en devenant, sous une pression massive de sa base, beaucoup plus militant que prévu. Il n’y a pas d’absolu dans la lutte des classes. Nous insistons souvent sur le fait que la croissance et la récession ne sont pas des catégoriques antithétiques comme le proclament les manuels d’économie les plus rudimentaires. Dans chaque croissance économique du capitalisme se trouvent les germes de la future récession et vice versa. Ce n’est pas la récession elle-même qui amène les travailleurs à se rebeller contre le système capitaliste. L’exact opposé peut être vrai aussi, avec des travailleurs intimidés par la menace d’un chômage massif. Inversement, au cours d’une période de croissance, les travailleurs peuvent partir à l’offensive non seulement pour récupérer les gains qui ont été perdus pendant la récession précédente mais aussi pour gagner de nouvelles victoires sur les salaires et les conditions de travail.

Trotsky a analysé cette loi dans son analyse des forces qui ont fait la révolution russe en 1917 : « Pour pouvoir réaliser l’Etat des Soviets, une convergence et une pénétration mutuelle de deux facteurs appartenant à des espèces économiques complètement différentes était indispensable : une guerre paysanne - c’est-à-dire un mouvement caractéristique de l’aube du développement bourgeois - et une insurrection prolétarienne, le mouvement qui signale la fin de celui-ci » (Histoire de la Révolution russe). Ce « développement inégal et combiné » illustre la manière complexe selon laquelle se développe la société. L’application de la loi de l’interpénétration des contraires est cruciale pour nous permettre d’avoir une vision claire du stade que le capitalisme a atteint, de sa future évolution et des réponses que nous devons y apporter.

 

3. La négation de la négation

Décrite par Engels comme « une loi de développement de la nature, de l’histoire et de la pensée extrêmement générale et, pour cette raison, extrêmement pénétrante et importante », la négation de la négation traite du développement au travers de contradictions qui naissent et se développent en annulant, ou niant, une forme d’existence, une théorie ou un fait antérieurs avant d’être plus tard niées à leur tour. Le cycle économique du capitalisme illustre cette loi. Au cours de la phase de croissance, de grandes richesses sont créées mais elles seront partiellement détruites lors de crises épisodiques de surproduction. Celles-ci créent, à leur tour et à nouveau, les conditions pour une nouvelle croissance, qui assimile et développe des méthodes de production précédemment acquises avant d’entrer une nouvelle fois en contradiction avec les limites de l’économie de marché et être partiellement niées par celles-ci.

Tout ce qui existe évolue ainsi sous la pression de la nécessité. Mais tout périt avant d’être transformé en quelque chose d’autre. Ainsi ce qui est « nécessaire » à un moment et à un endroit devient « non nécessaire » dans de nouvelles conditions. Chaque chose crée son contraire qui est destiné à le vaincre et à le nier. Les premières sociétés étaient des sociétés sans classe basées sur la coopération au sein de la tribu. Elles ont été niées par l’émergence de sociétés de classe reposant sur des niveaux matériels de richesse qui se développaient. La propriété privée des moyens de production et l’Etat, qui sont les caractères fondamentaux de la société de classe et qui à l’origine ont marqué un grand pas en avant, ne servent plus aujourd’hui qu’à freiner et à limiter les forces productives et à menacer tous les gains réalisés précédemment par le développement humain.

La base matérielle existe maintenant pour remplacer le système patronal par le socialisme, dont l’embryon est déjà contenu dans la société de classes, mais qui ne pourra jamais être réalisé avant que la classe des travailleurs nie le capitalisme. Comme l’écrivit Marx, « La victoire du socialisme marquera une étape nouvelle et qualitativement différente de l’histoire humaine. Pour être plus précis, elle marquera la fin de la préhistoire de la race humaine et ouvrira sa véritable histoire » (Thèses sur Feuerbach).

 

 

V. Le matérialisme dialectique comme théorie révolutionnaire

« La dialectique, la prétendue dialectique objective, prévaut à travers la Nature. » (Engels, Dialectique de la nature)

 

Dans le domaine de la science, la méthode dialectique continue, explicitement ou implicitement, à être un outil vital de progrès. Des disciplines apparemment sans rapport entre elles en sont venues à partager des visions et des méthodologies reflétant la nature interconnectée de notre univers vivant. Même le philosophe idéaliste Kant, qui écrivait avant l’époque de Marx et Engels et qui croyait en un être suprême, a été forcé par l’expérience d’arriver inconsciemment à une position dialectique. Il argumenta que si la Terre était venue au monde, alors ses actuels états climatiques, géographiques et géologiques, ses plantes et ses animaux, tous devaient être venus au monde; la terre devait ainsi avoir une histoire non seulement de coexistence dans l’espace mais aussi de succession dans le temps.

En particulier, la théorie de l’évolution de Darwin, dont la signification révolutionnaire a été immédiatement perçue par Marx et Engels, a elle-même été enrichie suite à de nouvelles études et expériences et a ainsi fourni une confirmation plus profonde de la dialectique de la nature. Darwin a démontré comment l’évolution se développe à travers la sélection naturelle, provoquant la colère de ceux pour qui « Dieu » déterminait tout. Mais alors qu’il déclarait que « la nature ne fait pas de bond », le débat fait rage aujourd’hui parmi les néo-darwinistes sur la question de savoir si des bonds se produisent et quelle est leur nature. Grâce à l’incorporation de la science génétique au darwinisme, on a pu commencer à étudier de nouveaux concepts à côté de la sélection naturelle - comme la mutation (la formation spontanée de nouvelles variations dans le matériel génétique), l’écoulement de gènes (l’introduction de nouveaux gènes dans une population par l’immigration ou l’élevage) et la dérive génétique (des changements aléatoires de gènes dans une population due à sa taille réduite).

L’idée que la vitesse du changement évolutif peut varier énormément est maintenant largement acceptée, apportant ainsi une brillante confirmation de la dialectique comme science des tournants brusques et des changements soudains en opposition à un développement graduel. La théorie de l’équilibre ponctué porte cette idée un pas plus loin encore en affirmant que le développement ou l’apparition de nouvelles espèces peut, à l’échelle du temps géologique, briser instantanément un équilibre apparemment stable. Cette théorie rend compte de la rapide et soudaine apparition d’espèces ainsi que de l’extinction en masse d’espèces, de la même manière dont Darwin parlait de la lutte pour l’existence de variétés individuelles au sein d’une même espèce. Les théories scientifiques modernes reposent sur une vue dialectique de la nature. La mécanique quantique, sur laquelle est basée toute la technologie moderne, repose sur l’unification de deux concepts classiques (apparemment contradictoires), ceux du mouvement des ondes et du mouvement des particules pour produire une nouvelle compréhension plus profonde de la nature de la réalité. Les théories des particules fondamentales travaillent sur des concepts qui éclairent la contradiction entre la matière et l’espace-temps dans lequel se meut la matière.

 

 

VI. Vers un monde socialiste

 

Les causes finales de tous les changements sociaux et de toutes les révolutions politiques doivent être cherchées, non dans les cerveaux des hommes, non dans une meilleure conception humaine de la vérité éternelle et de la justice, mais dans les changements dans les modes de production et d’échange. Elles doivent être cherchées non dans la philosophie, mais dans l’économie de chaque époque particulière. Le matérialisme dialectique n’est pas une théorie ennuyeuse réservée aux études d’académiciens érudits. Il est un guide pour l’action. Pour les travailleurs et les jeunes cherchant à comprendre le capitalisme et, plus important encore, à le changer, il est un outil indispensable.

Le soi-disant Nouvel Ordre Mondial prouve quotidiennement qu’il est encore moins harmonieux que l’ancien. Sur les six milliards de personnes sur Terre, près de 3,6 milliards n’ont ni argent ni crédit pour acheter quoi que ce soit. La majorité des habitants de la planète restent au mieux des « lécheurs de vitrines ». Bien que le développement de sociétés géantes enjambant les continents et l’existence de technologies informatiques de pointe montrent le potentiel qui existe pour une planification mondiale de la production et du commerce, le capitalisme demeure un système basé sur une concurrence pleine de gaspillage entre Etats-nations dans laquelle des multinationales rivales luttent pour augmenter leurs parts de marché, leur productivité et leurs profits à nos dépens.

L’Histoire est faite par des hommes et des femmes conscients, chacun conduit par des motivations et des désirs bien définis. Les grandes révolutions sociales du passé ont été menées par des minorités qui arrivaient au premier plan parce qu’elles exprimaient le plus clairement les nouveaux besoins économiques et politiques d’une classe montante. La lutte pour le socialisme est qualitativement différente dans la mesure où elle implique la participation consciente de la majorité de la population - la classe des travailleurs et les masses opprimées du monde - pour affronter un capitalisme malade mais omniprésent.

Notre tâche est de canaliser l’infatigable énergie des travailleurs à l’échelle mondiale afin d’en finir avec l’exploitation, et cela à travers la construction d’une force socialiste puissante. La méthode dialectique, appliquée à chaque stade de la lutte des classes, illumine notre chemin, nous permet de transformer nos idées en une force matérielle et rapproche le jour où les hommes et les femmes pourront passer du règne de la nécessité au règne de la liberté.


Liste de lecture / Les textes suivants sont recommandés, les quatre premiers étant les plus accessibles.

L’ABC de la dialectique matérialiste (15/12/1939) extrait de « Une opposition bourgeoise dans le Socialist Workers Party » et Une lettre ouverte au camarade Burnham (07/01/1940) tous deux inclus dans le livre de Trotsky En défense du Marxisme.
Sur la question de la dialectique - Lénine
Une introduction à la logique du marxisme - George Novack
Le rôle joué par le travail dans la transition du singe à l’homme - Engels
Anti-Duhring - Engels
Matérialisme et empiriocriticisme - Lénine
Dialectique de la nature - Engels
Les problèmes fondamentaux du marxisme - Plekhanov

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고전경제학 계보, 맑스까지..

http://sceco.paris.iufm.fr/pagepdf/ecoclassi.pdf [8p]


Les économistes classiques
D’Adam Smith à Ricardo, de Stuart Mill à Karl Marx

 

[table]
I. Des premiers économistes aux classiques : Platon et Aristote, problèmes de la maison ; St Thomas d’Aquin, La somme théologique (1266), pratiques économiques justes selon la religion chrétienne ; protestantisme, comme le montre Weber, développement du capitalisme, profit et intérêt ne sont plus condamnés mais valorisés.
  A. Les mercantilistes : A partir du XVIème siècle
     1/ Le mercantilisme espagnol : L’obsession des métaux précieux
     2/ Le mercantilisme français : Jean Bodin et l’analyse de l’inflation
     3/ Le mercantilisme anglais : La fable des abeilles de Mandeville
  B. Les physiocrates : François Quesnay et l’école physiocratique

II. L’école classique
  A. Adam Smith (1723-1790) : Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations (1776) ; Théorie des sentiments moraux (1759).
  B. David Ricardo (1772-1823) : Des principes de l’économie politique et de l’impôt (1817), riche correspondance avec Malthus et Say.
  C. Jean-Baptiste Say : Traité d’éco pol.(1803)
  D. Thomas-Robert Malthus (1766-1834) : Essai sur le principe de population(1798), Principes d’éco (1820)
  E. Augustin Cournot (1801-1877) : Essai sur le fondement de nos connaissances et sur les caractéristiques de la critique philosophique(1851), Principes de la théorie des richesses(1863), Revue sommaire des doctrines économiques(1877).

III. Des économistes réformistes à Karl Marx : Les économistes réformistes et socialistes
- Les réformistes : J.S Mill (1806-1873), F. List (1789-1846), S. Sismondi (1773-1842)
- Les économistes socialistes : Saint-Simon (1760-1825), Owen (1771-1858), Marx (1818-1883), Proudhon (1809-1865), Fourier (1772-1837)
  A. John Stuart Mill : fils aîné de James Mill (1773-1836) qui était l’ami intime de Ricardo. Principes d’éco pol.(1848)
  B. Simonde de Sismondi (1773-1842) : Nouveaux principes d’éco pol.(1819)
  C. Karl Marx (1818-1883) : Misère de la philosophie(1846), Le manifeste du parti communiste(1847), Le Capital I(1867). L’analyse de Marx présente des points communs avec les travaux de l’école classique anglaise, en particulier avec ceux de Ricardo. En revanche, elle s’oppose très nettement au courant classique français représenté par Say : Marx adhère à la théorie de la valeur travail (la quantité de travail « socialement nécessaire » à la fabrication des biens qui doit être prise en compte.)


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Si pour les économistes classiques de la fin du XVIIIème et du XIXème, l’économie relève bien d’une discipline scientifique, ils ne la séparent généralement pas totalement des autres aspects de la réalité sociale, se distinguant ainsi des économistes néo-classiques.
Les questions posées à l’époque restent très modernes.
Ø Quels sont les facteurs favorables à la croissance ?
Ø La misère ouvrière peut-elle être réduite ?
Ø Faut-il aider les plus démunis ?
Ø Quelles sont les conséquences de la croissance économique ?
Ø D’où provient le chômage ?
Principaux économistes de la période classique
- Ecole classique : A. Smith, D. Ricardo, T. R Malthus et J-B. Say
- Courant réformiste : J.S Mill, S. Sismondi, F. List, C.H. de Saint-Simon
- Courant socialiste : C. Fourier, K. Marx, P.J Proudhon, R. Owen.

 

 

I. Des premiers économistes aux classiques [경제학의 태동: 중상-중농주의]
Pendant longtemps, le pensée économique est restée dépendante de la morale. Dans l’Antiquité Platon et Aristote s’intéressent aux problèmes de la maison. Au Moyen-âge, St Thomas d’Aquin dans La somme théologique (1266) détermine quelles sont les pratiques économiques justes selon la religion chrétienne. Renaissance marque rupture, l’expansion du protestantisme comme le montre Weber favorise le développement du capitalisme. Profit et intérêt ne sont plus condamnés mais valorisés.

A. Les mercantilistes [중상주의자들]
A partir du XVIème siècle, les mercantilistes influencent la conduite des politiques économiques. Ils cherchent à savoir comment les pays peuvent s’enrichir.
1/ Le mercantilisme espagnol :

L’obsession des métaux précieux : Ce qui intéresse les aventuriers espagnols, ce ne sont pas les pays abondamment approvisionnés en matières premières mais régions où il y a beaucoup d’or et d’argent.
Les erreurs des mercantilistes espagnols: Ils confondent richesse et détention d’or et d’argent. Au niveau national, possession de monnaie n’est pas égale à capacité d’acquisition.
2/ Le mercantilisme français :

Jean Bodin et l’analyse de l’inflation : Jean Bodin met en évidence une relation entre quantité de monnaie en circulation et niveau des prix. C’est la première tentative d’explication monétariste de l’inflation.
Protectionnisme et politique industrielle : Au XVIIIème les mercantilistes voyaient dans le développement des manufactures la source essentielle de l’enrichissement. Antoine de Monchrestien dans Traité d’économie politique (1615) préconise donc une aide de l’Etat à l’industrie nationale par la mise en place d’une politique protectionniste efficace et une intervention directe dans la vie des affaires pour assurer haute qualité des produits nationaux. Cette politique est concrétisée par Colbert ministre de Louis XIV (ex de la manufacture des Gobelins).
3/ Le mercantilisme anglais :
La recherche d’un excédent de la BC : Le mercantilisme anglais est qualifié de commercial. Donc instauration de droits élevés pour marchandises extérieures et substitution par produits nationaux compétitifs et de haute qualité. Favoriser abondance monnaie et faible taux d’intérêt pour favoriser le commerce.
La fable des abeilles : Célèbre fable de Mandeville (1705) « Chaque partie étant pleine de vice, le tout était cependant un paradis ». Annonce pensée libérale classique, à travers la recherche de l’intérêt individuel, on aboutit à l’intérêt général. Conso préconisée et « frugalité » critiquée.
Tous les mercantilistes sont d’accord sur le fait que l’Etat doit intervenir pour augmenter les richesses nationales.


B. Les physiocrates [중농주의자들]
François Quesnay et l’école physiocratique : Le courant se développe en France sous la conduite de Quesnay (1694-1774). Il publie le Tableau économique en 1758.
Autres physiocrates : Dupont de Nemours, Mirabeau, l’abbé Baudeau…
D’où vient le surplus ? : Les physiocrates considèrent que seule la terre est productive. Ils mettent l’accent sur le fait que la richesse repose sur la production de biens et non pas sur la possession d’or et d’argent.
La défense de la propriété privée et de l’agriculture : Les mécanismes économiques résultent d’un fonctionnement spontané de l’activité économique, d’un « ordre naturel essentiel et général ».
Le tableau économique : C’est une approche globale de l’activité économique. Dans le tableau Quesnay cheche à mettre en évidence les inter relations économiques entre les différents participants à la vie économique :
Ø la classe productive (exploitants agricoles) : fait renaître par la culture du territoire les richesses naturelles de la nation.
Ø la classe des propriétaires terriens : classe subsiste par rente ou produit net de la culture.
Ø la classe stérile (artisans, manufacturiers, marchands) : leurs dépenses sont payés par les 2 autres classes.

 


II. L’école classique [고전 경제학]
Ecole française / Ecole anglaise


A. Adam Smith (1723-1790) : Avec Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations (1776), Smith est le premier représentant du libéralisme économique. Mais il est avant tout un philosophe, et il publie au préalable la Théorie des sentiments moraux (1759). Dans cet œuvre, il montre que la sympathie pour autrui et le jugement des autres exercent une influence essentielle sur les actes humains.

Question centrale chez Smith est celle de l’origine de la croissance économique.
Ø La division du travail est l’élément essentiel donc il faut une éco de marché
Ø La main invisible du marché assure la meilleure allocation possible des ressources disponibles
Ø Théorie des avantages absolus

D’où vient la croissance économique ?
Smith distingue travail productif et improductif : L’ouvrier ajoute de la valeur à la valeur du matériau qu’il travaille, le roi, les militaires, les ecclésiastiques, les penseurs, ne produisent pas de valeur.

Degré de richesse d’une nation dépend de 2 facteurs :
Ø Habilité et intelligence des travailleurs
Ø Part respective des travailleurs productifs et improductifs.

Or l’habilité des travailleurs augmente avec division du travail :
Ø Toujours la même tâche
Ø On évite perte de temps de passer d’une tâche à une autre
Ø Favorable à invention nouvelle machines car permet à certains individus de se consacrer entièrement à la recherche.
Mais il existe 2 limites à la division du travail
Ø Dimension du marché : plus la marché est grand, plus il y a commerce
Ø Coûts sociaux : si on fait toujours même opération alors on ne développe pas intelligence.

La main invisible : Chacun investit le plus près possible de chez lui donc développement économique nationale. Les capitaux s’orientent spontanément vars les secteurs à forte valeur ajoutée. « Il est conduit par une main invisible à remplir une fin qui n’entre nullement dans ses intentions ». Donc critique du protectionnisme et apologie du libre-échange.

La théorie des échanges absolus : Chaque pays a intérêt à se spécialiser car trouve avantage dans l’échange.

Limites au libre-échange :
Ø Quand l’indépendance nationale est menacée
Ø Quand l’industrie intérieure est pénalisée par rapport aux concurrents étrangers par une forte fiscalité
Ø Quand l’emploi est menacé.

Le rôle de l’Etat : Pour Smith, l’Etat doit être uniquement un Etat gendarme, défense des droits de propriété, défense publique et production des biens collectifs.

Le problème de la valeur et des prix
Ø Différenciation valeur d’usage et valeur d’échange. La valeur d’usage c’est l’utilité d’un bien, la valeur d’échange c’est la valeur relative à chaque bien sur le marché. Smith souligne « le paradoxe de la valeur », certains biens sont très utiles et peu cher (l’eau par ex) et d’autres sont inutiles et très cher (le diamant par ex). Pour Smith, « le travail est la mesure réelle de la valeur échangeable de toute marchandise ».
Ø Distinction prix réel : valeur de chaque marchandise et prix nominal : quantité d’argent qu’il faut pour céder ce bien contre un autre bien donné. Ainsi, la valeur de l’or et de l’argent variant, le prix nominal peut changer sans qu’il y ait changement du prix réel. Donc, la valeur travail est difficile à mesurer donc véritable prix, celui du marché qui est marchandé, débattu. Dans les sociétés avant accumulation du capital, échanges en fonction de la valeur travail des marchandises, dans les sociétés industrialisées, prix des marchandises constitué des salaires du travail, des profits et de la rente.
Ø Distinction prix naturel : ce que vaut vraiment la marchandise et prix de marché : confrontation offre et demande. Théorie de la gravitation des prix de marché autour du prix naturel.


L’analyse de la répartition : Salaires, profits et rentes sont trois sources primitives de revenus.
Ø Les salaires : c’est parce qu’il y a eu appropriation privée des moyens de production que le travailleur ne récolte pas l’ensemble du produit de son activité. Conflits d’intérêts et les employeurs sont presque toujours gagnants car moins nombreux et plus riches donc plus organisés. Donc le salaire se fixe au niveau du minimum de subsistance.
Ø Les profits : la concurrence tend à faire diminuer les profits.

 


B. David Ricardo (1772-1823) : IL publie en 1817, Des principes de l’économie politique et de l’impôt et il entretient une riche correspondance avec Malthus et Say.


La théorie des avantages comparatifs
Ricardo va montrer que même en l’absence d’avantages absolus, les pays ont intérêt à se spécialiser à condition qu’ils détiennent un avantage comparatif dans la production d’un bien. Cette théorie a été affinée par des travaux plus récents de Heckscher, Ohlin et Samuelson (HOS). Cette théorie n’est valable que dans le cadre de l’hypothèses suivante : Rigidité des facteurs de production entre les pays, les individus ne veulent pas travailler dans un autre pays ni y placer des capitaux. Le développement des FMN aujourd’hui remet en cause cette théorie.


La théorie de la répartition et de la croissance
Ø La rente : La rente c’est ce qu’on paie aux propriétaires terriens pour exploiter la terre. Au fur et à mesure que l’on met des terres en culture, elles sont de moins en moins fertiles. La rente, c’est la quantité de travail nécessaire pour produire sur la terre la moins fertile. Sur cette terre la moins fertile, rente = 0, donc au fur et mesure que la fertilité augmente la rente augmente, c’est un différentiel vis à vis de la rente inférieure. La rente n’existe que grâce à la différence de fertilité des terres. La rente tend à augmenter en période de croissance éco car besoins plus élevés et mise en culture de terres de moins en moins productives.
Ø Les salaires : Le prix naturel c’est le salaire de subsistance, c’est à dire assez pour que l’ouvrier puisse vivre et entretenir sa descendance qui assure sa reproduction. Donc le salaire dépend du prix des biens nécessaires à l’ouvrier et à sa famille. Ce salaire peut être différent selon les périodes, c’est un min sociologique. Le prix courant c’est le salaire qui se fixe en fonction du jeu de l’offre et de la demande sur le marché du travail. Il tend à se rapprocher du prix naturel même si la croissance peut être favorable aux salariés car dans ces périodes, le salaire se fixe à un prix courant supp au prix naturel.
Ø Les profits : Ricardo part du principe que chaque entrepreneur essaie de placer son capital de la manière la plus avantageuse. Donc à terme égalisation des taux de profit. Implicitement, hypothèse d’information parfaite reprise par éco néo-class. Pour Ricardo, plus salaires sont élevés, plus profits sont bas. Or, salaires dépendent prix des biens en particulier prix du blé donc dépendent de la rente. Donc indirectement, plus rente élevée, plus profits bas. Ricardo est contre les Corn Laws votés en 1815. Comme avec la croissance rente augmente, à terme profits de plus en plus bas et état stationnaire.


La théorie de la valeur et des prix
Valeur échangeable des biens double : Le travail nécessaire pour acquérir marchandises / Le degré de rareté des biens.

Donc deux sortes de biens, ceux dont la rareté est la valeur (par ex œuvres d’art) et ceux qu’il nomme marchandise qui désigne l’ensemble des biens reproductibles en grande quantité par l’industrie. Pour Ricardo, travail incorporé et non pas commandé au sens de Smith, c’est à dire quantité de travail nécessaire pour produire un bien + quantité de travail pour produire les outils qui entrent dans la fabrication de ce bien.

 


C. Jean-Baptiste Say : Il publie en 1803, Traité d’éco pol.

Le prix, un indicateur de l’utilité des biens
Valeur d’échange : le prix
Valeur d’usage : l’utilité pour satisfaire l’acheteur de ce bien.
« Le prix est une indication de l’utilité que les hommes reconnaissent dans une chose ».
La seule limite min au prix c’est le coût de production.
Say a une conception large de la richesse, la production étant une création d’utilité.


Produits matériels et immatériels
Produits matériels : susceptibles d’être conservés
Produits immatériels : services qui ont pour caractéristique d’être consommés en me^me temps que produits.
Say rejette la distinction de Smith entre activité productive et improductive.
Une remise en cause de l’analyse de la répartition de Ricardo
Say va proposer une étude différente de la répartition où toute perception de revenu est une juste contrepartie de la participation de chacun à l’activité productive.


Le propriétaire foncier perçoit le « profit du fonds de terre »
Les apporteurs de capitaux le « profit de capital »
Et les salariés « le profit de l’industrie ».
Toutes les catégories sont de même nature et toutes ont pour contrepartie une valeur produite. « Personne ne récolte là où il n’a pas semé ».


La loi des débouchés
C’est la production qui ouvre des débouchés aux produits. L’acte productif créé des richesses distribuées sous forme de salaires, rentes et profits, qui servent par la suite à acheter les produits sur le marché. Ainsi, les sommes distribuées lors de la production sont égales aux sommes demandées pour consommer. Comme la demande tend toujours à correspondre à l’offre, alors seules les crises sectorielles sont possibles et se résorbent par le libre jeu du marché.
Cette thèse sera reprise par les neo-class qui tentent de montrer qu’il existe un équilibre général sur tous les marchés. Critiques formulées par Malthus et Sismondi à la même époque puis par Keynes qui montre que l’hypothèse sous-jacente est celle de la monnaie voile et qu’elle n’est pas forcément avérée.

 


D. Thomas-Robert Malthus (1766-1834) : Il publie en 1798 Essai sur le principe de population et en 1820 Principes d’éco pol.

La loi de la population
La pauvreté procède du décalage existant entre le taux de croissance des biens de subsistance et celui, sans entrave, de la population. Les biens alimentaires croissent en progression arithmétique : 1, 2, 3, 4, 5, … et la population en progression géométrique : 1, 2, 4, 8, 16, 32, 64, … Ainsi, la population croit plus vite que la production de biens alimentaires donc création de pauvreté.
L’expansion de la population peut être freinée par :
La misère, le vice et l’attitude des individus qui les conduit à ne pas se marier avant de pouvoir subvenir aux besoins de leurs enfants. Malthus hostile au développement du vice est partisan du mariage tardif pour éviter hausse trop importante de la population.
La pauvreté n’est pas le résultat des mécanismes de marché mais la conséquence naturelle d’une loi qui s’impose à tout système.
Malthus est partisan de la suppression de « la loi sur les pauvres », l’assistance aux plus démunis permet aux pauvres d’assurer la subsistance d’un plus grand nombre d’enfants et donc la croissance démo s’accélère. De plus, si la masse de biens disponibles reste constante, la poussée démo et l’augmentation de la demande engendrent une hausse des prix des biens alimentaires et une baisse des salaires réels. Donc « les lois sur les pauvres tendent à aggraver la situation courante des pauvres ».
Malthus est également contre les politiques de réduction des inégalités car si il n’y a plus de pauvreté il n’y a plus de frein à l’expansion démo et à terme la pénurie s’installe. Il défend par contre l’aide aux agriculteurs pour développer production de biens alimentaires.
La loi de Malthus a été contredite par les faits. Elle reposait implicitement sur l’absence de gains de productivité et sur la progression géométrique de la population. Or, ces deux hypothèses ne sont pas vérifiées. La validité de cette loi reste posée pour les PVD.


La question du rôle de la demande effective
Malthus s’interroge sur les causes de la croissance. Il va centrer son argumentation sur les motivations qui poussent les entreprises à accumuler. Malthus s’accorde avec Say sur le fait que ce qui pousse les entrepreneurs à produire c’est l’existence de débouchés. Là où sa pensée diffère c’est lorsque Say affirme qu’il ne peut y avoir d’insuffisance générale de la demande. Pour Malthus, la demande peut s’établir à un niveau trop faible pour assurer l’écoulement sur le marché
des marchandises.
Plusieurs arguments à cette théorie :
Que la demande effective existe dès la décision de production.
Un revenu n’engendre pas nécessairement une demande effective de même montant. La production doit correspondre aux goûts des consommateurs.
Donc Malthus donne un rôle primordial à la demande effective qui pour lui est « une demande faite par ceux qui ont les moyens et la volonté d’en donner un prix suffisant avant même le début de la production ».
Facteurs favorables à l’augmentation de la demande effective :
Intervention de l’Etat si elle reste modérée et temporaire.
Favoriser l’emploi des travailleurs improductifs qui consomment plus de biens matériels qu’ils n’en produisent.
Occuper les ouvriers à des travaux publics pour donner salaires supp.

 


E. Augustin Cournot (1801-1877) :
Il publie en 1851, Essai sur le fondement de nos connaissances et sur les caractéristiques de la critique philosophique, puis en 1863 Principes de la théorie des richesses et en 1877 Revue sommaire des doctrines économiques.


Cournot ouvre la voie à l’étude de l’économie pure
L’économie politique doit être abordée comme une véritable science qui a « pour objet essentiel les lois sous l’empire desquelles se forment et circulent les produits de l’industrie humaine, dans des sociétés assez nombreuses pour que les individualités s’effacent, et qu’il n’y ait plus à considérer que des masses soumises à une sorte de mécanisme, fort analogue à celui qui gouverne les grands phénomènes du monde physique ».
Défenseur de l’utilisation des maths. S’attache à décrire le fonctionnement de diverses catégories fictives de marchés, définies à partir d’un ensemble d’hypothèses restrictives.
Véritable précurseur des économistes néo-classiques.

 


III. Des économistes réformistes à Karl Marx : Les économistes réformistes et socialistes
Les réformistes : J.S Mill (1806-1873), F. List (1789-1846), S. Sismondi (1773-1842)
Les économistes socialistes : C.H de Saint-Simon (1760-1825), R. Owen (1771-1858), K. Marx (1818-1883), J. Proudhon (1809-1865), C. Fourier (1772-1837)


A. John Stuart Mill : Il est le fils aîné de James Mill (1773-1836) qui était l’ami intime de Ricardo. Sa vie est relatée dans ses Mémoires publiées en 1873. Il forme la « société utilitaire » qui réunit tous les 15 jours de 1822 à 1823 des « jeunes gens d’accord sur les principes fondamentaux reconnaissant l’utilité pour critérium de l’éthique et de la politique ». Il publie en 1848 ses Principes d’éco pol. Mill peut être qualifié de réformiste. S’il défend la propriété privée et l’éco concurrentielle, il est conscient des inégalités sociales de son époque et refuse d’assimiler le progrès éco au progrès social.


Le progrès ne peut se réduire à la croissance éco : La croissance des biens disponibles doit s’accompagner d’une meilleure distribution des richesses. Mill dénonce « le faux idéal de la société humaine » qui réside dans l’accumulation toujours plus grande des richesses et qu’il faut combattre. Il faut attacher moins d’importance au simple accroissement de la production et assurer un véritable progrès dans les domaines écos et social.
Le progrès passe par une meilleure distribution des richesses : L’essentiel est d’assurer une vie décente à chacun. Mill est favorable à la mise en place d’une législation appropriée sur les droits de succession et les donations qui pourrait réduire les disparités de patrimoine. Mill sera aussi l’apôtre de la participation des salariés aux résultas de l’entreprise.
Le progrès social implique une modification des rapports sociaux : Mill est partisan d’une société assise sur des rapports égalitaires entre ouvriers et patrons, hommes et femmes, il condamne les relations humaines fondées sur la dépendance. Le progrès social implique une association d’intérêts entre groupes sociaux érigée sur des rapports d’indépendance.
Plusieurs facteurs peuvent jouer de façon favorable à cette association d’intérêts :
Ø L’amélioration du niveau d’instruction
Ø Une mobilité sociale accrue
Ø Une participation des ouvriers aux résultats de l’entreprise
En ce qui concerne les femmes, Mill affirme que l’assujettissement des femmes implique une sous-utilisation des capacités féminines ce qui constitue une perte sèche pour l’éco du pays.

 

L’intervention de l’Etat
Si Mill est convaincu que le laissez-faire doit être la règle générale, l’Etat ne peut avoir un rôle limité à ses fonctions d’Etat gendarme. L’intervention de l’Etat peut être nécessaire quand :
L’individu n’est pas toujours le meilleur juge de ses intérêts

Le consommateur n’est pas toujours bon juge ni de ses besoins réels, ni de la qualité de la marchandise
Les conditions de la concurrence ne sont pas toujours remplies sur les marchés réels
Les mécanismes de marché ne peuvent spontanément conduire à une amélioration des conditions de travail
La concurrence ne peut pas résoudre le problème de la pauvreté

 


B. Simonde de Sismondi (1773-1842) : Il publie en 1819 Nouveaux principes d’éco pol. Sismondi apparaît réformiste car il dénonce les effets pervers du capitalisme sur les plans éco et social.
Une dénonciation des effets pervers du capitalisme : Une abondance de biens mal distribués n’assure pas l’aisance de tous. L’emploi est nécessaire à l’ouvrier pour sa survie alors que l’employeur ne recherche qu’un profit supp. L’inégalité de fait dans la négociation aboutit à usurper une partie des richesses créées par les ouvriers.
Une contestation de la loi des débouchés : Il met l’accent sur le fait que, dans sa démonstration, Say ne tient pas compte des délais. A partir d’une surproduction sectorielle, les déséquilibres écos et les désordres sociaux peuvent s’étendre et se prolonger par le jeu des mécanismes qui conduisent à une dépression généralisée. Un cercle vicieux s’enclenche qui peut mener à une crise générale de surproduction.
Des propositions pour réduire les coûts sociaux de l’industrialisation : L’assistance de l’aide publique aux travailleurs face au chômage, à la maladie ou à la vieillesse.
Un partage des responsabilités au sein de l’entreprise : Une meilleure distribution du patrimoine.

 


C. Karl Marx (1818-1883) : Marx a écrit de nombreux ouvrages : Misère de la philosophie en 1846 ; Le manifeste du parti communiste en 1847 ; Le Capital dont le livre I paraît en 1867. L’analyse de Marx présente des points communs avec les travaux de l’école classique anglaise, en particulier avec ceux de Ricardo. En revanche, elle s’oppose très nettement au courant classique français représenté par Say.


Marx adopte une approche systémique : Il intègre les approches socio, historiques et écos. Il adopte en particulier une conception matérialiste de l’histoire. Les rapports sociaux sont déterminés par les conditions et les rapports de production. Quand aux rapports de force, ils jouent un rôle central dans l’analyse de Marx.

Marx adhère à la théorie de la valeur travail : Marx admet que les biens peuvent trouver leur valeur échangeable dans deux sources : la rareté et le travail. Marx pense comme Ricardo qu’il faut prendre en compte la quantité de travail incorporée dans les biens d’équipements, les matières premières.
Marx estime également que en situation concurrentielle, les prix de marché tendent à se fixer à un niveau qui correspond à la valeur travail incorporée, le prix naturel.
Cependant, Marx souligne que c’est la quantité de travail « socialement nécessaire » à la fabrication des biens qui doit être prise en compte ; c’est à dire celle que nécessite l’habilité moyenne d’un ouvrier qui utilise les techniques de production de son temps.
Marx distingue aussi travail complexe et travail simple dans la mesure où une heure de travail d’une personne qualifiée n’est pas équivalente à une heure de travail d’un ouvrier non qualifié. Il faut tenir compte du temps de formation qui est différent dans les deux cas.


L’analyse de la répartition
Marx fait une distinction entre travail et force de travail. Ce que vend l’ouvrier c’est sa force de travail et sa rémunération tend à s’établir à un niveau qui correspond aux dépenses socialement nécessaires pour assurer son entretien et son renouvellement. C’est une marchandise comme une autre dont la valeur est déterminée par la quantité de travail social que demande sa production. Donc ce que l’ouvrier vend ce n’est pas directement son travail mais sa force de travail dont il cède au capitaliste la disposition momentanée. Ainsi, la valeur de la force de travail est déterminée par la valeur des objets de première nécessité qu’il faut pour produire, développer, conserver et perpétuer la force de travail.
Donc, la différence entre la quantité de travail effectuée par l’ouvrier pour l’entreprise et la quantité de travail nécessaire à sa survie et à l’éducation de ses enfants et que paye l’entrepreneur sous forme de salaire constitue la « plus-value » que s’approprie le capitaliste.


Une condamnation radicale du capitalisme
L’approche en terme d’exploitation n’est pas propre à Marx mais il est le seul à l’époque à montrer que celle-ci provient de caractéristiques intrinsèques du capitalisme, elle ne peut donc disparaître qu’avec le système même qui l’engendre.
L’apparition de crises de surproduction est inéluctable et résulte des contradictions internes du système. Le renouvellement périodique des crises doit conduire à l’effondrement du système.
Cette analyse de la pensée de Marx a pour objectif de montrer quels sont les liens avec la pensée classique. Cependant, on peut penser à l’inverse de cette présentation que Marx est totalement et radicalement éloigné de la pensée classique et que ce sont ces critiques du capitalisme qui constituent l’essentiel de son œuvre. Mais il apparaît évident qu’il s’est inspiré des théories de ses prédécesseurs, en particulier de celles de Ricardo, pour décortiquer plus avant le système de production capitaliste.


* Fiche réalisée par Gaëlle Blanc, IUFM de Paris, SES

 

 

[참고사항] Travail simple et travail complexe chez Marx,

par Jean-Louis Cayatte Revue économique   Année  1984  Volume  35  Numéro  2  pp. 221-246
Cet article, qui relève de l'histoire de la pensée, n'a pas pour objet de résoudre le problème de la réduction du travail complexe en travail simple, mais de montrer que l'exégèse de Marx sur ce point ne permet pas d'aller bien loin vers sa solution.
Il semble, cependant, utile de prévenir le lecteur que cette étude a été rédigée avec la conviction que la logique de la théorie de la valeur travail permet de définir et de mesurer le degré de complexité de la force de travail ; et même de préciser qu'à nos yeux, c'est la quantité de travail dépensé dans la formation du travailleur qui détermine son degré de complexité 1. Mais le lecteur n'a nullement besoin de partager cette conviction pour lire cette étude de pure marxologie 2.
Le problème de savoir si un travail crée, dans le même temps, la même valeur qu'un autre doit évidemment être réglé dès qu'on mesure la valeur d'une marchandise par la quantité de travail nécessaire à sa production.
Chez Marx, ce problème devait donc être traité dès les premières pages de son premier exposé systématique de sa théorie de la valeur travail, à savoir dans la Critique de l'économie politique de 1859 :
1.Cf. J.-L. Cayatte, Qualifications et hiérarchie des salaires, chap. IL Paris. Economica, 1983.
2.Nous avons abrégé les références à Marx de la manière suivante : Un chiffre romain suivi d'un chiffre arabe renvoie à Karl Marx, Le Capital, Paris, Editions Sociales. Le chiffre roinai'n indique le tome, le chiffre arabe la page (E.S. signifie Editions Sociales) ; Dietz renvoie à Karl Marx et Friedrich Engels, Vcrke, Dietz Verlag, Berlin. Le premier chiffre renvoie au tome, le second à la page : Pléiade renvoie à Karl Marx, Œuvres. NRF (édition établie et annotée par Maximilien Rubel). Le chiffre romain renvoie au tome, le chiffre arabe à la page ; les autres références sont complètes.
221- Revue économique — N° 2, mars 1984.
[나머지는 총 25쪽 PDF -->
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reco_0035-2764_1984_num_35_2_408777

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[marx] Thesen über Feuerbach

a d   F e u e r b a c h
[Thesen über Feuerbach]
Frühjahr 1845

________________________________

ad Feuerbach

  1
________


Der Hauptmangel alles bisherigen Materialismus (den Feuerbachschen mit eingerechnet) ist, dass der Gegenstand, die Wirklichkeit, Sinnlichkeit, nur unter der Form des Objects oder der Anschauung gefasst wird; nicht aber als sinnlich menschliche Thätigkeit, Praxis; nicht subjectiv. Daher die thätige Seite abstract im Gegensatz zu dem Materialismus von dem Idealismus - der natürlich die wirkliche, sinnliche Thätigkeit als solche nicht kennt - entwickelt. Feuerbach will sinnliche - von den Gedankenobjecten wirklich unterschiedene Objecte: aber er fasst die menschliche Thätigkeit selbst nicht als gegenständliche Thätigkeit. Er betrachtet daher im «Wesen des Christenthums» nur das theoretische Verhalten als das echt menschliche, während die Praxis nur in ihrer schmutzig jüdischen Erscheinungsform gefasst und fixirt wird. Er begreift daher nicht die Bedeutung der «revolutionären», der «praktisch-kritischen» Thätigkeit.

  2
________

Die Frage, ob dem menschlichen Denken gegenständliche Wahrheit zukomme - ist keine Frage der Theorie, sondern eine praktische Frage. In der Praxis muss der Mensch die Wahrheit, i. e.. Wirklichkeit und Macht, Diesseitigkeit seines Denkens beweisen. Der Streit über die Wirklichkeit oder Nichtwirklichkeit des Denkens - das von der Praxis isolirt ist - ist eine rein scholastische Frage.

  3
________

Die materialistische Lehre von der Veränderung der Umstände und der Erziehung vergisst, dass die Umstände von den Menschen verändert und der Erzieher selbst erzogen werden muss. Sie muss daher die Gesellschaft in zwei Theile - von denen der eine über ihr erhaben ist - sondiren.
Das Zusammenfallen des Ändern[s] der Umstände und der menschlichen Thätigkeit oder Selbstveränderung kann nur als revolutionäre Praxis gefasst und rationell verstanden werden.

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Feuerbach geht von dem Factum der religiösen Selbstentfremdung, der Verdopplung der Welt in eine religiöse und eine weltliche aus. Seine Arbeit besteht darin, die religiöse Welt in ihre weltliche Grundlage aufzulösen. Aber dass die weltliche Grundlage sich von sich selbst abhebt und sich ein selbständiges Reich in den Wolken fixirt, ist nur aus der Selbstzerrissenheit und Sichselbstwidersprechen dieser weltlichen Grundlage zu erklären. Diese selbst muss also in sich selbst sowohl in ihrem Widerspruch verstanden als praktisch revolutionirt werden. Also nachdem z. B. die irdische Familie als das Geheimniss der heiligen Familie entdeckt ist, muss nun erstere selbst theoretisch und praktisch vernichtet werden.

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Feuerbach, mit dem abstracten Denken nicht zufrieden, will die Anschauung; aber er fasst die Sinnlichkeit nicht als praktische menschlich-sinnliche Thätigkeit.

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Feuerbach löst das religiöse Wesen in das menschliche Wesen auf. Aber das menschliche Wesen ist kein dem einzelnen Individuum inwohnendes Abstractum. In seiner Wirklichkeit ist es das ensemble der gesellschaftlichen Verhältnisse.
Feuerbach, der auf die Kritik dieses wirklichen Wesens nicht eingeht, ist daher gezwungen:
1. von dem geschichtlichen Verlauf zu abstrahieren und das religiöse Gemüt für sich zu fixiren und ein abstract - isolirt - menschliches Individuum vorauszusetzen.
2. Das Wesen kann daher nur als «Gattung», als innere, stumme, die vielen Individuen natürlich verbindende Allgemeinheit gefasst werden.

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Feuerbach sieht daher nicht, dass das «religiöse Gemüth» selbst ein gesellschaftliches Product ist und dass das abstracte Individuum, das er analysirt, einer bestimmten Gesellschaftsform angehört.

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Alles gesellschaftliche Leben ist wesentlich praktisch. Alle Mysterien, welche die Theorie zum Mysticism[us] veranlassen, finden ihre rationelle Lösung in der menschlichen Praxis und im Begreifen dieser Praxis.

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Das Höchste, wozu der anschauende Materialismus kommt, d. h. der Materialismus, der die Sinnlichkeit nicht als praktische Thätigkeit begreift, ist die Anschauung der einzelnen Individuen und der bürgerlichen Gesellschaft.

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Der Standpunkt des alten Materialismus ist die bürgerliche Gesellschaft; der Standpunkt des neuen die menschliche Gesellschaft oder die gesellschaftliche Menschheit.

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Die Philosophen haben die Welt nur verschieden interpretirt, es kömmt drauf an, sie zu verändern.



 

 

 

D e r   A u t o r
Karl Marx wird 1818 in Trier geboren. 1824 tritt die jüdische Familie zum Protestantismus über. Ab 1835 studiert Marx in Bonn und ab 1836 in Berlin Jura, später unter dem Einfluß Hegels Philosophie und Geschichte. Er promoviert 1841 in Jena. 1842/43 ist er Redakteur bei der «Rheinischen Zeitung». Nach der Heirat mit Jenny von Wetphalen geht er nach Paris, wo er 1844 zusammen mit Arnold Ruge die «Deutsch-Französischen Jahrbücher» herausgibt. Auf Anregung von Friedrich Engels beschäftigt er sich mit dem ökonomischen Werk von Adam Smith und David Ricardo und studiert die Theorien der Frühsozialisten. Gemeinsam mit Engels setzt er sich in der «Heiligen Familie» und der «Deutschen Ideologie» mit den Linksheglianern und den Theorien Feuerbachs auseinander und veröffentlicht mit Engels 1848 das «Kommunistische Manifest». Im gleichen Jahr gibt er in Köln die «Neue Rheinische Zeitung» heraus. Nach deren Verbot geht er 1849 nach London ins Exil. Hier entstehen unter schwierigen Lebensbedingungen seine ökonomischen Hauptschriften. In zahlreichen politischen Schriften und Artikeln beeinflußt er in den folgenden Jahren maßgeblich die sich entwickelnde Arbeiterbewegung. 1883 stirbt er im Exil in London.




 
 
 
D a s   W e r k
 
 
Betrachtung eines Jünglings bei der Wahl eines Berufs (Abituraufsatz 1835)
An principatus Augusti merito inter feliciores
reipublicae Romanae aetates numeretur?
 (Lateinabitur 1835)
De Hemsterhusii moribus (Lateinabitur 1835)
Gedichte (1835/39)
Oulanem. Trauerspiel (Fragment 1837)
Scorpion und Felix. Humoristischer Roman (Fragment 1837)
Brief an den Vater (1837)
Volksliedersammlung (1839)
Über die Differenz der Demokritischen
und Epikureischen Naturphilosophie (Dissertation 1841)
Kritik des Hegelschen Staatsrechts (1843)
Die Judenfrage (1843)
Zur Kritik der Hegelschen Rechtsphilosophie (1843/44)
Ökonomisch-philosophische Manuskripte (1844)
Die Heilige Familie (zusammen mit Engels 1845)
ad Feuerbach [Thesen über Feuerbach] (1845)
Die deutsche Ideologie (zusammen mit Engels 1846)
La misère de la philosophie (1847)
Manifest der Kommunistischen Partei (zusammen mit Engels 1848)
Rede vor den Kölner Geschworenen (1849)
Lohnarbeit und Kapital (1849)
Die Klassenkämpfe in Frankreich (1850)
Der achtzehnte Brumaire des Louis Bonaparte (1852)
On British elections and parties (1852)
Über den Kommunistenprozeß zu Köln (1852)
On China and India (1859)
Zur Kritik der politischen Ökonomie (1859)
The civil war in the United States (1861)
Inauguraladresse der Internationalen Arbeiterassoziation (1864)
Lohn, Preis, Profit (1865)
Das Kapital (1. Band) (1867)
Das Kapital (1. Band) (2. veränderte Auflage 1873) nach der Internet-Ausgabe von Michio Akama
Randglossen zum Programm der deutschen Arbeiterpartei (Kritik des Gothaer Programms) (1875)
Das Kapital (2. Band) (posthum 1885)
Das Kapital (3. Band) (posthum 1894)

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D.Collin,09) 맑스의 악몽: 자본주의의 지속? [서평]

 <맑스의 악몽: 자본주의는 끝이 없는 역사란 말인가?>라는 제목을 달고 나온, 드니 꼴랭(D. Collin) 이라는 맑시스트 철학자의 새 책*에 대한 짧은 서평을 옮겨온다. 책은 나흘 전에 나왔고 서평은 이틀 전에 뤼마니떼에 실렸던 것이다. 서평에 따르면 지은이의 주장은 대충 이렇다: 1) 작금의 자본주의 위기 속에서, 맑스를 다시 읽으면서 '대체 자본주의'에 대한 점검을 다시 해 보자는 것으로, '노동자 사회-민주주의'로서의 "실질적" 사회주의의 가능성을 타진해 보자는 것; 2) 맑스는 <독일 이데올로기>에서 국가의 소멸과 공산주의를 말했는데, 결국은 '국가의 소멸'이 역설적이게도 "순수한 자본주의"(즉, 협력적 생산자가 아닌 개별화된 개인들이 구성하는 원자사회)를 단련시키는 방향으로 전개된 게 사실이다. '국가의 소멸-작은 정부'를 향한 맑스의 꿈이 결국은 "신자유주의적 통치행위'로 귀착되는 광경은 결국 맑스에게 악몽으로 옮겨오지 않을는지? 3) 맑스가 <자본>에서 밝히듯이 봉급생활자는 노동시장에서 스스로의 노동력을 팔기위하여 경쟁하는 개인들이고, 이런 노동자들의 현대적 증가는 -글쓴이의 시각에서- 일단의 '정통 맑시스트'들에게 '노동 판매 경쟁'의 일반화된 현상을 맑스의 기본 사상틀에 외삽시켜 당연한 것으로 여기게끔 만든다. 여기서 글쓴이는 노동자-생산자들의 맑스적 제휴(협력-결사)를 다시 사고하자고 제안을 하는데, 그것은 인류학적-공동체적 시각의 근본적 기초 위에서 가능할 것이라고 한다. [좀 진부하고 추상적인 듯이 보일 수 있는 말씀이지만, 철학이란 늘 그런 것이면서도 그게 가치고 생명이라고 말해도 될려나....]

* Le Cauchemar de Marx. Le capitalisme est-il une histoire sans fin ?, de Denis Collin. Éditions Max Milo, 2009 (février 26), 318 pages, 24,90 euros. 

Le cauchemar de Marx <i>Le capitalisme est-il une histoire sans fin ?</i>

 

 

Tribune libre - Article paru le 28 février 2009, l'Humanite
Pour un communisme libéré du mythe de la « fin de l’histoire »


En pleine crise du capitalisme mondialisé, se demander si ce système est « une histoire sans fin » pourrait sembler anachronique. Mais la réflexion que nous livre Denis Collin est bien guidée par la volonté de dessiner les contours d’une alternative, pour aujourd’hui. Seulement, souligne le philosophe, si « (les) grandes crises ouvrent la possibilité de la disparition du capitalisme et de son remplacement par un autre système (…), possibilité n’est pas nécessité : une possibilité peut rester à l’état de simple possibilité éternellement ». Dès lors, l’urgence même de la situation impose de prendre le temps d’un réexamen sans concession des différentes tentatives historiques de dépassement du capitalisme (socialisme « réel » comme social-démocratie ouvrière), mais aussi, et surtout, d’une relecture patiente de Marx et de ses prédictions, à la fois géniales et ambiguës.

 

Oui, la dynamique interne du capitalisme conduit à la concentration et centralisation du capital. Mais la perspective d’une « expropriation des expropriateurs », appuyée sur le constat d’une socialisation croissante de la production, a pris des traits cauchemardesques. « L’abolition du salariat prend la forme de l’abolition des statuts juridiques protégés des salariés et la possibilité pour les salariés de passer le plus rapidement possible au statut de non-salariés. » Bref, le « mouvement réel qui abolit l’état actuel » auquel Marx, dans L'idéologie allemande, veut identifier le concept de communisme, semble nous entraîner paradoxalement vers un « capitalisme pur », un état d’atomisation sociale où les individus, loin d’être des « producteurs (consciemment) associés », se pensent et se comportent comme entrepreneurs d’eux-mêmes. Corrélativement, le dépérissement de l’État, ou plus exactement sa « transformation en une simple administration de la production », selon l’expression du Manifeste du parti communiste, revêt le caractère monstrueux de la « gouvernance » néolibérale, foulant aux pieds la souveraineté populaire, au nom du « libre-échange ». Comment le « désir » de Marx s’est-il ainsi transformé en un cauchemar ?

 

Denis Collin avance de solides « considérations », assurément marxiennes mais accablantes pour les différentes variantes de la tradition marxiste. Celles-ci ont en effet toujours eu tendance à n’aborder le salariat que comme condition commune de ceux qui vivent de la vente de leur force de travail, alors qu’il est « d’abord et surtout (dans le Capital) la concurrence que se font les vendeurs de force de travail (…) sur le "marché" du travail ». Dans l’optique de Denis Collin, c’est notamment cette question du dépassement de l’expérience quotidienne de concurrence qu’une certaine orthodoxie marxiste a tenté d’extrapoler par des surenchères ouvriéristes. À rebours de ces impasses, l’auteur propose de repenser l’association marxienne des producteurs sur des fondements anthropologiques, « communautaires ». Mettant en exergue les conséquences de la marchandisation capitaliste sur le bien commun, l’environnement mais aussi la transmission des savoirs par laquelle se forgent des individualités capables de liberté, cet ouvrage pose les jalons d’une authentique alternative, libératrice pour les sujets concrets. (Laurent Etre)

 


* Denis Collin est professeur de philosophie (à Évreux). Il a publié Comprendre Marx (Armand Colin, 2006), Revive la République (Armand Colin, 2005) et Morale et Justice sociale (Seuil, 2001). http://denis-collin.viabloga.com/

cf.) D.Collin,08) Republique sociale & Communisme: http://blog.jinbo.net/radix/?pid=58

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Republique1: 공화국이란 무엇인가? (김상봉)

[편지3] 공화국이란 무엇인가 / 김상봉

 

(...) 공화국이란 무엇입니까? 원래 이 낱말은 로마인들이 나라를 가리켜 부른 이름입니다. 라틴어로는 레스 푸블리카(res publica)라고 하는데, 말 그대로는 ‘공공적인 것’(public thing)을 뜻합니다. 그런데 여기서 푸블리카라는 형용사는 포풀루스(populus), 즉 인민(people)이라는 명사에서 만들어진 낱말입니다. 그래서 로마의 정치가이자 철학자였던 키케로는 레스 푸블리카를 레스 포풀리(res populi)라고 풀이했는데, 이 말은 ‘인민의 것’(people’s thing)이라는 뜻입니다. 여기서 인민이란 계급적인 의미로 쓰인 것이 아니고 나라 구성원 전체로서 겨레를 가리키는 말이었으니, 나라가 특정한 집단이 아니라 ‘모두의 것’일 때 그것은 참된 공화국인 것입니다. 키케로는 공화국을 처음 고전적으로 정의한 사람인데 그에 따르면 인민이란 “합의된 법과 공공 이익에 의해 결속된 다중의 공동체”인 바, 나라가 그런 인민 모두의 것이요, 모두를 위한 것일 때 그것은 공화국이라 할 수 있습니다. 요컨대 법치와 공공성이야말로 공화국의 기준이라는 뜻이지요. 그런데 여기서 우리가 한국의 민주주의의 위기를 정확하게 진단하기 위해 반드시 기억해야 할 것은 민주국가가 자동적으로 공화국이 되는 것은 아니라는 사실입니다. 프랑스 혁명 이후 많은 나라에서 공화국은 군주국의 반대말로 이해되고, 민주국가와 거의 같은 말로 받아들여집니다. 하지만 민주국가냐 군주국가냐 하는 것은 국가의 통치형태에 관한 문제로서, 국가의 실질적 온전함을 판단하기 위해 그것이 공화국인지 아닌지를 구분하는 것과는 전혀 다른 문제입니다. 

 

고전적 이론에 따르면 원칙적으로 법치와 공공성의 원리가 지켜진다면 군주국가도, 과두제 국가도 민주국가도 모두 공화국입니다. 반대로 그 원리가 실종되면 아무리 형식적으로 민주주의적으로 운영되는 국가라 하더라도 그것은 더 이상 공화국이 아닙니다. 그래서 공화국과 민주국가의 관계에 대해 때때로 철학자들은 역설적으로 들리는 주장을 펼치기도 했는데, 독일의 철학자였던 칸트는 공화국과 가장 거리가 먼 정치체제가 민주국가요, 거꾸로 군주국가야말로 진정한 공화국을 실현하기 위해 가장 좋은 정치체제라고 주장하기까지 했습니다. 이런 것을 생각하면 우리는 사회주의 국가들이 이른바 자유선거에 의한 민주주의를 거부하면서도 자기 나라를 (인민) 공화국이라 부르는 것을 단지 위선적인 말장난이라 치부할 수 없으며, 거꾸로 우리가 형식적으로 민주화를 이루었다 해서 마치 모든 일이 끝났다고 생각하는 것이 얼마나 안이한 생각인지도 알 수 있습니다.

 

그런데 한국의 민주주의의 위기상황을 정확하게 이해하기 위해 우리가 반드시 기억해야 할 또 다른 하나는, 현재 우리가 알고 있는 민주국가는 본래적인 의미에서 보자면 전혀 민주주의적으로 운영되는 국가가 아니라는 사실입니다. 민주정이냐 과두정이냐 아니면 군주정이냐 하는 것은 나라의 통치형태를 구분하는 이름입니다. 오늘날 우리는 선거를 통해 통치자를 선출하면 그것이 민주적 통치형식이라 생각합니다. 하지만 서양 민주주의의 요람이라 할 고대 그리스인들의 구분기준으로 보자면 선거를 통해 국가권력을 위임하는 국가형태는 민중이 권력에 참여하는 민주정과는 정반대되는 것으로서, 과두정 곧 소수에 의한 지배체제입니다. 왜냐하면 이 경우 필연적으로 극소수의 재력가들만이 생업을 밀쳐두고 선거에 뛰어들 수 있으므로, 절대 다수 민중은 정치권력으로부터 소외될 수밖에 없기 때문입니다. 하지만 선거가 아니라면 무엇을 통해 권력을 위임하는 것이 민주주의적인 제도이겠습니까? 역사상 가장 민주적인 정치형태를 추구했던 아테네인들에 따르면 그것은 추첨이었습니다. 어떤 사람도 권력에서 소외되지 않도록 하기 위해 그들은 우리 식으로 말하면 국회의원도 판사도 행정관도 모두 추첨으로 뽑았습니다. 예외적으로 그들이 선거를 통해 뽑았던 공직이 꼭 하나 있었는데, 그것이 장군입니다. 그런데 아테네인은 자기들이 선출한 장군들의 명령에 복종했으나, 그들의 과오에 대해서는 민회에서 가차 없이 탄핵함으로써 장군들의 권력이 민중의 주권 아래 있음을 보였던 것입니다. 이것이 아테네인들이 가르쳐준 민주주의입니다. 

 

지금 우리처럼 선거로 국가권력을 위임하는 체제는 민주적 지배가 아니라, 소수지배(oligarchy) 곧 소수의 잘난 사람들을 뽑아 나랏일을 맡기는 정치체제인데, 이 체제의 가장 큰 위험은 부자들만이 선거에 나갈 수 있고, 국가권력을 장악할 수 있다는 데 있습니다. 이렇게 되면 나라가 돈이 사람을 지배하는 국가로 전락하게 되며, 인간의 참된 자유와 자기실현 그리고 온전한 만남은 불가능한 일이 되어버립니다. 또 다른 무엇보다 자본의 지배는 결코 나라의 공공성과 양립할 수 없습니다. 원래 공화국의 반대말은 레스 프리바타(res privata)입니다. 말 그대로 ‘사사로운 것’(private thing)이라는 뜻이지요. 여기서 사적인 것이 무엇이냐면 집안일입니다. 그런데 로마인들이 말하는 집안일은 바로 돈 버는 일, 곧 경제였습니다. 영어에서 경제를 뜻하는 이코노미(economy)란 말은 원래 그리스말로 가정관리를 뜻하는 오이코노미아(oikonomia)를 그냥 영어로 쓴 말인데, 그리스인들에게서도 역시 집안일은 돈 버는 일이었습니다. 그러니까 그리스인들이나 로마인들은 오이코노미아라고 하든 레스 프리바타라고 하든 돈 버는 일을 사사로운 집안일로 보고, 나랏일과 엄격하게 구별했는데, 이는 돈이 절대로 공공적인 가치일 수가 없기 때문입니다.

 

(...) 그런데 키케로가 공화국의 조건으로서 공공적인 가치를 말한 까닭은 우리의 삶에는 개인이나 가정으로는 실현할 수 없고 오직 국가를 통해서만 실현할 수 있는 어떤 공공적이고 일반적인 가치가 있다고 생각했기 때문입니다. 하지만 그는 그것이 무엇인지 더 자세히 말하지는 않았습니다. 아마도 그것은 모든 시대, 모든 겨레에 열려 있는 과제일 것입니다. 그러나 그리스인들이나 로마인들은 무엇이 국가가 추구해야 할 공공적 가치일 수 없는가 하는 부정적 기준은 명확히 알고 있었는데, 그것은 앞서 말했듯이 돈을 벌고 부자가 되는 일은 어떤 경우에도 국가가 추구할 공공적 가치일 수 없다는 것입니다. 박정희 시대 이래 대다수 한국인들에게는 “잘 살아보세”가 국가가 추구해야 할 공공적 가치인 것처럼 오해되어 왔습니다. 오죽하면 진보정당에서조차 ‘민생정치’가 구호로 쓰이기도 하는데, 이는 잘 살아 보자는 말을 약간 우아하게 표현한 것이겠지요. 제가 이렇게 말하면 아마도 누군가는 ‘모두가 잘 사는 것’이라 한다면 그것은 공공적인 가치가 아니겠느냐고 되물을 수도 있을 것입니다. 그러나 ‘잘 산다’는 술어는 그 자체로서는 결코 ‘모두가’라는 보편적 주어를 요구하지 않습니다. 아니 도리어 잘 살고 싶다는 욕망은 그 자체로서는 철저히 사사로운 욕망으로서, 그냥 내버려두면 나의 경제적 이익은 필연적으로 다른 사람의 경제적 이익과 충돌할 수밖에 없습니다. 그 까닭은 우리가 잘 살기 위해 필요한 돈이 사적으로 점유할 수 있는 대상이기 때문입니다. 아무도 플라톤의 철학을 독점할 수 없으며, 베토벤의 음악을 자기 지갑에 넣을 수 없습니다. 그것은 모두에게 개방된 존재로서 그 자체로서 공공적인 것이요, 모두에게 좋은 것입니다. 그러나 돈은 사적 소유의 대상이어서 나의 지갑에 든 돈은 그 자체로서는 나를 위해 좋은 것이지 남을 위해 좋은 것이 결코 아닙니다. 그러므로 한 겨레가 오로지 돈을 벌고 부자되는 것 외에 다른 가치를 알지 못한다면 그런 사람들의 나라는 야수적인 무한경쟁 속에서 해체되어 만인 대 만인의 투쟁상태로 전락할 수밖에 없습니다.

 

누구도 먹지 않고 살 수는 없습니다. 그리고 기왕이면 잘 먹고 잘 살고 싶은 것도 인지상정입니다. 그러나 한 겨레가 참된 공화국을 이루기 위해서는 단순히 잘 먹고 잘 사는 것 이상의 공공적인 가치와 보편적인 이상을 공유하고, 이를 통해 우리를 끊임없이 파편화시키고 분열시키는 사사로운 욕망, 곧 경제적 욕망을 규제하고 승화시키지 않으면 안 됩니다. 예를 들어 프랑스인들은 자유, 평등, 박애를 말하고, 독일인들은 하나됨과 정의와 자유를 나라의 근본으로 삼습니다. 함석헌이 그리도 자주 말했듯이 국민적 이상이야말로 나라의 참된 기초이니, 우리 또한 이제 형식적 민주주의에서 한걸음 더 나아가 과연 우리가 더불어 추구해야 할 가치가 무엇인지를 찾아야 할 것입니다. 그러나 우리는 돈 벌고 부자되는 것 말고는 아무것도 바라는 것이 없으니 도대체 어떤 고귀한 가치를 실현하기 위해 나라를 하겠다는 것입니까? 안타까운 물음을 선생님께 떠밀면서 오늘은 이만 줄입니다. 안녕히 계십시오. (김상봉 전남대 교수·철학/khan 입력 : 2009-01-18, 17:28수정 : 2009-01-18 17:28)

 

  

[편지1-김상봉: 공화국 논의가 필요한 이유](각항의 번호와 제목은 옮겨온 자의 것임. 기타 주변설명은 'Rep.2' 참조)

 

1. 대항체로서의 국가를 넘어 : (...) 우리는 아직도 나라를 생각하는 일에 익숙하지 않습니다. 국가의 폭력에 저항하는 데는 영웅적인 용기를 보였으나, 과연 무엇이 바람직한 나라인지 생각하는 일에는 게을렀던 사람들이 우리입니다. (...) 하지만 그 전에 우리가 바람직한 국가에 대해 생각하는 일에 서툰 까닭이 무엇인지를 생각해 볼 필요가 있다고 생각합니다. 저는 무엇보다 고전적 사회주의 이론이 국가를 소멸되어야 할 대상으로 보는 것이 알게 모르게 국가에 대한 적합한 인식은 물론 바람직한 국가에 대한 상상을 억압해온 중요한 원인이라고 생각합니다. 마르크시즘에 따르면 바람직한 국가를 상상하는 것 자체가 퇴행적인 일로 치부되는 까닭에 엄연히 국가의 울타리 속에서 살고 있고 내심으로도 국가의 소멸 따위는 믿지 않는 사람조차도 짐짓 국가의 파괴와 소멸을 입에 올릴 뿐 바람직한 국가를 어떻게 형성하고 건설할 것인지를 물을 수 없었던 시대가 분명히 있었고, 아직도 그 관성이 다 청산되지 않은것이 국가에 대해 적극적으로 생각하는 것을 방해하는 첫 번째 이유가 아니겠는가 하는 것입니다. (...) 지난날 많은 사람들이 단지 국가폭력만이 아니라 그 국가에 대항하여 싸웠던 사람들의 공동체 속에서 치유하기 어려운 심리적 상처를 입었습니다. 그 결과 우리는 주위에서 국가뿐만 아니라 모든 종류의 공동체에 대해 조건반사적인 반감을 가지고 있는 사람들을 드물지 않게 만나볼 수 있습니다. 모든 종류의 공동체를 불신하는 사람에게 바람직한 공동체가 무엇인가 하는 물음이 의미를 가질 리 없으니, 이들의 관심은 온전한 국가를 형성하는 것이 아니라 어떻게 하면 국가기구 또는 일체의 공동체에 포획되지 않을 수 있는가 하는 것뿐입니다.


2. 공동체적 만남의 장으로서의 국가: 하지만 탈주의 자유란 망상일 뿐입니다. 아리스토텔레스가 말했듯이 인간은 폴리스 속에서 살 수밖에 없기 때문입니다. 우리는 나라를 스스로 형성함으로써 그 주인으로 자유를 누리거나 아니면 국가의 노예로 살거나 둘 중 하나를 선택할 수밖에 없습니다. 그런즉 이제 우리가 할 일은 서로의 상처를 감싸고 치유하면서 우리 자신의 역사로부터 우리가 꿈꿀 수 있는 바람직한 나라의 이상을 이끌어내는 일입니다. 여기서 제가 이웃의 트라우마를 치유할 수는 없습니다. 다만 저는 이상적인 나라를 꿈꾸는 것이 무슨 단체나 조직이 아니라 온전한 만남의 문제라는 것만은 분명히 말하고 싶습니다. 우리가 참된 나라를 꿈꾸는 것은 국가기구에 종노릇하기 위해서도 아니고 무슨 추상적인 이념을 실현하기 위해서도 아니며 오직 너와 내가 온전히 만나기 위해서입니다. 개인의 자유는 참된 만남 없이는 가능하지도 않고 의미도 없습니다. 그리고 사랑과 우정 없이 행복이 있을 수 없다면 참된 만남이란 가장 중요한 개인적 욕망의 대상이기도 합니다. 그렇게 우리의 욕망이 충족되고 자유가 실현되는 만남의 지평이 바로 나라입니다.


3. 공화국과 민주주의: 그렇다면 무엇이 문제입니까? 공화국입니다. 그것은 실현된 적이 없습니다. 그러므로 굳이 구별하자면 민주국가에서 더 나아가 온전한 공화국을 세워야 한다는 것, 그것이 지난번 촛불항쟁을 통해 명확히 표출된 시대정신이라 저는 생각합니다. 공화국이란 나라가 공공적 기관이라는 것을 뜻합니다. 그러나 지난 10년간의 불완전한 예외를 제외하면 왕조시대에서부터 지금까지 이 나라의 국가기구는 한 번도 온전히 공공적 기관이었던 적이 없습니다. 소수의 권력집단이 사사로운 이익을 도모하기 위해 사적으로 점유한 수탈과 억압의 도구가 국가기구였던 것입니다. 하지만 공공성이란 나라의 본질에 속하는 것이어서 그것을 상실하면 나라는 더 이상 나라일 수 없으며 우리가 그런 나라의 지배를 받고 살아야 할 까닭도 없습니다. 나아가 민주주의 역시 공공성의 원리가 없다면 내용 없는 형식으로 껍데기만 남는다는 것을 우리는 지극히 민주적이고 합법적인 이명박 정부의 폭정에서 똑똑히 확인하게 됩니다. 그런즉 지금까지 쌓아올린 민주주의의 완성을 위해서도 이제는 공화국에 대해 말해야 할 때인 것입니다. (김상봉 전남대 교수·철학, [새로운 공화국을 꿈꾸며](1)왜 공화국 논의가 필요한가 (上), 경향 입력 2009-01-04)

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D.Collin,08) Republique sociale & Communisme

La république sociale, un maillon nécessaire pour repenser l’émancipation

par Denis Collin, Lundi 27/10/2008


Depuis quelques années, j’ai entamé un travail visant à reformuler une politique de l’émancipation humaine en prenant au sérieux les ambitions du communisme de Marx[1] –en finir avec l’exploitation et la domination– tout en tirant le bilan de la faillite du communisme historique, de ce « socialisme réel » qui semble avoir jeté l’opprobre sur tout projet révolutionnaire. À cette fin la tradition de la philosophie politique classique républicaniste, de la politique aristotélicienne au républicanisme italien (de Marsile de Padoue à Machiavel) pour finir par Spinoza, Rousseau et Kant, me semble un outil indispensable, non pour un improbable « retour à » mais pour élaborer une synthèse qui dépasse l’incapacité du marxisme de la tradition à penser proprement la normativité politique. L’union de la tradition communiste et de la tradition républicaniste ne peut guère être mieux incarnée que dans la formule de la « république sociale », une formule « algébrique » que les ouvriers parisiens inventèrent dans le mouvement qui devait mener aux tragiques journées de juin 1848, une formule qui trouva sa première mise en œuvre dans la Commune de Paris de 1871 : « Le cri de « république sociale » auquel la révolution de février avait été proclamée par le prolétariat de Paris, n’exprimait guère qu’une vague aspiration à une République qui ne devait pas seulement abolir la forme monarchique de la domination de classe, mais la domination de classe elle-même. La Commune fut la forme positive de cette République.[2] »

[1] Voir Denis Collin, La fin du travail et la mondialisation (L’Harmattan, Paris, 1997), Morale et Justice Sociale (Seuil, Paris, 2001), Revive la République (Armand Colin, Paris, 2005).

[2] K. Marx : La guerre civile en France, op. cit. p. 332.

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Cette « république sociale » est une république jusqu’au bout, une république égalitaire d’où la domination est exclue. Marx reviendra à plusieurs reprises sur ces questions, mais sous une forme différente. Quand il commence à envisager le passage pacifique au socialisme et énonce l’idée que la république parlementaire pourrait devenir la forme de dissolution du règne de la bourgeoisie. Mais ces intuitions ne recevront jamais d’élaboration systématique et la question de l’organisation de la communauté politique en tant que telle a été effacée de l’horizon du marxisme au profit de l’unique question de la prise du pouvoir soit par la voie révolutionnaire soit en se moulant dans les institutions existantes – fussent-elles monarchiques. Si le capitalisme doit être remplacé par les « producteurs associés », la question de l’organisation politique finit par se dissoudre d’elle-même et c’est sans doute cela que Marx entendait par « dépérissement de l’État ». Tout cela nous renvoie aux béances de la théorie marxienne, béances qui, en elles-mêmes, sont assez naturelles mais deviennent très ennuyeuses quand la théorie en question présentée comme une théorie achevée ayant des réponses construites pour toutes les questions que peuvent se poser des militants engagés dans un travail pour transformer radicalement les rapports sociaux et les conditions de vie des individus. Le plan initial du Capital devait comprendre un livre sur les classes sociales et un livre sur l’État et c’est très regrettable bien que sans doute pas fortuit que ces deux livres manquent ! « L’histoire jusqu’à nous jours est l’histoire de la lutte des classes » et nous n’avons rien de sérieux sur les classes sociales dans la grande œuvre qu’est Le Capital ! Et si la question clé est celle de l’État comme le répètent les marxistes, il est très ennuyeux que le seul travail à peu près systématique que Marx ait consacré à l’État du point de vue théorique soit constitué par les manuscrits inachevés de la critique du droit politique hégélien, textes de jeunesse écrits à une époque où Marx n’était pas encore communiste…

 

Cette situation n’est certes pas l’explication ultime de la faillite du communisme historique, mais elle permet de comprendre un peu mieux pourquoi les marxistes les plus courageux et les plus intelligents (pensons à Lénine, Trotski et leurs camarades) ont été dans l’incapacité de comprendre les tâches politiques qui étaient véritablement les leurs. Pour Lénine et Trotski, la révolution russe constitue ainsi une mise à l’épreuve des leçons que Marx tire de la Commune de Paris. Cette mise à l’épreuve se révèle catastrophique pour ce pan de la pensée de Marx et pour le marxisme révolutionnaire traditionnel. Contentons-nous d’en signaler quelques points saillants.

 

La première grande leçon de la Commune est que la classe ouvrière ne peut pas seulement s’emparer du pouvoir d’État bourgeois mais doit en briser la machine. Or l’expérience devait conduire les dirigeants révolutionnaires à réviser drastiquement cette leçon de Marx et du Lénine de l’État et la révolution. La guerre civile devait conduire à la reconstruction d’une armée des plus classiques – au lieu du « peuple en armes » – avec la restauration des grades et d’une discipline qui reprenaient purement et simplement l’ancienne armée tsariste. L’organisateur de l’Armée Rouge, Trotski, s’est ainsi heurté aux « gauchistes » du parti bolchevik (Staline en tête) sur la question de l’utilisation des « spécialistes bourgeois », c’est-à-dire des officiers de l’armée tsariste. Au-delà de la question militaire stricte, il fallut bien vite admettre qu’on ne pouvait pas exercer le pouvoir politique sans reprendre largement les structures et les hommes de l’ancien État. L’appareil d’État tsariste, à peine repeint en rouge : c’est ainsi que Lénine qualifiera l’État de la Russie soviétique encore prise dans la tourmente révolutionnaire. Vision lucide qui oblige à réviser la thèse selon laquelle l’État n’est que l’appareil d’oppression d’une classe sur une autre. Les révisions stratégiques de Lénine et le tournant vers la NEP confirment que toute société a besoin d’un État stable, apte à garantir la sûreté des citoyens et que l’appareil d’État accomplit des fonctions nécessaires pour toutes les classes de la société.

 

L’anti-parlementarisme que Marx proférait vigoureusement dans La guerre civile en France est récupéré par Lénine qui insiste sur la nécessaire « suppression du parlementarisme ». Certes, le moyen de sortir du parlementarisme ne consiste pas à détruire les organes représentatifs et le principe électif, mais à transformer ces moulins à parole que sont les organismes représentatifs en assemblées agissantes.[3] Il s’agit purement et simplement de supprimer toute forme constitutionnelle du pouvoir politique (notamment toute forme reposant sur la séparation des pouvoirs) en une organisation ultra-démocratique dans laquelle ceux qui décident exécutent. En pratique ces assemblées agissantes (les soviets en Russie) deviennent très vite la couverture des spécialistes de l’action, c’est-à-dire des minorités agissantes et leur caractère ultra-démocratique se renverse en son contraire. Et, comme l’avaient bien vu les penseurs classiques, l’absence de séparation des pouvoirs transforme la démocratie en tyrannie, et même pas en « tyrannie de la majorité » car la pyramide élective des conseils de base jusqu’au soviet suprême aboutit de fait à système encore plus sélectif, encore moins représentatif que les systèmes censitaires traditionnels.

 

L’abolition de la séparation entre l’État et le peuple – la fin de la vieille distinction entre État et « société civile » constitue la dernière grande leçon marxienne de la Commune. Elle est longuement développée par Lénine. On peut la lire de manière ironique, lorsque Lénine écrit : Du moment que c’est la majorité du peuple qui mate elle-même ses oppresseurs, il n’est plus besoin d’un « pouvoir spécial » de répression ![4] Comment expliquer que les mêmes hommes qui soutenaient cette thèse « démocratique » ont construit un appareil d’État dans lequel le « pouvoir spécial de répression » a atteint un développement presque illimité ? Une réponse en peut être trouvée dans la volonté de ne plus considérer l’État et la société civile comme deux sphères séparées. Lénine disait que le gouvernement ouvrier, c’est la cuisinière au gouvernement, mais il se réalisera en mettant la police politique dans la cuisine des appartements communautaires. Sous couvert de dépérissement de l’État, de son « extinction » c’est en fait l’invasion par l’État de toutes les sphères de la vie, sociale comme privée, qui est rendue possible, avec une légitimation idéologique classique : l’État devenant l’État du peuple tout entier, il n’est plus à craindre (celui qui le craint ne peut donc qu’être un ennemi du peuple !)

[3] Lénine, L’État et la révolution, œuvres choisies en 3 volumes, tome 2, éditions du Progrès, Moscou, 1968, p. 323.

[4] Lénine, op. cit., p. 320.

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La question de l’État est le véritable point aveugle de la pensée marxienne. Les interventions conjoncturelles de Marx sur cette question égarent plus qu’elles n’ouvrent le chemin, comme la régression dans l’utopie de l’extinction de l’État et d’un au-delà du droit ont finalement joué le rôle d’idéologie de la montée d’une nouvelle classe ou caste dominante dans les pays dits socialistes. Plus précisément, c’est d’abord voulu transformé ces interventions conjoncturelles et souvent très polémiques en « théorie scientifique » qui constitue la faute majeure des marxistes, d’autant qu’il n’y a aucun lien logique entre les analyses serrées du mode de production, telles qu’on les trouve dans le Capital et les perspectives utopiques, tant des Manuscrits que de la Critique du programme de Gotha.

 

La perspective du dépérissement de l’État et de la fin du politique en tant que tel est une perspective directement issue de l’anarchisme individualiste et représente sans doute une expression des influences non négligeables de Proudhon et Stirner sur la pensée de Marx. Mais cette perspective ultra-individualiste est soit purement utopique soit franchement catastrophique. Le communisme historique se fixait comme but avec la fin de la division de la société en classe, la fin de l’État conçu uniquement comme instrument d’oppression d’une classe sur une autre. Si on veut reconstruire une pensée communiste sérieuse aujourd’hui, il me semble qu’on peut laisser dans les « poubelles de l’histoire » toute cette partie de la pensée de Marx et du marxisme. L’objectif d’un nouveau communisme ne devrait pas être de construire une société d’individus absolument souverains mais de construire une nouvelle forme de communauté politique, réconciliant la liberté des individus avec le souci du bien commun et redonnant tout son sens à la « polis » ou à ce que Machiavel appelait encore le « vivere civile ». Et c’est précisément en ceci que le mot d’ordre de la « république sociale » peut redevenir une forme saisissable par le plus grand nombre, un instrument de combat politique vivant, car il remet au centre des préoccupations politiques le « vivere civile » en opposition au souci unique de la réussite et de la consommation individuelle.

 

Les républicanistes contemporains (comme Quentin Skinner Philip Pettit dans le monde anglo-saxon ou Jean-Fabien Spitz en France) définissent l’idéal républicain à partir de sa conception de la liberté. La république est l’organisation de la liberté comme non domination. Ils distinguent cet idéal de deux idéaux concurrents, l’idéal issu de la conception antique qui fait de la liberté l’autoréalisation du citoyen dans vie publique et, d’autre part, l’idéal libéral qui fait résider la liberté dans la non-ingérence du pouvoir politique dans les affaires privées. L’idéal antique n’est plus acceptable parce qu’il suppose des sociétés relativement homogènes (par exemple sur le plan des croyances religieuses) et parce qu’il accorde trop peu de place aux intérêts privés et aux genres de vie à l’écart de la vie publique. L’idéal libéral doit également être écarté parce qu’il peut s’accommoder de la domination « librement consentie » et qu’il sépare les citoyens de la communauté à laquelle ils appartiennent, celle-ci étant conçue comme un fardeau nécessaire. Il y aurait beaucoup à dire sur cette classification et notamment sur la tentative d’opposer le républicanisme moderne et ce qu’on appelle (sans depuis les travaux de Baron) « l’humanisme civique » dont les auteurs florentins de la renaissance sont les meilleurs représentants. Les classifications, aussi utiles soient-elles, peuvent aussi être d’excellents moyens de ne plus rien reconnaître. Mais provisoirement je propose de retenir cette classification.

 

En tant qu’il promeut la liberté comme non domination, le républicanisme permet tout d’abord de réconcilier l’individu et la communauté politique. À la différence des libéraux, les républicains considèrent que l’intervention de l’État n’est pas forcément opposée à la liberté individuelle mais bien souvent en est le meilleur garant. Par exemple quand des lois sociales protègent les ouvriers contre l’arbitraire patronal, incontestablement la loi intervient pour rétablir un peu d’égalité entre le salarié et son employeur et limiter la domination que le patron exerce en vertu du rapport salarial qui est un « contrat de soumission ». Quand la loi oblige les parents à envoyer leurs enfants à l’école, elle défend les libertés des enfants et en premier lieu leur droit à l’instruction contre l’arbitraire des parents qui pourraient être tentés d’envoyer leurs enfants au travail plutôt que de les laisser apprendre la littérature ou les mathématiques. Et ainsi de suite. Les libéraux (et de ce point de vue Hobbes est le premier des libéraux !) pensent que liberté et loi s’opposent alors que les républicanistes considèrent que la liberté est toujours la liberté par la loi – un thème que Rousseau développe avec une grande force dans le Contrat Social. Alors que les libéraux (surtout les libéraux hobbesiens ou les libertariens à la Nozick qui pensent exactement la chose) soutiennent que les individus n’aiment pas la vie sociale et qu’ils cherchent à mener des existences séparées, n’acceptant les contraintes de la vie commune que comme un pis-aller justifié par le choix rationnel de l’égoïste calculateur, les républicanistes pensent que les hommes sont fondamentalement des êtres sociaux ou des « animaux politiques » pour reprendre la célèbre expression d’Aristote. La communauté politique forme précisément cette organisation humaine qui permet à l’individu de s’émanciper d’une tutelle familiale qui serait trop pesante si elle n’avait pas de contrepoids tout en restant membre d’une communauté effective et non de cette communauté abstraite qu’est l’humanité tout entière.

 

Du même coup, le républicanisme fonde un sentiment du devoir envers la communauté politique à laquelle on appartient, un patriotisme (qui est l’amour des hommes plus que celui de la terre, selon Rousseau) respectueux des patriotismes des autres peuples. Inversement, comme Hobbes le montre avec brio, la conception purement instrumentale de l’ordre politique échoue à fonder quelque patriotisme que ce soit : on trouve même chez Hobbes un véritable éloge de la trahison et de la collaboration avec l’ennemi dès lors que le souverain envers qui on avait donné sa parole est défait par les armes. À la place du patriotisme, les libéraux usent largement du chauvinisme de grande puissance. Puisque rien ne lie les hommes que l’intérêt égoïste et la soumission à un pouvoir commun qui les tient en respect, dans l’arène internationale où ce pouvoir commun n’existe pas, le droit de nature hobbesien est restauré dans toute sa force et les droits des États s’étend aussi loin que s’étend leur puissance. L’État devenant l’instrument des intérêts des groupes dominants devient, dès qu’il le peut un État impérialiste. Notons, en passant, que Hannah Arendt avait fort justement remarqué ce lien qui conduit de la conception hobbesienne du pouvoir politique à l’impérialisme (voir L’impérialisme, deuxième partie de son travail sur Les origines du totalitarisme).

 

Que le républicanisme soit un idéal communautaire, voilà qui semble à peu près évident. Il n’est pas non plus très difficile de montrer qu’il peut constituer un idéal égalitaire et qu’il pousse au radicalisme social – ainsi que le fait judicieusement remarquer Philip Pettit dans son livre Républicanisme, une théorie de la liberté et du gouvernement (Republicanism, a Theory of Freedom and Government, Oxford Université Press, 1997). Si on définit la liberté comme non domination, toutes les formes d’oppression nées sur le terrain des rapports de travail perdent par voie de conséquence toute possibilité de justification. Comme Rousseau (mais aussi la plupart des grands auteurs républicanistes) l’a noté, le maintien du contrat social suppose une assez large égalité : personne ne doit être assez riche pour pouvoir acheter un autre homme et personne ne doit être si pauvre qu’il soit contraint de se vendre. Les excès de la richesse (la chrématistique) sont les pires ennemis de la république et une société bien ordonnée doit d’abord garantir à tous un honnête bien-être, la vie décente que défendra George Orwell. La forme républicaine est compatible avec un marché sur lequel des producteurs indépendants ou des coopératives échangent leurs productions en vue de la satisfaction des besoins de tous, mais par construction (et par tradition) elle est plutôt naturellement hostile au capitalisme.

 

Évidemment, les républiques ayant réellement existé ne sont pas toujours, loin de là, conformes à l’idéal des penseurs républicanistes. Mais dans leurs meilleurs moments, c’est-à-dire quand elles étaient sous le pression du peuple des travailleurs, par exemple pendant les années « chaudes » de la première république française ou dans les moments fondateurs de la IIIe république (entre 1880 et 1910) ou encore à la Libération, toutes ces questions ont été posées avec vigueur, montrant que la république n’est pas simplement une « technique » d’organisation des pouvoirs publics mais qu’elle tend spontanément à se remplir d’un contenu social avancé. Ainsi, la loi sur les subsistances défendues avec force par Robespierre (pourtant un fervent partisan de la propriété privée et de la libre entreprise) posait déjà la question du contenu social de la République. Les droits sociaux inclus dans les constitutions française et italienne au lendemain de la seconde guerre mondiale en sont un autre exemple éclairant. Je me contente de reprendre ici l’analyse que j’ai faite dans Revive la République : « La République sociale, en France, est reconnue comme principe dans la Constitution depuis 1946. Ce n’est pas seulement une étiquette privée de contenu. Le préambule – un texte qui est maintenu dans la constitution de 1958 – complète la déclaration des droits de l’homme et du citoyen en définissant des droits sociaux (les « droits-créances »). Ces droits-créances sont d’abord des protections que l’État doit accorder aux citoyens, des protections qui permettent une vie digne en garantissant à tous ces biens que chacun désire quelles que soient par ailleurs ses propres conceptions du bonheur – ce que John Rawls appelle encore les biens sociaux primaires.

 

Énumérons ces droits fondamentaux de notre république laïque, démocratique et sociale. Après avoir réaffirmé la validité de la déclaration des droits de 1789, le préambule de la constitution de 1946 commence par affirmer l’égalité de droit des hommes et des femmes dans tous les domaines. C’est bien le moins. Même si trois décennies seront encore nécessaires pour que cette égalité proclamée devienne une réalité juridique – puisque la femme mariée restait soumise à son mari et que les dernières de discrimination légale entre les époux n’ont été supprimées du code civil que dans les premières années de la présidence de François Mitterrand.

 

Le préambule continue en affirmant le droit d’asile pour tous ceux qui sont persécutés en raison de leur action en faveur de la liberté. Un droit qu’on ne cesse de rogner aujourd’hui alors que sa portée politique est considérable : offrir le droit d’asile aux « combattants de la liberté », c’est donner une réalité effective aux droits de 1789 quand ils proclament que la « résistance à l’oppression » est un des droits fondamentaux.

 

Le plus épineux vient ensuite : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi. Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances. » Le devoir de travailler : c’est l’antique précepte « qui ne travaille pas ne mange pas », un précepte de la tradition juive, repris par saint Paul … et par le socialisme et le communisme. « L’oisif ira loger ailleurs » dit « L’internationale ». Cela veut dire que personne ne peut vivre de ses rentes. Prenons cela au sérieux : pour garantir le devoir de travailler, il faut s’en prendre à l’argent qui se gagne en dormant, à la spéculation. Mais le dividende, ce prototype de l’argent qui se gagne en dormant, est l’essence même du mode de production capitaliste. Le devoir pour chacun de travailler est donc, en son fonds, incompatible avec une société fondée sur la séparation de ses membres entre, d’un côté, les possesseurs de capital et, de l’autre, ceux qui pour vivre ne peuvent rien faire d’autre que vendre leur force de travail.

 

Poursuivons. Le devoir de travailler ne peut exister sans le droit à obtenir un emploi. Que faut-il entendre par là ? La vieille revendication de la révolution de 1848 sur le « droit au travail » signifie que la « société » – c’est-à-dire les pouvoirs publics – doit faire ce qui est nécessaire pour permettre à chacun de vivre de son travail. Significativement, le projet de « traité constitutionnel » pour l’Europe a remplacé le droit d’obtenir un emploi par « le droit de travailler (II-15-1) et la « liberté de chercher un emploi » (II-15-2). Alors que, dans le contexte du préambule de 1946, le droit d’obtenir un emploi est clairement un droit-créance, c’est-à-dire un droit par lequel l’individu peut exiger quelque chose de la société, le droit de travailler est une sinistre plaisanterie quand il s’accompagne de la liberté de chercher un emploi : les millions de chômeurs qui font la queue dans les files d’attente des agences pour l’emploi et des entreprises d’intérim exerceraient donc un droit constitutionnel fondamental ! Ils seront certainement heureux de l’apprendre. Il reste que le droit d’obtenir un emploi peut lui aussi apparaître comme une mauvaise plaisanterie dans un pays comme la France qui connaît un chômage de masse depuis maintenant trois décennies. En effet, l’existence d’un marché du travail dominé par les capitalistes rend ce droit assez illusoire. Il s’est longtemps limité à la protection contre les licenciements par une législation systématiquement mise en pièces aujourd’hui et par l’indemnisation du chômage : le chômage indemnisé n’est pas la réalisation du droit au travail, mais c’est la reconnaissance indirecte de ce droit : faute d’avoir un travail à offrir, la collectivité dédommage le chômeur. Mais depuis une vingtaine d’années, même ce droit limité a été aboli dans les faits. Le changement du mode d’accumulation et de régulation du capitalisme, d’une part, la possibilité ouverte d’une attaque frontale contre les acquis ouvriers, d’autre part, ont réduit le « droit au travail », dans le meilleur des cas, à une simple assistance charitable aux indigents (genre RMI + restaus du cœur !). Le capital ne s’accommode du « droit au travail » que tant que les circonstances et le taux de profit le permettent.

 

En réalité, pour garantir le droit au travail pour tous, il faudrait que l’allocation des ressources en travail puisse être, ô horreur, planifiée centralement, par une sorte d’échelle mobile des heures de travail : on répartirait la quantité de travail disponible entre tous les salariés. C’est ce qu’ont tenté les socialistes avec la mise en place des « 35 heures », mais dans des conditions très particulières qui ont fini par saper à la base cette bonne idée[5]. C’est en effet une disposition qui ne peut être mise en œuvre que si on est décidé à tailler dans le vif du profit capitaliste. »

[5]Voir Denis Collin et Jacques Cotta, L’illusion plurielle, JC Lattès, 2001.

 

Dans le chaos politique présent, avec l’épouvantable décomposition des anciennes organisations du mouvement ouvrier, les électeurs votent au gré des spectacles offerts par les grands partis des systèmes bipartites dominants et on pourrait croire que les idéaux républicains traditionnels sont oubliés. Il n’en est rien : les mêmes salariés qui votent éventuellement pour la « gauche caviar », celle de Delanoë ou celle de Veltroni ou pour la droite populiste de Sarkozy ou Berlusconi, voire pour le FN ou la Lega Nord sont en même temps généralement très attachés aux systèmes de santé et de retraites basés sur la solidarité collective. Ils veulent que l’État garantisse une bonne éducation pour leurs enfants et que leurs droits collectifs soient protégés. Le discours autoritaire d’un Sarkozy ou d’un Berlusconi marche non pas parce que les citoyens seraient massivement devenus des conservateurs gagnés au dogme libériste mais tout simplement parce que dans le discours d’ordre ils espèrent entendre le discours de la protection du citoyen par la loi. Ils se trompent sans aucun doute, mais cette erreur est bien compréhensible quand en face d’eux ils ne trouvent qu’une fausse gauche entièrement gagnée au libéralisme le plus échevelé, assaisonné éventuellement de quelques politiques d’aide aux exclus qui aggravent les divisions au sein des classes laborieuses – y compris les travailleurs indépendants ou semi-indépendants. Comme, en outre, l’union de la droite et de la gauche, le système UMPS en France ou « Veltrusconi » en Italie, est entièrement européiste et organise la destruction méthodique des États-nations, il est assez naturel et assez sain que les peuples cherchent à résister et à défendre leur souveraineté contre le système d’empire qui s’étend sur l’Europe et qui nous ramène très loin en arrière, avant même la renaissance et l’affirmation des États-nations.

 

S’il y avait en France ou en Italie un parti réellement communiste, réellement national et réellement populaire, il s’appuierait sur ce fond au lieu de courir après les dernières modes, de remplacer les défilés revendicatifs du 1er mai par la « gay pride » et de substituer la fête chez les petits bourgeois au patient travail de construction d’une force politique sérieuse. Le républicanisme, qu’on peut résumer par la formule marxienne de « la république sociale » permet de faire le pont entre l’état d’esprit actuel de la grande majorité de nos concitoyens et l’idéal ambitieux d’une société communiste. Le nom « communiste » a été largement discrédité en raison de la faillite du communisme du XXe siècle et de l’incessant matraquage de la propagande des puissants de droite … et de gauche. Mais le contenu émancipateur dont ce mot a été longtemps le porteur peut se retrouver au moins partiellement dans les idéaux de la tradition républicaine et par là il peut redevenir véritablement populaire. Pour Marx ou pour un marxiste orthodoxe l’idée d’une république communiste aurait été prise pour une absurdité puisque le communisme était censé n’advenir qu’après l’extinction de toutes les formes d’organisation politique. Mais aujourd’hui la perspective d’un communisme républicain pourrait bien ne plus être considérée comme un oxymore. D’Aristote à Rousseau, nous avons appris que dans la polis ou dans la république doit exister entre les citoyens une amitié (philia) civique qui se fonde sur l’existence d’un bien commun (« entre amis tout est commun » dit le proverbe loué par Aristote et Cicéron). Nous savons aussi que le bonheur est d’abord ce bonheur de vivre ensemble que seul le citoyen peut vraiment apprécier. Le communisme que nous pouvons reconstruire n’est donc pas une invention sortie d’un cerveau génial, mais plus simplement la reprise et la renaissance d’une vieille tradition, la meilleure dont nous ayons hérité et qu’on essaie d’enfouir sous le verbiage de la conception procédurale de la politique et autres calembredaines de la même farine. (27 juillet 2008 / Denis COLLIN)

Commentaires / par carnifex le Mercredi 29/10/2008 à 20:05

+1 pour la quasi totalité de cet article. /J'ajouterai un commentaire sur un des rares points sur lesquels je suis peut-être en désaccord avec son auteur. La démocratie - l'exercice du pouvoir par le peuple, plutôt que par une oligarchie -, pas plus que l'égalité ou le socialisme, n'est à jeter. Ce que l'on peut reprocher à l'URSS, c'est précisément que ses réprésentants, et non le prolétariat, exerçaient le pouvoir. Le Rousseau du contrat social n'avait pas seulement compris que liberté civile et égalité sont synonymes plus qu'antonymes, il critique également le système représentatif. Le préambule de 1946 est en effet excellent, et c'est à mon avis faute d'avoir été suffisamment démocratique que notre république a cessé d'être laïque et sociale.

 

par regis le Lundi 03/11/2008 à 03:38

Intéressant, comme d’habitude, la pensée de Marx s’enrichissait de la vivante leçon de la lutte des classes qui se déroulait sous ses yeux. Comme vous le soulignez, sa réflexion s’est enrichie avec la Commune. Et sur ce point « briser la machine de l’Etat » reste actuel : que faire d’autre que du bonapartisme au service du capital de la constitution de la Vième république, par exemple ? Faut-il garder ce parlementarisme qui s’est toujours trop bien accommodé du capital ? Ou, à l’instar de la Commune instaurer mandat impératif, révocabilité, limitation des émoluments des représentants (qui par leur mode de vie sont très éloignés des salariés) ? Briser la machine de l’Etat ne signifie pas laisser un vide béant dont la politique a horreur. La question d’une représentation authentiquement populaire a bien été posée par la Commune en « brisant l’appareil d’Etat » sa bureaucratie et représentation suffisante à l’égard des classes opprimées.

ss) http://la-sociale.viabloga.com/news/la-republique-sociale-un-maillon-necessaire-pour-repenser-l-emancipation

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[친구들] 다윈과 맑스

올해가 다윈 탄생 200주년(Darwin,1809-2-12)이라는 소식을 들었다. 그저깨 "[친구들] 에라스무스와 토마스모어" 편에서 둘은 아홉 살 차이가 나는 친구라고 했었는데, 그러고 보니 우연히도 다윈이 맑스보다 9살이 많고(Marx,1818-5-5), 둘은 같은 해인 1882년 죽었다. 물론 나이가 비슷하고 같은 지역에서 살았다고 다 친구가 되는 것은 아니겠지만, 그리고 맑스와 다윈이 만난 적이 있는지 없는지는 -소련과학아카데미 인가 어디서 나온 맑스 전기를 읽은 지가 근 20년이 다 돼 갈려고 해서 기억도 가물가물- 정확히 모르겠지만, 둘을 [친구들] 이라는 제목 밑에 두고 약간의 조사를 해본다. 무슨 엄청난 비교분석을 할 능력이 내게는 없고, 단지 맑스의 관련 편지 발췌문을 상징적으로 우선 살피고는 바로 다윈 관련 자료에 집중하는데 만족해야 할 듯하다.

 

 

I. 맑스가 엥겔스에게 보낸 편지에서 언급된 <종의 기원> 

Karl Marx et Friedrich Engels, Lettres sur le Capital
Extraits des lettres contenant un commentaire sur "L’Origine des espèces" de Darwin

 

Lettre de Marx à Engels du 18 juin 1862 :

« Il est curieux de voir comment Darwin retrouve chez les bêtes et les végétaux sa société anglaise avec la division du travail, la concurrence, l’ouverture de nouveaux marchés, les "inventions" et la "lutte pour la vie" de Malthus. C’est le bellum omnium contre omnes [la guerre de tous contre tous] de Hobbes, et cela fait penser à la phénoménologie de Hegel, où la société bourgeoise figure sous le nom de "règne animal intellectuel", tandis que chez Darwin, c’est le règne animal qui fait figure de société bourgeoise. » 

 
Lettre de Engels à Lavrov du 12 [17] novembre 1875 :

« Toute doctrine darwiniste de la lutte pour la vie n’est que la transposition pure et simple, du domaine social dans la nature vivante, de la doctrine de Hobbes : bellum omnium contre omnes et de la thèse de la concurrence chère aux économistes bourgeois, associée à la théorie malthusienne de la population. Après avoir réalisé ce tour de passe-passe […], on retranspose les mêmes théories cette fois de la nature organique dans l’histoire humaine, en prétendant que l’on a fait la preuve de leur validité en tant que lois éternelles de la société humaine. Le caractère puéril de cette façon de procéder saute aux yeux, il n’est pas besoin de perdre son temps à en parler. »

 

 

[독자註] 홉스의 "만인의 만인에 대한 투쟁"(bellum omnium contre omnes )이라는 가상의 자연상태 이론이 다윈의 '적자생존법칙'으로 연결되고, 맑스는 여기서 인류 역사의, 구체적으로는 자본주의 역사의 조직적 성격을 간파하고 투쟁한다. 이러한 생각이야 뭐 아주 특별한 것이 아니겠지만, 다윈이 창조설을 부정하고 진화설을 주창했듯이, 맑스도 유토피아의 발명과 같은 고상한 정신적 사유를 거부하고 자본주의시스템의 운동법칙을 추적하여 그것이 진화해 갈 다음 단계로서의 공산주의의 필연적 단계론을 입증하는데 노력했다는 점에서 다윈의 이론과 더 친근성을 갖는다고 할 수 있겠다. 이러한 사실을 나중에 레닌도 <국가와 혁명> 제5장(국가의 절멸-소멸에 대한 경제적 기초) 도입부에서 언급한다 : "A partir du fait que le communisme procède du capitalisme, se développe historiquement à partir du capitalisme, résulte de l'action d'une force sociale engendrée par le capitalisme On ne trouve pas chez Marx l'ombre d'une tentative d'inventer des utopies, d'échafauder de vaines conjectures sur ce que l'on ne peut pas savoir. Marx pose la question du communisme comme un naturaliste poserait, par exemple, celle de l'évolution d'une nouvelle variété biologique, une fois connue son origine et déterminée la direction où l'engagent ses modifications." (sic.) [cf. 레닌의 폭력혁명론 (<국가와 혁명>(1917) 에서): http://blog.jinbo.net/radix/?pid=172]


 

 

II. 다윈, 자연도태설에서 유물론적 인류학으로..

 

빠트릭 또르(Patrick Tort)라는 프랑스 최고의 다윈 전문가(*)가 2008년 9월에 펴낸 새 책에 대한 흥미로운 서평기사가 있어서 두 개를 옮겨온다. 저자에 따르면, <종의 기원>(1859)이 나오고 11년 후 다윈은 자신의 이론에 대해 좀 다른 설명(이론의 함의)을 내 놓았다고 한다. 즉, 다윈은 '자연 도태설'을 사회적 관점에 적용하여 개인들의 화합과 협력의 불가피성을 '사회적 보호 본능' 이라는 이론으로 발전시켰다는 말이다. 여기서 호의-애타-동참-상호인정 등의 문명적 징후가 인간의 자연적 야만성을 대체한다고 함: "제거된 자연성이 있는 바로 그곳에서 문명이 발전한다". 이러한 사실은 다윈이 왜 노예주의-인종주의-식민주의에 항상 반대하는지를 설명하는 근거가 된다고 또르는 설명한다. 고로, 진정한 의미에서 완결된 다윈주의는 심리-사회적 생성주의, 그리고 유물론적 인류학의 사고이며, 이러한 견지는 훨씬 정당하고 견고한 인류의 미래를 향한 전복적 통로를 여는 것라는 게 또르의 주장이다(또르는 맑시즘에 대한 조예도 상당하다는..).

(*) 파트리크 토르 (Patrick Tort) - 철학자.언어학자.생물학 및 인문학 이론가. 30여 권의 저서 집필에 참여했다. 국제 찰스 다윈 학회의 설립자 겸 회장이며 사고체계의 역사를 다루는 새로운 방법론인 담화 콤플렉스 분석의 창조자이다. '다윈주의와 진화론 사전'으로 프랑스 과학아카데미상을 수상했으며, 2000년에는 그때까지 해온 작업 전체에 대해 필립모시스과학사 부문상을 받았다. 2008년 현재 총 35권으로 기획된 다윈 총서 프랑스어판 출간 작업을 이끈다 (인터넷 책방 소갯글). 찾아보니 이 사람의 책이 유일하게 한 권 번역도 돼 있는 것으로 나온다. 물론 위에서 말한 책은 아니고, 이 전 책인 듯한데 정확히 무슨 책의 번역인지는 모르겠다 : <찰스 다윈 - 진화를 말하다>, 파트리크 토르 (지은이), 최정수 (옮긴이), 시공사, 2008-06-30, 7,000원 (제1장 갈등하던 성장기; 제2장 욕망이라는 이름의 범선; 제3장 선택 이론의 형성; 제4장 떠들썩한 승리 ; 제5장 자연과 문명; 기록과 증언 / 다윈의 여행 경로 / 다윈의 아들들 / 참고문헌)

 L'effet Darwin : Sélection naturelle et naissance de la civilisation

Patrick Tort, L’Effet Darwin. Sélection naturelle et naissance de la civilisation, Seuil,4-09-2008,132p.,18euros.

<찰스 다윈 - 진화를 말하다>, 파트리크 토르 (지은이), 최정수 (옮긴이), 시공사, 2008-06-30, 7,000원

 

[서평1] L’humanisme révolutionnaire de Darwin

La sélection naturelle, qui n’est pas la loi du plus fort, est à l’origine de la civilisation, montre une nouvelle étude de Patrick Tort sur le biologiste.
 

Depuis près de trente ans, Patrick Tort combat vigoureusement les néomalthusiens adeptes du darwinisme social, de l’eugénisme et du racisme. Malentendu ou malversation de leur part ? On peut en juger sévèrement depuis que l’auteur a introduit le concept pertinent d’effet réversif de l’évolution en 1983, implicite dans la description de Darwin. Certes Darwin avait établi, dès la publication de l’Origine des espèces en 1859, l’existence des variations organiques, le tri effectué chez les végétaux et les animaux par la sélection naturelle. Un mécanisme régulateur qui procède à l’élimination des moins adaptés et la survie des mieux adaptés en un milieu donné, avec transmission héréditaire des avantages susceptibles d’améliorer leur descendance.

 

Mais l’autre « geste central » de Darwin fut de montrer onze ans plus tard comment la sélection naturelle, se soumettant à sa propre loi éliminatoire, s’élimine elle-même au sein du genre humain, en sélectionnant des instincts sociaux protecteurs non seulement des plus faibles mais de tous les humains dont la commune faiblesse individuelle requiert l’union et la coopération. La sympathie, l’altruisme, l’assistance et la reconnaissance d’autrui comme semblable substituent progressivement la civilisation à la barbarie, en dépit des régressions possibles. « Là où la nature élimine, la civilisation progresse. » Cela explique pourquoi Darwin s’est toujours opposé à l’esclavage, au racisme et au colonialisme, n’en déplaise à Malthus, Spencer et Galton
 

Le développement des capacités rationnelles (langage et intelligence) et des qualités sociales consacre donc un dépassement des animaux supérieurs. Sa continuité se traduit finalement en « effet de rupture », car il s’agit d’une « inversion progressive de l’ordre sélectif », d’un « passage continu au revers de la loi d’élimination ». Un recours métaphorique au ruban de Möbius visualise bien cette réversion sans aucune rupture, qui unit topologiquement les contraires dans la suite des générations.

 

Ainsi se trouve exhibée une dialectique des contraires qui consacre comme effet de rupture une transcendance de l’homme issue de la nature. Car aucun caractère humain n’est dépourvu d’un antécédent naturel, d’un « primordium » animal. Les analogies entre les comportements animaux et humains, les approches phylogénétiques autorisent donc un matérialisme moniste qui unifie sans confondre. À la pression sélective antérieure succèdent les impositions sociales répondant aux exigences communautaires, qui conduisent les individus, dès l’éducation, à introjecter des normes dont l’éventuelle universalisation déboucherait sur le règne de la liberté. Cela se trouve confirm!é par l’analyse de la sélection sexuelle, en position seconde mais inséparable de la sélection naturelle.

 

La démonstration peut en effet être faite d’un passage du besoin naturel au désir conscient, du charme masculin comme arme à l’ornement dont le pouvoir séducteur guide le choix féminin. La transmission de ce charme viril à l’autre sexe fait ensuite de la parure féminine l’objet du choix de son partenaire. Le raffinement esthétique s’accompagne alors d’un renversement d’influence et d’attraction sexuelle. En fin de compte et quoiqu’un long silence ait malheureusement favorisé des interprétations spécieuses, des omissions, une odieuse falsification abondamment exploitée par l’idéologie néolibérale, le darwinisme authentique et complet aura été le penseur de la psycho-sociogénèse et de l’anthropologie matérialiste. Ainsi nous a-t-il non seulement éclairés sur nos origines et notre appartenance mais ouvert la voie réversive d’un avenir humain plus juste et plus solidaire, sous condition de cultiver ensemble le meilleur de nous-mêmes. (Jacques Milhau, philosophe/ Tribune libre - Article paru l'Humanite le 22 octobre 2008)

 

 

[서평2] C'est le bicentenaire de sa naissance / Le vrai cauchemar de Darwin
Eugéniste ou humaniste? A la veille du 150e anniversaire de la parution de «l'Origine des espèces», l'oeuvre de Charles Darwin alimente toujours les polémiques

 

Charles Darwin (1809-1882) serait-il victime d'un détournement de pensée? C'est l'avis de Patrick Tort, infatigable exégète du naturaliste anglais. Dans «l'Effet Darwin», il explique que le savant a été mal lu et mal compris. Pour André Pichot, Darwin au contraire a ouvert la porte au racisme et à l'eugénisme. Dans «Aux origines des théories raciales», cet historien des sciences suit le parcours qui conduit à la publication de «l'Origine des espèces», en 1859, jusqu'aux idées véhiculées par Hitler et le IIIe Reich. Qui a raison? Les deux sans doute, car Darwin s'est complu dans la position du savant flou qui, par prudence ou opportunisme, a laissé sa théorie lui échapper sans mesurer l'usage qui en serait fait.

 

Une chose est sûre, l'oeuvre de Darwin, qui avait tant troublé Freud, n'a cessé d'alimenter la polémique et de générer les trucages, à commencer par son autobiographie caviardée par sa femme, qui gomma les critiques sur la religion ou les opinions peu flatteuses sur ses collègues. Sans la volonté d'un de ses fils, Francis Darwin, et d'une de ses petites-filles, Nora Barlow, nous ne disposerions pas de l'édition définitive de 1958 proposée par Nicolas Witkowski au Seuil. A partir de cette maltraitance intellectuelle, on évalue mieux la difficulté à analyser sereinement un tel travail.

 

Dans les années 1960, Jean Rostand, qui avait consacré un très bon livre à Darwin, affichait sa défiance à propos de la sélection naturelle. «La sélection naturelle est peut-être puissante, mais est impuissante à me convaincre.» Il n'était pas le seul. La France a longtemps été embarrassée par ce sujet. Depuis 1809, l'année où naissait Charles Darwin, elle savait, grâce à Lamarck qui avait publié sa «Philosophie zoologique», que l'homme «descendait» du singe. Emile Durkheim, le père de la sociologie et l'ami de Jaurès, ne cachait pas son inquiétude sur l'utilisation de l'évolution dans d'autres domaines. «Si les hypothèses de Darwin sont utilisables en morale, c'est encore avec plus de réserve et de mesure que dans les autres sciences.» En fait, ce qui le révulsait, c'est l'idée de la compétition des espèces, une sorte de lutte immorale dont sortirait vainqueur le plus fort. Il faudra ainsi attendre les années 1980 pour que se constitue une véritable école française de biologie évolutive.

 

Comme André Pichot aujourd'hui, Marx voyait dans cette théorie le sceau de l'idéologie. «Il est curieux de voir comment Darwin retrouve chez les bêtes et les végétaux sa société anglaise avec la division du travail, la concurrence, l'ouverture de nouveaux marchés, les «inventions» et la «lutte pour la vie» de Malthus.» En résumé, pour Marx, Darwin c'était Mster Pickwick! Sa vision quasi messianique s'accordait mal d'une primauté de la nature sur l'homme avec sa fameuse «lutte pour la vie». Du singe ou de l'homme, l'auteur du «Capital» préféra toujours l'ouvrier...
 

Reste la question du racisme et de la loi du plus fort. Pour Darwin, toutes les populations humaines appartiennent à une seule et même espèce, les différences entre les races et les cultures ne sont que la conséquence du degré d'avancement de leurs sociétés. Seulement voilà, «Darwin n'a jamais compris la nécessité de compléter l'explication physico-chimique de l'être vivant par une explication historique», constate Pichot. Il fournit des textes, des références, des juxtapositions troublantes et montre bien la constitution puis la transformation d'un darwinisme anglo-saxon et d'un darwinisme allemand. Pour lui, le succès des idées de Darwin doit plus à l'idéologie qu'à la science, une idéologie à laquelle la génétique a fini par donner l'aspect de la science. «Du darwinisme sont sorties toutes sortes de théories sociologiques et politiques qui ont fait de la concurrence, de la guerre et du massacre les principes explicatifs des sociétés et de leur évolution.»


Patrick Tort, lui aussi, plonge dans les textes pour nous persuader en quoi le darwinisme est un humanisme. «L'attitude personnelle, politico-éthique de Darwin face à la question de l'esclavage et des races fut d'une constance parfaite tout au long de sa vie.» Quant à la lutte pour la vie, il explique que Darwin montre combien la faiblesse est un avantage puisqu'elle conduit «à l'union face au danger, à la coopération, à l'entraide et au développement corrélatif de l'intelligence».

 

Le vrai cauchemar de Darwin fut son succès universel fondé sur un malentendu. Car, aujourd'hui encore, les grands débats sur l'évolution n'échappent pas aux convictions religieuses, philosophiques et politiques. A droite comme à gauche, on ne considère pas de la même manière l'aventure de l'homme, et l'odyssée de l'espèce reste un film à grand spectacle dont chacun voudrait bien à sa façon récrire le scénario. (Par Laurent Lemire / «Le Nouvel Observateur» du 18 septembre 2008)

 

 

3. 다윈의 재조명 (참고자료)

 

<인터뷰> 다윈 재조명하는 최재천 교수 

올해는 찰스 로버트 다윈(1809-1882)이 태어난 지 200년이 되고 '종의 기원'이 출간된 지 150주년이 되는 해다. 국내 다윈 전문가인 최재천(54) 이화여대 에코과학부 교수는 4일 다윈의 탄생 200주년과 관련해 연합뉴스와 가진 인터뷰에서 "다윈의 진화론만큼 학계의 혹독한 시련을 겪은 이론도 없을 것"이라며 "쇠가 두드릴수록 단단해지는 것처럼 다윈의 진화론도 학계의 비판 속에 점점 단단해졌다"고 말했다. 그는 "다윈은 소통에 성공한 과학자이자 대단한 문필가였다"고 설명하면서 "다윈의 자취는 생물학뿐 아니라 경제학, 인문학, 예술 분야 등 서구 학계 곳곳에 스며있다"고 덧붙였다. 다음은 최재천 교수와의 일문일답 (연합뉴스,송광호기자). [이하 발췌]
Q.다윈의 어떤 면이 그처럼 주목을 끄는가./ 다윈은 서양사상사에서 이단아라고 볼 수 있다. 그의 사상은 2천년 전통의 플라톤 철학을 뒤엎은 것이다. 플라톤에 따르면 영혼불멸의 진리가 존재하고, 사물이나 동물은 그 진리의 그림자일 뿐이다. 그런데 다윈은 사물 하나하나가 허상이 아니라 중요하고 아름다운 실체라고 주장한다. 그냥 다를 뿐이라는 것이다. 다르기 때문에 섞이고, 자손을 만들어가면서 변화가 발생한다. 이를테면 그들은 불완전한 존재다. 다윈은 불완전하지만 그들이 세상의 중심이라고 이야기한 것이다. 일종의 상대성을 말한 것이다. 이는 '적자생존'(The Survival of the Fittest)이라는 개념도 마찬가지다. 사실 다윈은 적자생존이라는 용어를 그의 저서를 통해 말한 적이 없다. 이는 영국의 학자 허버트 스펜서가 한 말이 다윈의 말로 와전된 것이다. 다윈이 썼다면 아마 최상급이 아니라 비교급(The Survival of the Fitter)으로 썼을 거라고 생각한다. 다윈은 모든게 최고의 경지에 올라야 살 수 있다는 말이 아니라 일정한 상대보다 잘 하면 살 수 있다는 말을 하고자 했다고 생각한다.

Q.다윈이 이야기한 상대성 개념에 대해 좀더 부연한다면./ 이를테면 두 명의 학자가 평지에서 곰을 만났다. 이 둘은 도망치기 시작했고, 도중에 한 명이 신발끈을 묶기 시작했다. 이를 본 동료가 '신발끈을 묶어봤자 소용없다. 그래봤자 곰보다 빠를 수 없다'고 말한다. 그러자 신발끈을 묶던 학자는 '곰보다 빠르기 위해서 신발끈을 묶는게 아니라 너보다 빨리 달리기 위해 신발끈을 묶었다'라고 말했다고 한다. 다윈의 상대성 개념은 바로 이런 것이다. 둘 중에 나머지 한 명보다 뛰어나면 생존할 수 있다는 얘기다. 궤변일수도 있지만 상대성 이론을 설파한 아이슈타인도 어쩌면 다윈의 상대성 개념에 영향을 받은게 아닌가라는 추측도 가능하다.

Q.150년이 지난 다윈의 진화론이 과연 현재적 의미는 있는가./ (...) 미국 하버드대와 스탠퍼드대에서는 10여년 전부터 행동경제학과 신경경제학이라는 이른바 진화경제학과 관련된 학과들을 통해 경제학을 연구하고 있다. 경제주체인 인간이란 굉장히 충동적인 동물이기에 동물의 심리를 이해하지 못하고 경제학은 도저히 유지될 수 없는 학문이라는 판단에서다. 그래서 10여년 전부터 생물학과 경제학이 활발하게 만나기 시작한 것이다. 이는 한 일면에 불과하다. 다윈은 서구학계 곳곳에 스며있다. 다윈의 이론에 관한 책보다 다윈이라는 사람을 다룬 책이 많을 정도다. (연합뉴스, 09-01-04)

 

Le grand mensonge de la surpopulation (17 juin 2008)
« Malthus avait raison, l’enfer, c’est le bébé. Ça tue le développement », écrivait Pascal Riché dans Libération du 30 avril 1992. Partout se répand le credo anti-populationniste visant à déguiser le génocide des peuples (surtout de couleur et du Sud) en fatalité inévitable. Immoral et criminel ? Certes, mais surtout imbécile et incompétent. Ce dossier, publié dans Nouvelle Solidarité en septembre 1992, retrace la logique infaillible de Darwin à Cousteau, le développement de l’eugénisme en France, aux Etats-Unis et dans l’Allemagne nazie, en passant par la solution finale d’hier et d’aujourd’hui.

La non-résolution de la crise alimentaire actuelle qui tue 24000 personnes par jours, dont 16000 enfants, doit être analysée à la lumière de ce qui est redevenu une politique. Pourquoi se replonger aujourd’hui, en 1991, dans la lecture de L’origine des espèces, La descendance de l’homme ou d’autres ouvrages dans la lignée de la pensée darwinienne ? Simple travail d’épistémologie ? Non, (...) ["(말튀스의 인구론에 따른) 과잉인구가 갖는 엄청난 거짓말"이라는 제목의 이 아티클은 너무 길어서 서두만 모셔오고 나머지는 링크: http://www.solidariteetprogres.org/article4244.html]

 

 

4. 다윈과 맑스 (1999년 발리바르 밑에서 연구된 석사논문)
Flavien ROBERT-DEVILLERS, Mémoire de maîtrise, sous la direction d'Étienne BALIBAR, Université de PARIS X, Novembre 1999, 90 pages

SOMMAIRE

Résumé : Étude sur les critiques que Marx adresse à la théorie darwinienne, en tant qu'elle serait le reflet des catégories de la théorie économique de l'époque.

 

           I - LA QUESTION DES SOURCES DE LA THÉORIE DARWINIENNE
      A - L'INSPIRATION IDÉOLOGIQUE : LES TROIS SOURCES DU DARWINISME
1 - La bellum de Hobbes 
2 - La concurrence de Smith 
3 - La lutte pour la vie et la réfutation de Malthus 
     B - L'INSPIRATION MALTUSIENNE

1 - Révision du rôle de Malthus 
2 - Malthus et Darwin : deux paradigmes différents 
     C - LA SCIENCE ANGLO-SAXONNE 
1 - Le changement dans les théories de la dynamique économique 
2 - L'introduction de l'histoire dans la science 
3 - L'idéal laplacien 
4 - L'endogène 
5 - Le primat de l'individu 
     D - HEGEL ET LA CRITIQUE DE DARWIN 
1 - Réévaluation de l'interprétation de Naccache 
2 - Darwin et le rejet du principe de corrélation 
3 - Signification du rejet : la matrice idéologique 
4 - Le finalisme caché de Darwin

 
            II - SCIENCE MARXISTE, SCIENCE DARWINIENNE  
      A - CE QUI EST MIS EN CAUSE CHEZ MARX PAR SA LECTURE DE DARWIN 
1 - Les critiques de D. Lecourt et B. Naccache 
2 - Thèses en cause et discussion 
     B - CONTINGENCE ET NÉCESSITÉ 
1 - La pratique marxiste de la science 
2 - Le statut du hasard 
3 - La notion de moyenne 
4 - La dialectique de l'individu et de l'espèce 
5 - Réinterprétation des modèles darwiniens 
     C - TEMPS ET DEVENIR : LA GÉNÉALOGIE OUVERTE 
1 - La généalogie ouverte de Marx et Darwin 
2 - Une nouvelle conception du temps
 
[이렇게 일단 목차만 살피고 나머지는 링크: http://marx.darwin.free.fr/Marx-Darwin.pdf]

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바디우, 평등에 대한 오해 (바디우 글 아님)

Lundi 1 décembre 2008 PENSEE

 

D'un malentendu sur l'égalité


« Si Dieu a quitté sa place dans le monde supra-sensible cette place, quoique vide, demeure.

La région vacante du monde suprasensible et du monde idéal peut-être maintenue.

La place vide appelle même en quelque sorte à être occupée de nouveau,

et à remplacer le Dieu disparu par autre chose » (Heidegger, Holzwege).

Cette place sera occupé par l’Un Dieu-Liberté.

 

Badiou ou la persistance d’un malentendu : l’égalité. — Il est une chose dont on peut se demander ce que Badiou entend par là et qui est bien la marque des malentendus que peut susciter sa philosophie menacée par le désastre ou « crépusculaire ».  Il y a en fait un très grand décalage entre le sens que prête au terme égalité, tout un chacun, et l’indétermination —absence de sens, volonté de ne pas définir le terme — dans laquelle Badiou maintient l’égalité. On peut dire qu’avec Badiou l’égalité n’adviendra jamais mais que c’est un jugement qu’il détient en propre : comme il reprend la formule à Jacques Rancière (autre ancien althussérien comme lui) : « l'égalité n'est jamais le but, elle est le principe. Elle ne s'obtient pas elle se déclare. Et on peut appeler "politique" les conséquences dans le monde de cette déclaration. » LM_585.(*) Il faut noter tout d’abord que par manque de rigueur Badiou nomme principe, ce qui est une hypothèse de départ, car lui-même le sait : on ne peut commencer par les principes mais ceux-ci ils existent pour Badiou. On peut toujours se fixer des principe comme la volonté ou le combat si notre visée est l’action, mais autant le dire l’égalité est et demeurera toujours une idée, c’est-à-dire la substantivation d’une illusion : que deux termes sont égaux, s’équivalent. C’est ce genre d’approche qui fera que l’égalité n’adviendra jamais mais que l’on pourra discourir à son propos à pâmoison. C’est toujours un personnage animé d’un fort sentiment de supériorité qui se permet d’énoncer l’égalité, les plus fameux représentants de ce travers étant Rousseau ou Marx. Croire ou poser l’égalité c’est au fond s’illusionner pour mieux se donner prétexte à s’écarter des faits et interpréter le monde à sa guise.

(*) 랑시에르의 <불화> 인용("평등은 전혀 목적이 아니라 원칙이다. 획득되는 것이 아니라 선포되는 것. 세상에 이렇게 선포된 것의 산출물들을 우리는 정치라고 부른다")에서와 마찬가지로, 바디우의 평등도 '되고 마고의 문제'가 아니라 스스로에게 고유한 것으로 취하는 판단의 문제다.


De l’impossible définition de ce qui n’adviendra pas : l’égalité. — Pour parler de l’égalité sans avoir à la définir et par là à en trahir l’idée ou plutôt l’erreur, Badiou part au fond de la formule révolutionnaire : « Liberté, Egalité, Fraternité ». Il voit dans la liberté et la fraternité pour l’immédiate politique qu’il veut mener deux impasses car ces termes sont selon lui trop chargés de sens. La fraternité ayant un arrière fond communautaire, prenons la liberté. La liberté apparaît soit comme un concept qui « n'a pas de valeur immédiate de saisie, parce qu'il est captif du libéralisme, de la doctrine des libertés parlementaires et commerciales, c'est un vocable entièrement investit par l'opinion.» BdC_247. Soit elle s’affine comme étant issu d’une pratique politique bien particulière que l’on peut nommer politique réelle ou restreinte. « Seule une politique qui peut être nommée, en philosophie, politique égalitaire, autorise qu'on tourne vers l'éternel le temps contemporain où cette politique procède. ... Ce qui est philosophiquement sous le concept d'égalité est que la destination de la politique, quand la philosophie la saisit pour l'exposer à l'éternité, n'est pas la différence ni la souveraineté , mais l'autorité du Même. » C_248. Nous n’expliciterons pas mais le Même participe d’une dialectique qui exclue tout autre, d’une dialectique qui se refuse d’être celle du même et de ’autre comme le fut quelque part le nazisme. Citons que « Le nazisme est le paroxysme criminel de la dialectique du même et de l'autre » C_249. Il est intéressant de voir que Badiou rejette du côté du matérialisme démocratique qu’il abhorre, une définition de l’égalité plus dynamique cette fois et qui consiste à dire que l’égalité revient à ne pas être séparé de ce que peut chacun, chacun faisant en fonction de ses propres capacités, de ses  propres dispositions : « on est libre si nul langage (ou signifiant) ne vient interdire aux corps individuels qui en sont marqués de déployer leur capacités propres ». AM_23

 

Etre libre consiste pour Badiou en « l’incorporation à une vérité » qui nous transit mais l’incorporation de cette idée ou de cette vérité est tout autant une erreur que l’incorporation d’une autre hypothèse comme l’égalité. Mais l’idée est bien qu’on se la rentre dans le crâne et qu’ensuite on lui donne tous les atours d’une vérité en oubliant là tout esprit critique, tout acharnement à suivre sa propre voie. Même si l’égalité est un mode d’apaisement des rapports entre individus permettant de mettre fin aux petites jalousies jamais l’égalité de Badiou, ne prendra en compte le talent ou le génie comme pouvait le faire Proudhon. L’égalité de Badiou est avant tout une « égalité du pauvre » à la manière de Proudhon critiquant Marx ou une égalité du jaloux qui veut avoir autant que l’autre. Peut-être un jour saura-t-on penser autrement que par idées ou peut-être l’a-t-on déjà fait. Pourra-t-on en finir avec l’idéalisme ? En attendant, à l’instar de Rousseau ou de Marx, épigone de l’idéalisme, il faut savoir que la hiérarchie morale et symbolique demeure car celui qui pose l’égalité est au fond animé d’un esprit de supériorité : lui seul sait voir l’égalité contrairement à ceux qu’il égalise et à qui il impose ‘égalité pour ne pas l’avoir vu avant lui. L’égalité aura toujours ses tenants et même ses apparatchiks dont il faut soigner la progéniture pour qu’ils puissent se reproduire. Il est si facile de verser dans l’idéalisme plutôt que de penser par soi-même. On pourra toujours avoir cette vision de la démocratie comme ajustement improbable de la liberté et de l’égalité.

 

Mais si l’on garde tant d’admiration pour le modèle que l’on s’est reconstituer de la démocratie athénienne, on oublie certainement que son apogée résultait entre autre de la forte relation qu’entretenait Périclès et Anaxagore. Mais que l’on ne se trompe pas cette démocratie à un prix, sa forme d’impérialisme. Athènes a asservis ses alliés et rapatriant le trésor de Délos y on puiser les richesses nécessaire à entretenir les classes ambitieuses. Mais sans cela aurait-on eu Socrate-Platon-Aristote qui n’ont fait en somme que constater le déclin d’Athènes et avec elle de l’hellénisme. On peut même se dire que toute la vision du philosophe éclairant le tyran chez Platon et née d’une envie de reproduire la réussite de Périclès et d’Anaxagore. Pour en revenir à Badiou, entre la liberté et l’égalité, la balance penche du côté de l’égalité, d’une égalité soutenue par une instance où demeure la figure très appréciée de Badiou à savoir lui-même ou par substitution le juge. Car le juge dans une posture renversée à l’endroit sait aussi voir la liberté comme absolue — ce qui n’est pas encore avoué au stade où nous en sommes — et au fond la tension entre égalité et liberté.


Terreur. « On dira : la terreur ! On connaît la terreur en politique. Il existe aussi bien une terreur du mathème ... La dialectique matérialiste assumera sans joie particulière que jusqu'à présent aucun sujet politique ne soit parvenu à l'éternité de la vérité qu'il déplie sans des moments de terreur Comme le dit Saint-Just : "Que veulent ceux qui ne veulent ni la Vertu ni la Terreur ?" Sa réponse est connue : ils veulent la corruption - autre nom de la défaite du sujet. » LM_98.

 

Mes amis, n’oubliez pas de passer par le tribunal de l’égalité, pour vous rafraîchir les idées. — On a donc vu comment l’égalité fut choisie en fonction d’une époque où il était impossible de miser ou parier sur la liberté et la fraternité.  L’instance garante de l’égalité, Badiou la nomme tribunal de l’égalité. L’Egalité est postulée mais jamais acquise. Ceci revient à dire que nous sommes égaux en droit mais jamais égaux en fait. Il faut donc recourir à une instance qui nous y fasse croire. Il y a toujours une équivocité, une ambiguïté à vouloir choisir un terme exempt de tout sens mais que l’on définira tôt ou tard en oubliant que l’on ne voulait pas la définir au départ. Truchement qui ne gêne guère Badiou. On ne peut pas tout à fait définir quelques idées sans dévier de l’axe principal qui lui requiert qu’on ne définisse pas l’idée de Bien : il doit demeurer impropre. On passera donc sur certaines définitions abstraites que donne Badiou de l’égalité BdAM_166. Elles nous feraient entrer un peu plus dans le piège du jargon et développer son système. Mais là encore il n’est rien dit d’une égalité effective, surtout que celle-ci, rappelons-le, n’a aucune dimension économique ou pragmatique. On peut lire d’une part que « le mot égalité doit être dégagé de toute connotation économiste (égalité des conditions objectives, des statuts, des fortunes). Il faut lui restituer son tranchant subjectif  : l'égalité est ce qui ouvre à une stricte logique du Même. » C_247 Mais Badiou finit aujourd’hui par se replier sur un pis-aller que serait une politique égalitaire et qui assume sa haine pour les plus riches BdLM. Afin d’imoser ses vues, il n’hésite pas à prôner l’autorité du Même et la terreur de la Vérité. C’est que l’on peut bien se demander pourquoi sa pensée « axiomatique » est parasitée par tant d’idéaux révolutionnaires et s’y suture, alors que « mathématique » elle devrait se dégager de tout préjugé historique. Ainsi l’égalité ne sert que de prétexte à la mise en place d’un tribunal qu’il porte ou non  l’égalité comme attribution.  Il s’agit encore une fois de reproduire une justice divine à travers un organe d’autorité. « L'égalité c'est que chacun soit renvoyé à son choix [de pensée ou de politique] non à sa position [sociale] » LM_35.

 

Qu’en est-il d’une société où l’on rencontre confiance et résilience ?L'égalité est une hypothèse que l'on pose en droit mais qui n'advient jamais de fait, pire tous les penseurs qui la pose le font avec un certain accent de supériorité, Rousseau, Marx, Badiou n'ont pas échappé à ce travers. On pose bien souvent l'égalité pour s'y soustraire détaché dans son monde d’idées et l'imposer aux autres. La seule définition valable que l'on puisse donner est : l'égalité c'est ne pas être séparé de ce que l'on peut, bref c'est être en capacité. Ceci rejoint l'égalité géométrique des grecs qui admet le talent et la confiance dans ce qui entreprennent comme celle de Proudhon loin d’une égalité arithmétique intenable ou d’une égalité à la Badiou qui réclame face à la suspicion un tribunal. A une autre échelle que celle de la cité, l'égalité est valable par exemple dans la relation dite « maître-élève », il y a égalité quand l'élève apprend du maître et réciproquement quand le maître apprend de l'élève. Ceci arrive rarement, sans doute l'effet contre productif de notre système d'éducation de masse mais ceci arriva par exemple entre Gauss et Riemann. Tous les deux admettait le talent et bouleversèrent par là notre vision a priori du monde, bien loin de toute métaphore. Sans eux, ni Einstein, ni Poincaré, mais sans doute les bombes atomiques sont des métaphores. On trouve d’autres illustrations dans le Cercle des poètes disparus ou dans Will Hunting, deux films où Dustin Hofman joue apparemment le maître. On trouve d’autres exemples de ces alliances contre-nature dans le livres de Boris Cyrulnik, où un adulte se fait tueur de résilience. Mais sans doute l’un des plus grands exemples fut  celui de la relation d’Anaxagore et de Périclès, ce genre d’amitié que ne réussissent à reproduire les platoniciens. A cette égalité pleine de jalousie et de frustration, nous en appelons à la curiosité et à l’extravagance.

 

par Anthony Le Cazals publié dans : Pensées http://www.paris-philo.com/article-25435200.html

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