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  1. 2009/05/04
    레닌의 폭력혁명론 (<국가와 혁명>(1917) 에서)
    tnffo
  2. 2009/02/16
    라비카(G.Labica) 타계2 [폭력,혁명,민주주의..]
    tnffo

레닌의 폭력혁명론 (<국가와 혁명>(1917) 에서)

"폭력 혁명이 없이는, 부르주아 국가를 프롤레타리아 국가로 대체하는 것이 불가능하다."  -레닌-

"Sans révolution violente, il est impossible de substituer l'Etat prolétarien à l'Etat bourgeois." 

 

Discours de Lénine

.

레닌의 <국가와 혁명>(*), 제1장(계급사회와 국가)의 마지막 부분에 나오는 말이다. 물론 폭력예찬론이 아니라, 민주주의라고 불리는 자본주의 시민사회의 부르주아 국가라는 것이 엄밀한 계급적 틀 위에 만들어졌고, 그 계급을 조장하고 활용하며 유지-발전될 수밖에 없는, 즉 보이지 않는 폭력적 구조 위에서 작동하는 것이므로, 그 구조를 타파할 수단은 폭력혁명 외에는 없다는, 폭력불가피론을 말하는 것이겠다. '적이 폭력(보이든 말든)을 사용하니 나도 폭력이다'라는 오기적 발상이 아니라, 그들이 지배의 틀을 계급 위에 구축하고 지속 시키는 데에는 그만한 지적(계략의) 견고함이 있을테고, 그런 견고함에 맞서 말과 논리로 백날 민주주의를 주창하고 요구해봤자, 그들을 떠받들고 있는 반동적 지식인과 그 동조자들의 세력이 더 우월할 수밖에 없다는 게 역사라는 사실에 대한 인식에서 나온 폭력 불가피론이 아닐까 싶다 (별로 신빙성 없는 내 생각에..). 심지어, 민주주의에 대하여, 레닌은 '민주주의 일반'(democratie en general) 같은 것은 아예 없고 '프롤레타리아 민주주의' 혹은 '부르주아 민주주의'가 있을 뿐이며, 이 후자의 전형적인 양태가 바로 서구 의회민주주의로, 여기서는 대표자라는 놈들이 대표하는 것은 전혀 인민이 아니라 부르주아-부자-귀족 계급이라는 사실을 적시한다. 물론, 진짜민주주의=공산주의! 

갑자기, 지난 토요일 서울 촛불 집회에서 약간의 투석전이 있었고, 작년에는 그렇게도 비폭력을 고집하던 사람들이 MB 치하 1년만에 뭔가 깨달은 바가 있었는지 더는 그런 부르주아(쁘띠) 논쟁을 않았다는 기사를 보고 기억난 글이다 (아마도 평화가 어떤 진보정당의 심벌들 중의 하나였던가, 근데 누구를 위한 평화일까?). 이하 <국가와 혁명>, 제1장, 제4절, "국가의 절멸(소멸)과 폭력혁명" [소멸은 자동적/절멸은 타동적 -내 느낌 상-]의 불어 번역본을 옮겨다 읽어본다. (아마도 한글본도 별로 어렵지 않게 찾을 수 있을텐데, 나는 잘 모름.

(*) 레닌의 <국가와 혁명>은 1917년 8월, 그러니까 10월혁명 직전에 쓰여진 글이다.

출처: http://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/08/er00t.htm

  

Bolshevik (1920), par Boris Kustodiev

 

레닌, <국가와 혁명>(1917), L'ETAT ET LA REVOLUTION

CHAPITRE I. LA SOCIETE DE CLASSES ET L'ETAT (제1장. 계급사회와 국가)
1. L'Etat, produit de contradictions de classes inconciliables (국가, 화해할 수 없는 두 계급 간 대결-모순의 산물)
2. Détachements spéciaux d'hommes armés, prisons, etc. (무장한 민중의 특수한 이탈, 감옥, 등)
3. L'Etat, instrument pour l'exploitation de la classe opprimée (국가, 피지배계급의 착취를 위한 도구)

 

 

4. "EXTINCTION" DE L'ETAT ET REVOLUTION VIOLENTE (국가의 절멸과 폭력혁명)

 

Les formules d'Engels sur l'"extinction de l'Etat" jouissent d'une si large notoriété, elles sont si fréquemment citées, elle mettent si bien en relief ce qui fait le fond même de la falsification habituelle du marxisme accommodé à la sauce opportuniste qu'il est nécessaire de s'y arrêter plus longuement. Citons en entier le passage d'où elles sont tirées :

"Le prolétariat s'empare du pouvoir d'Etat et transforme les moyens de production d'abord en propriété d'Etat. Mais par là, il se supprime lui-même en tant que prolétariat, il supprime toues les différences de classes et oppositions de classes et également en tant qu'Etat. La société antérieure, évoluant dans des oppositions de classes, avait besoin de l'Etat, c'est-à-dire, dans chaque cas, d'une organisation de la classe exploiteuse pour maintenir ses conditions de production extérieures, donc surtout pour maintenir par la force la classe exploitée dans les conditions d'oppression données par le mode de production existant (esclavage, servage, salariat). L'Etat était le représentant officiel de toute la société, sa synthèse en un corps visible, mais cela, il ne l'était que dans la mesure où il était l'Etat de la classe qui, pour son temps, représentait elle-même toute la société : dans l'antiquité, Etat des citoyens propriétaires d'esclaves; au moyen âge, de la noblesse féodale; à notre époque, de la bourgeoisie. Quand il finit par devenir effectivement le représentant de toute la société, il se rend lui-même superflu. Dès qu'il n'y a plus de classe sociale à tenir dans l'oppression; dès que, avec la domination de classe et la lutte pour l'existence individuelle motivée par l'anarchie antérieure de la production, sont éliminés également les collisions et les excès qui en résultent, il n'y a plus rien à réprimer qui rende nécessaire un pouvoir de répression, un Etat. Le premier acte dans lequel l'Etat apparaît réellement comme représentant de toute la société, - la prise de possession des moyens de production au nom de la société, - est en même temps son dernier acte propre en tant qu'Etat. L'intervention d'un pouvoir d'Etat dans des rapports sociaux devient superflue dans un domaine après l'autre, et entre alors naturellement en sommeil. Le gouvernement des personnes fait place à l'administration des choses et à la direction des opérations de production. L'Etat n'est pas "aboli", il s'éteint. Voilà qui permet de juger la phrase creuse sur l'"Etat populaire libre", tant du point de vue de sa justification temporaire comme moyen d'agitation que du point de vue de son insuffisance définitive comme idée scientifique; de juger également la revendication de ceux qu'on appelle les anarchistes, d'après laquelle l'Etat doit être aboli du jour au lendemain" (Anti-Dühring, Monsieur E. Dühring bouleverse la science, pp. 301-303 de la 3e édit. allemande).

On peut dire, sans crainte de se tromper, que ce raisonnement d'Engels, si remarquable par sa richesse de pensée, n'a laissé, dans les partis socialistes d'aujourd'hui, d'autre trace de pensée socialiste que la notion d'après laquelle l'Etat "s'éteint", selon Marx, contrairement à la doctrine anarchiste de l'"abolition" de l'Etat. Tronquer ainsi le marxisme, c'est le réduire à l'opportunisme; car, après une telle "interprétation", il ne reste que la vague idée d'un changement lent, égal, graduel, sans bonds ni tempêtes, sans révolution. L'"extinction" de l'Etat, dans la conception courante, généralement répandue dans les masses, c'est sans aucun doute la mise en veilleuse, sinon la négation, de la révolution.

Or, pareille "interprétation" n'est qu'une déformation des plus grossières du marxisme, avantageuse pour la seule bourgeoisie et théoriquement fondée sur l'oubli des circonstances et des considérations essentielles indiquées, par exemple, dans les "conclusions" d'Engels que nous avons reproduites in extenso.

 

1/ Premièrement. Au début de son raisonnement, Engels dit qu'en prenant possession du pouvoir d'Etat, le prolétariat "supprime par là l'Etat en tant qu'Etat". On "n'a pas coutume" de réfléchir à ce que cela signifie. D'ordinaire, ou bien l'on en méconnaît complètement le sens, ou bien l'on y voit, de la part d'Engels, quelque chose comme une "faiblesse Hégélienne". En réalité, ces mots expriment en raccourci l'expérience d'une des plus grandes révolutions prolétariennes, l'expérience de la Commune de Paris de 1871, dont nous parlerons plus longuement en son lieu.

Engels parle ici de la "suppression", par la révolution prolétarienne, de l'Etat de la bourgeoisie , tandis que ce qu'il dit de l'"extinction" se rapporte à ce qui subsiste de l'Etat prolétarien , après la révolution socialiste. L'Etat bourgeois, selon Engels, ne "s'éteint" pas; il est "supprimé" par le prolétariat au cours de la révolution. Ce qui s'éteint après cette révolution, c'est l'Etat prolétarien, autrement dit un demi-Etat.

 

2/ Deuxièmement. L'Etat est un "pouvoir spécial de répression". Cette définition admirable et extrêmement profonde d'Engels est énoncée ici avec la plus parfaite clarté. Et il en résulte qu'à ce "pouvoir spécial de répression" exercé contre le prolétariat par la bourgeoisie, contre des millions de travailleurs par une poignée de riches, doit se substituer un "pouvoir spécial de répression" exercé contre la bourgeoisie par le prolétariat (la dictature du prolétariat). C'est en cela que consiste la "suppression de l'Etat en tant qu'Etat". Et c'est en cela que consiste l'"acte" de prise de possession des moyens de production au nom de la société. Il va de soi que pareil remplacement d'un "pouvoir spécial" (celui de la bourgeoisie) par un autre "pouvoir spécial" (celui du prolétariat) ne peut nullement se faire sous forme d'"extinction".

 

3/ Troisièmement. Cette "extinction" ou même, pour employer une expression plus imagée et plus saillante, cette "mise en sommeil", Engels la rapporte sans aucune ambiguïté possible à l'époque consécutive à la "prise de possession des moyens de production par l'Etat au nom de toute la société", c'est-à-dire consécutive à la révolution socialiste. Nous savons tous qu'à ce moment-là la forme politique de l'"Etat" est la démocratie la plus complète. Mais il ne vient à l'esprit d'aucun des opportunistes qui dénaturent sans vergogne le marxisme qu'il s'agit en ce cas, chez Engels, de la "mise en sommeil" et de l'"extinction" de la démocratie. Cela paraît fort étrange à première vue. Pourtant, ce n'est "inintelligible" que pour quiconque n'a pas réfléchi à ce fait que la démocratie, c'est aussi un Etat et que, par conséquent, lorsque l'Etat aura disparu, la démocratie disparaîtra également. Seule la révolution peut "supprimer" l'Etat bourgeois. L'Etat en général, c'est-à-dire la démocratie la plus complète, ne peut que "s'éteindre".

 

4/ Quatrièmement. En formulant sa thèse fameuse : "l'Etat s'éteint", Engels explique concrètement qu'elle est dirigée et contre les opportunistes et contre les anarchistes. Et ce qui vient en premier lieu chez Engels, c'est la conclusion, tirée de sa thèse sur l'"extinction" de l'Etat, qui vise les opportunistes.

On peut parier que sur 10 000 personnes qui ont lu quelque chose à propos de l'"extinction" de l'Etat ou en ont entendu parler, 9 990 ignorent absolument ou ne se rappellent plus que les conclusions de cette thèse, Engels ne les dirigeait pas uniquement contre les anarchistes. Et, sur les dix autres personnes, neuf à coup sûr ne savent pas ce que c'est que l'"Etat populaire libre" et pourquoi, en s'attaquant à ce mot d'ordre, on s'attaque aussi aux opportunistes. Ainsi écrit-on l'histoire ! Ainsi accommode-t-on insensiblement la grande doctrine révolutionnaire au philistinisme régnant. La conclusion contre les anarchistes a été mille fois reprise, banalisée, enfoncée dans la tête de la façon la plus simpliste; elle a acquis la force d'un préjugé. Quant à la conclusion contre les opportunistes, on l'a estompée et "oubliée" !

L'"Etat populaire libre" était une revendication inscrite au programme des social-démocrates allemands des années 70 et qui était devenue chez eux une formule courante. Ce mot d'ordre, dépourvu de tout contenu politique, ne renferme qu'une traduction petite-bourgeoise et emphatique du concept de démocratie. Dans la mesure où l'on y faisait légalement allusion à la république démocratique, Engels était disposé à "justifier", "pour un temps", ce mot d'ordre à des fins d'agitation. Mais c'était un mot d'ordre opportuniste, car il ne tendait pas seulement à farder la démocratie bourgeoise; il marquait encore l'incompréhension de la critique socialiste de tout Etat en général. Nous sommes pour la république démocratique en tant que meilleure forme d'Etat pour le prolétariat en régime capitaliste; mais nous n'avons pas le droit d'oublier que l'esclavage salarié est le lot du peuple, même dans la république bourgeoise la plus démocratique. Ensuite, tout Etat est un "pouvoir spécial de répression" dirigé contre la classe opprimée. Par conséquent, aucun Etat n'est ni libre, ni populaire. Cela, Marx et Engels l'ont maintes fois expliqué à leurs camarades de parti dans les années 70.

 

5/ Cinquièmement. Ce même ouvrage d'Engels, dont tout le monde se rappelle qu'il contient un raisonnement au sujet de l'extinction de l'Etat, en renferme un autre sur l'importance de la révolution violente. L'appréciation historique de son rôle se transforme chez Engels en un véritable panégyrique de la révolution violente. De cela, "nul ne se souvient"; il n'est pas d'usage, dans les partis socialistes de nos jours, de parler de l'importance de cette idée, ni même d'y penser; dans la propagande et l'agitation quotidiennes parmi les masses, ces idées ne jouent aucun rôle. Et pourtant, elles sont indissolublement liées à l'idée de l'"extinction" de l'Etat avec laquelle elles forment un tout harmonieux.

Voici ce raisonnement d'Engels :

"... que la violence joue encore dans l'histoire un autre rôle [que celui d'être source du mal], un rôle révolutionnaire; que, selon les paroles de Marx, elle soit l'accoucheuse de toute vieille société qui en porte une nouvelle dans ses flancs; qu'elle soit l'instrument grâce auquel le mouvement social l'emporte et met en pièces des formes politiques figées et mortes - de cela, pas un mot chez M. Dühring. C'est dans les soupirs et les gémissements qu'il admet que la violence soit peut-être nécessaire pour renverser le régime économique d'exploitation, - par malheur ! Car tout emploi de la violence démoralise celui qui l'emploie. Et dire qu'on affirme cela en présence du haut essor moral et intellectuel qui a été la conséquence de toute révolution victorieuse ! Dire qu'on affirme cela en Allemagne où un heurt violent, qui peut même être imposé au peuple, aurait tout au moins l'avantage d'extirper la servilité qui, à la suite de l'humiliation de la Guerre de Trente ans, a pénétré la conscience nationale ! Dire que cette mentalité de prédicateur sans élan, sans saveur et sans force a la prétention de s'imposer au parti le plus révolutionnaire que connaisse l'histoire !" (Anti-Dühring , p. 193 de la 3e édit. allemande, fin du chapitre IV, 2e partie.)

Comment peut-on concilier dans une même doctrine ce panégyrique de la révolution violente qu'Engels n'a cessé de faire entendre aux social-démocrates allemands de 1878 à 1894, c'est-à-dire jusqu'à sa mort même, et la théorie de l'"extinction" de l'Etat ?

D'ordinaire, on les concilie d'une manière éclectique, par un procédé empirique ou sophistique, en prenant arbitrairement (ou pour complaire aux détenteurs du pouvoir) tantôt l'un, tantôt l'autre de ces raisonnements; et c'est l'"extinction" qui, 99 fois sur 100 sinon plus, est mise au premier plan. L'éclectisme se substitue à la dialectique : c'est, à l'égard du marxisme, la chose la plus accoutumée, la plus répandue dans la littérature social-démocrate officielle de nos jours. pareil substitution n'est certes pas une nouveauté : on a pu l'observer même dans l'histoire de la philosophie grecque classique. Dans la falsification opportuniste du marxisme, la falsification éclectique de la dialectique est celle qui trompe les masses avec le plus de facilité; elle leur donne un semblant de satisfaction, affecte de tenir compte de tous les aspects du processus, de toutes les tendances de l'évolution, de toutes les influences contradictoires, etc., mais, en réalité, elle ne donne aucune idée cohérente et révolutionnaire du développement de la société.

Nous avons déjà dit plus haut, et nous le montrerons plus en détail dans la suite de notre exposé, que la doctrine de Marx et d'Engels selon laquelle une révolution violente est inéluctable concerne l'Etat bourgeois. Celui-ci ne peut céder la place à l'Etat prolétarien (à la dictature du prolétariat) par voie d'"extinction", mais seulement, en règle générale, par une révolution violente. Le panégyrique que lui consacre Engels s'accorde pleinement avec de nombreuses déclarations de Marx (rappelons-nous la conclusion de la Misère de la philosophie et du Manifeste communiste proclamant fièrement, ouvertement, que la révolution violente est inéluctable; rappelons-nous la critique du programme de Gotha en 1875, près de trente ans plus tard, où Marx flagelle implacablement l'opportunisme de ce programme). Ce panégyrique n'est pas le moins du monde l'effet d'un "engouement", ni une déclamation, ni une boutade polémique. La nécessité d'inculquer systématiquement aux masses cette idée - et précisément celle-là - de la révolution violente est à la base de toute la doctrine de Marx et Engels. La trahison de leur doctrine par les tendances social-chauvines et kautskistes, aujourd'hui prédominantes, s'exprime avec un relief singulier dans l'oubli par les partisans des unes comme des autres, de cette propagande, de cette agitation.

Sans révolution violente, il est impossible de substituer l'Etat prolétarien à l'Etat bourgeois. La suppression de l'Etat prolétarien, c'est-à-dire la suppression de tout Etat, n'est possible que par voie d'"extinction".

Marx et Engels ont développé ces vues d'une façon détaillée et concrète, en étudiant chaque situation révolutionnaire prise à part, en analysant les enseignements tirés de l'expérience de chaque révolution. Nous en arrivons à cette partie, incontestablement la plus importante, de leur doctrine.

 

* 모든 이텔릭체 강조는 원문 그대로 이고, 기타 잡다한 강조와 번호는 펌자의 것임.

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라비카(G.Labica) 타계2 [폭력,혁명,민주주의..]

[속보] 라비카(G.Labica) 타계(09/02/12), 2009년 02월 16일 02:42, http://blog.jinbo.net/radix/?pid=86

여기서 이어지는 항목으로,

 

1/3) Georges Labica
Par Denis Collin • Actualités • Dimanche 15/02/2009 • 0 commentaires  • Lu 30 fois • 


Notre ami Georges Labica nous a quittés jeudi 12 février, victime d'une hémorragie cérébrale. Né en 1930, il fut une des grandes figures intellectuelles du marxisme. Longtemps professeur à l'université de Nanterre, il avait contribué à en faire un lieu vivant de la philosophie. Outre ses très nombreux travaux sur Marx et le marxisme - dont l'indispensable Dictionnaire critique du marxisme (co-dirigé avec Bensussan, republié en PUF-Quadrige), il était un connaisseur érudit du monde arabe, de son histoire, de la politique, et de sa culture (il est l'auteur, par exemple, de Politique et religion chez Ibn Khaldoun. Essai sur l'idéologie musulmane, Alger, Société nationale d'édition et de diffusion, 1968). Son dernier ouvrage, Théorie de la violence mettait une fois de plus sa vaste érudition au service d'un appel à la résistance et à une stratégie combinant révolution et démocratie en vue d'une « paix libératrice en lieu et place de la violence systémique. »

J'ai connu Georges en passant ma thèse doctorat dont il présidait le jury.  Nous nous sommes ensuite un peu fréquentés dans divers lieux de recherche et séminaires autour de l'oeuvre de Marx. Nous nous sommes retrouvés autour de la revue Utopie Critique où il continuait de tenir régulièrement les "Brèves". Dans le numéro 47 de cette revue (à paraître le 15  février), on trouvera la première partie de son étude "Le carrefour de mai 1968". À "La Sociale", il avait confié encore récemment une petite nouvelle, La Supérette, qui se terminait par un appel à l'insurrection contre cette société capitaliste insupportable. Georges Labica est resté jusqu'au fidèle à l'esprit de révolte, fidèle à ses idéaux... Un exemple à suivre.

 

Pour retrouver les travaux de Georges Labica, on peut consulter son site WEB. Il avait aussi enregistré des cours qu'on peut retrouver sur le site de l'Encyclopédie Sonore: sur "la République" de Platon, sur les classes sociales chez Marx, sur le concept d'égalité, sur le concept de révolution, sur le marxisme, sur Marx et Engels, sur philosophie et politique, sur "les Lois" de Platon. (Denis Collin)

 

Parmi ses oeuvres je retiendrais:

Politique et religion chez Ibn Khaldoun. Essai sur l'idéologie musulmane, Alger, Société nationale d'édition et de diffusion, 1968.
Le Statut marxiste de la philosophie, Bruxelles, Éditions Complexe ; Paris, Presses universitaires de France, « Dialectique », 1976.

Dictionnaire critique du marxisme, avec Gérard Bensussan (dir.), en collaboration avec la revue Dialectiques, Paris, Presses universitaires de France, 1982 ; 3e éd., 1999, coll. « Quadrige ».
Karl Marx : les « Thèses sur Feuerbach », Paris, Presses universitaires de France, 1987.

Le Paradigme du Grand-Hornu. Essai sur l'idéologie, Montreuil-sous-Bois, PEC-la Brèche, 1987

Robespierre : une politique de la philosophie, Paris, Presses universitaires de France, « Philosophie », 1990.
Politique et religion, avec Jean Robelin, (dir.), Paris, Éditions l'Harmattan, 1994.

(dir.), Friedrich Engels, savant et révolutionnaire, actes du colloque international de Nanterre, 17-21 octobre 1995, organisé par le Centre de philosophie politique, économique et sociale du CNRS, publié par Mireille Delbraccio, Paris, PUF, « Actuel Marx confrontation », 1997.

Théorie de la violence, Naples, la Città del sole ; Paris, J. Vrin, «  La pensée et l'histoire », 2007.

http://la-sociale.viabloga.com/news/georges-labica

 

 

2/3) Théorie de la violence
Par Denis Collin • Bibliothèque • Mardi 24/06/2008 • 0 commentaires  • Lu 833 fois • 

 

La violence a partie liée avec l’histoire humaine. Problème complexe pour les philosophes qui ont tendance à la penser comme l’impensable rationnellement à moins que la rationalisant trop, ils la fassent disparaître en tant que telle, transformée en « ruse de la raison ». Georges Labica évite ces deux écueils avec sa Théorie de la violence. L’entreprise de Georges Labica pourrait étonner de la part de quelqu’un qui a voué une partie de sa vie à Marx, Engels et à la défense du marxisme : Engels n’avait-il pas réfuté la théorie de la violence de Dühring ? En vérité, Georges Labica n’a nullement l’intention de se livrer à l’art des généralités creuses sur la violence dont toute une littérature contemporaine nous abreuve.  Alors que les classes dominantes usent de la « crainte de la violence », de la « montée de la violence », de la chasse aux « terroristes » comme autant d’arguments-massue pour amener les dominés à renoncer à la lutte et à faire bloc derrière l’appareil d’État, l’exploration des figures de la violence, à travers les récits religieux, les mythes, l’art, mais aussi l’analyse de la violence structurelle des sociétés modernes permet de mettre à distance ce discours idéologique et de revenir à la réalité, c’est-à-dire, selon le titre du chapitre de conclusion aux « résistances ».

La violence se conjugue d’abord du côté de ceux qui subissent la violence injuste, le malheur sans explication. On lira avec bonheur ce chapitre premier, « du coté du livre de Job », où Labica fait de Job le héros qui capitule pas. Il a été juste et le malheur qui l’accable est sans raison. Ensuite elle est du côté des martyrs et il faudrait, à partir du livre de Labica, confectionner un ouvrage reproduisant tous les tableaux qu’il évoque ou qu’il analyse plus longuement. « Avec le martyre, dit Labica, nous nous trouvons en présence d’un véritable compendium des violences, infligées ou subies, cruelles ou modérées, délibérées et improvisées, inventives et banales, et des émotions qu’elles provoquent, écartelées entre le paroxysme de la douleur et sa volupté, et déclinant la gamme contradictoire de la soumission, de la résignation, de la jouissance, de la stupeur, de l’incompréhension, de l’imprécation, de la colère, de la haine, de l’allégresse et de la révolte qui emporte les protagonistes – donneurs d’ordre, bourreaux, victimes proches, témoins, spectateurs dont la postérité sera inépuisable. » (p. 55). Après les martyrs, les déments et là encore Labica puise abondamment dans la tradition culturelle, dans le théâtre de Shakespeare si riche en tyrans, assassins, bourreaux et fous.

Cette réflexion conduit évidemment à interroger « l’épouvantable XXe siècle » qui, loin de réaliser les promesses des utopistes ou les rêveries des théoriciens de la paix perpétuelle, semble avoir battu tous les records, notamment grâce aux progrès des moyens d’extermination mais aussi de surveillance, de contrôle social et d’asservissement des hommes. Il y a cependant une véritable difficulté à déterminer un sens précis à la violence, la distinction entre violence et pouvoir et leurs rapports complexes, d’autant que les formes de la violence sont multiples et souvent même pratiquement ignorées : les relations de travail sont marquées presque toujours par une violence ouverte ou souterraine dont ne parlent guère ceux qui font profession de nous alerter contre la montée de la violence.

Labica interroge naturellement la non-violence. Sans oublier de saluer le courage d’un certain nombre de figures héroïques de la non-violence, il en montre les ambigüités – ces non-violents qui n’hésitent pas à faire la guerre – et aussi le caractère souvent velléitaire. La non-violence s’insère dans l’arsenal des armes de combat dont disposent les opprimés mais elle ne peut nullement être l’arme suprême. La non-violence ne l’emporte que sur des dominants affaiblis, des dominants peu sûrs de leur bon droit. Bref la non-violence est une solution à un problème déjà presque résolu. Par contraste la position de Labica à l’égard de la théologie de la libération est plus enthousiaste. Contre ceux qui dénoncent en bloc la violence, Labica entend réhabiliter la violence libératrice, celle qui permet de s’attaquer au système du capitalisme mondialisé. Il montre vigoureusement les tartufferies de la « pacification » libérale du monde et nous invite à comprendre les manifestations de violence réactionnelle, y compris les plus contestables : « nous sommes tous responsables : depuis Bandoeng, la conjonction des menées de l’impérialisme, du vie politique opéré par les régimes réactionnaires dans le monde arabe et les échecs des forces progressistes (communistes, socialistes, nationalistes, républicaines ou laïques), a fait le lit des radicalismes de substitution, et pas uniquement au Proche-Orient et au Moyen-Orient. » (p. 257) La violence n’est cependant pas une politique et même la violence des opprimés peut se révéler contre-productive.

Reste donc à élaborer une stratégie qui combine révolution et démocratie. La violence n’en sera supprimée mais fortement diminuée. Labica conclut en appelant à une « paix libératrice en lieu et place de la violence systémique. » (p.262)

Georges Labica, Théorie de la violence, Jean Vrin, Paris, La Città del sole, Naples, 2007, 264 pages
http://denis-collin.viabloga.com/news/theorie-de-la-violence

 

http://www.nodo50.org/cubasigloXXI/congreso/labica_15abr03.pdf

RENDRE SON ACUITE AU CONCEPT DE REVOLUTION / GEORGES LABICA
“Ils sont bien trop nombreux ceux qui attendent leur tour” (Ernst Bloch)
INDICE
I. Introduction: la thèse.............................................................................................................................. 1
1. UN MONDE DE VIOLENCE...................................................................................................................2
2. LA GUERRE COMME POLITIQUE........................................................................................................4
3. LE CONSTAT DES FAILLITES..............................................................................................................6
4. L'ALTERNATIVE RÉVOLUTIONNAIRE ...............................................................................................10
5. DES RÉSISTANCES ...........................................................................................................................15
6. CONCLUSION : PERSPECTIVES.......................................................................................................20

 

3/3) Intervenir en marxiste: Sur le livre de Georges Labica Démocratie et Révolution
Par Stathis Kouvélakis* (Paris, Le Temps des cerises, 2003)
http://semimarx.free.fr/IMG/pdf/KOUVELAKIS_Intervenir_en_marxiste_sur_Labica_.pdf

* Texte d’un communication présentée le 1er octobre 2004 au Congrès Marx International IV (Université de Paris X Nanterre). Texte publié dans Contretemps n° 13, « Cité(s) en crise. Ségrégations et résistances dans les quartiers populaires », mai 2005, p. 178-184.

Il n’a jamais été simple d’être, ou, pour paraphraser l’un des adages préférés d’Althusser
d’essayer d’être, marxiste en philosophie, ou ailleurs du reste. Pour dire les choses d’une
manière simplifiée, avancer à contre-courant n’est jamais allé de soi, et a rarement facilité la
vie de ceux qui s’y sont essayés autrement qu’au titre d’un éphémère péché de jeunesse. Cela
même si une telle entreprise n’a pas toujours eu à se mesurer à des rapports de forces aussi
défavorables qu’aujourd’hui, dans un pays comme la France, et dans un lieu institutionnel
comme celui dans lequel nous nous trouvons actuellement, l’Université. Pourtant, si essayer
d’être marxiste en théorie n’a jamais été facile, cela ne l’a pas toujours été exactement pour
les mêmes raisons. Là encore, pour parer au plus pressé, il me semble qu’on peut distinguer
deux configurations historiques, que sépare cet événement terminal du « court vingtième
siècle », la fin de l’URSS et du mouvement communiste international tel que nous le
connaissions. Dans la configuration précédente, essayer d’être marxiste en théorie ne signifiait
pas seulement affronter la société capitaliste dans ses mécanismes de légitimation et ses
appareils idéologiques, avec leur formidable capacité d’intimidation et aussi de digestion et
d’intégration des forces de contestation. Cela signifiait aussi, si du moins on tenait à une
certaine unité de la théorie et de la pratique politique qui censé être l’affaire du marxisme,
faire face à une version « officielle » de cette théorie, le marxisme-léninisme ou
« matérialisme dialectique » ou diamat, qui réalisait justement à sa façon cette unité sous une
forme très particulière. La difficulté était donc, en fin de compte, celle d’une « lutte sur deux
fronts », contre l’idéologie et la pensée des dominants bien sûr, et avant tout, mais aussi
contre la dégénérescence du marxisme en simple discours de légitimation d’Etats et
d’appareils contradictoirement issus des expériences révolutionnaires du siècle et les ayant
conduit à l’échec.
Or, l’effondrement de l’URSS s’est également traduit par l’échec de ce pari. Pour le dire
autrement, les orthodoxies ont d’une certaine façon emporté dans leur naufrage les
hétérodoxies, et, de manière encore plus éclatante, les diverses tentatives de réforme interne
que le communisme critique avait entrepris. Ou, pour le dire encore plus brutalement, aucun
« antistalinisme » ne peut survivre à la fin du « stalinisme », sauf à devenir lui-même autre
chose. La réalité massivement vécue comme telle du présent est donc celle d’une défaite non
simplement du stalinisme ou du socialisme soviétique mais de la révolution et du socialisme
tout court.

Le deuil du deuil
C’est ici qu’il faut en venir à une première thèse du livre de Labica. Cette thèse consiste à
dire qu’il faut saluer l’effondrement du socialisme soviétique et de son orthodoxie comme une
libération. Cette thèse est, à mon sens, une thèse forte : elle est forte parce qu’elle est tout
d’abord contre-intuitive. Pourquoi en effet faudrait-il saluer comme une libération ce qui se
présente comme la plus grande défaite des classes dominées depuis plus d’un siècle, défaite
dans laquelle culminent une série d’échecs et de reflux sans précédent pour le mouvement
populaire ? En quoi cette défaite, qui signe à l’évidence la fin de tous les paris théoriques et
politiques qui ont été ceux du « marxisme underground » [1] du siècle passé, peut-elle être
identifiée à une libération ? Mais justement, une thèse n’est pas un constat. Elle a quelque
chose du performatif, de l’acte de parole comme disent les linguistes. Pour le dire autrement,
transformer, ou renverser, pour le dire dans un langage plus dialectique, la défaite en
libération, voilà ce dont il est question dans l’acte de formuler, ou de reprendre, cette thèse.
La proposition peut paraître déroutante, mais, d’une certaine façon, être dérouté est nécessaire
quand il s’agit de produire une possibilité nouvelle, interne au réel mais qui, en même temps,
le dépasse. Quand on y réfléchit, cette proposition est tout simplement la seule qui permette
une rupture avec ce qui, dans une défaite, devient élément de blocage, de régression. Et je ne
parle pas ici des attitudes de démission ou du reniement, mais de tout ce qui, y compris parmi
celles et ceux qui ont refusé de baisser les bras, contribue à maintenir la tête sous l’eau. A
savoir toutes les attitudes de culpabilité, d’autoflagellation et, surtout, de deuil interminable,
qui devient complaisance dans l’attitude du vaincu. Bref de tout ce que le marxiste lacanien
Slavoj Zizek a à mon sens correctement désigné comme le « narcissisme de la défaite »,
particulièrement répandu dans une certaine gauche.
Pour soutenir cette thèse, le livre de Labica offre un certain nombre d’outils ou de
munitions, comme on voudra. Je commencerai tout d’abord par ce qui ne me semble pas la
moindre, mais que d’aucuns auront certainement trouvé incommodante, voire inconvenante, à
savoir sa forme. D’abord il y a le style, familier à ceux qui connaissent Labica, mais qu’on
trouve ici dans une version radicalisée, à savoir un mélange de gouaille et d’élégance, un sens
de la formule joint à une bonne dose d’ironie, une rigueur conceptuelle entremêlée à un
lyrisme contenu. Puis, il y a l’organisation à proprement parler du matériau, la structure
disons de l’ouvrage. Précisons-le immédiatement, pour celles et ceux qui n’en auraient pas
pris connaissance, qu’il s’agit d’un ensemble d’articles et de textes écrits à des occasions et
des dates diverses, sans l’intention préalable d’en faire un ouvrage. Simple assemblage donc
de fragments disjoints ? Pas exactement, car, sans vouloir forcer le trait, toutes les pièces ont
ceci de commun, qu’elles sont conçues comme autant d’interventions dans des conjonctures
déterminées, visant à produire quelques effets particuliers sur lesquels nous dirons quelques
mots dans un instant. Relevons toutefois qu’une conception bien précise de la théorie, plus
exactement de la philosophie, se trouve en jeu ici. Une conception qui hérite de l’acquis du
marxisme underground de la période précédente, et qui consiste à dire que la philosophie n’a
pas d’objet, qu’elle n’est pas l’énoncé des lois universelles de la nature et de l’histoire comme
le prétendait le diamat, ni même une ontologie critique ou une entreprise systématique de
refonte dialectique de catégories déjà existantes comme l’ont tenté par exemple, et
respectivement, Lukacs et Sartre. Elle n’est pas autre chose qu’une intervention dans une
situation précise, qui vise à en déplacer les lignes de démarcation pour contrecarrer les effets
de l’idéologie dominante et ouvrir sur des possibilités nouvelles, dont l’enjeu est clairement
politique et le terrain celui de la lutte idéologique.
[1] Cf. Pour reprendre une expression d’un autre ouvrage G. Labica, Le marxisme léninisme, Bruno Huisman, Paris, 1984.


A ceci, qui est un héritage d’Althusser, vous l’aurez sans doute compris, il convient sans
doute d’apporter une rectification, que Labica a formulée dans ses écrits antérieurs [2] et qui
constitue, me semble-t-il, la toile de fond, de ce livre : le statut de l’intervention en question,
contrairement à ce qu’Althusser a jusqu’au bout maintenu, n’est pas celui d’une philosophie
marxiste ou pour le marxisme, mais celui d’une « sortie de la philosophie », l’Ausgang dont
parlent Marx et Engels dans l’Idéologie allemande. Une sortie que je comprends pour ma part
comme une traversée de la philosophie orientée vers son dépassement. Dépassement non pas
dans le sens d’une transcroissance de la philosophie en science universelle, car cela ne ferait
que reconduire le phantasme traditionnel de la métaphysique, mais en tant que reprise de tous
les éléments de fracture, de toutes les limites et les béances internes au champ de la
philosophie. Cette reprise s’opère à partir d’une position théorique qui lui demeure
irréductible, celle du matérialisme historique, mixte radicalement inédit et hybride de théorie
et de pratique, ou, si on veut de production de connaissance, sous condition d’intervention
dans le terrain de la lutte idéologique, à partir donc d’une position nécessairement,
inévitablement, partiale et partisane.
Venons en à présent aux axes de l’intervention théorique tels que nous propose cet
ouvrage : j’en distinguerai trois, qui correspondent, grosso modo, aux trois parties qui le
composent : le langage, les notions clé de l’idéologie dominante, l’hypothèse politique.

[2] Cf. plus particulièrement G. Labica, La statut marxiste de la philosophie, Paris, PUF, 1976.


Intervenir dans le langage
Commençons part le langage, point de départ obligé d’une certaine façon d’une
intervention marxiste en théorie, telle qu’elle a été esquissée auparavant. Pourquoi ? Tout
d’abord, parce que, pour un marxiste, le langage n’est pas un instrument neutre, ni comme le
veut Habermas, un médium orienté, sur un plan transcendantal, vers l’intercompréhension et
le consensus entre les humains. Le langage, dans la moindre de ses unités et de ses
articulations, est la cristallisation la plus évidente du « sens commun » (Gramsci) d’une
époque et d’une culture. Il véhicule une multiplicité contradictoire et incohérente de
conceptions du monde en leur permettant de se déposer, de se sédimenter dans toute son
épaisseur matérielle. Mais par là même, le langage rend ces conceptions du monde actives, il
leur confère d’emblée un statut pratique, agissant, conflictuel. C’est pourquoi le langage est
de part en part idéologique, enjeu et terrain primordial donc de l’intervention théoricopolitique.
Car, on l’aura compris, la théorie, la théorie marxiste en l’occurrence, n’est pas
extérieure à l’idéologie. C’est en intervenant justement dans le terrain conflictuel du langage,
pour en déplacer les lignes de force, que la théorie peut produire de la connaissance. Ou, pour
le dire autrement, on n’accède pas à la connaissance, ni à la pratique politique
« directement », mais bien à travers le langage et à travers l’idéologie.


Voilà donc pourquoi dans cet ouvrage Labica s’acharne, avec les armes à la fois du
concept et du style, sur les mots. Voilà pourquoi distinguer ou opposer, par exemple,
« américain » à « étatsunien » n’est pas un simple jeu. Pourquoi parler de « frappes
chirurgicales », de « dommages collatéraux » ou de « sécurisation d’objectifs » est en soi un
acte violent et une déclaration de guerre. Pourquoi s’en prendre à la prolifération incontrôlé
du vocabulaire « citoyen », aux anglicismes et à toutes ces euphémisations qui transforment,
comme par magie, un « ouvrier » en « opérateur de saisie » et un balayeur en « technicien de
surface » ne relève pas du fétichisme des mots, et ne se laisse pas réduire à une affaire de goût
et d’opinion. C’est une intervention proprement théorique, visant un effet de vérité et que tous
les militants font du reste dans leur pratique quotidienne, en cela qu’elle attaque les
fondements de l’hégémonie idéologique actuelle, c’est-à-dire la manière dont les rapports
sociaux les plus quotidiens sont dits. Et pour être agis, et éventuellement transformés, ces
rapports doivent nécessairement être dits. Cette hégémonie a aujourd’hui un nom, c’est le
libéralisme, économique et politique. Or, la langue de cette hégémonie a ceci de particulier,
qu’elle vise, à travers le vocabulaire omniprésent du consensus, à rendre impossible la diction,
et donc l’expression, du conflit et du clivage social. Elle initie en ce sens la destruction du
politique, qui est, comme le souligne avec force Labica, la marque distinctive de la victoire du
libéralisme, à laquelle elle fournit un formidable fondement pratique. Elle détruit la politique
pour lui substituer la gestion, ou la « gouvernance » comme on dit aujourd’hui, de même
qu’elle détruit la pensée pour lui substituer la « pensée unique », c’est-à-dire la non-pensée.
Inversement, la lutte contre cette hégémonie, commence par la lutte dans et contre ce
langage. La lutte contre certains mots, et pour certains autres, que les précédents ont pour
fonction d’éliminer, comme bien entendu, les mots de « classes », d’« ouvrier », de
« peuple », d’« impérialisme ». Mais dans cette lutte dans les mots, il n’y pas simplement
l’attaque frontale, il y a aussi le détournement, l’ironie, le retournement des mots contre euxmêmes,
bref il y a tout une guérilla linguistique qui se met en place. C’est pourquoi on
trouvera dans ce livre également des poèmes, des rengaines, voire de véritables catalogues à
la Prévert comme le morceau d’anthologie titré « consensus », qui d’une certaine façon
résume tout.


Intervenir dans et contre le droit
L’intervention théorique dans l’idéologie ne se résume pas, toutefois, au langage
« ordinaire », qui reste marqué par les contradictions et les incohérences du sens commun.
Elle nécessite un niveau supérieur, plus abstrait et plus systématique, qui unifie les formes
idéologiques, leur permet de communiquer et de concentrer leurs effets. Ces formes
idéologiques plus sophistiquées cimentent l’hégémonie d’un groupe déterminé et elles sont
l’affaires de spécialistes, qui sont les intellectuels organiques propres à ce groupe. Dans la
société capitaliste, c’est le droit qui fournit cette matrice idéologique. C’est pourquoi critiquer
le droit c’est s’en prendre au point fort, au cœur de l’idéologie dominante. Là encore, critiquer
le droit en marxiste, ce n’est pas le dénoncer comme un entreprise de manipulation, c’est s’en
prendre à ses prétentions fondatrices, fondées sur le mythe d’une société civile autonome et
d’une sphère privée dont il censé garantir l’inviolabilité. Cela revient à révéler le caractère
étatique du droit, et le caractère proprement politique de ses enjeux, qu’il dissimule tout en les
formulant, au sens strict : en leur donnant forme. C’est comprendre, plus précisément, que, du
fait de son caractère étatique et de sa subordination politique, le droit n’est pas l’opposé de
l’illégalité, mais le moyen même de sa constitution et de sa transformation en fonction des
conjonctures. Qu’il n’est pas l’opposé de la violence mais sa codification, le traçage et le
déplacement continu de ses frontières ainsi que sa captation « légitime » par les appareils
d’Etat. Que l’existence d’un Etat dit de droit ne met donc pas un terme à la question de la
contre-violence des dominés mais qu’il en modifie les formes et les conditions, depuis les
divers illégalismes populaires, tantôt individuels tantôt plus collectifs, jusqu’à la violence de
masse qui est le signe infaillible des situations révolutionnaires. Non pas, il faut le souligner,
parce que tel serait le choix des acteurs de la révolution, mais parce qu’elle est imposée par la
violence des classes menacées dans leur domination et par l’action des appareils répressifs qui
en concentrent l’usage.


L’hypothèse politique
Cette question de la violence, grand refoulé de l’actuelle domination libérale, m’amène
tout naturellement à celle de l’hypothèse politique qui sous-tend cette intervention théorique.
Car la reconnaissance du caractère pratique de l’intervention dans l’idéologie, dans la langue
et les catégories de l’hégémonie dominante, demande à être conduit à son terme, c’est-à-dire à
sa traduction politique comme formulation des conditions de la contre-hégémonie des classes
dominées. C’est ainsi en effet que se comprend l’« effectivité », la « réalité ou la puissance de
la pensée » pour reprendre les formulations de Marx dans les Thèses sur Feuerbach [3]. Cette
hypothèse politique est simple à énoncer, comme toutes les thèses fortes, mais ses
implications et conséquences sont nombreuses. Je la formulerai pour ma part en ces termes :
avec l’effondrement de l’URSS et la défaite des expériences révolutionnaires du 20e siècle, il
n’y plus désormais qu’un seul adversaire, dépourvu de contrepoids, brisant ses régulations
internes et libérant ses pulsions les plus meurtrières et destructrices. Contre cet adversaire se
lèvent donc des forces immenses, mais diverses, multiformes et même hétérogènes, dont la
convergence ne saurait en aucun cas être considérée comme spontanément acquise ou
garantie. Tel est justement l’objet de l’hypothèse politique à proprement parler, penser les
modalités de cette convergence, les conditions de leur constitution en bloc hégémonique
capable de remporter la victoire.
Sur quoi peut donc s’appuyer cettte hypothèse ? Quels sont, pour le dire autrement, à
l’intérieur même de l’hégémonie libérale actuelle les lignes de fractures, les éléments présents
à l’intérieur même du sens commun des dominés qui permettent de formuler une proposition
contre-hégémonique ? C’est, nous dit Labica, la montée de l’exigence démocratique, de
manière à la fois diffuse et universelle, et qui est la grande et dure leçon des expériences
passées, y compris de l’échec des régimes issus des révolutions populaires. C’est pourquoi,
affirme Labica cette exigence est plus instruite et plus consciente qu’elle ne l’a jamais été
auparavant. Or, le néolibéralisme, même s’il feint d’en respecter, voire d’en étendre les
formes, est l’ennemi et le fossoyeur de la démocratie et même de la politique en tant que telle.
La reprise et la consolidation des processus de démocratisation ne sont pas simplement des
moyens de résister. Ce sont aussi les voies de la contre-offensive car, pour rester effectif, le
processus démocratique doit s’attaquer à la propriété privée et à l’Etat qui en concentre
politiquement le pouvoir social. Poser la question de la démocratie, d’une démocratie
effective et victorieuse, c’est donc, immanquablement, poser la question du pouvoir, et cela
contre toutes les thèses libertaires aujourd’hui en vogue, qui ne peuvent se passer de ce même
« pouvoir » oppresseur face auquel elles en appellent à l’affirmation des « contrepouvoirs » et
autres « désirs » des « multitudes .
C’est sur le terrain mais aussi dans la finalité de la démocratie que peuvent converger les
forces sociales multiples que l’emprise du capital dresse contre elle, et qu’aucune forme
organisationnelle ne peut à elle seule contenir. C’est enfin sur ce terrain que se décide en fin
de compte la question de la violence révolutionnaire, non pas simplement de manière
défensive, comme moyen de défense contre la violence des minorités exploiteuses mais aussi
comme rupture de légalité, moment de suspension du droit, qui marque l’instauration d’un
ordre nouveau, comme Kant l’avait déjà fort bien dit à propos de la Révolution française. Une
démocratie donc, on l’aura compris, qui émerge entièrement refaçonnée du processus même
de son déploiement concret, non pas donc, à la manière des libéraux, comme régime politique
ou règles procédurales mais comme ensemble de pratiques traduisant la capacité expansive de
la politique.
Démocratie et révolution, pour reprendre le titre de l’ouvrage, sont donc inséparables en
ce qu’elles sont distinctes, non parce qu’elles seraient deux choses différentes, mais parce
qu’elles désignent le même processus sous une double modalité, c’est à dire dans le
mouvement même de son déploiement.
[3] Auxquelles Labica a consacré un ouvrage entier ; cf. G. Labica, Karl Marx. Les Thèses sur Feuerbach, Paris, PUF, 1987.

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