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[冊] MAO's last revolution (1966~76)

"La Dernière Révolution de Mao. Histoire de la Révolution culturelle (1966-1976)", de Roderick MacFarquhar et Michael Schoenhals : autopsie de la Révolution culturelle
LE MONDE DES LIVRES | 24.09.09 | 11h31  •  Mis à jour le 24.09.09 | 11h31

 

Détails sur le produitLa dernière révolution de Mao : Histoire de la Révolution culturelle 1966-1976

LA DERNIÈRE RÉVOLUTION DE MAO. HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION CULTURELLE (1966-1976) (MAO'S LAST REVOLUTION)  de Roderick MacFarquhar et Michael Schoenhals [The Belknap Press, 2006, 752 p.]. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Pierre-Emmanuel Dauzat. Gallimard, "NRF essais", [le 10 sep. 2009], 808 p., 35 €.

From Publishers Weekly
Given the hostile biographies and debunking histories that have recently appeared, it's safe to say that Mao's long honeymoon is over. In this exhaustive critique, MacFarquhar (director of the Fairbank Center for East Asian Research at Harvard) and Schoenhals (lecturer on modern Chinese society at Sweden's Lund University) cover the terrifying Great Proletarian Cultural Revolution between 1966 and 1976, when Mao unleashed the Red Guards on his people. As the unceasing, pointless intrigues between Mao and his chief henchmen unfolded, the violence and denunciations, the staged humiliations and mass executions raged remorselessly out of control, and the country lurched into turmoil. Even today, no one knows the final death count of the Mao cult. In rural China alone, according to a conservative estimate, 36 million people were persecuted, of whom between 750,000 and 1.5 million were murdered, with roughly the same number permanently injured. In the end, the authors, ironically, take comfort from one of the chairman's favorite sayings: "Out of bad things can come good things." For out of that dreadful decade, the authors conclude, "has emerged a saner, more prosperous, and perhaps one day a democratic China." 57 b&w photos.
Copyright © Reed Business Information, a division of Reed Elsevier Inc. All rights reserved.

From The New Yorker
MacFarquhar and Schoenhals successfully synthesize the many plotlines of the Cultural Revolution in a narrative that shuttles from the endless micro-maneuvers of the Party elite to the marauding teens of the Red Guard; and from the Revolution's macro-economic fallout to such bizarre manifestations as the cannibalizing of counter-revolutionaries in Guangxi. Carefully orchestrating the pandemonium and fuelling it with his "deliberate opaqueness" is the figure of Mao Zedong. Utterly unfazed by violence—"China is such a populous nation, it is not as if we cannot do without a few people," he remarked—he hoped the Revolution would perpetuate his legacy. But the arbitrary brutality of the regime insured the opposite. One weary subject recalled that when Mao died, in 1976, "the news filled me with such euphoria that for an instant I was numb."
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Présentation de l'éditeur
On ne saurait comprendre la volonté aujourd'hui de la Chine communiste de devenir une superpuissance capitaliste sans en remonter à la source, traumatique : la Révolution culturelle. Lancée en 1966 par Mao Zedong, cette « guerre civile générale » visait à défaire « les éléments de la bourgeoisie infiltrés dans le Parti. le gouvernement, l'armée et la culture ». Ceux-ci auraient travaillé à renverser la dictature du prolétariat, à l'instar de Khrouchtchev en URSS et de sa révision du stalinisme. Mao incite à la rébellion tout particulièrement les lycéens, transformés en Gardes rouges. Elevée dans la violence répétée des campagnes de « luttes de classe », délivrée des freins familiaux et institutionnels, livrée à elle-même (« plus vous tuez de gens, plus vous êtes révolutionnaire »), la jeunesse instaure une première terreur contre des responsables de l'Etat et du Parti de 1966 à 1968. Mais en juillet 1968, Mao décide froidement de briser les activités révolutionnaires de la Garde rouge et d'endiguer l'effondrement de l'économie; il ordonne à l'armée de procéder au démantèlement expéditif des organisations, il contraint près de douze millions de jeunes à renoncer aux études pour travailler aux champs ou dans les usines. Le retour sanglant à l'ordre bureaucratique fit davantage de morts et de blessés que les agissements des Gardes rouges déchaînés en 1966-1967 ou les combats armés entre les « organisations de masse » rivales en 1967-1968. Il fut conduit par l'armée d'abord, puis par les nouvelles structures politiques qui remirent au pas les militaires grâce à la liquidation du maréchal Lin Biao en septembre 1971, quelques mois seulement après qu'il eut été proclamé le successeur de Mao. Cent millions de personnes ont été affectées par la Révolution culturelle, incluant les survivants estropiés à vie comme les familles dont l'existence a été simplement perturbée par les événements; le nombre de victimes directes, tuées, suicidées, voire dévorées puisque les cas de cannibalisme furent nombreux, serait d'un million. La dernière révolution lancée par Mao, afin de transformer les êtres, fut l'ultime tentative, par le refus de singer les étrangers (Occidentaux, puis Soviétiques), de perpétuer dans la modernité occidentale une essence proprement chinoise, rêvée depuis un siècle par les élites. La Révolution culturelle fut le baroud d'honneur du conservatisme chinois.

 

Biographie de l'auteur
Sinologues de réputation internationale, Roderick Mac Farquhar et Michael Schoenhals enseignent respectivement à Harvard et à l'université de Lund.

 

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Deux des meilleurs spécialistes de la Chine populaire se sont associés pour écrire l'histoire la mieux documentée disponible, à ce jour, sur la Révolution culturelle : à partir de 1966, celle-ci a dressé la jeunesse citadine contre les dirigeants du Parti communiste, avant de dégénérer en guerre civile dès l'année suivante.

Coéditeur des derniers volumes de la Cambridge History of China consacrés à la Chine populaire, le chercheur britannique Roderick MacFarquhar est l'auteur d'une superbe trilogie sur les origines de la Révolution culturelle. Quant à son collègue suédois Michael Schoenhals, je doute qu'un seul sinologue occidental puisse se targuer d'avoir analysé autant de documents que lui sur la Révolution culturelle. C'est en grande partie à lui que nous devons l'extraordinaire masse de détails sur les intrigues, les alliances de circonstance et les retournements exposés dans ce livre. La richesse de la documentation n'empêche pas le récit de demeurer très vivant : le lecteur est tenu en haleine, dans l'attente de nouvelles péripéties ou simplement de la façon dont Mao pourra s'extirper du gâchis dans lequel il s'est fourré. Le malheur est qu'il y a plongé son peuple, qui n'en peut mais.

La première leçon (plutôt une confirmation) du livre, en effet, c'est l'écrasante responsabilité de Mao : sans lui, pas de Révolution culturelle. Il trompe, manipule, déclenche tortures et tueries afin de reconquérir un pouvoir que personne ne lui conteste. La facilité de sa "victoire" atteste que les lieutenants qu'il tient pour traîtres sont soumis et s'évertuent à "travailler en direction" du président. Autrement dit : essayer d'interpréter les sibyllins oracles du dictateur.

 

Caprices et manigances

A défaut de pouvoir, ce qui s'est érodé durant la décennie qui a précédé la Révolution culturelle, c'est le prestige de Mao ; non pas certes auprès des masses, qui ignoraient tout des discussions au sommet, mais parmi les quelques dizaines de dirigeants suprêmes. Certains s'étaient montrés réticents lorsqu'il avait lancé la campagne des Cent Fleurs (1957), tout en se gardant de triompher lorsque l'expérience (qui sollicitait les critiques des non-communistes) avait mal tourné. Mao avait été le principal responsable des erreurs du Grand Bond en avant (1958), une stratégie volontariste de développement accéléré. Mais, cette fois, la majorité des dirigeants avaient partagé ses illusions. Ils sauront du moins tirer la leçon de l'effroyable famine déclenchée par le Grand Bond, et tenteront d'y mettre fin, puis de faire redémarrer l'économie. Moins enclin à reconnaître ses erreurs, Mao s'entête et ne leur pardonne pas d'appliquer des mesures dictées par le pragmatisme et non par la doctrine. Il est difficile d'imputer d'autres torts à la principale victime de la Révolution culturelle, le président de la République Liu Shaoqi.

Une des énigmes persistantes de la Révolution culturelle concerne précisément l'attitude des lieutenants du dictateur, victimes soumises ou collaborateurs empressés, comme si leur unique préoccupation était de s'ingénier à deviner ce que voulait vraiment leur chef sans jamais s'opposer à ses caprices et à ses manigances. Difficile d'imaginer qu'un Zhou Enlai ait en son for intérieur approuvé la voie qu'il a fidèlement suivie durant la dernière décennie de sa vie. L'essentiel à ses yeux n'était pas que cette voie fût bonne pour la révolution et le pays, mais qu'elle fût bien celle que le chef ouvrait, ce qui l'a amené à proférer sans sourciller des torrents d'inepties, à souscrire en en rajoutant aux condamnations aberrantes de ses compagnons et collaborateurs les plus éprouvés.

La conclusion du livre, qui évoque les étapes de la reconquête du pouvoir par Deng Xiaoping, est plutôt un épilogue, précédant de trop brèves pages de réflexion, qui laissent le lecteur sur sa faim. Les auteurs se bornent à dire que la Révolution culturelle est un tournant dans l'histoire de la Chine populaire, ce que nul ne conteste, et un tournant dans l'histoire chinoise moderne, ce qui peut se défendre, à condition qu'on en ajoute pas mal d'autres. Ils insistent en outre sur le caractère autochtone du mouvement.

Remarquable en son genre, ce livre reste essentiellement une histoire politique au sommet. Il se contente de sommaires aperçus sur la société, l'économie... et la culture, mise en exergue par la Révolution culturelle. On ne perçoit pas grand-chose des réactions de l'homme de la rue et de la façon dont il a traversé la tourmente. Modulons toutefois ce regret, car il va de soi que les "masses", censées se soulever au service des idéaux maoïstes, avaient encore moins de latitude pour agir de façon autonome (et étaient beaucoup moins bien informées) que les créatures de Mao. Autre regret : le livre aurait pu distinguer plus nettement la haute époque de la Révolution culturelle (1966-1969) de son interminable séquelle (1969-1976), qui traîne autant que la décrépitude de Mao. Dans cette seconde phase, il n'est plus possible de prétendre à un quelconque rôle des masses, même téléguidées - sauf en avril 1976, mais elles manifestent alors contre la Révolution culturelle et contre Mao.

 

Massacres et répression

L'historiographie officielle post-maoïste a accrédité cette extension de la Révolution culturelle à une décennie entière. Non sans raison, puisqu'elle marque les responsabilités de l'apprenti sorcier, dont il a fallu attendre le dernier souffle pour être enfin délivré du marasme. Il aurait cependant valu la peine de souligner les différences entre les deux périodes, au demeurant prises en compte par Schoenhals dans un ouvrage antérieur. Cela n'empêche pas de reconnaître que les massacres se sont allègrement poursuivis jusqu'en 1971, et que la répression officielle a même fait plus de morts entre 1968 et 1971 que les débordements de gardes rouges entre 1966 et 1968, ce que le livre montre fort bien.

Il est possible que certains lecteurs soient découragés par la masse de détails que renferme le livre. Ceux que l'abondance de noms chinois risque d'égarer disposent d'un appendice biographique aussi précis que succinct. Je ne formulerai que deux minuscules regrets concernant l'excellente traduction de Pierre-Emmanuel Dauzat : l'emploi occasionnel de "la garde rouge" (qui risque de suggérer une unité de commandement et d'action dont les gardes rouges étaient bien incapables) et la traduction par "deux armées" de la seconde partie d'un slogan assignant à l'armée deux tâches (formation et contrôle) qualifiées de "militaires" (entendons : extrêmement strictes). Sans doute le traducteur a-t-il rechigné à employer une expression maladroite et peu claire, mais tel était le jargon qui a enthousiasmé les jobards du monde entier.

Lucien Bianco / Article paru dans l'édition du 25.09.09.

 

La matrice léniniste
Les auteurs voient dans la Révolution culturelle le "baroud d'honneur du conservatisme chinois", le dernier effort de Mao "pour vacciner son peuple contre la maladie soviétique, (...) pour perpétuer une essence proprement chinoise dans le monde moderne". C'est privilégier la culture et les responsabilités autochtones dans le déclenchement de la Révolution culturelle, au détriment du système communiste. Or Mao ne se révolte pas contre le modèle soviétique (il ne l'a que trop singé au cours de son règne et même avant), il s'en prend seulement au "révisionnisme" de Khrouchtchev, à ses yeux trahison d'un modèle qu'il ne remet guère en cause.
Du reste, il se peut que l'expression même de "révolution culturelle" soit empruntée à Staline. L'historienne chinoise He Qinglian a insisté sur les similitudes entre ces deux expériences, soviétique au tournant des années 1930, chinoise au milieu des années 1960. Elles ont propagé des thèmes semblables et partagé une commune inclination à faire des bureaucrates communistes les boucs émissaires des échecs du pouvoir. Mais l'essentiel est ailleurs : dans l'intime parenté entre deux régimes issus de la matrice léniniste, qui laisse les coudées franches au tyran.

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