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[펌]요즘 대학생들, 멍청-호구 탈피책은? / 하재근

[칼럼] "스펙 쌓아봐야 헛일, 노동절 투쟁 동참하라"

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요즘 대학생하면 떠오르는 생각은 ‘불쌍하다’와 ‘멍청하다’ 정도가 될 것이다. 연상되는 단어는 ‘스펙 쌓기’, ‘학자금 대출’, ‘실업’ 등이다. 과거에 대학생하면 떠오르는 것은 ‘데모’, ‘운동권’이었다. 그땐 대학생이 불쌍하거나, 멍청하게 느껴지지 않았고, 반대로 대단하다는 느낌이 강했다. 기성세대도 절대로 대학생을 무시하지 못했다. 요즘의 ‘중고딩’은 불쌍하게 느껴진다. 그와 달리 대학생이 불쌍하기는 하되 ‘멍청하게’ 느껴지는 이유는 그들이 성인이기 때문이다. 다 큰 어른으로서, 그리고 고등교육을 받는 지성인으로서의 지성과 책임감을 전혀 보여주지 못하고 죽을 길로 가고 있다. 사상 최악의 멍청한 집단이다.

 

곧 있으면 다시 노동절이 닥친다. 김영삼 정부 이래 한국의 역사는 노동계급 파괴의 역사였다고 할 수 있다. 고용유연화로 파괴되고, 성과급 경쟁체제로 파괴됐다. 반노조 정서는 집요하게 노동을 공격했고 이제 노조들의 위상은 땅바닥을 지나 지하를 향해 참호를 파고 있다. 대학생들은 미래의 노동자이면서도, 마치 하늘나라의 신선처럼 전혀 현실에서 벌어지는 일에 무관심했다. 노동이 공격받는 것은 대학생의 미래가 공격받는 것과 같다. 노동이 위축되면 대학생의 미래도 위축된다. 하지만 그들은 반노조 정서에 동참하며, 현실 정치에 대한 열정을 잃었고, 심지어 상당수 학생들은 우경화하기까지 했다.

 

또 알량한 서열의식에 젖어, 본교 학생은 분교 학생을 능멸하고, 수도권 학생은 지방대 학생을 능멸하며 대학서열체제에 가담했다. 같은 지방대끼리도 학생들 사이에 차별이 있을 정도다. 또 전국의 대학생이 총단결해 고등교육 국립무상화를 요구하는 소요사태를 일으키지도 못했다. 그 결과 위축된 노동에 의해 대학생의 미래는 암울해졌고, 심화된 대학서열체제 때문에 절대 다수 대학생은 삼류대의 낙인을 피할 수 없으며, 등록금 지옥 속에서 부채 인생을 살아가는 처지가 됐다. 현재는 부채, 미래는 실업. 이것이 한국 대학생의 모습인데 이들은 스펙 쌓기로 이것을 돌파할 수 있다고 생각한다. 사상 최악의 미련함이다.

 

노동유연화 등으로 전체 노동몫이 줄어드는 상황에서 아무리 개인적으로 스펙을 쌓아봐야 헛일이다. 게다가 구조조정과 공기업 민영화 등으로 안정적인 일자리는 점점 더 줄어들고 있다. 대학생들이 노조를 욕하면 욕할수록 안정된 노동을 지키는 힘이 줄어들어 결국 대학생의 미래를 치고 말 것이다. 대기업과 그들을 대표하는 정치세력을 후원하는 방식으로 미래를 보장받으려는 생각도 멍청하기는 마찬가지다. 1990년대 이후 대기업은 수익이 늘어나는 것과 상관없이 일자리를 줄여왔다. 일자리를 늘인 건 중소기업이다. 대기업의 광포한 포식성은 중소기업을 압박해 결국 한국의 일자리를 줄인다. 이런 상황에서 대기업과 그 정치세력에게 희망을 걸었던 대학생들은 정말 멍청했다.

 

과거의 대학생들은 사회문제에 관심을 갖고, 약자들에게 연대했으며, 문제를 국가 정치의 차원에서 풀려고 했다. 현재의 대학생들은 사회문제에 관심을 끊고, 약자에 무관심하며, 문제를 학내 복지나 스펙 쌓기로 풀려고 한다. 그렇게 대학생들이 민중과 정치로부터 멀어지자 한국사회가 우경화된 것은 물론, 대학생 자신들도 비참해졌다. 최근 엄청나게 치솟은 등록금은 대학생들이 얼마나 우습게 보였는지를 나타낸다. 학생들의 반발이 무서웠으면 절대로 그렇게 등록금을 올릴 수 없었을 것이며, 학자금 대출의 금리도 그렇게 높도록 방치하지 않았을 것이다.

 

자기 스펙 쌓기에 열 올리며 정치적으로 우경화한 대학생들을 한국사회는 호구로 보기 시작했다. 그래서 우리 대학생들은 자기 인생을 저당 잡히며 알바를 하고, 몸을 팔고, 자살까지 해가면서 번 돈을 상납하는 처지로 전락한 것이다. 빨대 꼽힌 인생이다. 이들이 사회로 진입해서도 여전히 빨대 꼽힌 인생을 살 것이다. 인턴 등의 명목으로 중노동 저임금을 당연하게 받아들이며 회사의 수익 극대화, 노동비용 극소화를 위해 ‘몸빵’해야 할 운명인 것이다. 집단적으로 권리를 주장하지 않은 세대의 필연이다. 만만하게 보이니 결국 먹힌 것이다. 이대로라면 아무런 희망도 없다. 

 

추세의 역전은 대학생이 다시 전국적으로 뭉치는 것에서부터 시작될 것이다. 뭉쳐서 노동계급과 민중에 연대해야 한다. 개인별 스펙 쌓기는 모두가 죽을 길로 가는 것이고, 노동에 힘을 실어주는 것은 모두의 미래에 고속도로를 까는 일이다. 또 대기업 세력이 아닌 노동과 중소기업을 대표하는 정치세력에 가담해야 한다. 그래야 평생 동안의 삶의 질이 보장된다. 대학생이 집단적으로 무시 못할 힘을 행사하게 되면 등록금 따위의 소소한 문제는 저절로 해결될 것이다. 그건 정말 아무 것도 아닌 일이다. 

 

이제 곧 닥칠 노동절은 절대로 노동자, 노조 등 ‘그들만의 날’이 아니다. 한국은 산업국가다. 농업국가였을 땐 농부가 천하의 대본이었으나, 지금은 노동자가 천하의 대본이며 모든 학생의 미래다. 한국이 현재 총체적인 난국에 빠진 것은 바로 이 ‘천하의 대본’이 흔들리고 있기 때문이다. 대본이 흔들린 이유는 학생들을 비롯해 사회 전체가 노동에 등을 돌렸기 때문이다. 노동절을 맞아 대학생들의 노동의식을 환기할 필요가 있다. 이 부문에 대한 근본적인 변화가 없으면, 설사 이명박 정부를 제지하는 데 성공해 노무현 정부식으로 민주적 제도들이 지켜지는 나라가 되더라도 청년의 등엔 여전히 빨대가 꼽혀 있을 것이다.

 

레디앙 2009년 04월 28일 (화) 10:18:01, 하재근 /사회문화평론가 

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Hobbes & Spinoza, critique de la religion (L.Strauss)

Critique de la religion chez spinoza ou les fonde- ments de la scienLa critique de la religion chez Hobbes : Une contribution à la compréhension des Lumières (1933-1934)

Leo Strauss, Critique de la religion chez spinoza ou les fondements de la science spinoziste de la Bible (1930), Cerf, 1996-ix, 44,10 euros.

Leo Strauss, La critique de la religion chez Hobbes : Une contribution à la compréhension des Lumières (1933-1934), trad. Corine Pelluchon, PUF, 2005-i, 132 pages, 15 euros.

<스피노자의 종교비판>(1930)의 불어번역본는 너무 비싸서 살 수가 없었고, 그 연계작인 <홉스의 종교비판>(1933)은 나온지도 몰랐는데 누군가가 벌써 논문 비슷한 서평(혹은 그 역인지도)을 올려뒀길래, 이 참에 옮겨다가 아쉬운대로 약간만 공부를 해 본다.
 

 

La critique de la religion chez Hobbes de Leo Strauss

8 mai 2008 | Christophe Bardyn

 

Il aura fallu attendre près de trois-quarts de siècle pour disposer enfin de La critique de la religion chez Hobbes de Leo Strauss, d’abord en édition allemande, conformément au texte original de 1933, puis en traduction française [1]. Ce texte constituait en quelque sorte le pendant de La critique de la religion chez Spinoza [2], le premier ouvrage important publié par Strauss en 1930. La petite énigme que pose ce texte est évidemment de savoir pourquoi Strauss ne l’a jamais publié. L’ouvrage est pourtant manifestement achevé. Invoquer les circonstances ou les difficultés éditoriales de Strauss dans les années 30 ne semble pas suffisant, d’autant que son autre ouvrage sur Hobbes fut réédité après la deuxième guerre mondiale, ce qui aurait pu être l’occasion de lui adjoindre le présent essai. Il est plus raisonnable de penser que Strauss était resté insatisfait de son propre travail. Mais sur quel point son insatisfaction pouvait-elle porter, puisqu’il ne l’a pas indiqué ? Il n’y a visiblement rien à rajouter ou à corriger dans les analyses sur le rapport de Hobbes à la tradition (partie A) et à l’Écriture (partie B), qui sont parfaitement maîtrisées. Ces analyses sont effectuées dans le cadre d’une problématique définie dans l’introduction. La question qui intéresse Strauss est celle du « lien entre la science naturelle moderne et la critique de la religion », un lien qui n’est, selon lui, « nullement évident » [3], et qu’il s’agit d’élucider dans le cas particulier de Hobbes. Cette orientation fondamentale de l’ouvrage conduit inévitablement Strauss à réfléchir aux relations entre Hobbes et Descartes, auxquelles il consacre l’avant-dernier chapitre.

 

Strauss entreprend « une comparaison sommaire des réflexions fondamentales des deux philosophes » [4]. Cette comparaison s’appuie principalement sur les Objections de Hobbes contre les Méditations. Strauss commence par remarquer que, concernant la Première Méditation, « Hobbes reconnaît sa vérité aussi résolument que possible » [5]. Mais il précise avec sa finesse habituelle que sa manière d’approuver le doute de Descartes est ambiguë : « Hobbes ne mentionne que les deux premiers arguments. Et, des Objectiones déjà, il ressort qu’il ne considère pas ces arguments comme irréfutables » [6]. Strauss en tire la conclusion que Hobbes « qui n’a jamais élevé le moindre doute à l’égard du troisième argument décisif de Descartes, l’argument du Deus deceptor » a dû « considérer justement ce troisième argument comme décisif. Comme le véritable motif du doute est également pour Descartes la possibilité du Deus deceptor, nous affirmons : Hobbes est tout à fait d’accord avec Descartes sur le fait que la possibilité du Deus deceptor, et elle seule, rend nécessaire le repli sur la conscience » [7]. Cette conclusion est en effet contraignante, mais une fois parvenu à ce point, on est aussi obligé de se demander pourquoi, précisément, Hobbes n’a rien dit de cet argument décisif, le passant sous silence comme s’il n’existait pas.

Strauss a tenté de répondre à cette question dans une note. L’explication qu’il propose est la querelle de priorité qui opposa Descartes et Hobbes « touchant l’explication mécanique de la nature » [8]. Dans la perspective de cette querelle, « il n’y avait pas ici pour Hobbes, bien moins soucieux de son originalité que Descartes, d’autre possibilité que de dévaluer celle de Descartes, de dire que la méditation sur le doute est banale, connue de longue date. Mais cela, il ne put le faire qu’en n’abordant pas l’argumentation originelle de Descartes » [9], c’est-à-dire en passant sous silence l’argument du Dieu trompeur.

 

La raison du silence de Hobbes serait donc sa vanité et son désir de supériorité. Dans une certaine mesure, cette explication s’accorderait avec les propres conceptions de Hobbes sur les rapports entre la science et la vanité. L’inconvénient, dans le cas présent, c’est que cela impliquerait que Hobbes était stupide. En effet, même un lecteur très médiocrement doué est capable de se rendre compte que l’argument du Dieu trompeur est décisif pour le succès du doute hyperbolique, et qu’il est très original. Hobbes ne pouvait pas raisonnablement espérer dissimuler ce fait, encore moins dévaluer le mérite de Descartes sur ce point. En donnant l’impression qu’il essayait de le faire, il aurait paru totalement ridicule, à la manière d’un enfant jaloux mais impuissant qui ne veut pas reconnaître la victoire de son camarade. Il aurait ainsi obtenu le résultat exactement contraire de celui escompté. Étant donné la très grande sensibilité de Hobbes dans ce genre de questions, il est invraisemblable qu’il ne s’en soit pas rendu compte. Cela ne peut donc pas être la cause de son silence. Strauss a dû finalement parvenir à cette conclusion, et il a rayé la note, mais il n’a pas proposé de solution alternative. Ou plutôt, il a préféré passer sous silence la seule explication alternative, qu’il avait lui-même proposée dans cette note, pour la rejeter d’abord : « Est-ce qu’il ne mentionne pas le troisième argument parce qu’il le considère comme nul ? C’est improbable, parce que, comme le prouve le caractère de toute sa critique, il n’aurait pas laissé échapper l’occasion de convaincre Descartes d’une erreur » [10]. Tout le problème est là. La réticence de Strauss à envisager sérieusement cette hypothèse, à cette époque, tenait à sa conviction que la fondation de la science politique par Hobbes était indépendante, et donc en un sens rivale, de la fondation de la science naturelle par Descartes. Cette thèse a été complètement développée dans son ouvrage suivant, qui a été publié : La philosophie politique de Hobbes. Strauss écrivait à l’époque : « La philosophie politique est indépendante de la science de la nature parce que ses principes ne sont pas empruntés à la science de la nature, ne sont, de fait, nullement empruntés à une science quelle qu’elle soit, mais sont fournis par l’expérience que chacun a de soi-même, ou, pour le dire plus précisément, sont découverts grâce aux efforts de connaissance et d’examen de soi de tout un chacun » [11]. Poursuivant dans cette direction, Strauss en venait à soutenir qu’il y aurait une contradiction entre l’orientation morale initiale de Hobbes et l’influence de ses études mathématiques et scientifiques. « La doctrine matérialiste et déterministe de Hobbes, […] non seulement n’est pas exigée par sa philosophie politique, mais, […] en outre, met en péril jusqu’à ses fondements » [12]. La conclusion qu’il en tire, c’est que « la méthode mathématique comme la métaphysique matérialiste ont contribué, chacune à leur manière, à masquer ce réseau de mobiles premiers et, ainsi, à saper la philosophie politique de Hobbes » [13]. Dans les années 30, Strauss considérait donc que les différences entre la pensée de Hobbes et celle de Descartes étaient plus importantes que leurs ressemblances : « L’opposition des deux philosophes tranche d’une manière d’autant plus marquante sur cet accord fondamental » [14].

 

La philosophie politique de HobbesDroit naturel et histoire

Comme il l’a écrit lui-même dans sa Préface à la réédition de La philosophie politique de Hobbes  : « Quant aux défauts qui grèvent le présent ouvrage, je les ai, pour autant que j’en ai pris conscience, implicitement corrigés dans mon livre Droit naturel et histoire (V, a) » [15]. Le chapitre sur Hobbes, dans Droit naturel et histoire, ne signale plus aucune contradiction entre la pensée politique de Hobbes et la science moderne. Au contraire, Strauss affirme désormais que « si nous cherchons à comprendre la philosophie politique de Hobbes, nous ne devons pas perdre de vue sa philosophie de la nature » [16]. Il va jusqu’à dire, dans une note, il est vrai, que « l’importance attribuée par Hobbes au désir de conservation est donc due à sa conception de la nature ou de la science de la nature » [17]. Conformément à cette nouvelle perspective, il invite sobrement, là encore dans une note, à « comparer la position de Hobbes avec la thèse de la Première Méditation de Descartes » [18]. Ce qui a permis à Strauss de reconnaître finalement que l’accord entre les deux penseurs était plus fondamental que leurs divergences, c’est la découverte que le véritable fondateur de la modernité était Machiavel. En conséquence, les efforts de Hobbes aussi bien que ceux de Descartes dépendaient d’une source commune, tout en s’en éloignant quelque peu dans les deux cas. Strauss a omis de préciser la solution du problème qu’il avait lui-même soulevé, relativement à la Première Méditation, entre autres raisons parce qu’il a concentré son attention principalement sur la philosophie politique, en d’autres termes, parce qu’il n’était pas un métaphysicien.

 

Si nous revenons aux Objections de Hobbes, il est manifeste que l’Objection Première avait pour but de faire comprendre à Descartes qu’il n’était pas dupe de l’argument du Dieu trompeur. En insistant lourdement sur les deux seuls premiers arguments du doute, et sur leur absence d’originalité, Hobbes contraignait Descartes à remarquer qu’il ne disait rien du troisième argument. En approuvant bruyamment « la vérité de cette Méditation » [19], et en subordonnant cette approbation à un silence total sur le troisième argument, il indiquait aussi clairement que possible à Descartes qu’il considérait son argument principal comme nul et non avenu. Hobbes avait perçu la faute logique de Descartes [20]. Pourquoi n’a-t-il pas saisi cette occasion remarquable de critiquer ouvertement son adversaire ? Hobbes ne pouvait ignorer qu’en dénonçant l’argument du Dieu trompeur, il démolissait l’ensemble des Méditations. En ruinant la réputation de Descartes, il ne pouvait certainement pas espérer faire avancer la cause qui leur était commune, d’un point de vue philosophique. Hobbes a épargné Descartes parce qu’il était de ce point de vue ce qu’on appelle aujourd’hui un allié objectif de Descartes. Le silence de Hobbes n’était pas un silence jaloux mais un silence complice.

La réponse de Descartes confirme cette interprétation. Si Descartes avait pensé que Hobbes était un piètre lecteur de sa Méditation, il lui aurait sèchement indiqué qu’il y avait effectivement un argument très original dans ses raisons de douter, l’argument du Dieu trompeur. Or Descartes ne dit pas cela. Il fait même quelque chose d’extraordinairement étrange, et même unique dans toute sa carrière d’auteur : il s’excuse publiquement de la faiblesse de ses arguments, sans invoquer la force supposée du troisième. « Les raisons de douter, qui sont ici reçues pour vraies par ce philosophe, n’ont été proposées par moi que comme vraisemblables » [21]. Il est bien dommage qu’aucun commentateur de Descartes ne prenne cet aveu au sérieux, car il en dit long sur la valeur réelle de toute la démarche incluse dans les premières Méditations. Au lieu de défendre la rigueur et le caractère démonstratif du doute, Descartes reconnaît ouvertement que son analyse s’appuyait sur des raisons uniquement vraisemblables, c’est-à-dire rhétoriques. Il est inimaginable que Descartes ait été conduit spontanément à un tel aveu, puisqu’il contredit effectivement toutes ses prétentions. La seule raison qui puisse expliquer cette confession, c’est qu’il a parfaitement saisi le sens caché de l’objection de Hobbes, et par conséquent, il a aussi compris que Hobbes l’épargnait avec une certaine générosité. La réponse de Descartes ne pouvait pas être arrogante, pas même fière. La seule issue qui restait à Descartes était une humiliation volontaire mais discrète, reconnaissant que Hobbes avait bien saisi le défaut du doute hyperbolique.

 

L’autre indice que cette interprétation est correcte, c’est tout simplement le ton de Descartes dans ses Réponses à Hobbes. Il ne faut pas oublier que, très peu de temps auparavant, Descartes écrivait à Mersenne : « Au reste, ayant lu à loisir le dernier écrit de l’Anglais, je me suis entièrement confirmé en l’opinion que je vous mandai, il y a 15 jours, que j’avais de lui, et je crois que le meilleur est que je n’aie point du tout de commerce avec lui, et pour cette fin, que je m’abstienne de lui répondre ; car s’il est de l’humeur que je le juge, nous ne saurions guère conférer ensemble sans devenir ennemis ; il vaut bien mieux que nous en demeurions, lui et moi, où nous en sommes […]. Car je me trompe fort, si ce n’est un homme qui cherche d’acquérir de la réputation à mes dépens, et par de mauvaises pratiques » [22] . Et il ajoute à la fin de sa lettre : « J’aurais honte d’employer du temps à poursuivre le reste de ses fautes ; car il y en a partout de même. C’est pourquoi je ne crois pas devoir jamais plus répondre à ce que vous me pourriez envoyer de cet homme, que je pense devoir mépriser à l’extrême. Et je ne me laisse nullement flatter par les louanges que vous me mandez qu’il me donne ; car je connais qu’il n’en use que pour faire mieux croire qu’il a raison, en ce où il me reprend et me calomnie » [23]. Or, non seulement Descartes a répondu aux Objections de Hobbes, contre sa première résolution, mais il l’a fait avec une retenue et une modération de ton exceptionnelles, qui sont particulièrement frappantes si on les compare avec l’ironie mordante et souvent méprisante des Réponses à Gassendi ou au Père Bourdin.

On ne peut expliquer cette retenue inhabituelle que si Descartes avait perçu à la fois le mal que Hobbes pouvait lui faire, et la grâce qu’il lui avait faite en ne disant rien ouvertement. Descartes s’est donc résolu à user de patience et de politesse avec Hobbes, même lorsque ce dernier faisait manifestement un contresens sur sa pensée, comme c’est le cas dans son Objection Troisième ! Il est même allé un peu plus loin, en fin de compte, en confiant après le parution du De Cive  : « Tout ce que je peux dire du livre De Cive, est que je crois que son auteur est le même que celui qui a fait les troisièmes objections contre mes Méditations, et que je le trouve beaucoup plus habile en morale qu’en métaphysique ni en physique ; nonobstant que je ne puisse aucunement approuver ses principes ni ses maximes, qui sont très mauvaises et très dangereuses, en ce qu’il suppose tous les hommes méchants, ou qu’il leur donne sujet de l’être » [24]. Strauss considérait cette lettre comme un « jugement plutôt favorable » [25] sur l’ouvrage de Hobbes, ce qui est assez raisonnable compte tenu des relations difficiles entre les deux penseurs.

 

[notes]

[1] Leo Strauss, La critique de la religion chez Hobbes, PUF, 2005.

[2] Leo Strauss, La critique de la religion chez Spinoza, Cerf, 1996.

[3] op. cit. p. 20.

[4] Id. p. 105.

[5] Id. p. 107.

[6] Id. p. 108.

[7] Ibid.

[8] Id. p. 129.

[9] Id. p. 129-130.

[10] Id. p. 129.

[11] Leo Strauss, La philosophie politique de Hobbes, Belin, 1991.

[12] Id. p. 238.

[13] Id. p. 241.

[14] Leo Strauss, La critique de la religion chez Hobbes, p. 108.

[15] Leo Strauss, La philosophie politique de Hobbes, p. 11.

[16] Leo Strauss, Droit naturel et histoire, Flammarion, 1984, p. 156.

[17] Id. Chap. V, a, note 4, p. 293.

[18] Id. note 7, p. 293.

[19] AT, IX, 133.

[20] Cf. notre article sur le doute hyperbolique de Descartes.

[21] AT, IX, 133.

[22] Lettre à Mersenne, 4 mars 1641, AT, II, 320.

[23] Id. AT, II, 326.

[24] Lettre au Père ***, 1643.

[25] Leo Strauss, La philosophie politique de Hobbes, p. 89, n. 2.
출처: http://www.theolarge.fr/spip.php?article78

 

* 참고로 홉스 일반에 대한 간략하고 믿을만한 글로는 쟝 떼렐(Jean Terrel 은 -내가 보기에- 가장 좋은 시각의 홉스 전문가)의 다음을 참조하라: Hobbes, Thomas, par Jean Terrel http://dictionnaire-montesquieu.ens-lsh.fr/index.php?id=428

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Macherey,2002) Descartes...

직전 포스트에서 홉스에 대해 약간의 언급을 하다보니 갑자기 데카르트가 생각났고, 어디선가 마셔레(P. Macherey)가 데카르트에 대해 쓴 글이 또한 기억나서 까먹기 전에 옮겨다 둔다. 1987년에 A. Glucksman이라는 사람이 쓴  <데카르트, 그것은 프랑스다>(그림) 라는 책에 대하여 2002년에 마셔레가 풀어놓은 비판이다. "아닙니다, 데카르트는 프랑스가 아닙니다"라는 마지막 문장을 이해시키기 위해 마셔레가 펼치는 아주 꼼꼼하고 질긴 논변이 엄청 열정적이다(늘 그렇지만!). 중간 결론으로 내놓은 마셔레의 인상깊은 말씀을 미리 들어보면 : "어떤 생각의 심연을 파고든다는 것, 그것은 그 생각의 근간을 이루는 몇몇 '단순한 생각거리'(idees simples-단순관념)에 올라타고는 [만족할 것이] 아니라, 그 단순한 관념["코기토..." 같은]으로부터 흘러나오는 결과들의 그물망을 펼쳐보는 것이며, 또한 그 결과가 갖는 의미를 설명하고 발전시키는 것이다. 고로 이 단순한 관념이 갖는 의미는 그것들이 작용하여 만들어내는 행위나 사건으로부터 독립된 자기소여-자기귀환적인 것은 분명히 아니다." (Pénétrer au cœur d’une pensée, ce ne peut être seulement remonter aux quelques idées simples qui en constituent le fond, mais c’est aussi déployer tout le réseau des conséquences qui découlent de ces idées et qui, en découlant, les expliquent, développent leur signification, qui n’est certainement pas toute donnée et repliée en elles indépendamment du fait de les faire fonctionner.) 이하 텍스트 전문.  

 

Descartes c'est la France

 

Methodos, 2 (2002), L'esprit. Mind/Geist
Analyses et interprétations


Descartes, est-ce la France ?
Pierre Macherey, 2002


Résumé / Le cas de Descartes présente un intérêt privilégié pour l’examen des conditions dans lesquelles une philosophie vient à être considérée comme représentant un esprit national. Le livre d’A. Glucksman, Descartes, c’est la France, publié en 1987 à l’occasion du 350e anniversaire de la parution du Discours de la méthode, constitue un exemple extrême de ce type d’opération, qui exploite une doctrine en en infléchissant certains enjeux fondamentaux.

Abstract / Descartes’ case is particularly interesting to examine the conditions under which a philosophy comes to the point of being considered to represent a national thought. A. Glucksman’s book, Descartes, c’est la France, published in 1987, for the 350th anniversary of the publication of the Discours de la méthode is an extreme example of that kind of process, which exploits a doctrine inflecting some of its fundamental stakes.

 

Texte intégral

Pour une étude de l’idée nationale en philosophie, Descartes constitue à l’évidence un objet privilégié. Qui, mieux que lui, a symbolisé l’incorporation à la lettre d’une philosophie d’un « esprit national » qui, inversement, s’offre directement à déchiffrer à partir des traits distinctifs de cette philosophie, clarté et distinction en première ligne ? C’est ainsi que Descartes a accédé au statut d’une « figure » dans laquelle se seraient concentrés, incarnés, les éléments épars définissant la conscience propre d’une nation, élevée par l’intercession de cette figure à la conscience de soi, et ainsi rendue à elle-même visible et surtout lisible. François Azouvi, dans une importante étude recueillie dans la troisième série des Lieux de mémoire de P. Nora, a minutieusement reconstitué les étapes de la formation de cette figure, étapes de fait contrastées et jalonnées d’incidents, dont le plus célèbre est celui de la panthéonisation manquée, au cours desquelles les diverses instances qui prétendaient représenter le véritable esprit de « la France » se sont disputé, au nom de cet esprit, et de la manière toujours particulière dont elles le concevaient, le droit de délivrer la bonne interprétation du cartésianisme, celle qui autorisait, soit sa récupération, soit au contraire sa mise en réserve ou à l’index, ce qui, dans tous les cas, qu’on soit pour ou qu’on soit contre, revenait à faire de Descartes un enjeu national, et ceci, finalement, bien au-delà de ce qu’autorise une étude du contenu doctrinal effectif de sa philosophie : l’un des principaux intérêts de l’étude de François Azouvi est justement de montrer que cette opération, quelle qu’en ait été l’orientation, a toujours eu pour préalable que Descartes fût, suivant sa très juste formule, « séparé de sa philosophie », comme si la condition pour qu’une philosophie puisse être identifiée à de l’esprit national, et ainsi devienne une idée nationalement connotée, soit qu’elle ait cessé d’être considérée, non seulement comme la philosophie qu’elle est, mais même tout simplement comme philosophie au sens propre du mot.

 

Tout à la fin de son étude, François Azouvi cite la formule triomphale sur laquelle s’achevait le discours prononcé en Sorbonne par Maurice Thorez, le « fils du peuple », à l’occasion de la commémoration du trois cent cinquantième anniversaire de la naissance de Descartes : « À travers les tempêtes et les nuits qui se sont abattues sur les hommes, c’est Descartes qui, de son pas allègre, nous conduit vers les lendemains qui chantent. » Qui cela, « nous » ? En 1946, la chose paraissait tout à fait claire, davantage sans doute qu’elle ne l’était en réalité : étant relégués à l’arrière-plan tous les relents et les soupçons possibles d’internationalisme, c’était bien l’union sacrée du peuple engagé dans la voie de sa reconstruction nationale qui, en toute responsabilité, était affichée ; et Descartes était utilisé alors comme le ciment de cette union idéale des esprits rassemblés dans la voie commune. On sait ce qu’il en advint dès l’année suivante ! La même année 1946, saisissant également l’occasion de cet anniversaire fort opportun, Sartre écrivait, en introduction à un recueil de morceaux choisis publiés dans la collection « Les classiques de la liberté » dirigée par Groethuysen, sa fameuse étude sur « La liberté cartésienne », qui est sans doute l’une des clés de sa philosophie, au début de laquelle il expliquait : « ...c’est pourquoi, nous autres français qui vivons depuis trois siècles sur la liberté cartésienne, nous entendons implicitement par ‘libre arbitre’ l’exercice d’une pensée indépendante plutôt que la production d’un acte créateur... », ce qui n’était pas fatalement trahir la pensée de Descartes, qui s’est bien fait de la liberté une idée de ce genre, mais était quand même lui conférer ce statut paradoxalement irréfléchi, spontané, et pour ainsi dire transphilosophique, d’un « implicite » dans lequel aient pu se reconnaître, « depuis plus de trois siècles », ces « nous autres Français » portant l’héritage d’une commune façon de concevoir la liberté dans laquelle leur histoire, au cours de ces trois siècles, aurait en dernière instance trouvé la condition de son unité. Le « nous autres Français » dont parle la phrase de Sartre n’était sans doute pas exactement le même que le « nous » mis en avant par Thorez : mais les deux « nous » remplissaient finalement la même fonction, celle d’un signe de reconnaissance scellant une alliance ou, d’un mot qui eut beaucoup cours à l’époque, un « rassemblement ».

Descartes, dont l’entreprise philosophique n’était peut-être pas tout à fait coupée de toute visée politique de reconstruction sociale, bien que l’extrême prudence qui a été la sienne sur ce plan l’ait crédité à l’inverse d’une position de complète indifférence à ce sujet, se serait bien sûr fort étonné de ce rôle circonstanciel de rassembleur qui devait ainsi, lui une fois mort et enterré, lui être assigné. Et lui qui, né en France et y ayant fait ses études, l’avait aussitôt quittée comme peu propice à la poursuite d’études scientifiques et philosophiques, aurait sans doute été amusé de cet acharnement à faire de lui le plus français, bon ou mauvais, des philosophes, alors que, comme le relate sa Vie écrite par Baillet, ses rares essais de retour et d’implantation dans son pays natal ont toujours été manqués, et lui ont laissé au cœur un sentiment d’exaspération et d’amertume, bien rendu dans ce passage de sa lettre du 31 mars 1649 à Chanut, écrite sous le coup de l’affaire de la pension promise et finalement oubliée par Colbert : « En sorte que j’ai sujet de croire qu’ils me voulaient seulement avoir en France comme un éléphant ou une panthère, à cause de la rareté, et non point pour y être utile à quelque chose. » Il ne savait pas alors que, d’animal exotique, il allait bientôt, passé au rang de fétiche politique et ainsi acclimaté et domestiqué, devenir l’hôte familier de la maison France, dont la plupart des joutes allaient se dérouler sous son regard et sous sa caution.

 

Un des épisodes les plus récents de cette acclimatation, et non le moins significatif, et qui, en raison de sa proximité, nous concerne de très près, a été, en 1987, à l’occasion cette fois encore d’une commémoration, celle du trois cent cinquantième anniversaire de la publication du Discours de la méthode, la parution de l’ouvrage d’A. Glucksmann, dont le titre tapageur, Descartes c’est la France, attire immédiatement l’attention, l’étonnement intrigué suscité par cet intitulé étant aussitôt renforcé par l’image entre toutes éloquente exposée sur la page de couverture, celle d’un Descartes bleu blanc rouge, ainsi mis par le biais d’un audacieux montage photographique aux couleurs de la France, comme une sorte d’égal ou de rival de la Marianne de nos mairies, étrange emblème d’une passion nationale dont il prétend délivrer les tenants et les aboutissants. Que dissimule cette opération, beaucoup plus subtile et retorse qu’il n’y paraît au départ, et qui ne fait pas que seulement ajouter un épisode de plus à l’histoire de l’élaboration du mythe Descartes confondu avec le mythe France, mais enrichit significativement le contenu de cette représentation ? C’est ce qu’on voudrait examiner ici, en essayant d’aller un peu plus loin que la surprise provoquée par la couverture du livre, donc en l’ouvrant et en le lisant pour en déchiffrer la ou les significations.

 

Tournons d’abord notre attention du côté du sujet du jugement prédicatif « Descartes c’est la France », et demandons nous qui est, ou plutôt quel est, comment est fait et se présente ce Descartes qui, pour avoir la France à sa mesure, doit être lui-même mesuré, c’est-à-dire lu et interprété, de façon appropriée. Et en particulier, en reprenant le critère dégagé de l’étude de François Azouvi, posons la question : la condition de cette opération d’envergure, puisqu’elle tend à élargir Descartes à l’échelle de la France, est-elle qu’il soit « séparé de sa philosophie » ?

 

Disons-le tout de suite, la lecture que Glucksmann propose de Descartes, qui est tout sauf une lecture faible et de juste milieu, est à la fois passionnante et sidérante. Reprenant l’idée déjà avancée par Heidegger d’un Descartes nihiliste, mais la retournant dans le sens d’un nihilisme actif de conquête, ce qui peut faire penser à la démarche suivie par Péguy relisant Descartes à la lumière de Bergson afin d’en faire apparaître la vraie profondeur, inséparable de la révélation de ses faces d’ombre, il trace la figure d’un Descartes tragique, éclairée, la métaphore est récurrente dans tout l’ouvrage, par une raison non pas rayonnante et diurne, entraînée et possédée par l’ivresse d’Eros, mais nocturne, troublée et troublante, sans cesse relancée en avant d’elle-même par la torsion que lui impose Thanatos et ses interminables tourments. Descartes, explique Glucksmann, en particulier dans les passages de la dernière partie du livre consacrés à une brillante interprétation métaphysique des réquisits de la dioptrique, c’est la raison de l’aveugle qui cherche, en tâtonnant avec son bâton, à se faire un chemin dans la nuit, en sachant que l’idée qu’il peut se faire du monde en déchiffrant les rares signes que celui-ci lui envoie n’aura jamais que la valeur précaire d’une reconstruction provisoire, d’une « fable », selon la métaphore reprise à son compte par Descartes lui-même, qui, on le sait, s’était fait peindre tenant à la main un livre dont le titre était Mundus est fabula. Des nombreux passages du livre qui développent cette idée, ne citons que celui-ci qui les résume tous :

« Ou bien idéaliser, voir au grand jour et voir du jour partout ; avec en annexe la possibilité d’infliger une aussi absolue clarté sous la férule des espèces sensibles (Gassendi), d’une intuition divine (Spinoza) et de la conscience de soi (Hegel, Husserl). Ou bien, voir dans la nuit et déchiffrer les ténèbres en tant que ténèbres. »1

[1] II, chap. 3, «À l’entrée du non-monde», éd. Livre (...)

Cette vision nocturne permet d’effectuer un rapprochement inattendu entre Descartes et Pascal, dont les discours, au-delà de leur opposition de surface, se répondraient et se compléteraient : l’un et l’autre, à l’époque classique, se seraient servis de la raison comme d’une arme pour affronter les puissances de l’inconnu et de l’irrationnel, de manière à en circonscrire la pression, non pas en vue de les exorciser fictivement, car ils ont lucidement et courageusement reconnu que cela était impossible sinon justement de façon fictive et apparente, mais pour apprendre à y résister en connaissance de cause, sachant bien que si la folie est l’Autre de la raison, et là Glucksmann par un biais inattendu rejoint Foucault à qui son livre est dédié, cet Autre est en fait logé au cœur même de la raison, qu’il travaille en permanence de son insuppressible souci. Et ici, par-delà Pascal et sa folie de la croix, et l’éloignement de son Deus absconditus, ce sont, en pleine nuit de Gethsemani, Montaigne et Socrate que rejoint Descartes, emporté par la folie critique du doute et de l’aporie, et qui veut juger de tout par lui-même parce qu’il ne fait confiance à personne pour décider à sa place de la vérité, d’une vérité qui, dès lors, a cessé d’être la vérité des choses, la vérité qu’on prête abusivement aux choses, pour devenir seulement sa vérité, dont il prétend, et là est sa seule prétention, assumer jusqu’au bout l’entière responsabilité. Et, ici encore, c’est le Descartes résolu de Péguy qu’on retrouve, ce Descartes de combat, qui dément les mythologies apaisées et apaisantes de la raison souveraine du monde, alors qu’elle doit sans cesse reprendre contre lui la lutte, une lutte qui n’est jamais gagnée d’avance et où aucune victoire ne peut être considérée comme définitive.

 

Pour accréditer cette lecture indiscutablement décapante, Glucksmann, très normalement, revient en permanence sur ce qui constitue la part cachée, la part maudite de la philosophie de Descartes : cette doctrine de la création des vérités éternelles, que, en raison de son caractère extrême et étrange, il n’a explicitement mentionnée dans aucun de ses ouvrages publiés, ne consentant à lever le voile à ce sujet qu’à l’intention de quelques correspondants triés sur le volet et reconnus aptes à en soutenir le choc sans sourciller. Ici encore, nous trouvons un Descartes, non peut-être revu et corrigé, mais souligné d’un trait d’ombre très noir, comme s’il était illustré par Callot ou par Goya :

« Le doute cartésien dynamite les usines secrètes de la création, en mettant en cause la légitimité éternelle des vérités éternelles... L’esprit les subit mais pas au point de ne pouvoir les supposer truquées... Même les plus transparentes de nos illuminations naissent d’une nuit à laquelle elles menacent sans cesse de retourner... »2

[2] II, chap. 2, id., p. 118.

Qu’il n’y ait de nécessité qu’en fonction et à partir de la toute-puissance divine, donc suspendue à ses libres décrets, et donc que, si nous nous pénétrons à fond de cette idée, nous en venions à comprendre, ou plutôt, car c’est là justement quelque chose qu’il nous est impossible de comprendre, à admettre sans chercher à comprendre que notre raison eût pu être tout autre que telle qu’elle s’impose à nous parce que Dieu en a voulu ainsi, voilà qui reconduit radicalement notre raison à ses infranchissables limites, et lui interdit toute spéculation triomphante quant à sa vocation à éclairer définitivement le monde, un monde qui, elle le voit bien, doit pour toujours rester enfoncé dans la nuit. Et ceci nous ramène à l’image de l’aveugle qui tâtonne, ou du cavalier si courageux perdu dans une forêt, qui n’a d’espoir que dans sa propre force de caractère, car celle-ci lui permet de s’y tracer, sans garantie aucune, une voie dans le maquis de ses fourrés, en ayant la lucidité de reconnaître qu’il y est perdu à tout jamais.

 

Il n’est pas possible de reprendre ici la totalité des analyses, toujours extrêmement concentrées, souvent fulgurantes, libres sans être pour autant désinformées, qui jalonnent la démarche de Glucksmann lecteur de Descartes, démarche qui, par ses excès mêmes, ne peut laisser personne indifférent. Nous tenons là un Descartes on ne peut plus nettement défini et caractérisé, penseur septentrional de l’errance et du doute, dont la figure acérée, comme tracée à la pointe sèche, prend à sa façon place dans une certaine tradition de la philosophie française : celle des philosophes qui, pour nous en tenir au XXe siècle, considèrent, après Alain et Bachelard, que raisonner, c’est d’abord savoir dire non et ainsi, pour reprendre la notion qui est au cœur de la pensée de Canguilhem, se confronter aux valeurs négatives du monde et de la vie. Toute la question est alors de savoir si ce Descartes est Descartes, si c’est tout Descartes, ou bien Descartes séparé, sinon de toute sa philosophie, du moins d’une partie de ce qu’elle est. Nous nous contenterons à ce propos de faire deux remarques.

 

La première est suggérée par le rapprochement qu’on ne peut s’empêcher de faire entre la démarche de Glucksmann et celle de Péguy. Or, chez ce dernier, les choses sont tout à fait claires : comprendre Descartes, c’est-à-dire aller directement au cœur de sa pensée profonde, c’est nécessairement l’amputer de son système, en reprise de la conception défendue par Bergson de l’intuition métaphysique, d’où se dégage immédiatement une méthode de lecture des philosophies. Péguy le déclare en toutes lettres dans sa Note sur la philosophie bergsonienne d’avril 1914 : de l’ensemble de l’œuvre de Descartes, vingt lignes au plus méritent d’être sauvées ; prises dans les 2e et 4e parties du Discours de la méthode, ce sont celles qui exposent les règles de la méthode et les règles de la morale provisoire, le reste devant être abandonné à la poussière des bibliothèques dont se repaissent savants et pions de tout poil ; vingt lignes seulement, mais elles ont, dit Péguy dans des pages dont le lyrisme n’a cessé d’impressionner, changé, révolutionné, la face du monde, en déclarant une nouvelle manière de penser, nous dirions de s’orienter dans la pensée. Glucksmann est moins radical que Péguy : et c’est pourquoi il ne se contente pas, pour dessiner la figure de Descartes, de rédiger une simple note, mais écrit tout un livre qui, par certains côtés, est un livre savant, appuyé sur des références bibliographiques complètes et précises ; et ce livre fait à peu près le tour de la philosophie cartésienne, dans des conditions qui ne sont pas seulement celles propres au journalisme, s’agissant même du très bon journalisme que Péguy essayait de faire dans ses Cahiers. Glucksmann va moins loin que Péguy dans le sens d’une réduction de la pensée cartésienne à son minimum vital, mais il va indiscutablement dans le même sens. Sa lecture, méthodiquement unilatérale, on le dit ici sans polémique, tend à faire de Descartes l’homme d’une seule pensée, préoccupation obsessionnelle vers laquelle l’ensemble de son œuvre converge, et que le mot « critique » résumerait le mieux. Et ainsi la richesse de la pensée de Descartes ne se mesure pas à sa complexité, mais consiste en son essentielle simplicité, telle que celle-ci se donne à lire lorsqu’on entreprend d’aller au fond, tout au fond, de sa philosophie, en renonçant à faire prévaloir la forme sur le fond. Et Péguy ne disait finalement rien d’autre.

 

Ceci conduit à la deuxième remarque qui porte sur un point plus particulier. On l’a dit, l’une des preuves essentielles à l’appui de son interprétation de la philosophie de Descartes, Glucksmann la tire de la doctrine de la création des vérités éternelles. On peut admettre que celle-ci constitue l’une des clés de la pensée cartésienne, mais encore faut-il s’entendre sur ce qu’on lui fait dire au juste, et se demander si, en la dépouillant de son extraordinaire complexité, de manière à la ramener à une leçon simple sinon appauvrie, on ne lui retire pas une partie, une grande partie, voire la plus grande partie, de sa signification. La thèse étonnante selon laquelle, si Dieu, qui a établi les vérités comme un roi le fait des lois dans son royaume, l’avait voulu, les propriétés des figures et des nombres seraient différentes de celles que nous connaissons, et donc deux et deux ne feraient plus quatre, est-elle compréhensible si on la sépare de l’idée, nettement affirmée par Descartes, selon laquelle, en Dieu, à la différence de ce qui se produit dans l’esprit humain, entendement et volonté ne font qu’un ? Autrement dit, si Dieu a créé librement les vérités, sans avoir pour cela à s’en tenir à une règle préalable que lui aurait fixée son entendement, il n’est pas non plus juste d’avancer que, dans cette affaire, la volonté de Dieu a devancé ce que l’entendement pouvait lui proposer, puisque c’est en même temps, d’un seul et même acte, qu’il a voulu et connu les vérités qui sont les effets de sa toute-puissance, et, en dehors de celle-ci, n’ont aucune réalité, donc aucune force pour se faire reconnaître : et en conséquence, c’est à notre point de vue, par définition limité, que la libre création de Dieu se présente sous le jour de l’arbitraire d’un coup de dés, alors que, à son point de vue à lui, elle a dû être à la fois libre et nécessaire, tout en se présentant à notre point de vue comme indifférente. Or, ceci mis en lumière, on commence à mesurer à quel point la doctrine cartésienne de la création des vérités éternelles a pu nourrir la réflexion philosophique d’un Spinoza qui, en rangeant ces mêmes vérités, comme appartenant aux modes infinis de la substance pensante, dans l’ordre de la nature naturée, en a fait lui aussi des effets de la toute-puissance divine, et non des formes idéales de rationalité préexistant à son action et indépendantes de celle-ci. Et ceci pourrait être une occasion de reprendre à nouveaux frais la question du rapport entre les conceptions de Dieu chez Descartes et Spinoza, qui sont peut-être moins différentes et éloignées qu’on ne le suppose trop souvent, la seule chose qui les sépare réellement étant que, pour Descartes, Dieu est pur esprit, bien que certainement pas esprit personnel. De cette remarque qui n’a pu qu’être esquissée, on tirera la conclusion suivante : pénétrer au cœur d’une pensée, ce ne peut être seulement remonter aux quelques idées simples qui en constituent le fond, mais c’est aussi déployer tout le réseau des conséquences qui découlent de ces idées et qui, en découlant, les expliquent, développent leur signification, qui n’est certainement pas toute donnée et repliée en elles indépendamment du fait de les faire fonctionner. Et, de ce point de vue, la mythologie de la profondeur exploitée par Péguy et par Glucksmann ne peut que laisser insatisfait.

 

Tournons nous à présent du côté du prédicat du jugement « Descartes c’est la France » : cette France que Descartes est, ou plutôt cette France que c’est, Descartes. Car l’assertion que Glucksmann a utilisée pour intituler son livre n’est certainement pas à prendre au premier degré. « Descartes c’est la France », ce n’est pas une constatation, débouchant sur la prise en compte banale de faits du type de ceux-ci : Descartes est français, ou la France est cartésienne ; mais c’est l’affirmation, la revendication critique d’un droit : Descartes, c’est ce que la France, non pas est de fait mais devrait être, si elle était conforme à son idée, à laquelle sa réalité, par définition, se mesure à distance. Ceci est clairement précisé sur la 4e de couverture, où l’esprit de l’ouvrage est ainsi résumé :

« La France, non pas l’Hexagone ni le sang, ni le sol ni la race, mais une civilisation. De la France, Descartes à Amsterdam, comme trois siècles plus tard de Gaulle à Londres, affirme une certaine idée... »

Descartes à Amsterdam, c’est comme de Gaulle à Londres : le porteur de l’idée nationale qui a su prendre ses distances, opérer la rupture nécessaire entre le fait et le droit, entre le pays réel et le pays essentiel, pour faire prévaloir, en disant non, dans le doute et dans l’errance, une certaine idée de la France. Et ceci, une nouvelle fois, nous ramène à Péguy, et à sa conception combattante de la philosophie, au point de vue de laquelle les grands philosophes, avant d’être des penseurs ou des savants, sont comme des capitaines ou des chefs de guerre. Toute la question est alors de savoir à quelle guerre on a affaire ici, étant entendu que celle-ci ne peut être ramenée dans les limites d’une simple dispute d’idées, mais comporte des enjeux vitaux, et précisément des enjeux nationaux, dans la défense desquels la philosophie, lorsqu’elle se sait et se veut responsable, est embarquée. Pour le dire en d’autres termes, la lecture qui nous est ainsi proposée de Descartes est en dernière instance politique : et on n’aurait rien contre, sauf quand même à mieux définir le type de politique qui est ici visé.

 

Il faut donc que nous nous demandions dans quelle sorte de combat Descartes, ce Descartes que c’est, la France, est impliqué. Nous disons bien est impliqué. Car si de Gaulle à Londres disait non à Pétain, faisant ainsi valoir une certaine idée de la France, cela n’aurait bien sûr aucun sens de dire que Descartes à Amsterdam disait non à la monarchie française, l’important étant de savoir, non pas à qui il disait non, à l’imparfait, mais à qui il dit non, au présent, incarnant ainsi une certaine idée de ce que, la France, c’est, et non c’était. Or, sur ce plan encore, les choses sont parfaitement claires, Glucksmann n’étant pas de ceux qui marchent à pas de colombes. Nous, Français d’aujourd’hui lecteurs de Descartes, et qui, en lisant Descartes, nous expliquons à nous-mêmes ce que c’est, la France, nous ne le savions peut-être pas, mais nous sommes en guerre : en guerre avec d’invisibles agresseurs venus de toute part, surgis de la nuit, qui, sous couleur de vouloir notre bien nous veulent en fait le plus grand mal ; mais d’abord et avant tout nous sommes en guerre avec nous-mêmes, et c’est ce conflit intérieur que nous révèle la lecture de Descartes, pourvu qu’elle sache aller droit à l’essentiel. Les protagonistes de ce conflit ? La bonne France, celle qui résiste, en disant non, et apprend à le faire précisément chez Descartes, cet ancien nouveau philosophe, et chez nul autre, et l’autre France, celle qui n’est pas bonne, celle qui, à tous les sens du mot, abuse, en injectant à l’esprit français le poison des mauvaises pensées. Ces mauvaises pensées, on les a immédiatement reconnues : ce sont celles que propagent les « maîtres penseurs », ces voyants illuminés et extralucides qui prétendent détenir le secret radieux des lendemains qui chantent, et nous enfoncent ainsi au plus profond de notre nuit, d’une nuit rendue plus obscure et plus opaque de n’être pas affrontée comme nuit, et d’être travestie en jour, et même en « grand jour », voire en « grand soir ».

 

Ces maîtres penseurs, tout le monde le sait, sont natifs d’Allemagne : entre autres, ils s’appellent Leibniz, avec son optimisme prétendument rationnel, Hegel, avec sa logique de l’histoire, et surtout Marx, avec son idée du prolétariat comme classe universelle capable à elle seule de représenter les intérêts de l’humanité tout entière, et ainsi appelée, par représentants interposés – et comme, le prolétariat, personne ne sait ce que c’est puisque ça n’existe pas, n’importe qui peut s’en prétendre le représentant –, à exercer sur elle une impitoyable dictature. Mais le fait qu’ils soient venus d’Allemagne ne signifie pas qu’il faille recommencer, comme du temps de Péguy, qui, lui, n’aimait surtout pas Kant, et sa raison froidement déracinée, le combat sempiternel de la France et de l’Allemagne. Pas plus que le Descartes que c’est, la France, n’est l’Hexagone, avec ses frontières matérielles qu’il faut défendre contre les agressions de l’ennemi héréditaire, les maîtres penseurs ne sont non plus l’Allemagne si on peut dire physique et organique, qui nous menacerait de l’autre côté du Rhin : mais c’est cette Allemagne intérieure, dont nous sépare seulement une frontière mentale, cette Allemagne qui est dans nos têtes à nous, Français qui nous sommes détournés de la voie ouverte par Descartes, et qui, croyant aux promesses de vérité absolue dispensées par les mages de l’esprit, à qui après tout ça ne coûte rien, avons perdu, ce qui est le fond même de la pensée cartésienne, le sens de l’erreur, et la nécessité d’être en permanence vigilant contre sa menace que nul exorcisme ne peut réellement et définitivement dissiper.

 

Alors, il faut quand même que nous nous demandions si Descartes est effectivement cela que, la France, c’est, avec les résonances très particulières de ce « c’est » qui claque comme un drapeau. Est-ce bien lui rendre service, et surtout est-ce rendre service à la philosophie, que de l’enrégimenter dans cette chasse aux sorcières nouveau style, et de lui faire présider un tribunal d’enquête qui s’apparente fort à une inquisition nourrie de tous les amalgames possibles et imaginables ? Tu t’intéresses à Spinoza, tu lis Hegel, tu travailles sur Marx ? Tu es un mauvais français, complice et collaborateur des bourreaux d’Auschwitz et du goulag, si ce n’est des terroristes islamistes ! Les dernières pages du livre de Glucksmann grondent et menacent :

« ... Les Français ne maintiennent leur originalité historique qu’à décevoir Marx, Khomeiny et autres messies qui prétendent réaliser la philosophie par le politique ou suturer les problèmes politiques en imposant la solution définitive (sic) d’une quelconque prédication théorique ou religieuse. Depuis le XVIe siècle, il existe heureusement des mécréants, qui séparent continûment pour les confronter sans cesse l’actualité qui bouleverse et la pensée qui fait face, la part du malin génie et celle du cogito... Longtemps l’humanité de l’homme fut champ de bataille et enjeu pour diverses persuasions. Descartes change la donne, ôte le trophée, donc transforme le jeu. Le conflit des humanismes positifs devient sans objet ; non seulement Physis et Cosmos sont perdus, mais ils ne sont pas à retrouver ; aucune renaissance ne leur est due ; la persuasion qui animait ces grands englobants est déconnectée, au point que leur harmonieuse existence de jadis paraisse douteuse, sauf sous les traits, illusion par trop rétrospective, d’un adieu rêveur que la Grèce finissante adresse à elle-même. Quant aux contemporains, ils se feront contemporains de la dissuasion cartésienne, ou ils finiront mal à trop vouloir s’entendre sur le Bien, plutôt que sur leur mésentente, ou leur doute. »3

[3] Id., p. 384 s.

On appréciera le ton de prophète adopté par celui qui s’est engagé dans la croisade contre l’esprit de prophétie. On s’étonnera de la ruse de l’histoire qui garantit à ce « dissident » de tomber immanquablement du bon côté. Et on plaindra Descartes d’avoir couvert de son autorité l’imposture d’une revendication de tolérance qui est en fait, très dialectiquement, une manifestation d’intolérance. Non, Descartes c’est pas la France !

 

Notes

1 II, chap. 3, «À l’entrée du non-monde», éd. Livre de poche, p. 130.
2 II, chap. 2, id., p. 118.
3 Id., p. 384 s.


Pour citer cet article Référence électronique

Pierre Macherey, « Descartes, est-ce la France ? », Methodos, 2 (2002), L'esprit. Mind/Geist, [En ligne], mis en ligne le 5 avril 2004. URL : http://methodos.revues.org/document94.html. Consulté le 22 avril 2009.

 

Auteur

Pierre Macherey, Université Lille 3, UMR «Savoirs et Textes»

Articles du même auteur :
Idéologie : le mot, l’idée, la chose. [Texte intégral], Paru dans Methodos, 8 (2008), Chimie et mécanisme à l'âge classique
Une poétique de la science : [Texte intégral], Paru dans Methodos, 6 (2006), Science et littérature NavigationChercher

 

 

[여담] 위의 마셔레 텍스트와는 별개로, 내가 세상 물정을 잘 모르기도 하고, (많이는 아니지만) 데카르트 연구(공부)가 남한에서는 어떻게 이뤄지고 있는지가 약간은 궁금하여 알라딘에 올라와 있는 책들을 대충 훑어봤다. 어떻게 된 심판인지 데카르트의 기본서 외에는 이렇다 할 연구서나 번역서는 눈에 잘 띄지 않는다. 내가 여기서 데카르트의 중요성을 재론할 처지는 아니지만, 김상환이 정통 빠리 4대학에서 데카르트 연구로 학위를 받았고, 그 덕에, 그리고 데카르트의 중요성이 감안돼서 서울대에 들어간 것으로 아는데, 그는 왜 데카르트의 원전이나 연구서를 (재)번역 하지를 않고 이상한(!) 글만 쓰는지 이해할 수가 없다. 김상환이 쓴 책의 주제들을 연대기로 보면 이렇다: 96년-해체론; 99-예술; 2000-문학, 니체, 김수영론; 02-지식인; 05-지젝 (언젠가는 부르디외 책도 번역한 것으로 아는데 안 찾아진다). 누군가의 흥미와 관심을 제3자가 뭐라할 이유야 전혀 없겠지만, 전공자, 그것도 드물고 귀한 정통의 제대로 된 전공자가 맞다면, 전공분야의 원전이나 기본 해설서에 대한 재검토와 번역이 다른 무엇보다 우선한다는 일종의 사회적 책임으로부터 진정 자유로와도 되는지 약간 의문이다. 뭐 첨단 자유주의사회니깐... 되겠지.

데카르트의 기본서라고 해봐야 <성찰>과 <방법서설>의 얇은 두 권이 핵심이겠지만, 이에 딸린 연구서는 중요한 것만으로도 넘치고 넘쳐 제목도 다 기억 못 할 지경인데, 그 중에서 과연 뭐가 번역돼 있는지는 찾기가 어렵다. 나같은 비전공자에게도 아래 사진의 세 연구서는 <성찰> 만큼이나 귀중한 책으로 거의 고전의 반열에 올라있는 것으로 알려져 있는데, 두 저자의 이름은 알라딘에서 찾을 수가 없는 게 좀 이상하다. 아마도 내 검색능력의 부실 탓이라고 믿어본다. 

 

La pensée métaphysique de DescartesLivre - Descartes Au Fil De L'OrdreLa philosophie première de Descartes

Henri Gouhier, La pensée métaphysique de Descartes, Vrin, 1962, 69, 78, 87, 99(4e ed.), 416 p., 34 euros.
Jean-Marie Beyssade, La philosophie première de Descartes, Flammarion, 1979, 377 p.
Jean-Marie Beyssade, Descartes au fil de l'ordre, PUF, 2001, 328 p., 30 euros.

 

 

[참고] Descartes et Montesquieu : de l'objectivité de la nature à l'idée de système politique
Etienne Géhin Revue de sociologie française   Année  1973  Volume  14  Numéro  14-2  pp. 164-179
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsoc_0035-2969_1973_num_14_2_2197

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사회임금 확대로 노동운동 전환을..(오건호)

아주 중요한 연구이고 지적으로 보여진다, 단순한 임금인상이 아닌 '사회임금의 확대'를 노동운동의 목표로 삼아야 한다는.

'사회임금'이란 "노동자가 기업에서 받는 임금(시장임금)과 대비되는 용어로 실업급여, 보육지원금, 기초노령연금 등 사회적으로 얻는 수혜 ; 아동수당과 같이 현금으로 지급되는 현금급여와 의료서비스와 같이 서비스로 지급되는 서비스급여 ; 사회임금 확대는 노동자내부의 소득격차를 완화하고 노동자 내부의 분할을 극복하는 계기를 마련해줄 수 있는 만큼 노동운동이 본격적으로 사회임금을 내걸어야..." (오건호)

 


사회공공연구소 사회임금 최초 추정...7.9% 불과해
안보영 기자 coon@jinbo.net / 2009년04월16일 16시01분

 

한국가계운영비 중 사회임금은 7.9%인 것으로 드러났다. 오건호 사회공공연구소 연구실장이 15일 발표한 이슈페이퍼에 따르면 한국 가계운영비 중 사회임금이 차지하는 비중은 7.9%로 이는 OECD 평균 31.9%의 4분의 1, 북구 복지국가인 스웨덴 48.5%에 비해 6분의 1에 불과한 수준이다. 스웨덴 노동자가 기업에서 얻는 시장임금 만큼을 사회에서 제공받고 있는 반면, 한국 노동자는 가계운영비를 거의 시장임금에 의존하고 있는 셈이다. 사회임금은 노동자가 기업에서 받는 임금(시장임금)과 대비되는 용어로 실업급여, 보육지원금, 기초노령연금 등 사회적으로 얻는 수혜를 말한다. 지금까지 기업에서 얻는 시장임금과 대비해 사회임금이 개념적으로 사용되긴 했지만, 국제통계자료를 활용하여 사회임금 수준이 추정된 것은 이번이 처음이다.

사회임금은 아동수당과 같이 현금으로 지급되는 현금급여와 의료서비스와 같이 서비스로 지급되는 서비스급여, 두 형태로 구분된다. 외국 현금급여의 대표적 예는 아동수당인데 스웨덴, 프랑스 등 유럽의 노동자는 정부로부터 임금의 6~7%에 해당하는 금액을 아동수당으로 받는다. 한국은 하위 70% 이하소득 가구에 영유아 1인당 최고 38만 원까지 보육료가 지원된다. 만약 노동자가 월 20만 원의 보육료를 지원받는다면 이는 시장임금이 20만 원 인상된 것과 동일한 효과를 지닌다. 서비스급여는 현물 방식으로 지원되는데 가장 대표적 예는 의료서비스다. OECD 국가들이 의료서비스에 지출하는 재정은 GDP 약 6%에 달한다. 우리나라에선 건강보험공단이 환자에게 부과된 진료비 중 일부를 지불해 준다. 직접 현금을 받는 것은 아니지만 건강보험 서비스를 통해 동일한 금액을 지원받은 것과 같다. 건강보험의 급여 적용이 확대되어 서민들이 민간의료보험에 10만 원을 내야 받을 수 있는 혜택을 건강보험에 4만 원만 더 내 얻을 수 있다면 가계소득을 6만 원 늘린 것과 같다.

사회임금은 OECD 국가 중 미국과 영국이 상대적으로 낮고 유럽대륙 국가들은 높은 수준을 보인다. 비서구 국가 중에선 유일하게 일본의 사회임금 비중이 30.5%로 OECD 평균에 도달해 있다. 이는 일본이 고령화가 상당부분 진전되어 연금급여가 발달해 있기 때문이다. 서구 노동자들이 보다 안정적인 생활을 하는 것은 그들의 임금이 많아서가 아니라 상당한 금액의 사회임금이 보장되기 때문이다. 실업, 의료, 주거, 보육 등을 사회임금으로 제공받다보니 경제위기 시 구조조정이 진행돼도 기본적 생활의 영위는 가능하다. 그러나 시장임금만으로 살아야 하는 한국에서 구조조정은 ‘가계파탄’을 의미하고 그만큼 사회적 갈등은 커질 수밖에 없다.

 

"사회임금을 늘리는 투쟁이 시급"
오건호 연구실장은 그간 한국의 노동운동이 ‘시장임금 인상’에 치우쳤다. 정규직/비정규직 간 시장임금 격차가 현격한 한국에서 사회임금 확대는 노동자내부의 소득격차를 완화하고 노동자 내부의 분할을 극복하는 계기를 마련해줄 수 있는 만큼 노동운동이 본격적으로 사회임금을 내걸어야 한다”고 말했다. 오건호 연구실장은 “OECD 평균만큼 사회임금을 확보하는 중기 목표를 세워 이를 위한 ‘재정요구안’을 마련하고, 올해 정기국회부터 ‘진보재정요구안’을 내걸고 국가재정의 혁신과 사회임금 확대를 위한 운동에 나서야 한다”고 말했다.
한국의 사회임금 추정은 가처분소득 대비 현금급여 비중(OECD FACTBOOK, 2009)과 GDP 대비 현금급여 및 서비스급여 지출 비중(OECD의 StatExtracts 수치), 가처분 소득(OECD StatLink 수치), 서비스복지(OECD StatExtracts 수치 재구성)등의 자료를 활용했다.

 

 


 

연간 휴가일 수에서 프랑스가 38일로 세계 1위라는 조사가 있다. 이러한 사실도 위에서 본 '사회임금'이라는 보장장치와 어느정도 상관이 있겠다. 물론 그들 중에는 휴가를 즐길 여유가 없는 사람들도 많고, 그 반대 부류에 대해서는 휴가를 위해 일하는 놈들이라는 나무람도 더러 있는 줄로 안다. 그러나 노동이 단순한 돈벌이 수단에 불과하고(안 그런 분도 많겠지만) 그래서 휴가도 자진 반납하는 분들이, 돈도 돈이지만 노동과 휴가가 삶의 일환으로 스스로의 존재확인과정으로 여기는(다 그런 건 아니겠지만) 자들을 나무랄 처지는 아닐 듯하다. 지금 우리의 험한 시국에 너무 한가한 얘기인지는 모르겠지만... 어쨌든, 프랑스-38일, 이태리-31일, 스페인-30일, 호주-19일, 일본-15일, 미국-13일 순이다 (사회임금 비중이 일등인 스웨덴은 조사대상에서 빠진 듯; 꼴등인 우리는?).

Les Français champions du monde des vacances
Avec 38 jours de congés accordés par an, les Français sont en tête du classement mondial. (15 AVRIL 2009)
Ils arrivent loin devant les Américains qui ne soufflent que 13 jours par an et les Japonais (15 jours). L'enquête -  présentée mercredi 15 avril par Expedia.fr et Harris Interactive- démontre que les touristes français ne sont pas prêts à renoncer à leurs vacances malgré la crise.

Modèle anglo saxon contre douvceur latine. Les Français, Italiens et Espagnols sont donc les plus chanceux avec respectivement 38, 31 et 30 jours de congés par an. Les Américains, Japonais et Australiens ont de quoi les envier car ils ne profitent que de 13, 15 et 19 jours de repos par an.

Le contexte économique incite 20% des personnes interrogées pour ce sondage à renoncer à une partie de leurs congés cette année. 22% des Français renonceront à prendre l'intégralité de leurs vacances alors que les Japonais sont 92% à s'être déclarés en ce sens.

Mais là encore, les Français s'affichent comme la population tenant le plus à ses vacances. Les Français, comme les Allemands, Britanniques et Canadiens, ne sont prêts à renoncer qu'à deux jours de congés cette année. D'ailleurs, deux Français sur trois ont déclaré qu'ils partiraient au moins deux semaines d'affilées cette été.
A l'inverse, les Japonais, qui figurent pourtant parmi les moins bien lotis en termes de vacances, pourraient abandonner sept jours de repos et les Italiens six jours.

Cette étude a été réalisée en ligne par Harris Interactive entre le 5 et le 12 mars 2009 auprès d'échantillons nationaux représentatifs, dont 483 personnes âgées de 16 ans et plus en France.
http://voyages.liberation.fr/actualite/les-francais-champions-du-monde-des-vacances

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[낡은책] 에밀졸라와 드레퓌스

등잔밑이 어둡다고, 참세상에서 기획연재하는 [낡은책]이라는 제목도 친근한 코너를 오늘에야 발견했다. 내 블로그에서 직전에 만든 포스트가 에밀 졸라의 <제르미날> 듣기용인데, 우연히도 며칠 전에 나온 [낡은책] 9편에서 드레퓌스에 관한 책, <드레퓌스>(1978)를 다루고 있다. 드레퓌스도 드레퓌스지만 그를 위해, 아니 진실을 위해 싸운 사람들 중에서 가장 먼저 떠오르는 이가 "나는 고발한다"로 유명한 에밀 졸라. 일단 서평의 일부와 "나는 고발한다"의 그림을 보자.

 

[낡은책9] 드레퓌스, 진실과 허위의 역사

진실을 뒤덮은 편견의 프랑스 (이정호 기자  / 참세상 2009년04월13일 16시34분)
드레퓌스-진실과 허위 그 대결의 역사 (니콜라스 할라즈, 황의방 번역, 한길사, 1978년, 327쪽
1894년 10월 31일 독일을 위해 스파이 활동을 한 혐의로 프랑스의 육군 대위 드레퓌스가 체포된다. 프랑스는 그를 둘러싸고 이후 12년 동안 심각한 혼란에 빠졌다. 1906년 무죄가 밝혀지고 모든 것이 원 상태대로 돌아갔다. 드레퓌스 사건의 또다른 주역 에밀 졸라는 드레퓌스를 변호했다는 이유로 법정에 섰고 결국 영국으로 망명해 경제적 어려움 속에서 드레사건의 끝을 보지도 못한채 1902년 가을 가스중독으로 죽어갔다. 졸라는 1898년 1월13일자 끌레망스의 ‘로로르’지 1면에 ‘나는 고발한다’를 실었다. “진실은 전진하고 있고, 아무것도 그 발걸음을 멈추게 하지 못할 것입니다.” 원고지 80장 분량의 이 격문이 실린 로로르 지는 평소 발행부수의 10배가 넘는 30만부가 팔렸다. 졸라는 “광기, 어리석음, 기괴한 상상력, 비열한 경찰 근성, 종교 재판 식의 매도, 전체적인 폭압으로 뒤흔들렸고, 몇몇 장교와 장성들의 영달을 위해 국가 전체가 강철 군화에 짓밟혔으며, 진실과 정의를 외치는 목소리는 ‘국가 이익’이라는 미명하에 질식됐다”고 토로했다. (...) 31년된 책이지만 솜씨 있는 번역 덕분에 지금 읽어도 맛있게 읽을 수 있다. 오히려 이후에 번역한 책들이 현학적이라서 읽기에 더 버겁다. http://www.newscham.net/news/view.php?board=news&nid=52469

 

▲ 에밀 졸라의 <나는 고발한다>가 게재된 1898년 1월 13일자 <로로르(여명)> 1면. 
http://www.oxygenee.com/images/J_Accuse-813KB.jpg  에밀 졸라

 

 

Alfred Dreyfus (Mulhouse, 9 octobre 1859 - Paris, 12 juillet 1935) était un officier français et alsacien d'origine et de religion juive. Accusé, puis condamné pour trahison avant d'être gracié, puis réhabilité, il fut au cœur d'un conflit social et politique majeur de la IIIe République, appelé l'Affaire Dreyfus qui a divisé l'opinion française en deux clans : les Dreyfusard et les Anti-Dreyfusards.

Émile Zola, né à Paris le 2 avril 1840, mort à Paris le 29 septembre 1902, est un écrivain, journaliste et homme public français, considéré comme le chef de file du naturalisme.

 

드레퓌스는 1859년생으로 쟝 죠레스, 베르크손과 동갑이고, 따지자면 올해가 그에게도 150주년 탄생 기념해이다 (뒤의 두 사람도 그 당시에는 드레퓌스를 위해 노력을 한 것으로 기억). 다른 친구들은 150주년 탄생 기념이라고 각종 행사의 대상이 되어 세상의 벅적임 속에서 다시 기억되는데, 그렇지 못하고 이름만 세상에 빌려준 자의 슬픔같은 것이 드레퓌스에게는 느껴져서 왠지 약간은 씁쓸하고 미안하다 (참고: 쟝 죠레스 탄생 150주년 http://blog.jinbo.net/radix/?pid=149).

이하, [낡은책] 지난 기사 중에서 두개만 선정해다 링크건다.

 

[낡은책2] 진보와 그의 적들 http://www.newscham.net/news/view.php?board=news&nid=51083
 ‘세계적 석학’이란 수사 뒤에 숨은 궤변 ‘프랑스의 지성’ ‘세계적 석학’ ‘미래학자’라는 미사여구가 늘 붙어 다니는 기 소르망의 궤변... [이정호 기자] 2009.01.04

[낡은책3] 프랑스 민중을 위한 한 생애 http://www.newscham.net/news/view.php?board=news&nid=51170
 인민의 아들 (모레스 토레즈, 연구사, 1987.9.10) 이 책은 1990-1964년까지 20세기 전반기를 알차게 살다 간 프랑스 공산당 지도자 모레스 토레즈(Thorez, Maurice)의 자서전이다. 토레즈는 프랑스 공산당의 역사다...... [이정호 기자] 2009.01.12

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빈곤과 관심(조순경) - Attention(S.Weil)

조순경: 빈곤의 비가시화, 빈곤소탕작전(도시위생 처리), 남성노숙자의 가시화/빈곤여성의 비가시화, 주의와 관심.

시몬 베이여(S.Weil): Misere(pauverete) invisible, Attention oubliee(perdue).

 

 

빈곤과 관심 / 조순경 강의(여정민 정리)  

 

'고용'이 화두다. 실업급여 수급자는 매월 최대 규모를 갱신하는데 새 일자리는 생길 기미가 보이지 않는다. 실직자가 늘어나니 자연스레 '먹고 사는 일'이 고민이다. '빈곤의 확대'가 우려되는, 유례없는 전 세계적 경제 위기다. 그 첫 피해자가 여성과 비정규직 등 사회적 약자임이 확인되고 있다. 정부가 이런 저런 대책들을 내놓지만, '부자 감세' 규모에 비하면 턱없다는 비판이 곳곳에서 쏟아진다. 복지 등 사회 안전망 확충에 대한 요구가 빗발치지만, 정부는 일단 기업을 살려 일자리를 늘리는 것이 우선이라는 입장이다. 대체 이 위기를 우리는 어떻게 극복해야 할까?

조순경 이화여대 교수는 14일 "빈곤이 우리의 시야에서 점차 사라지고 있다"며 "빈곤 극복을 위한 일차적인 과제는 빈곤하고 차별받는 현실에 대해 '아는 것'"이라고 주장했다. 일자리를 잃고 "우리에게도 착취당할 기회를 달라"고 호소하는 이들의 참혹한 현실이 사람들의 눈앞에 보이지 않는다는 얘기다. 조 교수는 이날 이화여자대학교 국제교육관 LG컨벤션홀에서 '지구화 시대 빈곤과 여성 노동'이라는 주제로 열린 제11회 서울국제여성영화제 국제학술회의에서 "빈곤은 친밀한 관계의 결핍으로 인한 것이기도 하다"며 이 같이 주장했다. 조순경 교수의 이 같은 문제 제기는 그간 이뤄졌던 빈곤 연구와 전혀 다른 차원의 접근이라는 점에서 관심을 모은다.

조 교수는 1980년대 중반, 디트로이트의 자동차 공장에서 해고당한 노동자가 한 이 이야기로 실업의 공포를 명료하게 설명했다. 조 교수는 "일본 등 외국에서 수입된 자동차로 미국의 자동차 산업이 경쟁력을 잃으면서 자동차 산업의 메카인 디트로이트 거리는 실업자로 넘쳐났고 이들에게 일자리를 갖는다는 것은 임금 수준과 근로 조건을 떠나서 특혜로 보이는 상황이었다"고 설명했다. 그리고 20년이 훌쩍 지난 지금, "금융의 세계화는 전 세계적으로 경제적 불안정성을 심화시켜 왔다." 특히 "그 불확실성은 일차적으로 저임금 근로자와 저소득층에 피해의 부담이 전가되고 있다." 문제는 이런 상황에서 국가가 전혀 이들을 보호하지 못하고 있다는 점이다. 조 교수는 "그동안 연구자들이 가졌던 환상 가운데 하나는 국가 혹은 시장이 노동여성 빈곤의 문제를 일정 정도 해결해 줄 것이라는 사실"이라고 단언했다. "어쩌면 우리는 국가에 대해 지나치게 과도한 기대를 해 왔는지 모른다. 그러나 지난 20년간의 경험을 통해 볼 때 국가와 시장은 일하는 여성들의 빈곤을 해결하는 주체가 되기 어렵다는 것을 알 수 있다."

 

근거는 국가가 주도하는 빈곤의 비가시화다. 북경 올림픽을 치르기 위해 중국 정부가 치른 대대적인 빈민 소탕 작전은 단적인 예다. 조 교수는 "이런 방식으로 도시들이 '위생 처리'되면서 시민들의 시야에서 빈곤한 현실은 멀어져가고 있다"고 지적했다. 사정은 우리도 다르지 않다. 조 교수는 이화여대 정문 앞의 '달동네'가 고층 아파트로 재개발되면서 매일 등하교 길에서 마주치던 "빈곤의 현실은 학생과 교수의 시야에서 사라졌다"고 토로했다. 그 가운데서도 이미 10년 전 외환 위기 때, "'자발성'으로 포장된 강요에 의해 대규모로 퇴출당했던" 여성은 최근에도 1차 피해자가 되고 있지만, 그들의 빈곤은 "더 더욱 드러나지 않는 방식으로 존재한다." "거주할 곳이 없는 남성은 거리의 노숙자로 가시적으로 드러나 보인다. 여성에게 노숙은 성폭력 위험에 노출되는 것과 같기에 머물 곳 없는 여성들이 가게 되는 곳은 숙식을 '보장'해 준다는 티켓다방, 성매매 업소다."

지난 2월 통계청 조사 결과 1년 전에 비해 여성 취업자는 13만9000명이 줄었다. 같은 기간 남성 취업자는 2000명 줄어 남녀 취업자 감소폭의 차이는 무려 70배나 된다. 그러나 그들은 "목소리를 낼 수 있는 통로조차 없다." 그들의 목소리를 대변해 줄 노동조합도 대외적 힘의 여부와 별도로, 여성 조직율 자체가 하락하고 있다. 여성 노동자의 노조 조직율은 지난 1997년 19.5%에서 2005년 5.1%로 늘기는커녕 오히려 14.4%포인트나 감소했다. 이들의 목소리가 들리지 [않는] 이유다. 여기에는 언론 등 미디어도 한 몫 하고 있다. 조 교수는 "전 세계적으로 주요 미디어에서 가난한 사람들의 존재와 이미지가 사라져 가고 있는 것으로 보고되고 있다"며 "빈곤한 이미지의 제거는 마치 지구상에서 빈곤이 사라져 가는 것과 같은 착각에 빠지게 한다"고 말했다. "빈곤이 일상적으로 존재하기 때문에, 특별한 사건이 없는 한 보도 가치가 있는 뉴스 거리가 되지 않는다. 사회에서 배제되고 소외된 집단이 그들의 소리를 들리게 하기 위한 방법은 평상시와 다른, '특별한 행동'을 해야 하는 이유이기도 하다. 죽음을 각오한 단식, 삭발, 쇠사슬로 온 몸을 감기 등등의 퍼포먼스는 그들의 소리를 사회에 알리기 위한 수단이다."

 
"빈곤은 친밀한 관계의 결핍으로 인한 것이기도 하다"는 조 교수의 지적은 통계나 과학, 논리를 통해서 빈곤 문제를 해석하는 기존의 연구와는 또 다른 발상의 전환이다. 조 교수는 "관심과 보살핌이 있는 관계에서 빈곤은 존재하지 않는다"고 주장했다. 즉, 공동체의 해체가 빈곤을 확대시키는 또 한 축이라는 얘기다. "전체 인구의 5분의 1이 빈곤하다는 것은 5분의 4는 빈곤하지 않다는 것을 의미한다. 빈곤하지 않은 사람들이 빈곤한 사람들의 삶에 지속적 관심을 가지고 공동체적 의식으로 관계를 유지하고 있다면 빈곤한 사람은 존재하지 않는다." "효용과 효율의 가치가 지배해" 이미 원자화, 개별화된 사회에서도 특히 실업과 고용불안은 더 넓은 관계의 결핍을 초래한다. "일하지 않는다는 것은 곧 나의 삶에 타인이 부재하다는 의미"이며 "고용의 임시성은 노동현장에서의 사회적 관계의 형성 및 노동공동체 형성을 어렵게" 하기 때문이다. 그는 "자본주의 시장경제에 노출되지 않은 소위 '미개 사회'에서는 한 사회 공동체가 통째로 빈곤한 상황에 빠지지 않는다면 그 공동체의 개인들은 굶어죽지 않는다"고 덧붙였다. 그가 "관계의 부재가 빈곤을 야기하는 하나의 원인이라면 빈곤으로부터의 해방은 공동체적 관계의 부활, 나눔과 돌아봄을 통해 이뤄질 수 있다"고 주장하는 이유다.

그리고 그는 "나눔을 '선한 마음'으로 가능한 도덕적 행위나 개인 차원의 구도행위"로 생각하는 것을 벗어나 연구의 필요성을 제기했다. "나눔의 의미가 무엇인지, 가능하게 하는 조건은 무엇인지, 활성화시킬 제도적 장치는 무엇인지, 정규직은 왜 비정규직의 삶에 무심한지, 빈곤 해결과 차별 해소의 방법으로서의 관계 형성은 어떻게 하는 것인지 등은 연구가 필요한 과제다." 물론 조 교수의 이 같은 고민이 당장 눈앞에 닥친 경제 위기의 해법은 될 수 없다. 정부는 오직 '가진 사람'의 세금을 깎아주는 데만 혈안이 돼 있고 관계조차 결핍된 이들을 위한 현실적 생존 방안에는 큰 관심이 없다. 이런 상황에서 '나눔'이라는 화두는 '꿈같은' 얘기로 들리기도 한다. 그러나 우선 학계를 향해 "스스로 돌아봐야 한다"고 요구하는 조 교수의 질문은, 어쩌면 점점 더 각박해지는 사회를 바꿀 수 있는 마지막 기회일지도 모른다.

"지구상의 빈곤은 지식의 부재로 인한 것이 아니다. 직접 겪을 때까지 아무리 알려주고 말해도 못 알아듣는 인간 인식 능력의 한계가 하나의 원인이라면, 다른 하나는 이해하기 어려울 정도의 인간의 복잡한 욕망 구조, 그리고 다양한 이해관계에 의해 움직이는 정치 때문일 것이다. 교육자로서, 그리고 연구자로서 대학에 있는 나 자신의 이해와 관심, 내가 있는 자리, 그리고 내가 하고 있는 일에 대해 거리두기를 하고 냉정하게 돌아봐야 하는 이유가 여기에 있다." (여정민 기자, "사라지는 목소리…'착취 당할 기회를 달라'": 조순경 교수 "국가가 빈곤 해결? 그건 환상이다", 프레시안 기사입력 2009-04-14 오후 6:53:07)


 

An Interview with Simone Weil trailer

 

 

ATTENTION / Simone Weil (Paris, le 3 février 1909 - Ashford, le 24 août 1943)

 

L’attention est un concept clé de l’anthropologie philosophique de Simone Weil, depuis les premiers écrits philosophiques (à partir de 1925) jusqu’aux grands textes des années 1942 et 1943. Dans son « autobiographie spirituelle », elle écrit au père Perrin : « À quatorze ans je suis tombée dans un de ces désespoirs sans fond de l'adolescence, et j'ai sérieusement pensé à mourir, à cause de la médiocrité de mes facultés naturelles. (…) Je ne regrettais pas les succès extérieurs, mais de ne pouvoir espérer aucun accès à ce royaume transcendant où les hommes authentiquement grands sont seuls à entrer et où habite la vérité. J'aimais mieux mourir que de vivre sans elle. Après des mois de ténèbres intérieures j'ai eu soudain et pour toujours la certitude que n'importe quel être humain, même si ses facultés naturelles sont presque nulles, pénètre dans ce royaume de la vérité réservée au génie, si seulement il désire la vérité et fait perpétuellement un effort d'attention pour l'atteindre. (…) Plus tard, quand les maux de tête ont fait peser sur le peu de facultés que je possède une paralysie que très vite j'ai supposée probablement définitive, cette même certitude m'a fait persévérer pendant dix ans dans des efforts d'attention que ne soutenait presque aucun espoir de résultats » « Attente de Dieu, pp. 38-39 ; Œuvres, pp. 768-769 ».

La philosophie de Simone Weil n’est pas d’abord une philosophie de la condition humaine (des conditions d’existence), ni une philosophie du travail, ni une critique des idéologies, ni une philosophie de l’histoire, ni une métaphysique du don, ni une doctrine politique et sociale (bien qu’elle soit tout cela), c’est d’abord une interpellation. Un appel adressé à tout homme, quels que soient ses aptitudes intellectuelles, « n'importe quel être humain, dit Simone Weil, même si ces facultés naturelles sont presque nulles ». En cela, elle est restée cartésienne. La philosophie de Simone Weil est fondamentalement une éthique – non pas une loi, car le bien véritable est au-delà de l’opposition entre le bien et le mal, mais un travail de transformation, ou de conversion de soi, qui suppose un effort d’attention.

 

Qu’est-ce que l’attention ? L’attention est un effort, mais n’est pas un effort de la volonté, encore moins une espèce d’effort musculaire, car il n’y a pas d’attention véritable qui ne soit portée par le désir et l’amour. « L'attention est un effort, le plus grand des efforts peut-être, mais c'est un effort négatif » [14]. Il ne s’agit pas de faire quelque chose, mais bien plutôt de se retenir de faire, de renoncer à exercer une emprise, de laisser être autre chose que soi, et c’est pourquoi faire attention est si difficile : « L'attention consiste à suspendre sa pensée, à la laisser disponible, vide et pénétrable à l'objet (…). La pensée doit être vide, en attente, ne rien chercher, mais être prête à recevoir dans sa vérité nue l'objet qui va y pénétrer » [15].

L’attention véritable suppose que je renonce à moi et à « mes » pensées. Renonçant à moi, à mes pensées, à ma perspective, j’accède à la vérité. Car, c’est lorsque « moi » je ne suis pas là que la vérité se manifeste. Lorsque « moi », je laisse des traces, c’est qu’il y a erreur. Prenons un exemple. Dans une opération aussi simple que « 7 + 8 = 15 » : si je pense « 7 + 8 = 16 », c’est moi qui me trompe, il y a trace de ma personne dans l’opération. Mais lorsque je pense « 7 + 8 = 15 », il n’y a pas trace de ma personne, ce n’est pas « moi » qui fais que « 7 + 8 = 15 ». Ainsi, la personne s’efface pour autant que l’intelligence s’exerce. Penser consiste à établir des relations, mettre des termes en rapport, s’extraire de tout ce qui singularise un individu et que Simone Weil nomme « la personne ». L’exercice de l’intelligence est éminemment impersonnel. La vérité et la perfection sont impersonnelles. Penser signifie accéder à l’universel. La vérité n’est pas faite par la pensée ; au contraire, c’est l’âme, lorsqu’elle renonce à la perspective qui est la sienne, c’est-à-dire à ses intérêts, qui s’ouvre à la vérité et au réel : « Tant que l'homme tolère d'avoir l'âme emplie de ses propres pensées, de ses pensées personnelles, il est entièrement soumis jusqu'au plus intime de ses pensées à la contrainte des besoins et au jeu mécanique de la force. S'il croit qu'il en est autrement, il est dans l'erreur. Mais tout change quand, par la vertu d'une véritable attention, il vide son âme pour y laisser pénétrer les pensées de la sagesse éternelle » [16].

[14]↑ Attente de Dieu, p. 92 [관심이란 어떤 노력이고 어쩌면 가장 크다란 노력이다, 그러나 부정적 노력이다.]
[15]↑ Attente de Dieu, pp. 92-93 [관심이란 자기 생각을 중지시키는 것에서 이뤄진다. 즉, 생각이 대상에 대하여 텅빈 상태로 파고들도록 스스로의 처분가능성을 부여하는 것이다. (여기서) 생각은 비워져야 하고 기다리지만 아무것도 찾지 않는, 그러나 스스로가 파악한 사물을 가식없는 진리 속에서 받아들일 준비를 한다.]
[16]↑ L'Enracinement, p. 366 ; Œuvres, p. 1211

 

La vie de l’esprit consiste à faire attention. Et cela à tous les niveaux. Résoudre une équation mathématique ou traduire un vers grec suppose de faire attention. Aimer signifie renoncer à soi et faire attention à autre chose que soi. Cela vaut inséparablement pour l’amour de Dieu et pour l’amour du prochain. Qu’est-ce que prier, sinon faire attention à celui qui se donne, qu’est-ce qu’aimer, sinon faire attention : « Ce n'est pas seulement l'amour de Dieu qui a pour substance l'attention. L'amour du prochain, dont nous savons que c'est le même amour, est fait de la même substance. Les malheureux n'ont pas besoin d'autre chose en ce monde que d'hommes capables de faire attention à eux. La capacité de faire attention à un malheureux est chose très rare, très difficile (…). Presque tous ceux qui croient avoir cette capacité ne l'ont pas. La chaleur, l'élan du cœur, la pitié n'y suffisent pas. La plénitude de l'amour du prochain, c'est (…) savoir que le malheureux existe, non pas comme unité dans une collection, non pas comme un exemplaire de la catégorie sociale étiquetée ‘malheureux’, mais en tant qu'homme, exactement semblable à nous, qui a été un jour frappé et marqué d'une marque inimitable par le malheur. Pour cela il est suffisant, mais indispensable, de savoir poser sur lui un certain regard » [17].

 

L’attention est une disponibilité, une orientation de la pensée qui écarte toutes les pensées particulières (personnelles), qui fait le vide et attend. Car le bien réel ne peut venir que du dehors. Nous ne pouvons pas fabriquer quelque chose qui soit meilleur que nous. Ainsi, l’effort tendu véritablement vers le bien ne doit jamais aboutir et se termine en désespoir. C’est alors, lorsque nous n’attendons plus rien de notre attente que, du dehors, don gratuit, merveilleuse surprise, vient le don. La vérité n’est pas essentiellement l’objet d’un discours, mais d’une expérience qui suppose une transformation à la racine même de notre sensibilité : « Nous sommes dans l’irréalité, dans le rêve. Renoncer à notre situation centrale imaginaire, y renoncer non seulement par l’intelligence, mais aussi dans la partie imaginative de l’âme, c’est s’éveiller au réel, à l’éternel, voir la vraie lumière, entendre le vrai silence » [18a].

 

Il faut « se vider de sa fausse divinité, se nier soi-même, renoncer à être en imagination le centre du monde, discerner tous les points du monde comme étant des centres au même titre et le véritable centre comme étant hors du monde »[18b]. C’est à un décentrement de soi qu’appelle Simone Weil. Renoncer à soi-même, renoncer à toutes nos idoles, que ce soit notre « moi » ou notre prestige social, pour consentir au réel et désirer un bien qui n’est pas de ce monde. Cette manière de vivre, Simone Weil n’a cessé de l’indiquer par sa vie et son œuvre, de multiples façons et en s’y reprenant à chaque fois. Peu avant de mourir, elle confie à Maurice Schumann : « En mettant à part ce qu’il peut m’être accordé de faire pour le bien d’autres êtres humains, pour moi personnellement la vie n’a pas d’autre sens, et n’a jamais eu au fond d’autre sens, que l’attente de la vérité »[19].

[17] ↑ Attente de Dieu, pp. 96-97
[18] ↑ a  b  Attente de Dieu, p. 148 [a. 우리는 비실재 속에, 꿈 속에 있다. 우리가 상상적 자기중심성을 포기한다는 것, 단순히 지적의미에서만이 아니라 영혼의 창발적 부분까지도 포기한다는 것, 그것은 실재에, 영원에, 아니 차라리 참된 여명에 눈뜨는 것이고 참된 침묵(무언의 진리)의 소리를 듣는 것이다. b.(나의 생각이) 스스로의 거짓 신성성을 버리고, 스스로를 부정하고, 자기가 세상의 중심이라는 상상을 포기하고, 세상의 모든 것이 똑같은 자격으로 중심이 된다는 것, 그리고 그것이 바로 세상의 바깥에 있는 것과 같은 진짜 중심이라는 것을 알아야 한다.]  
[19] ↑ Ecrits de Londres, p. 213 [다른 사람들의 행복을 위하여 무엇을 하는 것이 내게 합당할 지에 대해서 잠시 접어둔다면, 개인적으로 내게 있어서 삶이란 '진리에 대한 기대' 외의 다른 의미를, 아니 심연에서는 그 어떤 다른 의미도 갖지 않는다.]

 

Dernière modification de cette page le 29 mars 2009 à 15:53.
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쟝 죠레스 탄생 150주년

[추가] 4월 17일 열린 '죠레스  탄생 150주년' 기념 학술대회 보고서

 

Jaurès, de la Révolution à la transformation sociale (l'Humanite 기사인데 날짜가 없다. 2009/4/20 정도로 추정)

Vendredi dernier, historiens, philosophes, militants et responsables politiques ont longuement débattu de l’actualité, de la leçon du grand homme, à l’occasion d’un premier colloque organisé à Toulouse par l’Humanité, en partenariat avec la nouvelle municipalité de gauche.


Pourquoi et comment Jaurès «  [1] écrit-il entre 1898 et 1902 son grand livre historique l’Histoire socialiste de la Révolution française ? En quoi consiste l’originalité de sa lecture du passé révolutionnaire national ? Est-elle scientifique, est-elle nécessaire à l’élaboration du socialisme de son temps ? C’est en développant cette problématique que devant l’amphithéâtre archicomble de la salle du Sénéchal, qui ne désemplira pas jusqu’à tard dans la soirée, Michel Vovelle inaugure la première table ronde de la journée.

L’historien éminent qui présida le Bicentenaire de la Révolution française en 1989 montre que la somme de Jaurès, trois mille pages publiées en fascicule, constitue essentiellement une grande histoire sociale de la révolution. « En contrepoint de la lecture de Michelet à Taine d’une “révolution de la misère”, celle du paysan exténué par les redevances et l’impôt, c’est une histoire sociale de l’avènement de la bourgeoisie. » En quoi une histoire « socialiste » ? Il cite Jaurès : « La Révolution française a préparé indirectement l’avènement du prolétariat. Elle a réalisé les conditions essentielles du socialisme : la démocratie et le capitalisme. » L’historien souligne la fécondité du travail de Jaurès sur l’avènement de la République. Et de lancer : « Cette histoire n’est pas close. »

 

Claude Mazauric, l’historien spécialiste de Babeuf notamment, évoque l’influence considérable de Jaurès sur l’historiographie ultérieure de la Révolution française et en souligne tout l’enjeu intellectuel et politique. Jaurès ne cesse en effet d’expliquer que les hommes écrivent cette histoire, lui donnent un sens qui n’est ni prévu à l’avance, ni prédéterminé dans ses formes. « Jaurès nous livre une histoire de la liberté ».

Raymond Huard, historien des partis politiques au XIXe siècle, explique ensuite comment Jaurès aborde le passé « toujours avec le souci d’en tirer des leçons pour l’action contemporaine des socialistes ». Il montre en particulier comment c’est autour de la force de la bourgeoisie, de sa capacité comme classe à coaguler d’autres forces dans « un bloc historique », que s’est joué l’avenir. Leçon décisive pour qui veut comprendre la tâche qui échoit à la classe ouvrière.

Enfin, Jean-Numa Ducange, historien et germaniste, montre la réception « complexe » par le mouvement ouvrier allemand de l’œuvre jaurésienne, plutôt « fraîchement accueillie », en raison de conceptions divergentes de la Révolution, particulièrement sensibles à la tradition étatiste qui culmine avec Bismarck.

À propos de l’épisode de la Terreur, évoqué au cours d’une riche discussion avec le public et qui conduisit à présenter quasi officiellement la Révolution dans les années 1980 comme la matrice de tous les totalitarismes, Claude Mazauric n’hésite pas à parler d’une véritable « contre-révolution philosophique, méthodologique » dont le premier pilote fut François Furet. Jaurès n’a pas du tout esquivé l’histoire de la Terreur. L’historien Rémi Cazals inaugure la seconde table ronde qui analyse le rapport de Jaurès au mouvement populaire. Ainsi cet épisode des ouvriers lainiers de Mazamet qui, à la différence de leurs voisins mineurs de Carmaux, sont nourris de catholicisme rural et forts conservateurs en politique. Ils finiront pourtant par s’engager en 1909 dans un puissant mouvement de grève en lien avec le syndicalisme révolutionnaire, en se fondant dans une CGT réunifiée.

 

Le philosophe Bruno Antonini montre comment Jaurès s’efforce toujours, dans ses textes et son comportement, d’articuler le politique au social et l’institutionnel à l’économique. Le socialisme est un mouvement de création continue par lequel la souveraineté populaire s’étend de l’ordre politique à l’ordre économique en articulant parlementarisme (avec la création d’une chambre du travail à la place du Sénat) et syndicalisme. L’historien Alain Boscus met en exergue les deux axes de la transformation sociale en ce début de XXe siècle, intervention politique socialiste et voie syndicale non partisane. En l’espace de trente années, les transformations du syndicalisme révolutionnaire recoupent, sans pour autant s’y identifier, l’évolution des propres idées jaurésiennes. À l’inverse de l’image pieuse que tentent d’accréditer aujourd’hui quelques historiens peu regardants aux faits, sa pensée s’inscrit de part en part dans « le social ».

Le tournant de 1906 met ainsi définitivement au cœur de sa réflexion politique, qui vise à transformer la société, « l’intervention active du prolétariat en lien étroit avec le suffrage universel ». C’est la même vision dialectique qui commande sa conception de la laïcité et de la question religieuse. La laïcité, montre l’historien Jean-Paul Scot, ne s’identifie pas à la tolérance, au laisser-faire, elle se définit par le respect total des individus et de la démocratie quelles que soient les croyances ou convictions de chacun. La liberté de conscience manifeste l’avancée historique de la liberté dans une société où les perspectives de progrès « se mesurent à la capacité d’assurer l’émancipation individuelle de chacun par l’éducation et l’accès à la connaissance ». Un programme plus actuel que jamais. (par Alain Raynal et Lucien Degoy)
Notes : [1] L’Année Jaurès », organisée à l’occasion du 150e anniversaire de sa naissance (le 3 septembre 1859), donnera lieu à de nombreuses initiatives publiques coordonnées par un comité scientifique, a rappelé Pierre Cohen, le député maire de Toulouse.

 


[이하 4월 10일 포스트]

 

올해가 쟝 죠레스 탄생 150주년 기념해라고 몇몇 행사들이 열리는 모양인데, 그 첫번째는 그가 재직했던 프랑스 남부의 뚤루즈 대학에서 열리는 학술대회이고, 다음주 금요일(4/17일)이라며 뤼마니떼(죠레스가 창간한)에서 초대장을 걸어뒀다. 그러고보면 우리 58년 개띠해가 어떻다느니 하는 것과 비슷하게, 150년 전인 1859년은 어떤 행운의 해였는지도 모르겠다는 생각이 든다. 베르크손(H.Bergson)과 후설(Edmund Husserl, 8 avril 1859~1938)도 같은 해에 태어났으니... 다른 곳에서도 이미 언급한 듯한데, 죠레스와 베르크손은 또한 에꼴노르말(ENS) 동기이고, 죠레스가 수석, 베르크손이 차석으로 입학했었다는 사실은 이제 별 새로운 얘기도 아니겠다. 그리고 자세히 보니 그저께가 바로 후설의 생일이었네...(참고로 J와B의 생일은 각각 9/3, 10/18일) [예전에 내가 전공을 때려치고 새로 철학에 입문할 때만 해도 후설철학이 최고고 비트겐슈타인이 2등 쯤인 줄로 알 정도였는데... 정치철학 할려는 놈에게는 당시만 해도 정치철학이라는 것은 용어도 생소했고, 뭘 하든 후설은 넘어야 할 귀찮은 벽!] 그제는 어떤 행사가 있었는지, 후설이 이제는 한물 갔는지, 어떤 처지인지 등이 약간(조사해볼 정도로 많이는 아니고) 궁금하기도 하다 (푸코와 들뢰즈의 등살에 밀려났을려나!). 쟝 죠레스를 위한 포스트에 괜히 쓸데없는 옛날얘기로 분위기만 산만해진 느낌이다. 그 많큼 후설에 맺힌 게 좀 있다는 말이고, 또 그 만큼이나 내가 늙어간다는 증거겠다. 그건그렇고, 앵비따씨옹(초대장-invitation)의 그림과 내용은 이렇다 :

 

 

Colloque Jean Jaurès à Toulouse / 2009, année Jaurès
L’Humanité s’associe à la décision prise par la municipalité de Toulouse de commémorer l’anniversaire de la naissance du fondateur du journal. Pour cette année Jaurès, premier événement avec un colloque à Toulouse le 17 avril. Par Patrick Le Hyaric, Directeur de l’Humanité
.
L’Humanité se fait un devoir de perpétuer par la publication de textes originaux, de colloques, de prises de position, d’ouvrages, la connaissance par le plus grand nombre des idées et de l’œuvre de son fondateur. Nous veillons tout autant à valoriser les travaux de recherche des historiens et des philosophes qui étudient et approfondissent sans cesse la pensée féconde et révolutionnaire de Jean Jaurès.

Dans ce but, nous nous félicitons pleinement de la décision prise par la municipalité de Toulouse de commémorer par un ensemble de manifestations, pour la plupart éducatives et culturelles, le 150ème anniversaire de la naissance de Jean Jaurès. Comme partenaire, « l’Humanité » s’associe pleinement à « Toulouse 2009 : Année Jaurès », en organisant plusieurs initiatives dont une première, le colloque du 17 avril prochain, salle du sénéchal à Toulouse. A partir du thème « Jean Jaurès, mouvements populaires et révolutions », des historiens de renom, spécialistes de l’œuvre considérable de Jean Jaurès feront part de leur travaux. Ouvertes au public, ces tables rondes se poursuivront par un débat sur l’actualité des idées développées par le grand penseur socialiste.

Ce colloque, ainsi que tous les autres moments forts programmés dans le cadre de l’Année Jaurès, apparaissent d’autant plus justifiés dans la période actuelle, que des provocations de l’extrême droite et de la droite extrême visent à salir la mémoire de Jean Jaurès. Ils cherchent à briser les acquis historiques du mouvement ouvrier et à brouiller les repères progressistes pour les nouvelles générations. Puis, et c’est essentiel, à l’heure où le système capitaliste connait une crise sans précédent dans son essence même, où la mondialisation est au service des seuls profits pour les nantis, où les va-en-guerre redoublent d’une dangereuse agitation, les idées et les combats pour l’émancipation humaine, la justice, la démocratie sociale et politique, la paix et le désarmement, pour la maîtrise collective des richesses, pour la laïcité et la culture, l’internationalisme, portés haut et fort par Jean Jaurès apparaissent d’une brulante actualité. Non pour être bêtement plaqués sur une réalité chamboulée en un siècle, mais comme contribution fort utile à la réflexion de tous ceux qui refusent de se laisser tromper par « une prétendue moralisation » du système, qui ne se résignent pas et veulent agir pour un autre possible, pour des transformations profondes de la société, et la révolution post-capitaliste du 21ème siècle qui sera démocratique, sociale, écologique.

 

 
Statue à Suresnes / Jean Jaurès
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[보충-위키자료]
Jean Jaurès (1859~1914), de son nom d'état civil Auguste Marie Joseph Jean Léon Jaurès, est un homme politique socialiste français, né à Castres (Tarn) le 3 septembre 1859 et mort assassiné à Paris le 31 juillet 1914. Brillant élève, Jaurès bénéficie des chances de promotion sociale qu’offre la République, il fait ses études au lycée Louis-le-Grand. En 1878, il est reçu premier à l'École normale supérieure de la rue d'Ulm en philosophie, devant Henri Bergson(*), puis troisième à l'agrégation de philosophie en 1881.
1/ Des « républicains modérés » au Parti socialiste
Jaurès n'a pas toujours été socialiste et marxiste. Quand la République s'installe pour de bon, après une décennie de tergiversations au sujet du régime (en 1870 le Second Empire s'effondre, la République est proclamée mais les monarchistes, divisés, dominent à la Chambre des députés), Jaurès n'a que vingt ans. Il s'engage en politique en 1885, devenant député du Tarn à 25 ans. Fils de 1789, il croit cependant au réformisme institutionnel et républicain, à l'alliance des ouvriers et de la bourgeoisie laborieuse pour le triomphe de la liberté, de l'égalité et de la fraternité. Jaurès reprend son enseignement à la faculté de Toulouse. Il est reçu docteur en philosophie en 1892 avec sa thèse principale De la réalité du monde sensible et sa thèse secondaire en latin, Des origines du socialisme allemand chez Luther, Kant, Fichte, et Hegel.  
2/  L'Humanité
Apres avoir Battu aux élections de 1898 (l'installation de la Verrerie ouvrière à Albi et son ardente défense de Dreyfus ont provoqué sa défaite), Jaurès devient directeur de La petite république. C'est dans les colonnes de ce journal qu'il publie Les preuves relatives à l’affaire Dreyfus. Il dirige une Histoire socialiste de la France contemporaine (Éditions Rouff) pour laquelle il rédige les volumes consacrés à la Révolution française (1901-1903). Jaurès, réélu député du Tarn en 1902, 1906, 1910 et 1914, fonde le quotidien L'Humanité en 1904. Il infléchit ses choix stratégiques et donne la priorité à l'unité socialiste. Celle-ci, sous pression de l’Internationale, se réalise au Congrès du Globe (avril 1905) avec la création de la Section française de l'Internationale ouvrière (SFIO), unifiant les différentes sensibilités socialistes de France. 
3/ Hommages
Tombe de Jean Jaurès au Panthéon de Paris. En 1917, Léon Trotski écrit un éloge de Jean Jaurès qu'il conclut par ces mots : « Jaurès, athlète de l'idée, tomba sur l'arène en combattant le plus terrible fléau de l'humanité et du genre humain : la guerre. Et il restera dans la mémoire de la postérité comme le précurseur, le prototype de l'homme supérieur qui doit naître des souffrances et des chutes, des espoirs et de la lutte. »(Article de 1917 traduit en français dans le Bulletin communiste (organe de la SFIC), n⁰47, 22 novembre 1923 (réédité dans les Cahiers du mouvement ouvrier [archive], n⁰23, 2004))
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쟝 조레스는 1859년 프랑스 남부 뚤루즈 근처인 까스트르라는 촌에서 태어났고, 일찍이 우수한 학생으로 발탁되어 빠리의 소르본느 뒤에 있는 그랑제꼴 준비 고등학교인 '루이 르 그랑'을 거쳐, 1878년에 '빠리고등사범학교(에꼴노르말-그랑제꼴)' 철학과에 수석으로 입학했다. 그리고 3년 후인 1881년에 '철학교사 자격시험(아그레가씨옹)'에 3등으로 합격했다함 (이번에도 베르크손이 같이 합격했는데, 여기서는 베르크손이 2등, 조레스는 3등 (1등은 누군지 모름)을 했다 함). 그리고 조레스는 1885년 스물다섯의 나이에 고향에서 국회의원에 당선되어 정치에 입문 ; 국회의원에 당선이 안 될 적에는 뚤루즈 대학에서 철학강의를 했고, 그 와중에 1892년에 철학박사학위를 획득했다 한다 (주논문:  "감성세계의 실재에 대하여(De la réalité du monde sensible)", 부논문(라틴어): "독일 사회주의의 기원: 루터, 칸트, 피히테, 헤겔 (Des origines du socialisme allemand chez Luther, Kant, Fichte, et Hegel)".
그리고 1904년에는 뤼마니떼(l'Humanité-지금은 거의 프랑스공산당(PCF) 기관지)를 창간, 나중에는 프랑스 사회당의 산파 역할, , 등등의 정치 활동을 함. 1914년 제1차세계대전 발발 3일 전인가에 암살 됨. 그리고 바로 10년 후인 1924년에 빵떼옹(Panthéon de Paris)에 모셔짐. 그러나 주의할 점은, 쟝 죠레스는 -현실 정치가 답게(!)- 계속 맑스주의를 고수하지는 않았고, 노동자계급과 근로부르조와계급의 연대를 통한 제도적-공화적 개혁을 주창했다고 위에 적혀있음. 나야 뭐, 이런 사실들 보다야 아래의 논문들에 더 관심이 가지만... 아직은, 아직도, 아직만...
(*) Henri Bergson (18 octobre 1859 à Paris - 4 janvier 1941) est un philosophe et un diplomate français. Surtout connu pour ses ouvrages Matière et mémoire et L'Évolution créatrice, son œuvre est étudiée dans différentes disciplines (cinéma, littérature, neuro-psychologie, etc). Il a obtenu le prix Nobel de littérature en 1927. Après quelques hésitations à propos de sa carrière, balançant entre les sciences et les humanités, il opta finalement pour ces dernières, et entra à l’École normale supérieure l’année de ses dix-neuf ans dans la promotion d'Émile Durkheim, de Jean Jaurès et de son ami Pierre Janet. Il y obtint une licence en lettres, puis l’agrégation de philosophie en 1881.
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[런던-G20] 출구없는 자본주의-세상을 바꾸자!

À la une dans l'Humanité >>>>>>>>>> ---- >>>>>>>>>>>>>>>>>PDF

 

 "출구없는 자본주의" >>--- >> "세상을 바꾸자"
어제 오후에 런던 G20 모임에 항의하는 시위(규모는 경찰 집계로 3000~4000 명 선)가 있었고 그 와중에 한 명이 사망했다는 소식이다. 정확한 사인은 아직 안 밝혀졌다는데, 사건은 영국은행 근처에서 일어났고 다친 사람도 여럿이라고 함. 아래 비디오에는 잘 안보이지만 어제 텔레비젼에 나오는 뉴스 장면을 보니 경찰놈들이 물불 안 가리고 마구 방망이를 휘둘던데, 자본주의 수호자들에 의한 무고한 시민의 타살이 아닌가 싶다.

La City prise d'assaut

Un mort lors d'une manifestation anticapitaliste à Londres
Le Monde 02.04.09 | 00h20
LONDRES (Reuters) - Un manifestant est mort au cours d'une manifestation anticapitaliste mercredi à Londres, à la veille du sommet du G20 qui regroupe les dirigeants des grandes puissances de la planète, a rapporté la police britannique.
Dans la soirée, la police britannique anti-émeute avait chargé plusieurs centaines de manifestants qui s'étaient massés devant la Banque d'Angleterre, au terme d'un après-midi d'échauffourées dans la City de Londres, à la veille de l'ouverture officielle du G20, dont les dirigeants ont pris part mercredi à un dîner.
 
Version française Eric Faye 
Manifestation contre le G20: mort d'un manifestant
Le Monde 02.04.09 | 00h09
Un manifestant qui prenait part au rassemblement de milliers de personnes contre le G20 mercredi à Londres est mort, ont annoncé les services hospitaliers londoniens.
Les circonstances de la mort n'étaient pas élucidées. Plusieurs personnes avaient été blessées lorsque des manifestants contenus par un cordon de police s'étaient massés contre des barrières de sécurité, près de la Banque d'Angleterre.
A Londres, échauffourées entre la police et les manifestants au G20, le 1er avril.
Liberation Monde 01/04/2009 à 15h31 (mise à jour à 17h47)
G20: ça chauffe à Londres
Vitres cassées, brèves échauffourées avec la police: la tension est montée d'un cran mercredi après-midi, quelques heures avant le sommet du G20.
A Londres, échauffourées entre la police et les manifestants au G20, le 1er avril. (Reuters)
Plusieurs milliers de manifestants protestant contre le sommet du G20 à Londres se sont rassemblés mercredi dans la City, le quartier des affaires de la capitale où des vitres de la banque RBS ont été brisées.
Selon la police, 3.000 à 4.000 personnes ont manifesté dans la City pour faire pression sur les dirigeants du G20.
Après des débuts calmes, des échauffourées parfois violentes ont opposé des manifestants à la police. «Un certain nombre d'objets ont été lancés sur des policiers», a confirmé Scotland Yard dans un communiqué.
Une vingtaine d'interpellations
Quelques protestataires encagoulés ont brisé des vitres de la banque Royal Bank of Scotland (RBS), symbole de la crise financière aux yeux des manifestants. Certains ont réussi à pénétrer dans la banque avant d'être refoulés par les manifestants.
Autrefois un des établissements les plus prestigieux de la City, la banque RBS est détenue majoritairement par l'Etat britannique depuis l'automne, après avoir reçu une vingtaine de milliards de livres d'aides publiques. Son ex-patron, Fred Goodwin, est au coeur d'un scandale depuis la révélation qu'il s'est vu octroyer une retraite dorée de 700.000 livres par an, à l'occasion de son départ en octobre.
Vers 15 heures, 19 personnes avaient été arrêtées, selon la police, un chiffre s'ajoutant aux quatre arrestations effectuées la veille.
Une autre manifestation à l'appel de l'organisation Stop The War s'est réunie dans le calme devant l'ambassade des Etats-Unis, plus à l'ouest de la capitale, avant de rejoindre Trafalgar Square, où devait se tenir un sommet alternatif au G20, en présence notamment de l'ancien maire travailliste de Londres, Ken Livingstone.
Plus de 10.000 policiers ont été mobilisés mercredi et jeudi pour faire face aux nombreuses manifestations prévues en marge du sommet, et pour assurer la sécurité des nombreuses délégations officielles.
(Source AFP)
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뒤르까임(E.Durkheim), 150년 (+audio)

모르고 지나갔더니만, 작년이 뒤르까임*(Emile Durkheim, 1858~1917) 탄생 150년 기념해 였다는군. 그래서 작년 말에 빠리에서 어떤 학술 대회가 있었던 모양이고(2009/11/4~5), 그것을 녹음해서 아래의 '방송아카데미'(canal academie)라는 곳에서 들려준다(49분14초). '펌'은 안되는 듯하고, 함께 있는 텍스트와 링크만 옮겨온다. 녹음이 약간 늘어지는 부분도 있으나 듣는데 큰 지장은 없다. 찾아보니 국내기사로는, 역시나 뒤르까임 탄생 150 주년을 기념하는 민문홍의 지난 글(2008/1/29)이 교수신문에 있다. 기고자께서 뒤르까임의 <사회학과 철학>(1951)을 지금 번역 중이고, 거기서 뒤르까임의 "새로운 도덕적 이상의 탄생을 엿보"(제목)는 모양이다. 밑에 옮겨다 둔다.

(*) 아래의 민문홍 글에서는 "뒤르케임"으로 표기가 돼 있으나 나는 '뒤르까임'으로 한다. 물론 한글표기법에서는 'ㄲ' 류 보다는 'ㅋ' 류를 따른다고('빠리'보다는 '파리'를) 하는 모양인데, 나야 뭐, 이 블로그 내용이 출판될 것도 아니니 한글표기법 보다는 실재발음에 충실한 표기를 선택한다. Paris에서는 아무도 '빠리'를 '파리'라고 하는 사람은 없고, '뒤르까임'을 '뒤르케임'이라고 하지도 않는다. 단지 내게 문제는 '까임'이냐 '께임'이냐 였는데, 다시 아래 녹음물을 자세히 들어보니, 이건 '까임'도 아니고 그렇다고 완전한 '께임'도 아닌 중간 쯤인 것으로 들린다. 물론 이름 스펠링의 기억을 돕기 위해서는 '뒤르께임'이 낫겠으나, 살아있는 발음을 다시 확인해보니 '뒤르까임므'에 가까운 '뒤르까임' 이다. 

 

Emile Durkheim et les philosophes de son temps [뒤르까임과 당대의 철학자들] 

par Bertrand Saint-Sernin, de l’Académie des sciences morales et politiques
A l’occasion du 150 ème anniversaire de l’un des plus grands sociologues français, Emile Durkheim, l’Académie des sciences morales et politiques a tenu un colloque à l’Institut de France, les 4 et 5 novembre 2008. Ecoutez ici le philosophe Bertrand Saint-Sernin qui s’attache à saisir le « métaphysicien » qui se cache derrière la figure du fondateur de la sociologie française, Émile Durkheim. Il le situe dans la philosophie de son temps.
Référence : col531; Date de mise en ligne : 25 janvier 2009
Adresse de cet article : http://www.canalacademie.com/Emile-Durkheim-et-les-philosophes.html
Emile Durkheim  
Le philosophe Saint-Sernin tente de comprendre les bouleversements qu’a connus la philosophie à la fin du XIXème siècle à partir de l’émergence de toutes les sciences humaines et sociales. Il décèle ainsi l’originalité de Durkheim qui place son analyse au cœur de sa nouvelle science des religions. La science selon ce dernier « doit prêter main forte à la philosophie », en sorte qu’il n’y a pas de « dissociation » entre les deux. Mais pour y réussir, il s’avère nécessaire pour le sociologue de travailler collectivement. Comment édifier une science du social ? Comment fonder une morale sans transcendance ? Telles sont les questions modernes qui préoccupent Durkheim. Mais d’un point de vue méthodologique Durkheim selon Saint-Sernin s’en remettrai à la lecture de Platon... En effet, la réalité « doit être découpée » comme le ferait un bon boucher.

Puis dans une deuxième partie, Bertrand Saint-Sernin s’interroge : Quelle fut la participation de Durkheim à la philosophie de son temps ? Durkheim en parle très peu, il évoque rarement ses contemporains philosophes. Cependant, il conseille aux écrivains de lire les philosophes afin de déceler les idéologies qu’ils véhiculent. Par ailleurs Durkheim a présidé le jury de l’agrégation de philosophie de 1895 et a fait partie de nombreux jurys de thèses. Il a même donné deux conférences à la Société française de Philosophie, participé au congrès de Bologne en avril 1911 avec Bergson et rendu compte de sa conférence. Enfin, dans une troisième partie, Bertrand Saint Sernin évoque plusieurs philosophes qui ont donné leur témoignage sur Durkheim : Gilson (qui fut son élève) dans Le Philosophe et la philosophie ; Bergson dans Les deux sources, Blondel, Lévy-Brühl et même l’historien des religions Loisy. Bertrand Saint-Sernin détaille donc la manière dont chacun d’eux a évoqué Durkheim, en positif ou en négatif. 

Ecoutez aussi sur Canal Académie :

- Emile Durkheim : comment il ne fut pas élu à l’Académie ! par Michel Albert
- Emile Durkheim et Friedrich Ratzel : frontières disciplinaires par Bernard Valade

 

참 재밌게도, 위의 글은 뒤르까임의 사회학이 얼마나 긴밀히 철학과의 연관 속에 있는지를, 결국 그 둘은 결코 분리될 수가 없다는 것을(노란 밑줄 부분), 그리고 뒤르까임은 사회학자이면서도 계속 철학자였다는 것을 말하는데; 반면, 아래 글은 뒤르까임을 통한 뭔가 새로운 사회학이 철학이 못한 부분을 대체하고, 나아가서는 "기존의 철학을 새롭게 갱신하고", 그 독보적 위상을 사회 속의 구체적 실천과정에서 확보할 수 있다는 듯하다. 글쎄, 판단은 독자의 몫!

 

 

새로운 도덕적 이상의 탄생을 엿보다 
[지금 번역중입니다] 에밀 뒤르케임의 Sociologie et philosophie(PUF, 1951) 
2008년 01월 29일 (화) 13:44:16 민문홍 / 서강대·사회학 ⓒ 교수신문

 

 
   

올해는 뒤르케임이 탄생한지 150주년이 되는 해이다. 같은 해에 또 다른 사회학의 거장 게오르그 짐멜이 태어났다. 올해에 필자가 번역을 준비하는 뒤르케임의 저서는 『사회학과 철학』이다. 뒤르케임을 읽는 사회학도들에게도 잘 알려져 있지 않은 이 책은 뒤르케임이 1898년부터 1906년 사이 출간한 몇 편의 논문들을 수제자인 소르본 대학의 정치사회학자 쎌레스텡 부글레가 그의 서문과 함께 새로 편집해 프랑스 대학출판사에서 1951년 출간한 책이다.
부글레가 뒤르케임의 사후 이 책을 출간한 이유 중 하나는, 프랑스 사회학사를 되돌아 볼 때, 어떤 의미에서 그리고 어떠한 방식으로 사회학이 기존의 철학을 새롭게 갱신하고 있는가를 보여주기 위해서이다. 그는 같은 맥락에서 프랑스 3공화정 당시에 왜 철학보다 사회학이 중ㆍ고등학교에서 청소년의 가치관 정립과 관련해 더 큰 역할을 해야 하는가를 보여주는 데 이 책에 선별된 뒤르케임의 논문들이 중요한 역할을 한다고 보았다.
뒤르케임이 이 책에 실린 자신의 논문들을 통해 일관성 있게 주창한 것은, 향후 사회학이 국민들의 정신을 계도할 학문으로 더욱 발전하기 위해서는 계량적 연구에만 만족하지 않고 특수한 분야의 연구들을 다양하게 하고 그것을 종합함으로써 인류 전체를 대상으로 연구한 사회학 선구자들의 연구방식을 극복해야 한다는 것이다. 바로 이러한 문제의식을 가지고 뒤르케임이 첫 번째 착수한 작업은 도덕에 관한 과학적 연구였다. 뒤르케임은 이 당시 가톨릭이 막강한 영향력을 행사하고 있어서 도덕에 대한 과학적 논의가 금기시되는 분위기 속에서 과감하게 도덕의 문제를 과학적으로 다루어야 하고, 기존 도덕의 문제점을 극복하는 새로운 도덕성의 원리를 사회학이 새로운 학문의 이름으로 제시해야 한다고 주장했다.

이때 새로운 학문인 사회학이 다루는 주제는 다음의 몇 가지 항목들이었다. 도덕의 본질은 무엇인가. 그것이 사회에서 하는 역할은 무엇인가. 이러한 질문들에 대한 뒤르케임의 잠정적 해답은, 도덕은 사회의 열망을 해석하면서 해당 사회가 형성되고 발전되는 방식을 일반 시민들에게 이해시키는 것이다. 이렇게 보면, 그의 평생을 통한 연구 프로젝트의 주제는 도덕사회학이다.

 

도덕을 신앙으로 보는 지적 풍토 비판

바로 이러한 맥락에서 뒤르케임은 실증과학으로서의 사회학을 주창했다. 특히 그가 1906년에 특별히 정성을 기울여 쓴 논문인 ‘도덕적 사실의 결정’은 1893년에 쓴 ‘사회분업론 서문’에서 미처 다하지 못한 논의를 정리한 글로, 뒤르케임의 도덕사회학을 연구하는 학자들에게 커다란 학문적 의의를 지닌다. 이 논문에서 뒤르케임이 보여주는 학문적 관심은 도덕의 문제를 과학의 주제로 생각하는 것을 터부시하고 신앙의 문제로만 여기는 당시의 지적 분위기를 비판하면서, 후기 기독교 시대에 어울리는 도덕을 보여주는 것이었다.

그러기 위해 선행돼야 하는 작업은 도덕의 문제와 관련해 실증적 관찰에 의해 확립된 토대를, 더 이상 어려운 철학적 용어가 아닌 일반인들이 이해하기 쉬우면서도 과학적 권위를 가진 사회학이라는 학문의 이름으로 전달하는 것이다. 뒤르케임은 사회학이 이러한 작업을 하기 위해 선행 조건이 있다고 보았다. 그것은 사회학이 자신의 실증적 연구업적뿐만 아니라, 이 새로 태어나는 학문의 원칙에 대한 성찰적 토론을 통해 왜 이 새로운 학문이 필요한지 다른 과학자들과 일반 시민들을 설득하는 것이다. 그리고 기존의 철학과 차별화된 문제제기를 함과 동시에, 사회학과 기존의 다른 학문들과의 관계, 방법의 차이점, 그리고 학문의 위계질서 등에 대한 체계적 성찰을 통해 전문가들과 시민들을 설득하는 것이다.
이러한 작업을 통해 뒤르케임은 기존의 학문들과는 다른 방식으로 인간의 의식 및 이성이 자연과 맺고 있는 관계를 새로운 방식으로 보여주려고 노력했다. 특히 그 과정에서 인간의 이중성(인간의 인간다운 본성과 동물적인 본성)을 인간관으로 강조함으로써, 도덕교육의 핵심을 ‘인간 본성의 귀한 인간적 이상을 격려하고, 동물성을 훈련을 통해 억제하는 것’이라고 주장함으로써 도덕과학과 도덕교육의 기초를 확립했다.
한편, 뒤르케임이 여기에 쓴 논문들은 『사회학 방법의 규칙들』(1895)처럼 그의 사회학 방법론을 사회학주의(sociologism)라고 비판하는 논평에 대한 명쾌한 답을 주는 저작들이기도 하다. 뒤르케임은 새로 태어나는 학문의 일반 공중에 대한 설득력을 얻기 위해 곳곳에서 은유적ㆍ상징적 표현을 자주 사용했다. 게다가 그의 사회학 이론은 종종 몇 가지 애매모호한 부분을 가지고 있어서 다양한 학문적 분과로부터 비판을 받았다. 그 비판들의 핵심은 뒤르케임을 유물론, 유기체론, 사회적 공리주의로 분류하고, 이러한 판단에 입각해서 그의 학문적 입장을 공격하는 것이었다. 이때 그의 비판자들은 이러한 주장이 나오게 된 앞뒤 맥락과 뒤르케임의 전체적 연구의도를 무시했다. 이들이 뒤르케임을 공격한 주된 대목은 그가 『사회학 방법의 규칙들』에서 “사회적 사실을 사물들로 다뤄야 한다”고 한 주장이었다.  

물론, 당시에 뒤르케임이 다양한 상징적 문구로 표현하기를 원했던 진정한 의도는, 특정 대상을 연구함에 있어서 사람들이 모든 편견들로부터 자유로워야 한다는 것과, 특히 도덕에 대한 과학적 연구를 할 때 우리 자신에 대한 성찰과 자신의 감정 확인만으로는 부족하다는 것이었다. 그는 제도에 대한 연구가 자연과학이 사물을 연구하는 경우처럼 학문적 권위를 갖기 위해서는, 인간의 심리적ㆍ주체적 반응을 고려하고, 모든 것을 외부의 요인으로 설명하는 방식을 지양해야 한다고 주장했다. 그리고 사회를 구성하는 작은 단위인 개인들만으로 사회와 같은 특수하고 우월한 존재를 설명해서는 안 된다고 보았다.

 

개인의식-집단의식이 구성하는 문화에 주목해
그 이유를 설명하기 위해 뒤르케임은 슬그머니 오늘날 현대 사회학자들이 주목하는 문화사회학적 문제의식을 끌어들인다. 그것은 “사회는 무엇보다도 사상의 총합”이라는 표현이다. 뒤르케임이 살아 있었던 당시에는 문화라는 표현도 프랑스에서는 생소했다. 따라서 그는 그 대신에 ‘집단표상’ 또는 ‘집합적 가치의식(conscience collective)’이라는 표현을 맥락에 따라 자유롭게 바꿔 썼다. 그의 주장을 현대사회학식 용어로 표현하면, 사회학은 인간이 살고 있는 물질적 기반과 그 유형에만 관심을 가질 것이 아니라 그 안에서 살고 있는 인간의 심리, 영혼 및 정신 상태에 주목 해야 한다는 것이다. 결국 도덕과학으로서 사회학의 핵심적 연구대상의 하나는 특정 사회의 여론을 연구하는 것이다. 그 이유는 인간은 의식을 통해 서로 연결돼 있으며, 집단신앙은 모든 사회의 살아있는 연결고리이기 때문이다. 이때 사회학자들이 고려해야 할 특정한 연구대상은, 인간들의 정신과 의식의 만남이라는 생화학적 결합과 종합을 통해 원래의 개별적 인간 의식 속에는 존재하지 않으며, 개인들로서는 예측할 수도 없는 새로운 사회현상들의 우발적 탄생에 주목하는 것이다.

즉, 사회구성원들 간의 격렬한 만남을 통해 만들어진 집단표상은 일단 형성되면, 서로 결합되고 배척하는 과정을 통해 자신만의 고유한 정신적ㆍ심리학적 법칙을 지닌 전체를 만들어 낸다. 이것을 현대적 용어로 표현하면 문화이다. 그리고 이렇게 만들어진 집단생활의 표상들은 인간 정신의 권리를 보존하기 위해 필요하고 충분한 상대적 자율성을 지니게 된다.

결국 뒤르케임에 의하면 집단표상으로서의 종교적 신앙과 과학 사상들은 그것이 활동하고 있는 사회의 단순하고 순수한 반영이 아니라, 자체만의 힘으로 존재하는 특별한 형식을 가지며, 인간의 공동체적 삶이 있는 곳에서 그 구성원의 속성을 뛰어넘는 종합적ㆍ창조적 결과물이다. 따라서 특정 사회의 도덕은 개인의식이 집단의식과 연결됨으로서 시작된다. 그리고 이렇게 보면, 사회는 조직과 기능체계가 아니라 도덕적 생활의 근원이다. 그리고 사회의 진정한 기능은 그 안에서 기존의 사회적 이상을 극복하는 새로운 이념을 찾아냄으로써 새 시대가 필요로 하는 새로운 도덕적 이상을 창조하는 것이다. 칸트의 관점을 빌리면 사회는 개인에게 압력을 행사하는 단체일 뿐만 아니라, 개인을 더 인간답게 고양시켜주는 수단이기도 하다. 집단생활이 개인들에게 강요하는 도덕적 훈련을 통해 개인의 영혼은 도움을 받는 것이다. 인간은 이러한 도덕적 훈련 없이 발전할 수 없다. 인간은 사회의 도덕적 권위에 복종함으로써만 해방되는 것이다. 이때 집단표상으로서의 문화는 공동체 생활을 발전시키고, 인간을 더 인간답게 완성하는 데 필요한 도구이다.

그리고 문화의 가장 중요한 역할은 정신적 생활의 조건들을 준비하면서 인류의 장래를 준비하는 것이다. 결국 그의 사회학의 목표는 일부 학자들이 성급하게 비판한  조악한 형태학을 확립하는 것이 아니라, 새로운 이론과 방법론으로 세기말적 전환의 시점에 당시의 정신문명의 흐름들을 포착하고 분석할 이론적 기초를 제공하고, 그러한 작업을 하는 학문을 정당화하는 것이었다. 비록 한 세기 전에 논의된 논문들이지만, 뒤르케임의 이러한 학문적 논의들은 오늘날 뒤르케임의 문화사회학에 관심을 갖는 사회학도들에게 커다란 시사점을 준다. 그가 세기말의 혼란한 시점에서 다양한 사회주의 이론과 혁명적 이론들이 조악한 방식으로 프랑스 사회의 문화적 대안을 마련하고 있을 때, 학자로서 차분하고도 냉정한 자세를 잃지 않으면서, 다양한 분야의 경험적 연구의 뒷받침을 받아 도덕사회학 작업을 완성함으로써 프랑스 사회의 새로운 정신문화적 기초를 마련하고, 새로운 학문인 사회학이 소명의식과 사회적 유용성을 인정받고 출범할 수 있도록 계기를 마련했던 것이다. 이것은 21세기 초반 탈냉전ㆍ세계화의 시대에 10여 년간 네오 마르크스주의을 부둥켜안고 한국사회의 문화적 대안을 마련하려 했던 지식인들과 그 와중에서 심각한 문화적 정체성의 위기와 가치관의 혼란을 경험했던 한국의 시민들에게 작지만 소중한 이론적 발상의 계기를 제공해 줄 것이다.

 

민문홍, 서강대 공공정책대학원 대우교수·사회학 / 필자는 프랑스 소르본느대에서 ‘사회주의 운동, 노동조합운동, 카톨릭 사회운동을 보는 에밀 뒤르케임의 사회학’으로 박사학위를 맏았다. 현재 국제 비교사회문화정책연구소 소장을 맡고 있으며, 『에밀 뒤르케임의 사회학』, 『사회학과 도덕과학』 등의 저서가 있다.

 

[참고]

민문홍 : 연세대학교 사회학과 및 동대학원을 졸업하고, Paris-Sorbonne(파리 4대학) 대학원에서 사회학 박사학위를 취득하였다. 서울대, 연세대, 고려대 대학원 강사, 서울 신학대학교 사회복지학과 교수를 역임하였으며 현재 국제비교사회문화정책연구소 소장으로 인문사회학 분야의 저술 및 번역활동을 하고 있으며, 서강대 대우교수로 있다. 문화사회학회와 한국이론사회학회 이사로 있으며, 1998년부터 구세군 사관학교에서 사회학을 강의하고 있다. 저서로는 <사회학과 도덕과학>, <한국인의 일상문화>가 있으며 역서로는 <무질서의 사회학적 위치>가 있다.

1. 사회학과 도덕과학, 민문홍 (지은이), 민영사, 1994년 10월, 10,000원

2. 에밀 뒤르케임의 사회학, 민문홍 (지은이) | 아카넷 | 2001년 7월, 20,000원 [이 책은 1988년 프랑스 쏘르본느 대학교 사회학과 박사 학위논문인 「사회주의 운동, 노동조합운동 카톨릭 사회운동을 보는 에밀 뒤르케임의 사회학」의 후속편이다. 필자는 이 학위논문의 중심이 되는 내용인 뒤르케임 사회학의 지성사적 맥락을 사회학과 도덕학에 소개한 바 있다. 그 이후 10여 년 간 필자는 프랑스와 미국을 중심으로 하는 국제 사회학 공동체에서 나온 뒤르케임의 사회학에 관한 연구작업들을 정리해서 한국의 사회학자들에게 도움이 되는 본격적인 뒤르케임 연구서를 쓰고 싶어했다. 이러한 작업은 당연히 뒤르케임의 현대성론과 탈현대성론 그리고 동양사회론을 포함해야 했다. 이러한 작업을 하는 데 10년 가까운 독서와 학문적 토론이 필요할 줄은 필자 자신도 몰랐다. - 민문홍(지은이)]

3. 유럽연합의 공무원연금제도 연구, 민문홍 (지은이) | 공무원연금관리공단 | 2005년 6월, 10,000원
4. 현대사회학과 한국 사회학의 위기 - 한국 사회의 인문사회학적 대안을 찾아서, 민문홍 (지은이) | 길 | 2008년 4월, 25,000원 [이 책은 다음의 세 가지 관심을 복합적으로 담고 있다. 첫째, 나는 30년 넘게 복음주의적 신앙을 가지고 사회학도의 길을 걸어온 사람으로서 넓은 의미의 기독교 세계관을 가진 사회학자의 입장에서 현대사회의 문제들을 진단하고 해결해가는 방법을 검토해보았다. 둘째, 유럽의 중도 우파적 전통을 가진 대표적 사회학자의 이론을 소개한 후에 그 이론적.방법론적 시각을 중심으로 한국의 몇 가지 주요한 사회문제들을 분석해보았다. 셋째, 이러한 문제들을 중심으로 지금 한국 사회의 혼란을 수습하기 위해서 한국의 사회학자들이 중점을 두어서 탐구해야 할 전략적 연구 영역과 연구 주제의 이론적 틀을 제시하려고 노력했다. ('서문 | 21세기 한국 사회학은 어디까지 왔는가' 중에서)]

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Spinoza & Anthropologie économique (F.Lordon,06)

<최상의 이욕: 스피노자의 경제학적 인류학에 대한 시론>(F.Lordon,2006)라는 책에 대한 서평이다. 스피노자를 경제학적으로 해석해 보려는 시도라니 제목부터 흥미롭다. 물론 '코나투스' 개념에서 충분히 이런 시도의 가능성을 엿볼 수는 있겠지만, 조금은 새롭고 신선한 것은 사실이다. '코나투스'(Conatus)가 "각 사물이 스스로의 역량 속에서 자기 존재를 보존하기 위하여 들이는 노력"(l’effort que fait chaque chose dans la mesure de sa puissance, pour persévérer dans son être -본문에서 발췌)을 의미하니까, 작금의 시대에 '자기보존 노력'이란 쉽게 경제적 국면으로 연계되겠기에 가능한 시론이지 싶다. 참고로, 이 글의 서평자는 빠리 1대학의 스피노자 전공 교수이고, 그가 뽑은 서평 제목은 "[스피노자의] 증여 [개념]에 대항하는 시론" 이다. 두 제목을 언듯 보기에, 스피노자 철학의 두 주요 개념인 '이욕'(사적 이익에 대한 욕망, intérêt)과 '증여'(호의적 기부-선물, don)가 배치를 이루는 것으로 봐서, 상당히 비판적인 서평이 아닐까 싶은데, 더 자세한 것은 본문을 마저 정독한 후에 평가하기로 한다. [웬만하면 불어원문으로 된 포스트는 블로그 홈에 안 보내려고 하는데(이유는..), 이 서평은 링크된 곳에 영어로도 번역돼 있기에(괜찮은 서평이라는 증거가 되려나!), 이번에는 예외로 한다.]

 

[영어] http://laviedesidees.fr/Essay-against-giving.html (Translated from french by Catherine Rushton)

[불어] http://laviedesidees.fr/Essai-contre-le-don.html

 

[서평] Essai contre le don / par Pascal Sévérac [26-03-2008]
[분야] Domaine : Philosophie ; Mots-clés : anthropologie | intérêt | don

[대상] Recensé : Frédéric Lordon, L’intérêt souverain. Essai d’anthropologie économique spinoziste. La découverte, 2006, 235 p., 23 euros.

En utilisant le concept spinoziste de conatus pour analyser la structure intéressée de toutes les figures du don, F. Lordon nous offre une belle alliance de philosophie et de sciences sociales. Grâce au conatus, le don apparaît comme la fiction d’un désintéressement, intéressé en vérité à conjurer la violence originaire des rapports humains. Mais le conatus, tel qu’il est déployé dans la philosophie de Spinoza, ne définit-il qu’une anthropologie guerrière ?L'intérêt souverain : Essai d'anthropologie économique spinoziste 귀여운 스피노자

 

La philosophie spinoziste fait depuis quelques années l’objet d’un vif intérêt, non seulement dans la sphère restreinte de l’histoire de la philosophie, mais aussi, plus largement, dans des champs disciplinaires proches ou éloignés : dans le domaine de la philosophie de l’esprit (autour du fameux mind-body problem), dans le domaine de la psychothérapie (psychanalyse, psychomotricité, pédopsychiatrie…), dans le domaine de la biologie (avec les réflexions de neurobiologistes comme J.-P. Changeux en France ou A. R. Damasio aux Etats-Unis), dans le domaine des sciences humaines enfin, et en particulier des sciences sociales [1]. S’agit-il d’une simple mode ? Il est en tout cas des travaux qui ne trompent pas : le livre de Frédéric Lordon est de ceux-là, par la pertinence de son utilisation des idées spinozistes, par la précision de ses références au texte de Spinoza – en l’occurrence à son ouvrage maître, l’Ethique, achevée en 1675. Le projet général de Frédéric Lordon, directeur de recherche au CNRS, membre du Bureau d’économie théorique et appliquée, est d’élaborer un programme de recherche qui envisage la possibilité de sciences sociales spinozistes : L’intérêt souverain en constitue une étape importante. Non pas la première étape, car Spinoza était déjà la référence centrale de plusieurs de ses articles, et d’un ouvrage sur le capitalisme financier, La politique du capital (Odile Jacob, 2002) ; mais sans aucun doute une étape décisive, en ce qu’elle fait du concept spinoziste de conatus le principe fondamental d’intelligibilité des relations sociales.

[1] Vient de paraître un recueil d’articles, introduit par une riche préface, sous la direction de Yves Citton et Frédéric Lordon : Spinoza et les sciences sociales. De la puissance de la multitude à l’économie des affects, Editions Amsterdam, 2008.


1*/ Le conatus comme intérêt à soi-même
Qu’est-ce que le conatus chez Spinoza, et en quoi son importation dans les sciences sociales est-elle pertinente ? Le conatus désigne chez Spinoza l’effort que fait chaque chose dans la mesure de sa puissance, pour persévérer dans son être. Frédéric Lordon lit le conatus dans le sens de l’intérêt que chacun prend à soi-même : « si le conatus est effort, il est aussi fondamentalement intérêt – l’intérêt de la persévérance dans l’être, c’est-à-dire du maintien dans l’existence et dans l’activité. Le conatus est l’intérêt à effectuer ses puissances et à les augmenter. Il est intérêt parce qu’il est l’expression d’une chose impliquée dans son existence même » [2]. Inutile, comme le précise F. Lordon, d’expliquer ce conatus à partir de l’ontologie de l’activité causale que déploie la première partie de l’Ethique : retenons simplement qu’il peut servir de principe premier à une anthropologie des sciences sociales, et que cette « conation » essentielle qui caractérise chaque chose, et donc chaque individu humain, ou même chaque groupe humain suffisamment soudé pour constituer comme un individu, est un principe de détermination causale, rendant raison des activités multiples et variées d’affirmation de sa propre puissance d’agir et de penser. Parmi ces activités, F. Lordon, dans le premier chapitre de son ouvrage (« Le problème des choses ») en distingue une, qui est logiquement première : l’activité de « pronation », de prise directe – et la plupart du temps violente – sur les choses. Prendre est l’acte premier par lequel s’affirme la puissance égocentrée de chaque conatus : prendre les choses matérielles pour se nourrir, pour se protéger, pour se conserver. On voit dès lors sous quel horizon se déploient les relations inter-individuelles : si de la conation essentielle dérive la pronation caractérisant chaque existence, c’est sur la scène agonistique des rapports de force, et de la violence avant tout physique, que les conatusse rencontrent et partant se combattent. Mais alors, comment comprendre dans cette perspective l’activité qui paraît comme l’envers de la pronation, tant elle paraît pacifique et altruiste : l’activité de donation ? [2] p. 34.

 

2/ L’utilité du don
C’est à cette question centrale qu’est consacré tout l’ouvrage de F. Lordon : le conatus y a une fonction essentielle, montrer en quel sens même le don, dans ses diverses configurations, est l’expression de l’intérêt que chacun prend d’abord à soi-même. L’usage du conatus comme principe d’intelligibilité du monde social permet du coup de marquer sa distance non seulement avec la théorie du choix rationnel, tirée de la science économique utilitariste, largement dominante dans les sciences sociales, mais surtout avec le courant sociologique qui lui fait face et qui, prenant appui sur la pensée de Marcel Mauss, s’est incarné dans une école de pensée éponyme, le Mouvement Anti-Utilitariste en Sciences Sociales, le MAUSS, mené notamment par A. Caillé et J. Godbout. D’un côté, F. Lordon, qui se reconnaît dans l’école dite de la régulation, rejette la fiction de l’homo œconomicus, c’est-à-dire d’un sujet égoïste et calculateur, maître de ses décisions et des mobiles qui les justifie : certes, une telle fiction affirme le caractère intéressé de tout choix, mais la conception de l’intérêt qu’elle sollicite est trop réductrice – intérêt transparent à lui-même, envisagé toujours rationnellement, de manière froide et maîtrisée. Cependant, la véritable cible de l’ouvrage de F. Lordon n’est pas celle-ci ; c’est de l’autre côté qu’il faut se tourner, du côté de ceux qui imaginent des relations sociales « vraies », entre des donateurs altruistes plutôt que des calculateurs égoïstes, œuvrant à une société de solidarité plutôt que de marché : car si l’homo œconomicus est une fiction qui ne prend pas en compte toute la charge passionnelle du conatus, qui en vérité ne raisonne que sous l’affect, la fiction de l’homo donator quant à elle, après avoir comme la première réduit l’intérêt au calcul conscient et méthodique, se présente comme une dénégation pure et simple de ce qui est – selon F. Lordon – au principe du don : l’intérêt lui-même, qui justement ne s’avoue pas comme tel.

 

Il n’est bien évidemment pas question de reprocher à ceux qui donnent d’enchanter leur geste en croyant, ou en faisant croire, au désintéressement des relations qu’ils tissent avec autrui ; mais il est plus étonnant de voir une école de pensée succomber, selon l’auteur, aux sirènes de la wishfull thinking, en estimant que ces relations sont effectivement telles que les acteurs souvent se les représentent. F. Lordon va chercher dans M. Mauss lui-même les premiers arguments pour contester cette position théorique : certes, le don demeure pour l’anthropologue ce roc de la morale éternelle [3] ; mais il affirme également qu’ « au fond, de même que ces dons ne sont pas libres, ils ne sont pas réellement désintéressés » [4]. L’intérêt que vise l’institution du don/contre-don analysée par Mauss et Sahlins est avant tout un intérêt pour la paix : ainsi, chez les Trobriands, comme le rappelle F. Lordon dans son deuxième chapitre (« L’économie : dangereuse et ignoble »), le kula, échange cérémoniel mettant en relation des groupes par la médiation de leur chef, vient pacifier la violence brute de l’échange marchand, le gimwali, face-à-face entre deux individus mus par l’âpreté au gain, et dont l’échange « ne se distingue pas significativement de la prise sauvage » [5]. Le don/contre-don comme refoulement et sublimation du donnant-donnant : le kula déplace le gimwali à la marge du groupe, et ainsi domestique l’activité de pronation, en substituant à la centralité de la chose matérielle à acquérir l’obtention symbolique de prestige. L’échange cérémoniel demeure agonistique, puisqu’il s’agit par le don d’écraser le rival ; mais cette compétition réglée civilise les conatus, en les détournant vers des profits d’honneur.

[3] Essai sur le don, « Conclusions de morale », PUF, « Quadrige », p. 263-264.

[4] Op. cit., p. 268. Cité par Lordon, p. 96.

[5] Lordon, p. 78.

 

F. Lordon distingue, à la fin du chapitre 2, « trois configurations historiques du “prendre” » : l’échange symbolique, qui vise à la perpétuation des relations sociales par l’alliance, et n’autorise le « prendre » que sous la forme du « recevoir » ; l’échange marchand, qui est au plus près de la pronation directe et brutale, même s’il requiert des médiations institutionnelles (la monnaie, le droit…) ; et enfin une figure intermédiaire de l’échange qui, associant les deux premiers, se caractérise par une individualisation et une moralisation des rapports entre donateur et donataire. Le don/contre-don détournait la violence physique vers une violence symbolique, plus pacificatrice ; désormais, par la morale du désintéressement, sont intériorisés un discours et une pratique qui voilent la violence originaire des conatus jusque dans les intentions de la conscience individuelle. Les chapitres 3 et 4 sont alors consacrés à l’examen de ce dernier type d’échange. Dans le chapitre 3 (« Les jeux de l’intérêt »), F. Lordon se démarque de la lecture que propose Bartolomé Clavéro du don [6] : celui-ci nomme antidora la pratique du contre-don conçue, à partir du Moyen Age, en réaction à l’usure, trop visiblement intéressée. L’argent doit être prêté non par calcul mais par amitié ; il doit être rendu non par obligation juridique mais morale – l’antidora relevant d’une morale de l’honneur et de la gratitude, et le surplus éventuellement accordé au donateur par le récipiendaire étant nommé bénéfice, c’est-à-dire originairement bienfait (beneficium) rendu par grâce. [6] Lordon, p. 78.

 

De cette première figure de dénégation collective destinée à recouvrir les échanges intéressés du voile pudique de l’amitié pure, F. Lordon approfondit la logique par l’étude, dans le chapitre 4, « La tragi-comédie des bienfaits », de la doctrine des bienfaits élaborée quelques siècles plus tôt par Sénèque. Pourquoi « tragi-comédie » ? Il s’agit là d’une comédie sociale car, à travers l’hypocrisie de la reconnaissance, qui consiste à « payer d’affect » le donateur, tout est fait pour adoucir la violence symbolique du recouvrement de dettes (l’exaction). Contre l’ingratitude, Sénèque élabore une morale pour le donateur et le donataire ; mais ce faisant, il se montre sensible à ce qui menace de l’intérieur les rapports sociaux : « on peut donc parfois rire du bienfait mais ce contre quoi il tente de se battre n’est pas drôle. Ce que Sénèque veut tenir au loin, c’est le déchaînement des conatus pronateurs, cet état de catastrophe du social […]. Derrière la première obsession, qu’on aurait pu trouver superficielle, de l’ingratitude, il y en a une seconde, autrement plus profonde, celle du chaos social » [7] – la comédie comme antidote au tragique de la situation. [7] p. 145.

 

3/ Le conatus, force antisociale ?
Par cette insistance sur la rémanence du conflit dans le rapport social, le propos de l’auteur est encore plus spinoziste qu’il ne le dit. Spinoza en effet l’affirmait à sa manière, lorsque dans l’une de ses lettres, il définissait ainsi sa différence avec Hobbes : pour moi, il n’y a pas rupture, mais continuité entre l’état de nature et l’état social. Mieux : il y a continuation, persévérance, de l’état de nature à même l’état social. Ce qui signifie, puisque prévaut dans l’état de nature le droit de guerre, c’est-à-dire le conflit des puissances, que la société ne rompt jamais avec cette espèce de « guerre silencieuse », pour employer un mot de Foucault [8], qui caractérise les rencontres passionnelles entre les hommes. Les institutions diverses du monde social (comme la morale ou le droit) ne mettent pas fin aux logiques passionnelles à travers lesquelles s’affirme la puissance de chaque conatus ; elles les expriment de telle sorte que les hommes parviennent plus à se convenir qu’à s’opposer. Les consensus qui forment les communautés ne naissent donc pas moins des affects que les dissensus : une norme, morale ou politique, n’est suivie que par crainte des châtiments qu’encourt la désobéissance, ou par espoir des récompenses que promet l’obéissance. Mais alors, si les consensus comme les dissensus sont affectifs, si le droit positif comme le droit naturel sont des expressions avant tout passionnelles de la puissance de la multitude, on ne saurait réduire le conatus – comme l’auteur le fait parfois pourtant – à une « force fondamentalement antisociale » [9]. Une telle réduction reviendrait à flirter avec une conception qui devrait peut-être plus à Hobbes qu’à Spinoza : ce serait penser la nature humaine comme ce qui nécessairement nous divise et jamais ne peut nous unir ; ce serait penser l’artifice pacificateur du pouvoir du Léviathan comme l’envers de la puissance de division des passions naturelles. Chez Spinoza, la nature des hommes, c’est-à-dire la logique affective des conatus, ne conduit pas seulement au conflit : elle mène aussi à des concordes, à des unions, passionnelles souvent, rationnelles parfois. L’une des grandes difficultés de la pensée spinoziste, qui est aussi l’un des grands foyers d’interprétation de cette pensée aujourd’hui, est de saisir alors cette double articulation entre désunions et unions passionnelles d’une part, et entre compositions passionnelles et possibilité de leur rationalisation d’autre part.

[8] « Il faut défendre la société », Cours au Collège de France, Seuil/Gallimard, 1997, p. 16. Idée que Foucault exprime également en renversant la célèbre formule de Clausewitz : la politique, c’est la guerre continuée par d’autres moyens.

[9] p. 83.

 

Frédéric Lordon, cependant, n’est pas aveugle à ces problèmes, qu’il aborde à sa façon lorsqu’il entreprend la critique de la morale du désintéressement dans les deux derniers chapitres de son ouvrage (chapitres 5 : « Conatus, interesse, timesis  » et chapitre 6 : « Structures sociales et structures mentales de l’intérêt au désintéressement »). Cette critique convoque notamment la proposition 27 de la partie III de l’Ethique, qui porte sur l’imitation des affects : lorsque nous imaginons, dit Spinoza, qu’une chose semblable à nous, à l’égard de laquelle nous n’éprouvons aucun affect, est touchée par un certain affect, nous sommes alors déterminés à éprouver un affect semblable. Cette contagion des affects explique notamment le don charitable, qui provient non pas d’un élan de pur altruisme, mais de phénomènes passionnels qui dérivent directement de l’effort que chacun fait pour persévérer dans son être. Elle naît par exemple de la pitié, par laquelle nous éprouvons la tristesse que nous imaginons autrui éprouver, et qui nous pousse à la chasser – en autrui comme en nous-mêmes, en autrui parce qu’en nous-même. Le conatus affecté est un effort pour détruire toutes nos diminutions de puissance (nos tristesses) et conserver toutes nos augmentations de puissance (nos joies). Mais à cette forme passive de la bienveillance s’ajoute, comme le montre F. Lordon, une forme active : car il existe une véritable générosité, rationnelle, qui n’est autre qu’un intérêt à soi-même bien compris. A l’illusion d’une générosité désintéressée, il oppose les intérêts d’une générosité rationnelle. Le spinozisme est pour lui est un « utilitarisme de la puissance » [10], qui ne nie pas la réalité du don, mais distingue un « don de servitude », qui n’est qu’un marché de dupes, d’un « don de fortitude » [11], fondé sur l’idée qu’il n’y a rien de plus utile à l’homme que l’homme. Être autant que possible utile aux autres pour l’unique et bonne raison d’être le plus utile à soi, telle est la perspective éthique de la philosophie spinoziste. Il serait d’ailleurs intéressant de confronter cette finalité éthique avec celle du stoïcisme, que l’auteur évoque peu lorsqu’il examine la théorie des bienfaits de Sénèque : n’y a-t-il pas également dans cette conception de l’usage réglé du bienfait la recherche d’une certaine coïncidence à soi-même ? La distinction entre d’une part ce qui relève de notre propre liberté et qui seul doit être recherché (l’accord avec autrui pour être en accord avec soi) et d’autre part ce qui est certes préférable mais jamais ne dépend vraiment de nous (la gloire, la reconnaissance) ne fonde-t-elle pas l’éthique stoïcienne des bienfaits ? Il y aurait là quelques pistes de discussion à ouvrir. [10] p. 158. [11] p. 157.

 

Reste toutefois, comme le montre l’auteur, que la plupart des activités donatrices relèvent de mouvements passionnels plutôt que rationnels, en quête de profits de moralité qui tiennent le plus souvent au contentement obtenu par l’approbation du groupe. Comme le rappelle l’auteur à la suite de Bourdieu, « la reconnaissance du groupe va d’abord à ceux qui reconnaissent le groupe » [12] : le conatus individuel participe d’un conatus collectif, d’un effort de persévérance du groupe qui nous permet d’interpréter le don moral à sa juste mesure : ce don unilatéral (sans attente de retour) est non pas la scène où disparaît le public pour faire triompher l’intention pure, comme le pense par exemple M. Hénaff [13] ; mais le résultat d’un travail d’intériorisation des exigences de la société en une conscience morale individuelle. « La coïncidence du payé et du payeur n’est possible que par le branchement de son petit circuit de paiement sur la grande banque centrale du collectif moral. Et les affects de contentement dont il se rémunère en apparence lui-même ont en fait pour condition d’être tirés sur une ligne de crédit abondée par le groupe comme pool de ressources affectives. Le groupe oublié ou passé sous silence, la conscience morale peut se raconter tous les mensonges de l’autonomie et se donner toutes les fausses impressions de la souveraineté judiciaire. Ou bien se contenter de baigner sans autre interrogation dans la félicité des affects joyeux » [14].

[12] p. 82.

[13] Le prix de la vérité. Le don, l’argent, la philosophie, Seuil 2002.

[14] p. 189-190.

 

Qu’il s’agisse de don de pacification (don cérémoniel), de don de coopération (don de sociation) ou de don unilatéral (don de charité), la structure qui se déploie dans l’histoire du don est pour Frédéric Lordon toujours identique : il s’agit d’intéresser le conatus individuel au désintéressement, de le plier aux normes d’un conatus social par un processus qui équivaut – pour reprendre le vocabulaire d’une certaine veine psychanalytique qui irrigue tout l’ouvrage – à une « sublimation » de la violence pronatrice originaire et à une « dénégation » des profits de prestige, extériorisé ou intériorisé. Ce processus, plus que d’une décision individuelle ou collective, relève d’un « procès sans sujet » : il se manifeste, en chaque individu, par une forme mentale de sens pratique, de timesis dit l’auteur, qui est aptitude à apprécier ce qu’il faut donner, recevoir et rendre, et comment il faut le faire, sans avoir à le mesurer. Ainsi est mise au jour, par cette anthropologie spinoziste du don, une rationalité collective sans calcul rationnel : un procès de civilisation du groupe par lui-même.

 

4/ Contre-lecture, par Lorenzo Vinciguerra
Sous l’égide de la définition du conatus spinoziste, le livre de Frédéric Lordon entend établir les fondements scientifiques d’une anthropologie économique. C’est aussi un essai remarquable sur le don, soutenu par une argumentation rigoureuse et cohérente, servie par une écriture vigoureuse et brillante. Proche de la pensée bourdieusienne d’une économie générale des pratiques, sensible aux lectures de Spinoza faites par A. Matheron et par L. Bove, le conatus est ici redéfini comme intérêt, compris comme radical intérêt à être et à persévérer dans son être. De cette forme « matricielle », peuvent alors être tirées comme on le ferait d’une définition adéquate toutes les propriétés de l’intérêt, les figures du calcul utilitariste comme celles du don en apparence désintéressé. Se trouve dès lors reconduite à une seule et même racine la fausse antinomie entre homo economicus et homo donator. C’est le premier apport de ce livre : renvoyant dos-à-dos deux paradigmes anthropologiques, il se dégage d’une polémique destinée à rester sans vainqueurs ni vaincus entre les tenants d’une « anthropologie enchantée du don » et les défenseurs d’une anthropologie utilitariste qui a servi de fondement à théorie standard de l’économie dominante. J’éviterai ici de répondre à la question de savoir si les positions défendues par certains représentants du M.A.U.S.S. ont été bien comprises ou bien caricaturées, d’une part parce que ce débat a déjà eu lieu au sein du M.A.U.S.S. lui-même, d’autre part parce que tel n’est pas l’enjeu principal du livre. Car s’il accepte de se situer dans ce débat, ce n’est pas pour s’y épuiser. Son intention est différente. Il s’agit plutôt de repenser les principes de l’anthropologie à partir de ce lieu théorique, où l’anthropologie prête ses concepts à la sphère des pratiques économiques. Le but est donc de réorienter la pensée économique à partir des principes que celle-ci emprunte à une autre science. Tel est bien l’intérêt proprement philosophique de cet ouvrage qui a attiré à juste titre l’attention autant des anthropologues, des économistes que des philosophes. Je vais donc porter l’accent sur la partie plus conceptuelle de l’essai, le premier chapitre intitulé « le problème des choses ».

 

5/ Le concept de conatus-intérêt
« Chaque chose, autant qu’il est en elle, écrit Spinoza, Ethique III, proposition 6) s’efforce de persévérer dans son être ». C’est en ce lieu que vient s’ancrer le noyau théorique du livre. Si le conatus est essentiellement effort, il est aussi fondamentalement intérêt, au sens d’un intérêt à se maintenir dans l’être, intérêt à effectuer ses puissances et à les accroître. Pour Lordon on ne sort de l’alternative des figures de l’« intérêt utilitaire » et du « désintéressement », du calcul intéressé et de l’altruisme, que par un recentrage métaphysique sur la notion d’intérêt comprise comme égocentrisme radical, au sens où exister c’est être foncièrement intéressé à soi et pour soi (p. 34-35). L’approche est classique : il s’agit de repenser l’articulation entre le plan de l’essence et celui de l’existence. Plongée dans le bain de l’histoire, l’essence métaphysique du conatus-intérêt livre sa première propriété : la pronation violente sans frein ni limites. Mouvement brut de l’intérêt à l’état de nature, le prendre pour soi, conçu ici sur le modèle de l’ingestion, du métabolisme ou de l’égoïsme de la survie, est élu à fondement de tout échange marchand. Aussi, l’effort et le processus de civilisation ne feraient que découler de cette nécessité bien humaine de juguler, aménager, détourner, éduquer cette expression primordiale du prendre, qui risque à tout moment d’éclater en violence. Don et contre-don répondent à ce même impératif de réfrènement, de domestication et de sublimation de la pulsion prédatrice, antidote à une économie générale de la violence, dans laquelle les relations des hommes aux choses précèdent les relations des hommes entre eux. Aussi est-on conduit à admettre que « le problème civilisationnel n’a pas de tâche plus urgente que la mise en forme du prendre » (p. 39), et que « le don ne pas être premier », dans la mesure où le problème primitif c’est le prendre, et que le don est une institution qui suit d’une nécessité antécédente (p. 42). Le cadre théorique s’énonce ainsi clairement : « l’anthropologie historique précède toute praxéologie sociale ».

 

6/ Une perspective spinoziste ?
On peut se demander toutefois si derrière les intentions affichées d’un recours à Spinoza, ce n’est pas plutôt la pensée de Hobbes qui travaille en sous-main la partie plus théorique de l’essai. Notamment par l’idée que la dispute anarchique des choses serait au fondement de la relation entre les humains, autrement dit que « la première réciprocité négative ». Pour Frédéric Lordon c’est l’échange de coups autour d’un objet que deux puissances pronatrices se déchirent, qui inaugure tragiquement la rencontre entre deux individus (p. 52). On retrouve ici dans l’expérience de pensée imaginée pour concevoir l’entrée en société la fiction propre à la pensée politique classique qui va de Hobbes à Rousseau. Sont perceptibles aussi la veine « marxiste » et l’influence de lectures qui dans le sillage de Matheron ont voulu lire dans le conflit passionnel la constitution principielle du lien interhumain. Si l’investiture du prendre pour soi comme attribut principal de l’intérêt a bien le mérite d’indiquer les limites d’une position consistant à élire naïvement le don et la donation comme élan premier (sur cet aspect critique, on ne peut qu’être d’accord avec l’auteur), elle en paye le prix. Affirmer en effet que « dans le monde humain, le problème du social naît au moment où deux conatus se rencontrent et s’affrontent pour la capture d’une proie » (p. 51), c’est décider aussi que la rencontre est d’abord dispute de choses. C’est inévitablement concevoir la nature de la co-existence sur le seul modèle de la concurrence et de la lutte. Il ne s’agit pas de sous-estimer les réalités dramatiques des réciprocités négatives, mais plutôt de se demander si le lien social est pensable à partir de cette seule négativité, autrement dit si l’existence des intérêts individuels est elle-même pensable indépendamment d’un ordre de « relations aux autres », où la « relation aux choses », avancée comme première par Lordon, se trouve toujours déjà prise. Entendons-nous bien : il ne saurait être question d’aller dans le sens de ce dont l’auteur montre parfaitement les limites chez un hégélien comme Kojève, à savoir d’une primauté anthropologique des relations symboliques (le prestige) sur les rapports physiques (la relation aux choses), mais peut-être tout simplement de considérer qu’il n’y a pas l’un sans l’autre, c’est-à-dire que le moment symbolique n’est à penser ni après ni avant, mais avec celui des choses. Ici se joue l’un des enjeux majeurs du livre, qui affecte directement les destins d’un programme spinoziste en sciences humaines, ainsi que Frédéric Lordon entend ambitieusement le développer. Elle concerne la manière de comprendre ce que Spinoza appelait individuum, dont la première particularité est de ne pas être substantiel. Cette question nous ramène à cœur même de la notion d’intérêt individuel. Or, peut-on vraiment s’aider de Spinoza, pour soutenir avec Lordon que « l’intérêt à soi et pour soi » est encore envisageable isolément, c’est-à-dire abstraction faite de la multitude humaine dans laquelle il est non seulement historiquement, mais aussi ontologiquement inséré ? Puisqu’il n’est pas substantiel, ne faut-il pas penser plutôt que chaque conatus individuel se trouve toujours déjà pris et compris dans une vie-à-plusieurs qui en conditionne l’existence jusqu’à celle de son « soi » ? Plutôt que cette chose qui a des relations avec des choses, l’intérêt-conatus ne désigne-t-il pas plutôt un être de relations (inter-esse), notamment avec celles et ceux qui permettent d’en définir l’individualité ? Que l’on relise la définition de l’individuum, on n’y trouvera aucune substance qui précède les relations dont il se constitue, et qui le font tenir à soi comme aux autres. Dans ces conditions, ne faut-il pas penser la multitude comme ce sol d’immanence soutenant l’être des self-interests ? Dès lors il n’y aura plus motif de se demander si le conatus-intérêt est pré- ou a-social (telle est en effet la problématique hobbesienne), car l’individu ne précède pas la multitude. Ce qu’il peut y avoir d’antisocial dans les passions prédatrices et destructrices des conatus-intérêts ne remet pas en cause ses conditions de possibilité au sein d’une vie commune. Au contraire, même l’antisocialité la plus insupportable ne fait que réaffirmer les liens essentiels qui lient les individus entre eux. Quoi qu’il fasse et pense, l’individu humain a beau être de toutes ses forces contre les autres, il ne l’est jamais que tout contre eux. Telle est la condition de son être mode. Il reste que c’est avec une grande cohérence que les figures de l’intérêt sont poursuivies par Lordon jusque dans leurs derniers retranchements, là où, dans les profits déniés de la morale et dans le mensonge à soi-même du désintéressement, elles finissent par se cacher à elles-mêmes. Comme naguère La Rochefoucauld et les moralistes du grand siècle, Lordon démasque avec talent les faux-semblants de la comédie sociale (cf. le chapitre consacré aux Bienfaits de Sénèque), au risque cependant de masquer à son tour la réalité d’un être qui n’est rien sans les autres. Nous sommes singuliers parce que nous sommes plusieurs. La singularité de chacun n’existe que dans le champ d’une vie commune. La multitude est la condition et la limite de notre vouloir être absolument. (par Pascal Sévérac [26-03-2008])

 

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Aller plus loin / Cet article est publié en partenariat avec le Collège international de philosophie, qui organise dans le cadre des Samedis du Livre, une matinée sur l’ouvrage de F. Lordon le samedi 29 mars (9h30-12h30). Amphi Stourdzé, Carré des Sciences, 1 rue Descartes, 75005, Paris, sous la responsabilité de Pascal Sévérac. Intervenants : Sophie Audidière, Bernard Gazier, Frédéric Lordon, Pascal Sévérac, Lorenzo Vinciguerra.

Si vous souhaitez critiquer ou développer cet article, vous êtes invité à proposer un texte au comité de rédaction. Nous vous répondrons dans les meilleurs délais : redaction@laviedesidees.fr.

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